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Partie I. De l’imprimerie à la constitution d’une pratique éditoriale

I.2. Mise en place de l’éditeur et du champ éditorial

I.2.1. Naissance de l’éditeur

I.2.1.1. Le terme « éditeur »

L’édition comme le livre, le papier ou l’imprimerie renferme une histoire structurée et évolutive. Plus tardive que le livre, l’histoire de l’édition n’a que récemment fait l’objet de recherches à part entière. Les chercheurs se sont d’abord intéressés au livre et à l’imprimerie, avant de considérer l’édition comme un objet d’étude.

A l’origine, l’histoire de l’édition était englobée dans celle du livre, puis elle s’en est progressivement détachée. L’émergence du terme « éditeur » et son personnage date des débuts du XIXème siècle en France. Le mot éditeur se fera très vite connaître et va désigner dans une acception polyvalente,

l’agent qui assure le montage financier, la supervision technique et la publication d’un ouvrage.127

Cette définition nous donne à voir l’éditeur comme responsable d’une structure chargée d’assurer la conception et la matérialisation d’un ouvrage.

De même, à la question qu’est-ce qu’un éditeur ? D’autres diront d’une façon plus exhaustive, L’éditeur est la personne physique ou morale qui choisit l’œuvre à éditer, qui la fabrique en nombre, qui la publie, qui la diffuse. Nous entendons ici le véritable éditeur et non le spécialiste du compte d’auteur. L’éditeur peut être une personne physique, une société commerciale, une association sans but lucratif… Il n’est toutefois pas nécessaire d’être éditeur pour éditer un livre. En fait office quiconque publie un ouvrage pour le mettre en vente. D’après la loi du 29juillet 1881, « l’imprimerie et la librairie sont libre » (article1er). L’éditeur est parfois aussi libraire, imprimeur, auteur… Et l’on parle alors de libraire-éditeur, d’imprimeur-libraire-éditeur, d’auteur-éditeur… L’éditeur a une double mission : rechercher des textes à publier et trouver un public pour les lire. Il est doué, à la fois de sens esthétique et commercial. Avec son argent, à ses risques et périls, il publie les œuvres qu’il a choisies parce qu’il les croit valable et les met à la disposition du public. Pour ce faire, il se substitue à l’auteur à des conditions déterminées dans le contrat d’édition en respect de la loi sur la propriété littéraire et artistique.128

De même, de nombreux auteurs de dictionnaire ont donné des définitions au mot éditeur, parmi lesquels Trévoux :

L’éditeur est auteur, homme d’étude qui a soin de l’édition de l’ouvrage d’un autre et pour l’ordinaire d’un Auteur ancien ; car l’Editeur ne se dit ni des ouvriers imprimeurs, ni d’un Auteur qui imprime ses propres ouvrages.129

Trévoux donne une définition distincte du métier d’éditeur, le dissociant déjà de l’ouvrier chargé de la mise en forme. De même, le Dictionnaire de l’Académie française donnera une définition à l’éditeur, le considérant comme,

127 Pascal Durand, Anthony Glinoer, Naissance de l’éditeur, « L’édition à l’âge romantique », Paris-Bruxelles, Editions les impressions nouvelles, 2005, p.19.

128 J. M. Mondelo, Du Manuscrit au livre ou comment publier ses œuvres, Paris, M. Pratiques, 1989, pp. 50-51.

129 Dictionnaire de Trévoux, 1743, In Naissance de l’éditeur, « L’édition à l’âge romantique », op. cit,. p.20.

celui qui fait imprimer les ouvrages d’autrui en se donnant quelques soins pour l’édition.130

Ici, l’éditeur remplit à la fois le rôle de l’homme d’étude et celui d’ouvrier, cette représentation est jugée plus moderne au regard du rôle de l’éditeur de nos jours.

Dans les petites structures, l’éditeur cumule les rôles de gestionnaire et de chef d’entreprise avec ceux de créateur et d’artisan, liant ainsi la dimension culturelle et la dimension industrielle.131

Jean-Marie Bouvaist a également réuni dans son ouvrage, Pratiques et métiers de l’édition, un certain nombre de définitions du terme édition et ses dérivés, pour

Littré : « Editer, c’est publier en parlant d’un livre » ou de manière plus professionnelle, on retenait la formule du comité d’organisation des industries et des arts et commerce du livre (1943) : « Fait acte d’édition celui qui sous la responsabilité publie et met en vente des ouvrages personnels ou d’autrui, en les imprimant ou faisant imprimer, en les reproduisant au faisant reproduire, sous toutes les formes appropriées et qui en assure personnellement la diffusion. » [environ 30 ans plus tard], Le syndicat national de l’édition (…) fait éclater la définition : « L’édition comprend les publications de toutes natures réalisées et communiquées au public sous quelques formes et sur quelques supports que ce soit de reproduction et de représentation » le sixième plan précise l’édition « produit les œuvres de l’esprit et la matérialisation ou la distribution de celles-ci que sont que des activités annexes qui peuvent qui peuvent être, et qui sont la plupart du temps sous-traitées ».132

Dans ces différentes définitions, le livre est présenté comme support matériel d’un message et l’éditeur comme acteur chargé de la mise en forme du livre.

L’éditeur tel qu’il apparaît au XIXème siècle est un agent à la tête d’une entreprise, mais également au service d’une chaîne générale dans laquelle il se charge comme les autres ouvriers de la production. L’éditeur et l’ensemble de ses collaborateurs sont les acteurs de la chaîne dont ils ont la charge. En effet, de nombreux auteurs ont donné une définition de

130 Dictionnaire de l’académie française, 1849, In Naissance de l’éditeur, « L’édition à l’âge romantique », op. cit., p.22..

131 Gilles Colleu, Editeurs indépendants : de l’âge de raison vers l’offensive ?, Paris, Alliance des éditeurs indépendants, 2006, p.65.

l’éditeur en fonction de son rôle dans la chaîne de production du livre. Curmer133, quant à lui, définit l’éditeur en tenant aussi compte de l’aspect entreprise. Il le place au sommet et aux commandes de son entreprise ; aussi la nouvelle fonction, celle d’éditeur apporte-t-elle une redistribution des rôles d’une manière générale et une réorganisation du système spécifique dans lequel sa fonction se manifeste.