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Partie I. De l’imprimerie à la constitution d’une pratique éditoriale

I. 2.2.1. « L’indépendance éditoriale »

I.4. Organisation et institutionnalisation de l’entreprise éditoriale

I.4.1. Mise en place de la structure éditoriale

I.4.1.1. De la maison d’édition à la petite entreprise

L’entreprise éditoriale a été dès ses origines englobée dans l’atelier d’imprimerie. C’est dans cette dernière qu’étaient effectuées les tâches liées à l’édition. Et comme toutes entreprises, il existe pour l’entreprise éditoriale différents types de statuts juridiques. La taille de la structure ou la finalité de son projet économique restent souvent déterminants dans le choix de la nature juridique.

Avant d’en arriver aux entreprises dans le cadre de l’édition, on parlait auparavant de « maison d’édition » uniquement. Elle est une entreprise qui met en œuvre un programme éditorial. Elle a une dimension économique et une nature juridique, et ses objectifs visent à maximiser ses bénéfices.

La désignation de « maison » faisait référence à une forme de paternalisme observé dans la structure éditoriale. C’est à partir du XIXème siècle que l’appellation de « maison » s’impose pour désigner la naissance d’entreprise privée. Contrairement à une entreprise quelconque, l’appellation de « maison »,

va s’imposer [en édition] pour désigner l’édifice symbolique des entreprises éditoriales.211

Le paternalisme auquel « maison » fait référence est celui de l’éditeur sur l’auteur. Ce, en raison du travail d’encadrement réalisé par l’éditeur et son élite (souvent composée du comité de lecture) à l’endroit de son auteur. C’est également en raison de tous ces soins que l’éditeur peut être envisagé comme figure paternaliste, et l’entreprise comme « maison » où s’exerce ce rapport certes professionnel, mais qui favorise également un lien que nous pouvons qualifié de paternaliste. En effet, l’auteur est accompagné pour parfaire son manuscrit car après la rédaction de celui-ci, l’équipe éditoriale apporte des améliorations nécessaires en vue de l’éditer.

La « maison » d’édition avait également la particularité d’offrir une atmosphère particulière qui diffère des autres structures. Ainsi Henri d’Audigier dans un article publié dans le journal, La

211 Pascal Durand, Anthony Glinoer, Naissance de l’Editeur, « l’édition à l’âge romantique », Paris-Bruxelles, Editions Les impressions nouvelles, 2005, P.128.

Patrie, fait-il ressortir l’importance que revêt une maison d’édition à Paris, et la compare avec la boutique du barbier :

La maison d’édition est à Paris ce qu’est au village la boutique du barbier. C’est là que les flâneurs, les nouvellistes et les ----critiques se rencontrent sans s’être donné rendez-vous (…), l’on y entre par oisiveté autant que par désœuvrement.212

Dans le cas de la France, c’est à Paris qu’était regroupé le plus grand nombre de structures du livre. Nous verrons dans notre seconde partie sur l’Afrique noire francophone que la plupart des maisons d’édition sont concentrées dans les grandes villes.

La « maison » d’édition, dès ses débuts en France au XIXème siècle, était un lieu jugé convivial, la nature du public, le genre d’ouvrages qui s’y trouvent et les personnes que l’on pouvait y trouver sont autant d’éléments déterminants qui servaient à donner de l’allure dans une « maison » d’édition.

L’entreprise éditoriale s’est peu à peu mise en place et son acceptation dans la société a été faite progressivement, car la diffusion de l’imprimé l’emportait sur l’édition. Comme les ateliers d’imprimerie qui se sont dispersés dans la ville de Paris au XIXème siècle durant la Révolution, de même les entreprises éditoriales se sont répandues au cours de ce siècle. Les petites maisons vont de plus en plus faire place aux microentreprises qui ne cessent de croître ces dernières années. Elles sont devenues

le lieu d’une activité éditoriale significative et innovante : leur présence comme leur production contribuent à la diversité de l’édition. (…) [L’] entreprise éditoriale (…) comme tout mouvement de création de nouvelles entreprises, mêlent fragilité et promesses de renouvellement démographique et intellectuelle.213

Le désir et la mise en place d’entreprises éditoriales se font ressentir dans divers domaines, même celui de la littérature, avec notamment Honoré De Balzac dans Illusions perdues. Celui-ci décrivant les désordres observés dans la librairie dit ceci :

J’aurais bientôt besoin d’une administration pour régir le dépôt de manuscrit, un bureau de lecture pour les examiner ; il y aura des séances pour voter sur leur mérite, avec des jetons de présence, et un secrétariat perpétuel pour me présenter des rapports.214

212 Henri D’Audigier, La Patrie, 25 juin 1859.

213 Bertrand Legendre et Corinne Abensour, Regards sur l’édition, « I- Les petits éditeurs. Situations et perspectives », op. cit, p.11.

214 Honoré De Balzac, Illusions perdues, Paris, Edition les Classiques de poche, collection Le livre de poche, 2006, p.701.

Quel que soit leur statut, les éditeurs étaient tenus de respecter une certaine conduite dans la réalisation de leur activité éditoriale. En France notamment et dans la plupart des pays développés, ils ne pouvaient se permettre de mener des activités sans tenir compte de la législation mise en place. Les « maisons d’édition » avaient obligation d’avoir une spécialisation de leurs activités. C’est au cours des années 1830-1850,

[Que] quelques entreprises furent en mesure de dominer leur secteur. Hachette fut la nouvelle étoile de l’édition scolaire, Dalloz et Sirey de l’imprimé juridique. Baillière et Masson des livres médicaux et plus généralement scientifiques, Michel Lévy du volume consacré à l’épanouissement de l’art dramatique (…). Dans une première phase, la croissance de ces maisons traduit plutôt un partage des parts de marché, une redistribution des cartes.215

En se mécanisant de plus en plus, l’industrie du livre va changer ses conditions de production. Pour les petites entreprises, ces changements se feront avec difficultés. Les petits patrons pour des raisons financières, auront souvent du mal à se procurer des nouvelles presses. Ils maintiendront ainsi leurs méthodes artisanales de travail qui n’étaient pas toujours aptes à répondre à la forte demande ou à réduire les coûts des ouvrages. De même, les petites entreprises à cause de leurs moyens réduits,

conçoivent encore la fabrication d’un ouvrage de manière toute traditionnelle. Ils n’adoptent les nouvelles techniques semble-t-il que pour résoudre un problème de fabrication.216

Cependant, beaucoup de petits éditeurs ne voudront pas s’ouvrir aux méthodes industrielles, car ils trouvent plus noble le travail artisanal. Mais tous les éditeurs ne seront pas réfractaires à l’industrialisation de l’imprimerie. Il s’agira notamment des imprimeurs devenus éditeurs. Pour ces derniers l’accès aux nouvelles méthodes se fera plus aisément car elle leur permettra désormais,

de gérer au mieux la possibilité des grands tirages et la baisse progressive des prix de revient.217

L’industrialisation sera ainsi un facteur de réorganisation dans le travail et dans l’entreprise.

215Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 43-2, avril-juin 1996, pp.335-336.

216 Georges-André Vuaroqueaux, Edition populaire et stratégies éditoriales en France de 1830 à 1875, thèse dirigée par Jean-Yves Mollier et soutenue en 2006 à Versailles Saint Quentin en Yvelines, p.105.

217 Georges André Vuaroqueaux, Edition populaire et stratégies éditoriales en France de 1830 à 1875, op. cit, p.106.

Aussi la survie d’une entreprise d’édition dépend-elle de plusieurs facteurs dont la capacité organisationnelle de son créateur. Celui-ci doit pouvoir gérer les différents domaines dans lesquelles une maison se pérennise (partie technique, commerciale, nombre de publication, rythme des parutions) ce, dans l’optique d’assurer un bon catalogue et garantir la prospérité de son entreprise. De ce fait, comment est gérée une maison d’édition ? Quels sont les éléments sur lesquels la gestion se fonde ?

I.4.1.2. Programmes, politique et projets éditoriaux comme éléments de