• Aucun résultat trouvé

Les caractéristiques du personnel dans une maison d’édition

Partie I. De l’imprimerie à la constitution d’une pratique éditoriale

I. 2.2.1. « L’indépendance éditoriale »

I.4. Organisation et institutionnalisation de l’entreprise éditoriale

I.4.3. Les choix du personnel, de la spécialisation et de l’appareil juridique

I.4.3.1. Les caractéristiques du personnel dans une maison d’édition

Le fonctionnement d’une structure éditoriale est d’abord conditionné par des ressources humaines. Il existe plusieurs directions qui structurent une maison d’édition, bien que toutes ne possèdent pas souvent l’ensemble des postes.

A la tête d’une maison d’édition se trouve un directeur général, souvent fondateur ou héritier de la structure. Le président directeur général est très souvent à la fois dirigeant et gérant de la maison selon le statut juridique de celle-ci. Son rôle diffère selon qu’il s’agisse d’une petite maison, d’une maison moyenne ou d’un département éditorial dans une firme. De même, le nombre du personnel interne et des collaborateurs influe fortement sur le rôle du président directeur général. Ce poste revient le plus souvent à l’éditeur notamment dans les maisons d’édition de petite taille ou de taille moyenne. Le président directeur général a également la charge d’arbitrer les conflits internes entre les différents collaborateurs, quelle qu’en soit leur nature. Il assure un contrôle régulier et minutieux de la structure,

Il impulse l’activité commerciale et doit souvent s’impliquer fortement dans la promotion de ses livres en donnant de sa personne à de multiples occasions pour renforcer l’action des attachés de presse : il « est » la maison d’édition. Enfin, il consacre beaucoup de son temps, (…), à la gestion humaine ou financière.237

Aussi le président directeur général fait-il face à deux principales orientations, celle d’éditeur de vocation, et celle de gestionnaire. Dans le premier cas, il est l’homme des choix éditoriaux. Il s’intéresse beaucoup plus à l’animation de la cellule éditoriale, il participe ainsi au choix des auteurs et à la sélection des textes. Il trouvera également le temps pour faire partir du comité de lecture ; présentera une capacité à pouvoir estimer et évaluer les promesses d’un texte, d’une thématique etc. en clair, il saura déceler les best-sellers. Les présidents directeurs généraux ayant une vocation d’éditeur ont une vision globale de la politique éditoriale menée par la maison. Ils savent quels sont les choix stratégiques à opérer pour y aboutir. Et, ils élaborent des plans de travail avec leur collaborateurs, ils se doivent

237 Bertrand Legendre, Les métiers de l’édition, Paris, Editions du Cercle de la Librairie, troisième édition, 2002, p.300.

[d’] être à l’écoute d’un comité (ou de son équipe), de ses jugements souvent contradictoires, accorder son attention aux remarques du directeur commercial, vérifier avec sagacité les résultats d’une collection, interroger in fine son responsable, (…). Exiger que son équipe pousse plus avant l’étude d’un projet ..238

Dans la seconde orientation du président directeur général, celui-ci peut avoir un penchant beaucoup plus gestionnaire, dans ce cas, il délègue ses responsabilités éditoriales à ses collaborateurs. Il va ainsi se consacrer à la gestion de la maison dans ses différents secteurs. Nous retrouvons principalement ce genre de directeurs généraux dans les firmes et groupes et entreprises ayant un secteur consacré à l’édition. En effet,

le président directeur général d’un groupe possède une cellule de direction générale. (…) certains de ses conseillers ont des fonctions transversales leur permettant de mieux appréhender la politique générale du groupe. Et ses administrateurs, exerçant dans maintes autres branches (…) représentent autant de pôles d’activité au service du groupe, préparant parfois rapprochements et fusions.239

Le président directeur général dispose de plusieurs options dans le choix de ses dirigeants. En effet, dans certains cas, il peut nommer un collaborateur à la fonction de directeur du groupe livre, celui-ci à la charge du groupe édition. Dans certains cas encore, le directeur général peut nommer un responsable pour chaque secteur. En dernière option, il peut lui-même, coordonner les cellules éditoriales et celles de la gestion.

A la suite du directeur général, il y a le responsable d’édition ou editor, il débute généralement comme secrétaire d’édition.

Le responsable d’édition « participe à la définition de la politique éditoriale ; établit le programme éditorial de son domaine de responsabilité et suit sa réalisation ; effectue la recherche d’auteurs et recommande ceux à sélectionner ; participe aux prises décisions concernant la réalisation physique des ouvrages et le choix des illustrations ; anime et contrôle des secrétaires d’édition ; établit le budget de son domaine de responsabilité et suit la réalisation ; propose des nouveaux produits (…) ; participe aux prises de décision.240

238 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p. 252.

239 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.254.

Le responsable d’édition est souvent confondu avec le directeur éditorial, c’est la dimension de l’entreprise qui peut permettre la distinction ou décider du poste à retenir lorsque ce ne sont pas les deux.

De plus, nous avons le directeur financier qui est l’un des plus proches collaborateurs du président directeur général. Il est chargé d’établir des budgets prévisionnels et réels,

Il surveille les flux financiers, assure les contacts et accords avec les banques et, en règle générale, il participe de près aux simulations et décisions stratégiques : celle sur d’éventuelles réorientations de la maison, sur les cessions ou rachats d’entreprises etc.241

Une direction non négligeable, le directeur des ressources humaines, il est présent dans les maisons de moyenne et grande taille. Il a la charge de s’occuper de tout engagement à durée déterminée ou indéterminée et de fournir aux arrivants un exemplaire de la Convention collective nationale de l’édition (dans le cas de la France). Il est également chargé des procédures de licenciement.

Comme autre poste de direction, il y a le directeur éditorial, on le retrouve soit dans des maisons d’édition spécialisée, soit dans les départements ou secteurs éditoriaux de grandes structures. Il travaille sur quelques axes comparables à ceux du directeur littéraire. En d’autres termes, selon les orientations éditoriales de la maison, il recherche les sujets et les auteurs, assure la gestion et la promotion des productions. Il travaille en collaboration avec différents services. Le directeur éditorial doit pouvoir gérer les relations avec les collaborateurs internes et externes, veiller au respect du planning, prévoir les investissements.

Un autre poste de direction aussi important, celui de directeur littéraire encore appelé directeur de collection littéraire. Il est chargé d’établir les premiers contacts avec les manuscrits des auteurs (malgré les succès qu’il peut présenter, il reste sous la dépendance d’un éditeur). Il peut également avoir la charge de s’occuper de l’achat ou de la vente des droits de traduction ou de coédition. Ce poste est souvent considéré comme indispensable, c’est pour cela que nous retrouvons les directeurs littéraires souvent installés à leur propre compte.

Le directeur littéraire (…) assume le rôle de premier grand lecteur, qui affronte les auteurs et décide du sort de leurs œuvres ; il est entouré de ses lecteurs.242

La mission du directeur littéraire et de ses agents consiste à recevoir et conseiller les auteurs avant de les aider dans le choix d’une maison d’édition. En effet, les études de terrain et la

241 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.259.

parfaite connaissance des différentes maisons d’édition est un des caractères déterminant qui permet au directeur littéraire de donner des orientations aux auteurs quant aux maisons répondant le mieux à leurs attentes.

Une part de son talent est de connaître (tous) les responsables éditoriaux et leurs spécialisations, et, selon sa notoriété, d’obtenir d’eux un examen plus rapide et attentif du manuscrit ou du projet.243

Son intervention peut être qualifiée d’intermédiaire (même si l’utilité du directeur littéraire est encore contestée dans certains pays, notamment pour les éditeurs européens). C’est lui qui procède à l’étude des contrats en faveur de l’auteur.

Nous avons le directeur artistique, son rôle diffère d’une maison à une autre et selon le type de production. Son activité est axée sur la mise au point du texte et de l’image, ce, en relation avec le directeur éditorial, les services techniques et les documentalistes-iconographes. Mais ses principaux collaborateurs restent les concepteurs graphiques et les maquettistes. Il a la charge d’effectuer le choix des reliures, des couvertures et des jaquettes. D’une façon générale, il travaille et veille sur l’unité graphique d’un ouvrage ou d’une collection. Les directeurs artistiques sont souvent issus des écoles d’art ou d’écoles professionnelles dans les métiers du livre. Il peut travailler au sein d’une structure éditoriale ou en indépendant. Contrairement aux autres directeurs dont le travail bénéficie d’une certaine indépendance face aux autres collègues, le directeur artistique quant à lui fait face aux critiques de l’ensemble des collaborateurs.

Nous avons le directeur technique ou chef de fabrication, ce sont deux postes qui effectuent ensemble la fabrication des ouvrages et leur surveillance sur les différentes étapes.

L’un ou l’autre ont la responsabilité de la production qui comprend la composition et la photogravure (…) les achats de papier, le choix des imprimeurs, brocheurs et relieurs.244

Ils sont souvent issus soit des grandes écoles d’ingénieur, de lycées professionnels, d’une imprimerie, un studio de photogravure. Ils ont dans leur équipe des techniciens de la fabrication et travaillent en coordination avec d’autres départements.

Il y a le directeur d’édition électronique, il est responsable du multimédia et a pour mission d’être,

243 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.273.

attentif aux incessants progrès des technologies et participe aux conventions et salons internationaux ; il doit tenter de repérer les mutations prometteuses et nouer des contacts avec des firmes puissantes (…). Il a en charge le programme, la constitution d’une équipe selon la nature du projet, (…), il est gestionnaire, financier (…), et enfin il doit se révéler juriste.245

Le directeur d’édition électronique et du multimédia doit avoir une capacité polyvalente. Nous avons également le directeur commercial, il est chargé de la commercialisation du livre, pour cela il entretient de forts liens avec l’éditeur, les distributeurs, les libraires de toutes catégories. Il suit également les interférences des pouvoirs publics dans le prix et la commercialisation du livre. L’étendue de son intervention dépend surtout de la taille de la maison.

Dans une maison moyenne ou importante, les responsables éditoriaux collaborent avec le commercial à divers niveaux : le marketing pour les études de marché, la publicité, la promotion sur le lieu de vente et, objet d’incessantes perplexités, le lancement des « produits nouveaux ».246

Le directeur commercial met en place des stratégies pour limiter les retours et les invendus, et de ce fait, tempérer les réimpressions.

Après les différents postes de directions, nous avons ceux des agents, ceux-ci peuvent être internes ou externes à l’entreprise, dans le second cas, ils sont des collaborateurs installés en indépendant ou travaillant dans d’autres domaines du livre.

Parmi les agents internes, nous comptons le lecteur-correcteur professionnel. Il est souvent rattaché à un directeur littéraire ou un responsable d’édition. Le lecteur professionnel occupe généralement d’autres fonctions, notamment dans le journalisme, sa tâche consiste à,

lire les manuscrits (…) et d’établir une « note de lecture », brève analyse de contenu et jugement sur les qualités de l’ouvrage.247

Ses relevés peuvent être confirmés ou infirmés par un autre lecteur professionnel ou autre membre du comité de lecture. Il existe plusieurs types de lecteurs professionnels, lecteurs dits « neutres », ils représentent souvent la réception auprès du public ; ils apprécient et jugent de l’opacité et de la clarté du texte à l’étude. Il y a également chez les éditeurs spécialisés,

245 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.243.

246 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.261.

[des] lecteurs [qui] sont le plus souvent des conseillers scientifiques ou techniques, relevant de disciplines précises. Ils appartiennent déjà à un univers professionnel et une bonne connaissance de leur secteur d’activité renforce leurs capacités de jugement sur les œuvres projetées et sur la concurrence. Nombre de candidats à l’édition littéraire débutent comme lecteurs : leur culture, leurs centres d’intérêt ou connaissance de langues étrangères, voire leur cursus universitaire peuvent les prédisposer à cette difficile fonction. 248

Parmi les agents externes, nous avons le traducteur, une tâche à laquelle d’illustres érudits se sont adonnés bien avant la naissance de l’imprimerie.

Il n’existe pas souvent à proprement dit un poste de traducteur dans les maisons d’édition (surtout les plus petites), ils sont souvent des collaborateurs externes. Certains traducteurs sont diplômés d’université, d’autres sont animés par la passion de l’écriture et la maîtrise d’une « langue cible ». Comme pour les lecteurs professionnels, l’éditeur se doit de suppléer une relecture du texte traduit par un autre membre du comité de lecture en vue de déceler d’éventuelles failles. Mais ce travail de relecture est souvent jugé comme étant trop couteux, et donc pas nécessaire.

Nous avons également le préparateur de copie, c’est un agent que nous retrouvons principalement dans les imprimeries. Le préparateur de copie travaille en collaboration externe avec un éditeur. Son rôle pratique consiste à porter les indications de composition sur la structure du texte selon le protocole de composition établi par le responsable artistique. Il choisit les caractères, l’interlignage, l’espacement, etc. Le préparateur de copie a la charge d’assurer une mise en page qui se doit d’être précise.

Son expérience et son talent peuvent faire de lui un collaborateur indispensable. Il présente la capacité de posséder des connaissances pouvant aller du style de l’éditeur à sa politique éditoriale. Il peut également affranchir l’éditeur de la quête de certains autres collaborateurs externes tels que les correcteurs.

En ce qui concerne la fabrication et la réalisation des ouvrages, nous avons le packageur, un agent doté d’un fort professionnalisme. Il débute généralement dans une maison d’édition, avant de s’installer en indépendant. En collaboration, avec les éditeurs, il leur vend ses services et est ainsi détenteur du copyright sur les ouvrages dont il assure la fabrication. Le recours aux packageurs permet aux petits éditeurs de pallier le déficit de certaines spécialités.

Nous avons deux sortes de packageurs, dont la première est ceux que nous avons évoqués plus haut, c’est-à-dire ceux qui sont détenteurs du copyright ; et la seconde catégorie est ceux qui ne détiennent pas le copyright.

Expérimentés, ils ont déjà une bonne connaissance du marché. Une part importante de leur recherche relève de l’innovation, et ils sollicitent l’adhésion des éditeurs traditionnels en leur soumettant idées de collection, plans, (…). Ils sont aussi nombreux à chercher des sponsors qui pré-financent des livres d’entreprise ou des ouvrages de prestige. Leurs projets dès qu’ils intéressent un éditeur, sont évalués par ce dernier ou par son directeur éditorial qui les analyse en profondeur et, parfois les amende.249

Cette catégorie de packageur travaille très souvent en sous-traitance pour les éditeurs leur déléguant la fabrication.

Dans les deux types de packageur, le développement des techniques de travail peut les conduire à étendre leur activité à des tâches telles que la saisie, la PAO, la correction du texte et sa mise en page, l’intégration des illustrations in-texte ; cela reste évidemment des activités secondaires.

Il y a également le poste de contrôleur de gestion, celui-ci a pour rôle de veiller sur la gestion des moyens financiers et matériels, ainsi que la bonne affectation du personnel, cela dans le but de maximiser la rentabilité de l’entreprise. Il est le délégué du directeur financier, il travaille en étroite collaboration avec l’éditeur.

Le contrôleur de gestion assiste les responsables d’ouvrages, de collection et/ou les directeurs de département. Il aide à établir les simulations chiffrées pour les nouveautés et réimpressions, en établissant des comptes d’exploitations prévisionnels, il analyse les rentabilités des collections dans la durée et force à une prise de décision sur les objectifs. En concertation avec l’éditeur et le directeur commercial, le contrôleur de gestion établit les budgets prévisionnels, il suit, mois par mois, les coûts fixes de l’unité et les éventuels dépassements des investissements éditoriaux, tout en prenant en compte le chiffre d’affaires et en calculant les marges brute et nette.250

Le contrôleur de gestion a la mainmise sur l’entreprise, il est le mieux informé.

Il existe aussi le poste de responsable des droits étrangers, celui-ci est l’assistant d’un directeur de département éditorial ou d’un service de cession de droit ou encore d’un service commercial. En effet, le responsable des droits étrangers doit également posséder des

249 Philippe Schuwer, Traité pratique d’édition, op. cit, p.246.

connaissances dans plusieurs langues étrangères, avoir des connaissances dans les règles de propriété littéraire ou artistique. Parmi ses compétences doit aussi figurer une bonne connaissance du marché international.

Les petites structures ont souvent des effectifs réduits. S’agissant des petites maisons d’édition, nous relevons une disparité au niveau du personnel. Certaines structures n’enregistrent pas d’effectifs de salarié. En effet, certains éditeurs, du fait de leur polyvalence et probablement de leurs moyens souvent insuffisants ne peuvent pas agrandir leurs effectifs avec du personnel salarié. Une autre catégorie de structures éditoriales est composée des maisons d’édition qui, dès leurs créations avaient déjà au moins un salarié à temps partiel. Les petits éditeurs entament généralement leur activité avec de faibles moyens, ceux-ci ne leur permettent pas toujours de s’entourer d’un effectif vaste.

Dans les petites maisons, le personnel n’a pas toujours une formation ou une expérience antérieure dans le domaine de l’édition. Mais les salariés et même l’éditeur ont souvent des spécialités qui leur servent et leur permettent de devenir des polyvalents en acquérant de multiples connaissances dans le domaine de l’édition.

De manière générale, lorsque le créateur avait une expérience professionnelle avant de créer sa maison, cette expérience se situait [souvent] dans les domaines techniques (PAO), commerciaux et des relations de presse, mais rarement dans les fonctions éditoriales stricto sensu. Toutefois, l’expérience préalable n’est pas une condition indispensable à l’évolution des modes de fonctionnement.251

Cependant, les éditeurs justifiants au préalable de connaissances et d’une expérience dans la profession rencontrent moins de difficultés que les autres dans le fonctionnement et l’évolution de leur structure.