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Le but de notre travail n’est pas de faire une édition comparative des différentes occurrences de ces pièces : H. Tischler l’a déjà réalisé48. Néanmoins, la notation rythmique de W2 étant lacunaire, nous avons régulièrement utilisé pour

notre travail les correspondances polyphoniques contenues principalement dans trois de ces manuscrits : F, St-V et Mo. Ce procédé appelle quelques explications succinctes sur l’écriture musicale de ces ouvrages.

Dans ces sources, plusieurs notations coexistent et sont intrinsèquement liées à la présence ou l’absence de texte prononcé de façon syllabique. Deux types de notations sont alors employés en fonction de ce critère. Les teneurs mélismatiques contenues dans les manuscrits W2, F, St-V et Mo sont

toutes écrites en notation modale : un texte est chanté sur des mélodies mélismatiques49. Dans ce cas, le copiste regroupe les notes en fonction de ligatures. L’organisation de ces dernières permet la reconnaissance d’un mode rythmique selon un schéma établi dans les traités. Ainsi, selon le De mensurabili

musica de Jean de Garlande, une ligature de trois notes suivie de ligatures de deux

signalent, par convention, l’emploi du premier mode, c’est-à-dire l’utilisation du rythme : longue brève, longue brève, etc.50Le deuxième mode, représenté par une succession de ligatures de deux notes qui s’achève sur une ligature de trois, représente le rythme inverse : brève longue, brève longue, etc. Dans les manuscrits F et St-V, les copistes ont également employé ce système pour écrire les voix supérieures des clausules et les différentes voix qui sont superposées. Dans les polyphonies sans texte de ces deux sources, les concordances entre les voix sont ainsi presque toujours certaines malgré quelques éléments équivoques.

48TISCHLER, Hans (éd.), The Earliest Motets, op. cit., 3 vol. L’utilisation de cette édition n’est pas évidente. La mise en page choisie rend parfois difficile la lecture des variations. De plus, la superposition de toutes les voix d’une même famille provoque la disposition de certains motets sur de trop nombreuses pages.

49En d’autres termes, pour chaque syllabe, plusieurs notes sont chantées.

50REIMER, Erich (éd.), Johannes de Garlandia: De mensurabili musica, kritische Edition mit Kommentar

und Interpretation der Notationslehre, Wiesbaden, Steiner, 1972, vol. 1, p.52 et suiv. ; Base de données en

ligne TML consultée le 10 avril 2011, <http://www.chmtl.indiana.edu/tml/13th/GARDMM_TEXT.html> ; POPIN, Marielle, « La notation carrée noire » dans COLETTE, Marie-Noëlle, POPIN, Marielle et VENDRIX, Philippe, Histoire de la notation du Moyen Âge à la Renaissance, [s.l.], Minerve, 2003, p. 93- 132 ; APEL, Willi, The Notation of Polyphonic Music 900-1600, Cambridge, Massachusetts, The Mediaeval Academy of America, 1953, p. 194 et suiv.

Or, l’écriture de la voix supérieure syllabique des motets notamment dans W2est incompatible avec ce système de notation rythmique51. En regroupant

les notes chantées sur des syllabes différentes, les ligatures empêchent matériellement le copiste d’écrire le poème en dessous des notes voulues. Ce système ne permet pas non plus de comprendre où doit être prononcée chaque syllabe. Les voix supérieures des motets de F et W2 sont donc écrites selon la

notation dite carrée. Aucun rythme n’est indiqué mais celle-ci permet d’associer la prononciation de chaque syllabe à une note. En contrepartie, la différence entre la place occupée par la notation de la teneur en comparaison de celle de la voix supérieure est visuellement importante. Les différentes voix de la polyphonie dans les motets de W2 et de F ne sont donc pas notées les unes au-dessus des autres

mais à la suite : l’ensemble du texte du motetus avec sa mélodie est suivi de celui de la teneur. Par conséquent, la disposition des motets de W2 et de F ne permet

pas de transcrire la polyphonie. En effet, le rythme des voix supérieures ainsi que les correspondances polyphoniques sont inconnus. Pour donner une transcription du motet, le chercheur doit donc consulter une concordance dans d’autres manuscrits à la notation plus précise comme le codex Mo.

En effet, au cours du XIIIe siècle, les théoriciens ont innové pour pouvoir noter une mélodie avec son texte et son rythme. La notation dite pré- franconienne est utilisée dans les fascicules les plus anciens du manuscrit Mo. Ce terme est employé en référence à Francon de Cologne et son traité Ars cantus

mensurabilis qui a bouleversé les fondements de la notation rythmique syllabique.

Dans la notation franconienne, le rythme n’est plus alors indiqué par la distribution des ligatures mais correspond à une forme particulière de la note. La longue est pourvue d’une hampe contrairement à la brève. Cette différenciation permet d’indiquer un rythme aux voix supérieures des motets pourvues de texte. Dans ce cas, la connaissance du rythme des différentes voix permet de restituer la polyphonie en superposant les voix les unes au-dessus des autres.

Dans la majorité des cas, les motets de notre corpus possèdent des correspondances avec des clausules en notation modale dans F ou St-V. Si ce n’est pas le cas, il existe également de nombreux liens avec les motets présents dans Mo. Dans la plupart des pièces de notre corpus, une correspondance à la notation rythmique plus précise existe donc. Le choix de ces trois sources pour transcrire ces compositions repose en grande partie sur leur proximité temporelle avec W2et sur le nombre de correspondances de ces manuscrits avec notre source

principale.

Le codex F possède à lui seul sept motets ou clausules en commun avec les pièces de notre corpus. C’est l’une des sources qui a le plus de correspondances avec W2. Elle est aussi quasiment contemporaine de ce

manuscrit. Néanmoins, la notation des voix supérieures des motets ne donne pas non plus d’indication rythmique. Le tableau suivant fait la synthèse des différentes correspondances existantes entre les motets à deux voix de W2 sur le FLOS

Tableau 6

Motets fondés sur le mélisme Flos Filius ejus présents dans W2et F

W2 Candida virginitas / FLOS f° 145 v° Flos ascendit / FLOS f° 161 Fidelis gratuletur / DOMINO f° 162 Domino fidelium / DOMINO f° 179 v° Hier mein / DOMINO f° 218 av° En mai / FLOS f° 226 Por alegier / DOMINO f° 241 v° F Clausule à trois voix f° 11 Stirps Jesse / Virga cultus / FLOS f° 409 v° Clausule à deux voix f° 166 Organa f° 76 et f° 87 v° Fidelis gratuletur / SANCTO f° 408 v° Clausule à trois voix f° 11 v° Clausule à deux voix f° 89 Clausule à deux voix f° 166 Clausule à trois voix f° 11 v°

Le codex St-V serait plus tardif. Il a été choisi alors qu’il ne contient que trois correspondances. Cependant, ce manuscrit est fondamental pour notre étude puisqu’il conserve deux clausules à deux voix sur la mélodie de la teneur

FLOS FILIUS EJUS présentes uniquement dans ce codex. Ces pièces sont écrites

en polyphonie avec une notation rythmique plus précise que dans W2 pour les

voix supérieures :

Tableau 7

Motets fondés sur le mélisme Flos Filius ejus présents dans W2et St-V

W2 O vere lucis / EJUS

f° 175 v°

E bergier / EJUS

f° 208 v°

L’en dit que j’ai amé / FLOS

f° 237 v° St-V Clausule à deux voix

f° 291

Clausule à deux voix f° 291

Clausule à deux voix f° 291

Enfin, Mo est l’un des plus grands recueils de motets avec W2. La

notation rythmique pré-franconienne utilisée dans les fascicules les plus anciens de ce codex est plus précise que dans notre source principale. Cette source

possède à elle seule huit correspondances avec les motets de notre corpus comme le montre le tableau ci-après :

Tableau 8

Motets fondés sur le mélisme Flos Filius ejus présents dans W2et Mo

W2 Candida virginitas / FLOS f° 145Flos ascendit / FLOS f° 161 O vere lucis / EJUS f° 175 v° E bergier / EJUS f° 208 v° En mai / FLOS f° 226 Et sire / EJUS f° 226 v°

Mo Plus bele que

flor / Quant revient / L'autrier joer / FLOS f° 26 v° Amours mi font soffrir / En mai / FLOS f° 153 v° Par un matinet / Hé berchier / EJUS f° 195 v° Par un matinet / Hé sire / Hé berchier / EJUS f° 27 v° Par un matinet / Hé berchier / EJUS f° 195 v° Par un matinet / Hé sire / Hé berchier / EJUS f° 27 v° Amours mi font soffrir / En mai / FLOS f° 153 v° Par un matinet / Hé sire / Hé berchier / EJUS f° 27 v°

Ces trois sources vont donc être très souvent convoquées dans notre étude. C’est pourquoi il est utile de les présenter plus longuement.

Le manuscrit F

Le codex F est le plus volumineux et le plus riche des trois manuscrits contenant le répertoire du magnus liber52. Il conserve plusieurs organa, motets et

clausules sur le Stirps Jesse dont certaines pièces sont liées à celles de W2. D’un

point de vue codicologique, ce manuscrit est constitué de 441 folios assemblés en

52 Pour une bibliographie plus complète : HILEY, David, « Sources », op. cit., base de données en ligne

consultée le 20 mars 2012,

<http://www.oxfordmusiconline.com:80/subscriber/article/grove/music/50158pg4> ; RISM, B, IV, 1 ; EVERIST, Mark, Polyphonic Music, op. cit., p. 37 et suiv. HUSMANN, Heinrich, et BRINER, Andres P., « The enlargement of the « Magnus liber organi », op. cit., p. 176-203 ; HUSMANN, Heinrich et REANEY, Gilbert, « The Origin and Destination of the Magnus Liber Organi », op. cit., p. 311-330 ; BALTZER, Rebecca A., « Thirteenth-Century Illuminated Miniatures and the Date of the Florence Manuscript », JAMS, 15, 1972, p. 1-18. ; BRANNER, Robert, « The Johannes Grusch Atelier and the Continental Origins of the William of Devon Painter », Art Bulletin, 54 (1972), p. 24-30 ; SMITH, Norman E., « Some Exceptional Clausulae of the Florence Manuscript », Music & Letters, 54 (1973), p. 405-414 ; TISCHLER, Hans, « The evolution of the « Magnus Liber Organi », The Musical Quarterly, 70 (1984), p. 163-174 ; ROESNER, Edward H., « Who « Made » the « Magnus Liber » ? », Early Music History, 20 (2001), p. 227-266 et ROESNER, Edward H. (éd.), Antiphonarium, seu, Magnus liber, op. cit., 39 p. ; HAGGH, Barbara et HUGLO, Michel, « Magnus liber – Maius munus », op. cit., p. 181-218.

douze fascicules et vingt-sept cahiers. Pendant longtemps daté de la fin du XIIIe siècle et même du début du XIVe53, F a suscité de nombreuses polémiques. W. Apel a été l’un des premiers musicologues à remettre en question cette datation tardive. Selon lui, F aurait plus probablement été conçu vers le milieu du XIIIe siècle54. En 1972, R. Baltzer s’appuie sur les travaux de R. Branner pour revenir également sur cette datation. Elle conclut son étude sur une origine beaucoup plus ancienne de F, conçu selon elle vers 1245-125555. Le manuscrit F aurait donc été une source essentielle pour Notre-Dame de Paris mais au temps de saint Louis. En 1989, M. Everist remet encore en cause cette datation pour lui donner une origine antérieure. Le codex F serait ainsi daté de 1240-1245 à dix ans près56. Les travaux les plus récents de B. Haggh et M. Huglo confirment cette datation puisque ce codex aurait été écrit pour la dédicace de la Sainte-Chapelle en 124857.

Les recherches sur la datation recouvrent en effet une autre interrogation fondamentale : la provenance géographique des pièces et du codex. Il est certain que F n’est pas un ouvrage issu de la liturgie d’une seule église. Par conséquent, définir précisément les circonstances de la conception de ce manuscrit et son origine géographique est une tâche difficile. Le premier possesseur connu de ce codex est Pierre de Médicis, le banquier florentin, au XVe siècle. L’inscription au folio f° 476 l’atteste58. Le manuscrit F apparaîtrait également dans un inventaire de ses possessions en 1456. Avant cette date, il existe peu d’informations concrètes sur la provenance du codex. M. Everist a été le premier à remarquer une fleur de lys avec or et azur au folio 1 dans la première lettre de l’organum Viderunt. Il en a déduit un patronage royal sans doute français59. En effet, l’utilisation de ces couleurs sur une fleur de lys en dehors des armoiries de la royauté française est peu fréquente au XIIIe siècle. En plus des décorations

53DELISLE, Léopold, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 22 (1885), p. 102 cité par BALTZER, Rebecca A., « Thirteenth-Century Illuminated Miniatures », op. cit., p. 1.

54 APEL, Willi, The Notation of Polyphonic Music 900-1600, Cambridge, Massachusetts, The Mediaeval Academy of America, 1953, note 1, p. 180.

55BALTZER, Rebecca A., « Thirteenth-Century Illuminated Miniatures », op. cit., p. 15. 56EVERIST, Mark, Polyphonic music, op. cit., p. 77.

57HAGGH, Barbara et HUGLO, Michel, « Magnus liber – Maius munus », op. cit., p. 203-225.

58ROESNER, Edward H. (éd.), Antiphonarium, seu, Magnus liber, op. cit., p. 20. Liber Piero de' Medici.

Cos. fili.

typiques des sources parisiennes de la première moitié du XIIIesiècle, l’étiquetage du pupitre XXIX où était conservé ce codex indiquait clairement la provenance française du manuscrit60. La question est alors de savoir comment un tel codex est arrivé en Italie et a été acquis par Pierre de Médicis au XVe siècle. B. Haggh et M. Huglo formulent l’hypothèse d’un don diplomatique accordé à Pierre de Médicis par Louis XI61.

L’origine géographique de F est également attestée par le contenu liturgique du manuscrit. En effet, certaines compositions proviennent de Paris, d’autres sont issues de régions proches. C. Wright a lié avec succès certaines pièces à l’archidiocèse de Sens et au labyrinthe de cette ville62. La présence de ce répertoire n’est pas surprenante dans un livre royal. Les liens entre l’évêque de Paris et l’archevêque de Sens sont extrêmement prégnants, le premier étant le suffragant du second. Le mariage de Louis IX, avec Marguerite de Provence avait été béni dans la cathédrale Saint-Étienne de Sens en 1234 par l’archevêque de cette même ville. La provenance parisienne et royale de ce manuscrit est également étayée par certaines compositions. Plusieurs conduits traitent ainsi d’événements ou de personnages historiques ou royaux63. Selon B. Haggh et M. Huglo, les pièces font référence à des saints fêtés non pas à Notre-Dame de Paris mais à la Sainte-Chapelle comme par exemple Thomas Becket. Pour finir, un des rondeaux conservé dans F In rerum principio fait référence à une dédicace qui ne peut être que celle de la Sainte-Chapelle de Paris. L’ensemble de ces éléments ainsi que la somptuosité de cette somme de musique latine permettent de penser que seul un événement important aurait pu être à l’origine de la conception d’un tel manuscrit : en l’occurrence la dédicace solennelle de la Sainte-Chapelle, le 12 juin 1248, date du départ de Louis IX pour la croisade. Selon B. Haggh et

60Liber antiphonarium ecclesiae gallicanae. HAGGH, Barbara et HUGLO, Michel, « Magnus liber – Maius munus », op. cit., p. 203. Liber antiphonarium ecclesiae gallicanae.

61HAGGH, Barbara et HUGLO, Michel, « Magnus liber – Maius munus », op. cit., p. 201 et suiv. 62WRIGHT, Craig, The Maze and the Warrior, Cambridge, Harvard University Press, 2001, p. 45-48. 63HAGGH, Barbara et HUGLO, Michel, « Magnus liber – Maius munus », op. cit., p. 207 et suiv.

M. Huglo, ces circonstances expliqueraient les choix à l’origine de cette compilation64.

Le contenu de ce manuscrit est organisé de manière liturgique. Le recueil commence par des organa, conduits et clausules de quatre et trois voix classés dans le calendrier en fonction de leurs teneurs. Le fascicule 3 contient des

organa suivis de Benedicamus Domino, moins bien définis liturgiquement. En

outre, les clausules sont, dans le fascicule 5, suivies des conduits dans les fascicules 6 et 7. Les motets, qui ne sont attachés à aucune fête en particulier, sont conservés dans les fascicules 8 et 9 en fonction du nombre de leurs voix. Ensuite, viennent encore des conduits puis des rondeaux dans les fascicules 10 et 11.

Le manuscrit St-V

Mise à part F, un autre manuscrit est souvent associé au répertoire parisien : le manuscrit St-V de la moitié ou du troisième quart du XIIIesiècle65. Ce codex, qui mesure 180 par 102 mm, était composé à l’origine de 305 folios mais les feuillets 1 à 175 ont été perdus. La provenance de ce manuscrit est inconnue. Deux noms de propriétaire sont inscrits dans l’ouvrage à savoir « Jacques Bauchant » à Saint-Quentin au folio 1 et 199 et « Jehan du pont » au folio 254. Selon L. Delisle, le premier serait mort vers 1396 ; le deuxième en 1513 à l’abbaye augustinienne de Saint-Victor fondée en 111366. Néanmoins, ces mentions ne nous renseignent pas sur l’origine du manuscrit ni sur sa conception. Son contenu ne nous aide pas non plus à définir sa provenance.

64Ibid., p. 225.

65RISM, B, IV, 1, p. 420 ; LUDWIG, Friedrich, Repertorium, op. cit., p. 139-157 ; ROKSETH, Yvonne (éd.),

Polyphonies du XIIIesiècle, op. cit., vol. 4, p. 70 ; THURSTON, Ethel, The Music in the St Victor Manuscript

Paris 15139 : Polyphony of the Thirteenth Century, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1959,

p. I ; STENZL, Jürg, Die Vierzig Clausulae der Handschrift Paris Bn. lat. 15139, Bern, P. Haupt, 1970, 248 p. ; SMITH, Norman E., « The Earliest Motets : Music and Words », Journal of the Royal Musical

Association, 114 (1989), p. 141-163 ; HILEY, David, « Sources », op. cit., base de données en ligne consultée

le 5 janvier 2012,

<http://www.oxfordmusiconline.com:80/subscriber/article/grove/music/50158pg4>.

66DELISLE, Léopold, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1977, vol. 1, p. 40 et vol. 2, p. 103.

Ce codex rassemble une collection d’œuvres très diverses. Il se compose de textes d’Hugues de Saint-Victor, d’un commentaire sur le Pater

Noster, de pièces musicales et de deux traités de musique (Quiconques veut deschanter sur les règles des polyphonies à deux voix et Quando due note sunt in uno sono sur le contrepoint, la notation et les modes rythmiques). Les soixante

dix-sept pages de notation musicales organisées en six cahiers (fol. 255-293) contiennent des conduits, des organa à deux voix dont certains dédiés à saint Étienne et à saint Paul et enfin une quarantaine de clausules conservées dans le sixième cahier (f° 288-293)67. Chaque clausule possède dans la marge le début du texte du motet qui lui correspond. Selon E. Thurston, cette écriture serait datée de la deuxième moitié du XIIIesiècle. Plusieurs hypothèses ont été formulées sur ces pièces68. Selon Y. Rokseth et E. Thurston, ces clausules seraient des motets dont le texte de la voix supérieure aurait été supprimé. Au contraire, R. Flotzinger ainsi que N. Smith affirme que ces clausules auraient été composées avant les motets. Selon ces derniers, les clausules seraient datées de la fin du XIIIe siècle voire du début du XIVe siècle. Plusieurs clausules fondées sur des mélodies issues du

Stirps Jesse sont conservées dans ce codex.

Le manuscrit Mo

Le codex H 196 de Montpellier ou Mo contient le plus grand nombre de motets sur cette teneur avec W2. Il est également le plus important recueil de

motets conservé à ce jour. Vraisemblablement d’origine parisienne, il est réalisé sur un parchemin très fin. Ce manuscrit de 192 par 136 mm se compose de 400 folios majoritairement répartis en quaternions selon huit fascicules.

Le premier fascicule est constitué d’organa, clausules et d’un conduit comme le début du fascicule 8. À part ces exceptions, l’ensemble des pièces conservées dans ce recueil sont des motets classés selon le nombre de leurs voix

67ROKSETH, Yvonne (éd.), Polyphonies du XIIIesiècle, op. cit., vol. 4, p. 70, note 3.

68 Sur la polémique : ROKSETH, Yvonne (éd.), Polyphonies du XIIIe siècle, op. cit., vol. 4, p. 70 ;

FLOTZINGER, Rudolf, Der Discantussatz im Magnus Liber und seiner Nachfolge, Vienna, Hermann Böhlaus Nachf, 1969, p. 287 ; FROBENIUS, Wolf, « Zum genetischen Verhältnis zwischen Notre-Dame- Klauseln und ihren Motetten », Archiv für Musikwissenschaft, 44 (1987), p. 1-39 ; SMITH, Norman E., « The Earliest Motets », op. cit., p. 141-163.

puis leurs langues. Ainsi, le fascicule 2 est composé de motets en ancien français à quatre voix, le fascicule 3, de motets à trois voix avec le motetus en latin et le triple en ancien français, etc. Contrairement au manuscrit W2, les motets latins ne

sont pas systématiquement présentés en premier.

Le codex Mo est un manuscrit hétérogène qui a été composé en plusieurs étapes. Les fascicules II à VI (f° 1 à 269 v°) appelé ancien corpus seraient datés de 1270 environ69. Selon M. Everist, les fascicules I et VII (f° 270 v°-333 v°) seraient datés des années 1280. Le fascicule VIII aurait été ajouté par la suite vers 1300.

La notation musicale ainsi que les décorations correspondent à ces différentes étapes70. L’ancien corpus est en notation pré-franconienne, les fascicules I et VII sont en notation franconienne avec des éléments spécifiques et le fascicule VIII en notation franconienne. Ce dernier contient notamment des