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Partie II. Etat des lieux et réception de l’industrie éditoriale en Afrique francophone, cas du

II.1. Le livre et l’édition en Afrique noire francophone : portée et avancées du secteur

II.1.2. Catégorie éditoriale en Afrique noire francophone : les éditeurs et les secteurs

II.1.2.1 Les partenariats de coédition

Les partenariats de coéditions datent d’une manière générale des années 1950-1960, en Afrique noire francophone. La coédition n’est pas faite sur tous les types d’ouvrages, elle concerne surtout les secteurs tels que les encyclopédies, les ouvrages techniques et scientifiques, les dictionnaires, les manuels scolaires, les livres de jeunesse et bien d’autres. Les règles dépendent souvent de la nature de l’ouvrage. En Afrique noire francophone, les partenariats de coédition se font essentiellement sur les livres scolaires et les livres de jeunesse, très souvent aussi sur les ouvrages critiques. La coédition consiste à racheter des droits sur un titre préexistant en vue de le rendre disponible dans d’autres marchés. A l’inverse nous avons la coproduction qui consiste à concevoir et monter ensemble un projet. Nous relevons deux principaux type de coédition, la coédition commerciale qui est celle qui se

pratique la plus en France, elle consiste pour un ou plusieurs partenaires de préacheter ou acquérir des exemplaires d’un ouvrage auprès d’un éditeur en vue de les commercialiser par leurs réseaux de vente :

Un ou plusieurs éditeurs prennent contractuellement l’engagement d’acquérir auprès d’un autre éditeur, propriétaire des droits, un nombre ferme d’exemplaires, appelé «part de coédition». Cette forme de coédition est très souvent choisie par les éditeurs publics dont l’activité éditoriale est peu développée sur site. Les éditeurs qui ont opté pour ce système l’ont choisi pour la simplicité de gestion qu’il offre. Plusieurs éditeurs scientifiques et techniques, dont l’activité éditoriale ne constitue pas l’activité principale de l’établissement, ont opté pour cette convention de coédition. Bien que ce choix ne les positionne pas comme éditeur principal, ils sont le plus souvent à l’initiative du projet de coédition et sollicitent un coéditeur dans une perspective d’élargissement de la diffusion de l’ouvrage publié.318

Cette forme de coédition est possible dans un contexte où le secteur du livre et de l’édition sont suffisamment développés.

Il y a la coédition solidaire qui est la forme que nous retrouvons le plus en Afrique. Elle consiste à produire un ouvrage par plusieurs éditeurs. Un éditeur est titulaire, c’est lui qui assure la réimpression, les autres sont à des pourcentages divers des coéditeurs.

Cette forme de convention repose sur un apport mutuel des cocontractants dans le projet éditorial et sur le partage des bénéfices et des pertes, à hauteurs des engagements respectifs. Le partage des apports à 50/50 n’a aucun caractère obligatoire. Certains éditeurs s’efforcent d’être majoritaires dans l’apport, afin de garder le contrôle de la réimpression en particulier. Le partage des bénéfices s’effectue en proportion de l’apport initial de chacun. L’usage désigne généralement, dans ce type de coédition, un coéditeur principal ou coéditeur délégué, qui gère la diffusion. Le plus souvent, l’ISBN de l’ouvrage qui figure en 4ième de couverture reprend la racine de l’éditeur principal pour des raisons d’identification auprès des détaillants. Mais rien n’interdit de faire figurer les deux ISBN dans la mention du copyright.319

318 « Les différentes formes de coédition des éditeurs publics », source : http://www.culture.gouv.fr/culture/guides/dll/Guide_coedition_2008.pdf [consulté le 12 septembre 2017]

319 Les différentes formes de coédition des éditeurs publics », source : http://www.culture.gouv.fr/culture/guides/dll/Guide_coedition_2008.pdf [consulté le 12 septembre 2017].

Cette forme de coédition est celle que nous retrouvons en Afrique noire francophone, le partage des coûts de production est le principal motif car les raisons financières sont celles dont l’édition en Afrique francophone manque le plus. C’est le cas des Editions Ruisseau d’Afrique de Béatrice Laninou Gbado à Cotonou au Bénin. Des formes juridiques spécifiques encadrent chaque type de coédition.

Malgré les nombreuses faiblesses, l’édition en Afrique noire francophone tente de se faire une meilleure place, par les pistes qu’elle exploite pour y parvenir. Nous avons le développement des coéditions qui présente de grands avantages pour les éditeurs d’Afrique. Cela favorise le partage des coûts financiers et des charges liées à la production. Ces partenariats de coédition se font aussi bien avec les éditeurs occidentaux qu’avec les éditeurs africains. Parmi les coéditions avec les éditeurs du Nord, nous avons les Editions Edicef qui établissent des accords de coédition et de diffusion avec plusieurs éditeurs africains, à l’exemple du Bénin avec le Flamboyant, du Cameroun avec C.L.E, de la Côte d’Ivoire avec les N.E.I, de la Guinée-Conakry avec Ganndal, du Mali avec le Figuier et du Sénégal avec les N.E.A.S. Ces partenariats sont des coéditions solidaires qui permettent un partage des coûts avec les éditeurs ayant suffisamment de moyens financiers, mais aussi l’expérience des éditeurs comme les Editions Edicef est un solide avantage pour les structures éditoriales qui se trouvent en Afrique et sont souvent confrontées au problème de finances, mais encore plus au manque de personnels qualifiés. De plus, certains programmes ont souvent encouragés les partenariats éditoriaux entre les éditeurs occidentaux et les éditeurs de la sous-région, c’est le cas du programme décennal « Livre plus » lancé en 1972 dont le but était de mener des programmes de lecture dans certaines sociétés en créant des manuels visant à optimiser l’apprentissage de la lecture. Ces partenariats solidaires entre les éditeurs occidentaux et ceux de l’Afrique noire francophone sont souvent et cela jusqu’à aujourd’hui d’un import important dans la réalisation des ouvrages scolaires, c’est le cas des Editions Edicef. Malheureusement le non respect des engagements mutuels qui provient souvent des éditeurs africains vient souvent perturber ces arrangements qui pourtant profitent grandement aux populations africaines.

Nous pouvons également relever les coéditions Sud-Sud ou panafricaine avec

la collection « Le scribe et le griot » publiée par trois éditeurs d’Afrique subsaharienne : Ganndal en République de Guinée, Jamana au Mali et le Flamboyant au Bénin. En explorant les richesses et les cultures de l’Afrique francophone, cette collection s’était

donner pour but d’initier à la lecture et à l’écriture, à l’aide d’un matériel pédagogique d’appuis à l’enseignement du français et des langues étrangères.320

Malheureusement les initiatives de ce genre sont encore peu nombreuses. Les Editions Ruisseau d’Afrique au Bénin ont à leur actif de nombreux partenariats de coéditions solidaires avec d’autres structures éditoriales africaines. La coédition est pour beaucoup d’éditeurs africains une condition d’émergence pour l’édition et pour les éditeurs. Ces partenariats permettent aux éditeurs les moins connus ou plus jeunes dans le métier lorsqu’ils coéditent avec les plus connus de se donner plus de visibilité. La coédition présente de nombreux avantages, mais peu d’éditeurs africains y ont encore recours. Comme en Occident, le partenariat se déroule te tel sorte que le montage est fait par l’éditeur ou la maison d’édition à l’origine du projet qui assure le travail de préparation et de production, tandis que les éditeurs partenaires ont la charge de la lecture, ils peuvent également donner leur avis et participent aux frais de l’ouvrage.

A travers ce partenariat, l’intérêt premier est de pouvoir imprimer l’ouvrage à un nombre d’exemplaire suffisant, ce qui permet de baisser les coûts d’impression et de prendre un risque plus important sur le tirage total. L’éditeur est de fait assuré que les livres une fois sortis des presses, s’écouleront, étant donné qu’ils auront été vendus au préalable aux éditeurs partenaires.321

Les partenariats de coédition sont un avantage pour l’éditeur leader du projet et pour son et ses partenaires. L’éditeur principal conserve généralement tous les droits sur l’ouvrage, la cession de droits à d’autres éditeurs est souvent réduite. Cette coproduction permet d’enrichir et de diversifier les catalogues des éditeurs impliqués. Le partage des tâches, l’échange des techniques et des multiples compétences sont autant d’éléments qui garantissent la sociabilité interprofessionnelle dans la coédition. Cependant des points contraignants sont également à relever dans la pratique de la coédition, mais ceux-ci n’entachent évidemment pas ses avantages. Nous avons les adaptations culturelles, elles consistent à retrouver dans un ouvrage coéditer diverses cultures, du fait que les différents acteurs viennent d’horizons différents, cette diversité certes enrichissante pour les lecteurs peut en fonction des thèmes développés se poser comme un inconvénient lorsque les lecteurs d’un pays donné ne parviennent pas à la lecture à se projeter sur une autre. C’est le cas avec la revue littéraire Notre Libraire322 qui publie en coéditions des thématiques dans lesquelles nous retrouvons

320 Luc Pinhas, Situations de l’édition francophone d’enfance et de jeunesse, Paris, L’Harmattan, 2008, p.247.

321 Luc Pinhas, Situations de l’édition francophone d’enfance et de jeunesse, op. cit, p.250.

différentes cultures, comme nous pouvons le voir dans le Numéros 144 consacré à « la question des savoirs » et qui développe des articles sur la « Danse » dans certains pays d’Afrique noire francophone. De plus,

La coédition exige une harmonisation des mondes de travail : se mettre d’accord sur des échéances et des délais conciliables pour tous les coéditeurs, respecter des plannings communs, s’aligner au niveau d’exigence et de professionnalisme des uns et des autres, prendre en compte les cadres de commercialisation de chaque éditeur localement.323

De nombreux ajustements sont souvent à prendre compte dans les partenariats de coédition, cela pour que l’ouvrage puisse correctement être reçu dans les différents pays des partenaires de la coédition. Engager plusieurs pays dans un processus éditorial, c’est aussi assumer plusieurs politiques sur le livre et l’administratif. En effet, chaque Etat a des spécificités sur sa politique en matière de livre. Pour des ouvrages n’obtenant pas toujours le succès escompté, nous pouvons relever le partage des pertes, cela permet ainsi d’amortir les charges entre les éditeurs, car assumer seul des pertes revient souvent plus lourd à un éditeur. Ces partenariats restent primordiaux pour l’évolution de l’édition en Afrique noire francophone. Contrairement aux partenariats de coédition solidaire avec les éditeurs occidentaux qui se sont souvent bien déroulés, les coéditions entre éditeurs africains rencontrent souvent moins de succès principalement à cause des disponibilités financières :

Le faible dynamisme des différentes institutions régionales africaines à vocation culturelle tel que le centre régional de la promotion du livre au sud du Sahara, traduit bien l’existence des barrières politiques, géographique, techniques et financières auxquelles sont confrontés les pays pour matérialiser leurs engagements communs. Par exemple sur 23 pays ayant recommandé à Accra (1968) la création des centres régionaux consacrés au livre, six seulement (Cameroun, Congo, Côte d’ivoire, Nigéria, Sénégal, Togo) ont effectivement adhéré au centre établi à Yaoundé et contribué à son fonctionnement jusqu’en 1983. Près de 28 pays ont par contre bénéficié de ses prestations. Les programmes sous régionaux de coédition de livre destinés à la jeunesse et aux néo-alphabètes, auxquels participaient des éditeurs publics et privés des 21 pays d’Afrique orientale, centrale et occidentale n’ont pu connaitre un réel suivi au terme des projets pilotes financés par l’UNESCO (…).324

323 Luc Pinhas, Situations de l’édition francophone d’enfance et de jeunesse, op. cit, p.251.

324 Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture : consultation régionale pour « nouvelle stratégie du livre pour l’Afrique », op. cit, p.7.

Les coéditions entre éditeurs africains ne connaissent pas encore de grands succès mais nous pensons qu’à travers des actions comme la création du centre régional du livre sera une volonté qui avec un peu de rigueur permettra de mieux structurer des partenariats de coédition.

Des collectifs de professionnels soutiennent la pratique de la coédition, c’est le cas de l’Alliance des éditeurs indépendants325. Leur objectif est :

d’associer la mise en œuvre de projets éditoriaux à caractère solidaire à un travail de réflexion collectif sur l’économie internationale du livre. Ce réseau d’une cinquantaine d’éditeurs existe aujourd’hui à l’échelle internationale, convaincu qu’il est utile de créer un organe cohérent de professionnels qui travaillent à des projets communs et acceptent d’assumer des frais de production proportionnels à leurs partenaires dans l’édition.326

Ces professionnels souhaitent surtout développer la coédition sur des ouvrages n’ayant pas d’emblée un grand potentiel de vente. Et selon eux, la coédition peut être pensée comme une alternative pour l’entrée des éditeurs africains dans le processus de mondialisation. Le secteur le plus concerné par la coédition est celui du livre scolaire et le livre de jeunesse car ce sont les livres qui sont les plus utilisés en Afrique noire francophone.