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Partie I. De l’imprimerie à la constitution d’une pratique éditoriale

I.1. Histoire du livre et de sa constitution

I.1.2. La production du livre : Du manuscrit à la révolution de l’imprimé

I.1.2.2. Systèmes de repérage

Les systèmes de repérage comprennent un ensemble d’indices référentiels qui se sont mis en place à la fin du XIIème et au début du XIIIème siècle en France. Ils font partie des innovations survenues grâce à l’obtention du papier. Ils vont constituer un ensemble d’éléments visant à favoriser la lisibilité d’un texte. C’est notamment le christianisme qui a favorisé l’essor des indices textuels avec la Bible. En effet, la Bible fait partie des premiers livres, elle est également parmi les livres les plus consultés, cela a favorisé son développement à travers une imprimerie de masse afin de faciliter sa consultation. Parmi les différents indices qui ont été mis en place, il y a la disposition et la division du texte. Celles-ci dépendaient du format :

Dans les plus petits formats (les in-8° et la plupart des in-4°), le texte se présente à longues lignes. Dans les plus grands formats, il est disposé sur deux colonnes pour faciliter la lecture.60

Les textes occupaient le centre de la feuille afin de laisser le pourtour aux artistes et enlumineurs qui étaient chargés de l’orner avec des illustrations. L’espace en dehors du texte pouvait également servir pour la prise des notes ou pour des commentaires, le caractère était souvent différent de celui du texte pour éviter la confusion. Les textes étaient à l’origine recopiés sur des lignes continues, puis il y a eu la séparation des mots par un espace. Ce détachement s’est progressivement constitué, la séparation des mots s’est véritablement mise en usage à la fin du XIème siècle.

La division du texte en paragraphes était visualisée par des lettrines ou encore des signes appelés « pied de mouche », petite décoration signalétique qui marquait le passage d’un paragraphe à un autre. Les textes étaient divisés en livres, en chapitre et en paragraphes. Ceux-ci étaient marqués par un espace blanc à l’entête du texte, du fait que « les titres courants » ou titre de chapitre ont fait leur apparition au XVème siècle. Durant le XVIème siècle, les imprimeurs privilégient des pages aérées, car elles facilitent la lecture. Quant à la ponctuation, elle n’était pas aussi exhaustive qu’aujourd’hui ; cependant, quelques signes existaient déjà. Ils servaient principalement à distinguer les citations du reste du texte.

De même, le système de repérage qui consiste à chiffrer chaque page d’un texte, connu aujourd’hui sous le nom de pagination, s’est progressivement mis en place. En effet, les premiers livres manuscrits et imprimés étaient plutôt dotés d’un système de « foliotation ». Celui-ci consistait à chiffrer chaque feuillet sur son recto. C’est à partir du second quart du XVIème siècle que l’utilisation de la pagination se vulgarise grâce aux imprimeurs humanistes. C’est un procédé qui consiste à numéroter un feuillet à la fois sur son recto et son verso qui commence à être utilisé. Pendant près de deux siècles, la foliotation et la pagination cohabitent :

Le choix de l’un ou de l’autre système a pu être influencé par les éditions antérieures que reproduisaient souvent les imprimeurs, les nouvelles éditions ayant tendance à suivre le mode de chiffrage des précédentes. D’ailleurs, cela vaut aussi pour diverses pratiques d’imprimerie et de présentation.61

60 Henri-Jean Martin, Roger Chartier et alii, Histoire de l’édition française, tome 1, op.. cit., p.236.

Il y a également l’écriture, autant dans les textes manuscrits que dans la typographie62, elle permet de dater le texte. Chaque type d’écriture détermine une époque, cela permettait ainsi de donner approximativement à quelle période un texte a été écrit.

Chaque époque était dominée par un style d’écriture. Parmi les écritures en usage, il y avait « la caroline » qui domine aux cours des IXème et Xème siècle, celle-ci va évoluer et deviendra entre le XIIème et le XIIIème siècle « la gothique ». La pluralité des caractères dans ce style fera qu’on parle plutôt des « écritures gothiques »,

[En effet, dans les caractères] (…) on se trouve en fait face à deux types distincts procédant d’évolutions divergentes : l’un plutôt étriqué (…) gothique « brisée » ; l’autre plus ample et dont l’arrondissement très artificiel se passe de tout enjolivure, gothique « ronde ».63

De même, les caractères romains dont l’usage sera de plus en plus répandu et d’une taille plus grande, vont supplanter les caractères gothiques, plus petits et moins lisibles. Les lignes y seront plus espacées et claires, des chapitres sont amorcés par des titres plus visibles, et les textes sont de plus en plus imprimés en lignes plus longues au lieu des colonnes.

L’usage de ces différents caractères s’est prolongé jusqu’à l’invention de l’imprimerie, elle s’est poursuivie après. L’écriture romaine restée stable assez longtemps se retrouvait surtout dans les textes bibliques et liturgiques.

De plus, le développement des structures administratives, des écoles et universités va conduire à l’adoption et à la création d’une écriture plus simple et donc plus rapide à reproduire. Cela va engendrer la création de nouveaux canons calligraphiques. Ainsi la fin du Moyen Âge abritera-t-elle une multitude de types et de sous-types d’écritures qui seront en évolution constante. Au cours de ce foisonnement calligraphique apparaît un nouveau type d’écriture, « l’humanistique », mis au point par les humanistes italiens en 1402. Cette nouvelle forme d’écriture tente de reproduire les manuscrits des XIème et XIIème siècles, elle est due à Poggio Bracciolini64. « L’humanistique » rompt avec « la gothique » et va à son tour générer d’autres styles d’écriture, parmi lesquels le caractère « romain » et plus tard « l’italique ». C’est en Italie que « l’humanistique » va le plus se diffuser ; sa morphologie présente, d’une façon générale, un aspect de grande régularité, semblable au caractère de l’imprimerie. Mais le style

62 La typographie se caractérise par le recours à des caractères mobiles qui permettent la réutilisation des éléments d’une impression antérieure. L’idée est mise en œuvre en Chine et en Corée au XIème

siècle. Voir Jean-François Gilmont , Le livre et ses secrets, op. cit., p.30.

63 Lucien Febvre, Henri-Jean Martin, Lire le manuscrit médiéval, op. cit., p.88.

64 Poggio Bracciolini était à la fois humaniste, philosophe, écrivain et homme politique italien de la Renaissance. C’est sous l’impulsion de Bracciolini que naît l’écriture humanistique.

« gothique » continuera d’être utilisé pour les textes bibliques, il donnera naissance à un autre style : « la bâtarde » qui va le plus se répandre en France. Il y aura à la suite de ces styles, des écritures grecques dont la spécificité sera de marquer le passage de la majuscule à la minuscule. En effet, les copistes et sculpteurs avaient recours à la majuscule, soit pour mettre en évidence les titres avec des « lettres capitulaires » ou les débuts de paragraphe avec des « initiales ». L’usage de la majuscule n’obéissait pas à une convention particulière, le copiste choisissait délibérément en fonction de la ponctuation, de la nature du vocabulaire et de la structure du texte, les noms ou mots à mettre en évidence.

Ces différents systèmes graphiques ont chacun des particularités propres qui définissent et déterminent chaque canon calligraphique ainsi que ses variantes. Le choix d’une écriture dépendait de la nature du document, pour ceux qui possédaient plusieurs systèmes graphiques, le choix était lié au type de passage dans le texte.

Un autre système de repérage qui se trouve plutôt à la fin de l’ouvrage va se répandre vers le milieu du XIIIème siècle, il s’agit de l’index. Mais c’est au cours du siècle suivant que son usage va se généraliser. C’est dans le livre chrétien qu’il va apparaître pour la première fois, on le retrouve par la suite dans les œuvres de philosophie telles que l’éthique65, la logique ou les ouvrages d’Aristote sur la nature66. C’est au cours du XIVème siècle que des professionnels vont s’intéresser à l’index et en faire un métier.

Les développements des techniques de reproduction et des systèmes de repérage nous permettent d’aborder avec plus ou moins d’aisance l’objet livre dans son évolution et sa présentation.