• Aucun résultat trouvé

Partie I. De l’imprimerie à la constitution d’une pratique éditoriale

I. 2.2.1. « L’indépendance éditoriale »

I.4. Organisation et institutionnalisation de l’entreprise éditoriale

I.4.3. Les choix du personnel, de la spécialisation et de l’appareil juridique

I.4.3.3. Formes juridiques et droit dans l’édition

La sphère juridique dans les métiers du livre en général et dans le domaine de l’édition a évolué au fil du temps. Comme dans une entreprise classique, l’entreprise éditoriale est soumise tant au droit appliqué aux entreprises qu’au droit sur son produit, c’est-à-dire le livre. L’édition a recours au droit tant en interne qu’en externe. En effet, le travail juridique constitue un préalable qui précède la sortie d’un ouvrage. Et après sa publication, l’éditeur a toujours recours au droit, ce, en cas de vente ou de cession des droits dérivés et l’encadrement juridique se poursuit jusqu’à la commercialisation de l’ouvrage. Cela, dans l’optique de prolonger la vie du livre. Hormis le droit appliqué sur le livre, des contrats sont également établis pour les différents intervenants dans la chaine du livre. En édition, les contrats se font à tous les niveaux, de l’auteur au directeur de collection en passant par le préfacier, l’illustrateur etc. c’est principalement dans les grandes maisons que nous retrouvons un service juridique.

Pour tout responsable éditorial, la présence d’un service juridique intégré représente une aide appréciable et sécurisante, d’autant que celui-ci connaît toutes les orientations de l’entreprise, les usages et subtilités (…) Le responsable du service juridique a un vrai

256 Bertrand Legendre et Corinne Abensour, Regards sur l’édition, « II- Les nouveaux éditeurs (1988-2005) », op. cit, p.46.

rôle d’arbitre : la défense des intérêts de sa maison et le respect de la législation en vigueur (…) exige qu’il déploie de réelles qualités de diplomate.257

Trois principales formes juridiques peuvent être appliquées à l’entreprise éditoriale :

(i) il y a la forme associative qui concerne des motivations de nature culturelle, dans ce cas, la finalité économique ne vise pas l’enrichissement mais simplement un équilibre des comptes. Cette forme a l’avantage de permettre à ses utilisateurs d’exercer l’activité éditoriale, tout en conservant dans certains cas, une autre activité rentable. Les autres statuts sont dits pour des entreprises.

Le statut d’entreprise, même si celle-ci est modeste, exprime une volonté d’affirmer une démarche professionnelle vis-à-vis de leurs interlocuteurs, vers l’aval de la chaîne notamment dans tout le processus de commercialisation, mais aussi par rapport aux auteurs.258

(ii) Il y a la forme juridique individuelle (EIRL)259, celle-ci est utilisée lorsque la taille du projet économique est modeste et la finalité économique y est tout de même présente.

(iii) Il y a également des sociétés commerciales qui peuvent se décliner comme des EURL, SA, SARL, SAS, SASU, SNC etc.

Sans prétendre nous étendre sur des notions techniques liées au droit, nous tenons à préciser que le choix d’une forme juridique donnée par rapport à une autre est en amont, l’objet d’une étude minutieuse auprès de spécialistes. Car elle implique un certain nombre de conséquences sur la fiscalité, la protection social des dirigeants et associés. Tels sont les différents profils juridiques auxquels une maison peut avoir recours.

Cependant, l’organisation des tâches juridiques varie d’une maison à une autre. Les grandes structures disposent souvent d’un service juridique composé de diverses compétences à savoir un juriste en charge du droit de la propriété littéraire et artistique, un autre en charge du droit commercial, et un autre encore chargé du droit du travail pour ne citer que ceux-là. Des structures moins grandes disposent souvent d’un seul juriste jouant un rôle pluridisciplinaire. Les maisons plus modestes ont quant à elles recourent à des services ponctuels auprès d’un avocat ou d’un juriste spécialisé. Selon les compétences et spécialités employées, certaines tâches liées au droit peuvent être effectuées en interne ou par certains services (tel le service comptable) quand ceux-ci ne nécessitent pas l’intervention d’un expert. L’éditeur et ses

257 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.272.

258 Bertrand Legendre et Corinne Abensour, Regards sur l’édition, « I- Les petits éditeurs. Situations et perspectives », op. cit, p.35.

assistants se doivent d’être de fin connaisseurs du droit du livre, cela permet de prévenir d’éventuels dérapages et limiter la prise de risque.

Cette prise de risque peut se faire après avoir consulté un spécialiste (…). Cela permet à l’éditeur de mieux évaluer la probabilité d’un contentieux, d’en provisionner le coût éventuel, de procéder à des ajustements, voire de renoncer totalement à un projet intellectuellement ou commercialement attrayant mais juridiquement trop dangereux.260

Une bonne aisance en droit de l’édition permet de prévenir la menace d’un contentieux et échapper ainsi aux dommages et intérêts qui pourraient survenir à la suite d’un procès. En effet, en cas de litige, la maison dépense aussi en termes de ressources humaines, de frais de justice qui pèsent souvent sur les comptes. C’est pour cela qu’une politique éditoriale réussie engage la bonne gestion de la dimension juridique.

De même, certains projets éditoriaux ou certains ouvrages peuvent être soumis à la relecture d’un avocat pour déceler d’éventuels phrases, développements ou propos diffamatoires qui pourraient des atteintes ou violation à la vie privée. La maison d’édition peut en cas de passages litigieux procéder à la modification ou à la renonciation d’un projet.

Tous les types d’entreprise font face aux problèmes juridiques avec des particularités liées à leur activité. L’édition quant à elle est souvent confrontée en partie aux mêmes difficultés que les entreprises commerciales. Bon nombre de ses problèmes se situent également au niveau des droits du travail, des droits d’auteurs, du droit de l’information et à la promotion des ventes. Le droit du travail dans une maison d’édition s’intéresse à la classification des travailleurs, et à pouvoir distinguer les employés des agents de maîtrises, des techniciens et des cadres. Cela dépend bien évidemment des différentes maisons. Le personnel peut également être détenteur de droit dans une structure éditoriale en cas de création par exemple de création de quatrième de couverture, de site internet etc.

Parmi les cas de litige juridique retrouvés dans l’édition, le principal reste le droit de la propriété littéraire et artistique. Celui-ci fait appel à la vigilance de l’éditeur,

Le droit de la propriété littéraire et artistique est bien entendu au cœur de la sphère juridique applicable à l’édition. Il s’agit là (…) d’un des points essentiels que tout éditeur doit si ce n’est maîtriser parfaitement, à tout le moins connaître suffisamment pour, le cas échéant, savoir identifier une difficulté et la soumettre à un professionnel du droit.261

Le droit de la propriété littéraire et artistique est encore appelé droit d’auteur, il permet de protéger des créations protégées. En amont de son application, il sied de déterminer ce qui

260 Bertrand Legendre, Les métiers de l’édition, op. cit, p.271.

est protégé, il s’agit des créations d’auteurs ayant pris à la fois une forme matérielle et intellectuelle et ayant un caractère original. Les œuvres dérivées établies à partir d’ouvrage préétablis en font également partie. Dans le cas de la France, c’est le Code de la propriété intellectuelle qui établit la liste indicative des œuvres protégeables.

Le droit de la propriété littéraire et artistique se décline sous deux catégories de droits applicables sur les œuvres protégées. Il y a d’une part, les droits patrimoniaux qui renferment les droits de reproduction et de représentation. Ce sont des droits qui peuvent être cédés en partie ou en totalité et faire partie du « domaine public ». D’autre part, il y a les droits moraux qui se déclinent par les droits de divulgation, de retrait, de respect du nom et de respect de l’œuvre. Contrairement aux droits patrimoniaux, les droits moraux ne peuvent ni être cédés ni rejoindre le domaine public. Cependant, il existe des cas d’exception dans l’application des différents droits.

Les questions juridiques sont bien plus vastes dans le domaine du livre et de l’édition, nous avons esquissé les grandes lignes afin de mettre en évidence quelques éléments, notamment ceux qui sont en rapport avec notre travail.

Conclusion partielle

La première partie de notre travail est structurée avec différents éléments qui retracent brièvement la vie du livre depuis ses origines jusqu’à la mise en place du livre, de la lecture et de la pratique éditoriale tels que nous les connaissons aujourd’hui. Aborder les origines du papier dans le monde Arabe et occidental nous a permis de nous imprégner des codes de fabrication artisanale, puis par la suite de la méthode industrielle qui a révolutionné la fabrication artisanale. Apportant ainsi des progrès multisectoriels, tant dans la diffusion que dans la consommation. De la fabrication du papier s’en est suivi celle du livre, ainsi que de nombreuses innovations dans l’écriture des textes. En effet, le livre et le texte ont principalement été marqués par le passage du manuscrit à l’imprimé, la réorganisation du texte sur la page, les systèmes de repérage. Ce sont là un ensemble d’éléments qui ont favorisé à la fois la présentation du texte et du livre et les différentes évolutions. Ces dernières ont à leur tour fait du livre un objet de forte consommation, le livre a été vulgarisé, la production en masse lui a permis d’être à la portée de tout le monde. Cela a par la suite amené l’implication des Etats et bien avant des royaumes. Ils avaient pour but de mettre en place un dispositif règlementaire autour du livre, celui-ci allait se saisir de l’industrie du livre, contrôler les publications et plus tard veiller à mettre le livre à la disposition du peuple par la création des bibliothèques publiques. De même, l’entreprise éditoriale a connu une évolution remarquable dans sa mise place physique, son fonctionnement, ses aspirations juridiques ainsi que la formation de son personnel.

L’édition de nos jours obéit à une organisation encore plus minutieuse qui pend en compte tous les éléments qui gravitent autour du livre, en d’autres termes, sa production et sa commercialisation. Nous avons délibérément amorcé notre travail bien ciblé sur l’édition au Gabon par un aperçu beaucoup plus vaste pour ensuite arriver à notre principal objet, et ainsi montrer les manifestations de la manipulation et de l’adaptation que présente la pratique de l’édition. Cette première partie nous a permis de revisiter le fonctionnement du livre et de l’édition en Occident, car c’est beaucoup plus récemment que l’Afrique noire francophone a vu la mise en place des structures du livre avec pour référence le modèle occidental. Il est vrai que le livre et l’édition sont des industries culturelles qui s’imprègnent du lieu dans lequel ils sont pratiqués, mais dans notre seconde partie avec le cas précis du Gabon, nous avons une double influence dans laquelle le livre et l’édition oscillent : l’héritage occidental et la culture gabonaise. Nous verrons comment le livre et l’entreprise éditoriale gabonais parviennent à trouver un équilibre.

Partie II. Etat des lieux et réception de l’industrie éditoriale en Afrique