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Dans les motets de notre corpus au sein du manuscrit W2, les teneurs sont

toutes fondées sans exception sur la mélodie du FLOS FILIUS EJUS ou simplement EJUS, c’est-à-dire sur la seconde partie du verset du Stirps Jesse. Cependant, la ligne mélodique du répons a quelque peu évolué depuis sa composition. Pour leur recherche sur le plain-chant médiéval, les moines de l’abbaye de Solesmes ont réalisé un tableau récapitulatif des différentes occurrences du Stirps Jesse depuis sa création28. Ce tableau met en évidence une évolution de la mélodie. Les mi du répons, degré mobile, ont tendance à se transformer en fa. Ce changement n’est pas exceptionnel : il résulte de l’attraction du demi-ton vers l’aigu.

Néanmoins, nous ne pouvons réellement comparer la mélodie originelle du répons avec celle utilisée dans notre corpus. En effet, celle-ci n’est plus directement accessible à cause notamment de la destruction de nombreux ouvrages de la bibliothèque de Chartres pendant la Seconde Guerre mondiale29.

En revanche, le répons a eu une diffusion importante y compris au XIIIe siècle. Le mélisme Flos Filius ejus utilisé dans les motets de notre corpus et celui du répons conservé dans des sources liturgiques parisiennes contemporaines de certains motets sur cette mélodie (notamment dans un bréviaire du XIVe siècle) sont très semblables voire identiques30. Certes, dans l’exemple ci-après, il manque un do sur la dernière syllabe de Filius dans le mélisme du répons31. Néanmoins, cette différence résulte sans doute d’une erreur du copiste. Dans les autres occurrences du répons dans ces deux manuscrits, le do est toujours écrit :

28Les moines n’ont pas édité ce tableau. Il est néanmoins consultable à l’abbaye.

29Dans son livre, M. Fassler s’est appuyée sur la transcription et les notes du Chanoine Y. Delaporte pour transcrire le répons composé au temps de Fulbert. DELAPORTE, Yves, « Fulbert de Chartres et l’école chartraine de chant liturgique au XIesiècle », Études Grégoriennes, 2 (1957), p. 64-65. FASSLER, Margot,

The Virgin of Chartres. Making History through Liturgy and the Arts, New Haven and London, Yale

University Press, 2010, p. 414. 30Paris, BnF, lat. 15181 et lat. 15182.

Exemple musical 1 : Seconde partie du verset du répons Stirps Jesse pour l’Assomption, lat. 15182, f° 304

Exemple musical 2 : Teneur du motet Bone amor / FLOS, f° 250 v°

Une divergence significative peut toutefois exister. Les compositeurs des motets de notre corpus n’emploient pas toujours le mélisme Flos Filius ejus en entier. Dans douze cas sur dix-sept, la mélodie de la teneur est répétée deux fois. En revanche, la cadence finale du verset ré fa mi do ré n’est pas toujours chantée à la fin de la mélodie de la teneur. Dans une même pièce, elle peut même être absente la première fois mais présente la deuxième.

Mises à part ces quelques omissions volontaires, dans l’ensemble des motets du XIIIe siècle fondés sur le Stirps Jesse, la teneur est presque toujours identique. Il y a une seule exception à ce constat. Dans la pièce Canticum exercuit

/ DOMINO au sein de W2, la teneur a été amendée : elle a été transposée à la

quarte supérieure32. Cette modification a sans doute été réalisée pour des raisons contrapuntiques : la voix supérieure est sans doute un emprunt mélodique. Le

compositeur a dû transposer la teneur pour qu’elle soit consonante avec le

motetus. Malheureusement, cette hypothèse n’est attestée par aucune source. Ce

motet est l’unique cas avéré conservé à ce jour de la transposition de cette mélodie dans l’ensemble des motets sur ces teneurs.

Ainsi, le peu d’amendements subis dans les pièces de notre corpus est peut-être révélateur de l’importance de la teneur dans le motet aussi bien au niveau mélodique que liturgique. En effet, le plus souvent, le compositeur n’a pas adapté cette voix à cause de nécessités contrapuntiques. De plus, dans toutes les occurrences de notre corpus, la teneur liturgique est toujours clairement identifiée. Il n’y a qu’un motet où ce n’est pas le cas : Fidelis gratuletur / DO. Le copiste a simplement marqué le début du contrafactum DOMINO chanté sur EJUS. En effet, dans cinq pièces de notre corpus, le texte chanté sur la mélodie du Flos

Filius ejus ou sur ejus est celui du contrafactum Benedicamus Domino ou Domino. Nous verrons si ce changement affecte les relations entre les textes des

différentes voix du motet et ce, même en cas de réécriture.

Contrafacta et réécriture dans W

2

En effet, l’analyse des pièces à deux voix sur la teneur Stirps Jesse dans le codex W2 est particulièrement intéressante pour l’étude des contrafacta.

De très nombreux motets conservés dans ce manuscrit sont des réécritures de compositions également présentes dans cette même source. Le corpus des motets à deux voix sur la teneur Stirps Jesse dans le codex W2 est donc très homogène.

Sur les dix-sept compositions de notre corpus, dix pièces ont des liens mélodiques avec d’autres compositions présentes dans W2. Pour être plus précis, quatre des

motets latins sont des réécritures à partir des polyphonies en ancien français. Une seule des pièces latines Domino fidelium / DOMINO semble avoir été composée avant le motet en ancien français Por alegier la doulor / DOMINO33. Voici donc

l’ensemble des motets à deux voix suivi de leurs contrafacta ou réécritures présentes dans W2 :

Quant revient / L’autrier joer / FLOS f° 206 v°

= Candida / FLOS f° 145 v° (L’autrier joer incipit dans la marge)

Et bergier / EJUS f° 208 v°

= O vere lucis /EJUS f° 175 v°

Domino fidelium / DOMINO f° 179 v°

= Por alegier la doulor / DOMINO f° 241 v°

En mai, quant rose est florie / FLOS f° 226 v° = Flos ascendit / FLOS f° 161 Qant yver define / FLOS f° 242

Il n’y a pas de concordances réelles pour ce motet mais des liens mélodiques existent avec Virga virgo regia / FLOS f° 189 v°.

Pour résumer, les motets appartenant à une même famille ne sont pas placés dans un même fascicule. En effet, la langue et le nombre de voix ainsi que les différents alphabets conditionnent leur situation à l’intérieur du manuscrit. La chronologie de la composition n’est pas non plus respectée. Seule compte la langue qui va déterminer le positionnement de la pièce. Même si la plupart des motets latins de notre corpus sont des contrafacta de pièces en ancien français, les pièces latines, dans le fascicule 8, sont placées avant ceux en langue vernaculaire.

À ces contrafacta s’ajoutent d’autres réécritures. En effet, deux motets de notre corpus sont des créations fondées sur des mélodies absentes dans W2. Les

pièces Ave rosa novella / FLOS et Bone amor / FLOS sont des contrafacta de mélodies de trouvères. La première pièce est une réécriture latine et polyphonique d’une monodie en ancien français. La deuxième intègre des entes mélodico- poétiques pour créer une nouvelle pièce polyphonique. En outre, certains motets sont liés à des clausules présentes dans F et St-V. Par conséquent, seuls deux motets de ce corpus sont des unica et ne possèdent aucune concordance connue :

LES CORRESPONDANCES AVEC LES