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Disposition sémantique

Le poème de la monodie se divise en deux parties inégales de cinq et trois vers. Dans la première (vers 1 à 5), le locuteur fait part de sa décision d’aimer honnêtement la personnification de Bone Amour et en explique les raisons. Puis, à partir du vers 6, le locuteur ne s’adresse plus à Amour mais à sa dame, directement interpellée au vers 7.

Dans la première partie, les vers 1 à 5 peuvent eux-mêmes se diviser en deux propositions inégales de deux et trois vers. Les vers 1 et 2 annoncent la décision d’aimer du locuteur tandis que les vers 3, 4 et 5 évoquent les causes négatives puis positives de ce choix. Dans le vers 3, la première raison se réfère aux facultés intellectuelles du locuteur, la deuxième (vers 4), à ses affects pour justifier le choix d’aimer. Tout l’être est ainsi mobilisé. Le vers 5 conclut sur la troisième cause de cette décision en rappelant le caractère inconditionnel du service d’amour.

Dans la deuxième partie, les vers 6 et 7 sont une requête adressée à la dame pour obtenir une récompense à cet amour : un seul baisier. Le vers 8 conclut alors sur la récompense espérée.

Les strophes suivantes enrichissent la situation mise en place dans la première. Dans la deuxième strophe, la dame s’est éloignée. Dans la cinquième, le locuteur s’adresse donc à une allégorie de la chanson. Cette dernière va servir de messager entre le locuteur et la dame. Ainsi, il pourra retrouver son amour.

La disposition du texte de la première strophe est synthétisée dans le tableau ci-après :

Tableau 3 : Disposition sémantique de la chanson Vers Versifi

cation

Texte poétique Analyse succincte 1

2

7a’ 7b

Bone amour sanz trecherie

Servirai sanz losengier,

Introduction et division Personnifica tion de l’Amour 3 4 7b 7a

Quar aillours penser ne quier

Ne d’autre amour n’ai envie

Les causes négatives

Confir- mation

5 7a Touz sui suens en sa baillie. La cause positive 6 7 7a 7b

Sor mi voloit faire aïe Ma dame d’un seul baisier, Requête adressée à la dame Incarnation de cet amour 8 7a’ Bien seroit l’amor merie. Conclusion

Disposition poético-musicale

La disposition sémantique de la chanson rejoint sa structure mélodique. L’introduction du texte (vers 1 et 2) est marquée par la répétition à la fin de chaque vers du motif cadentiel b fondé sur une ornementation autour du ré : fa mi

ré do ré. Certes, la présence d’une syllabe supplémentaire au vers 1 entraîne une

ornementation et un placement du texte différent par rapport au vers 2. Néanmoins, ces deux motifs sont bien liés. Ils emploient les mêmes notes mais l’ornementation sur la syllabe [che] de trecherie dissimule cette parenté. Ainsi, le vers 1 s’achève sur le motif b ouvert puis le vers 2 le répète de manière conclusive. Cette conversio crée un parallélisme entre les deux premiers vers de l’introduction :

Ces deux mêmes vers débutent par deux motifs descendants. Le vers 1 commence par le motif a qui s’inscrit dans la tierce majeure la fa, le vers 2 par le motif c, une quarte descendante sol ré. Les vers 3, 4 et 5, sur l’explication de la décision du locuteur, débutent au contraire par ces deux motifs mais repris de manière ascendante. Ainsi, la disposition sémantique par deux puis trois vers de la première partie est soulignée par celle des motifs. Les vers 1 et 2 sont chantés sur deux motifs descendants qui deviennent ascendants aux vers 3, 4 et 5. Ce sont bien les mêmes motifs inversés. Ils emploient tous les deux des notes identiques, le même nombre de syllabes placées de la même façon dans les deux cas et selon une même notation. Ces vers forment ainsi une double repetitio alliée à une

epanodos :

L’homogénéité de cette première partie est renforcée par l’utilisation des motifs cadentiels b et c. Ces derniers sont extrêmement proches. Le motif c s’inscrit dans une quarte descendante sol ré alors que le motif b est une ornementation autour du ré et s’inscrit dans la quarte fa do. Nous avons simplement décidé de les différencier à cause de l’absence du do dans le motif c :

Exemple musical 18

Le motif b est répété trois fois sur ré. Ce qui permet de renforcer l’idée conclusive de ce motif. Il est également repris et transposé à la quinte supérieure au vers 5 pour évoquer la dernière cause du choix du locuteur : l’exclusivité du service d’amour. Ainsi, les deux phrases musicales coïncident avec l’organisation du texte. En apparaissant une seule fois au vers 3, le motif c permet de différencier les deux propositions de cette première partie. Le vers 1 ouvert se clôt au vers 2 et correspond à l’énoncé de l’exorde et de la proposition. Dans la deuxième proposition, le vers 3 s’achève sur c et permet d’énoncer la première raison du choix d’amour. Les vers 4 et 5 évoquent les deux autres causes et s’achèvent à nouveau sur le motif b et b’.

La division du texte en deux propositions est également soulignée par d’autres moyens musicaux. La mélodie du vers 3 est en effet une reprise proche de la mélodie du vers 1 sans l’ornementation finale autour du ré. Le compositeur a simplement ajouté le motif a’ au début du vers 3 :

Dans la deuxième partie du poème, l’organisation motivique est moins évidente. Le début de la seconde partie (vers 6 à 8) est marqué par la reprise du motif b’ sur do qui casse l’alternance des motifs a et c en début de vers. Les motifs b’ forment ainsi une anadiplose : b’ chanté à la fin du vers 5 et repris au début du vers 6. Le placement du texte est différent mais le squelette mélodique est très proche :

Puis, le motif a’ revient très rapidement. Il est repris au début du vers 7 : Exemple musical 21

C’est surtout la répétition du motif c à la fin des vers 6, 7 et 8 qui est déterminante. Elle permet de renforcer l’idée conclusive de cette formule, d’homogénéiser la deuxième partie et de circonscrire la demande du locuteur adressée à la dame dans ces trois derniers vers. Aux vers 6 et 7, la répétition est exacte mais le vers 7 chante une cadence supplémentaire mi fa mi do. Le motif c du vers 8 est plus éloigné, l’ornementation est différente ainsi que la notation et le placement du texte. Néanmoins, le squelette mélodique est très proche :

Exemple musical 22

Ainsi, la deuxième partie ne développe aucune nouvelle idée motivique. En revanche, elle est marquée par le motif c comme la première partie l’était par le b.

Pour résumer, le texte de cette chanson se divise en deux grandes parties. La première est constituée par deux phrases inégales (vers 1-2 et 3-5) comme la deuxième (vers 6-7 et 8). Le compositeur aurait pu se servir de la réitération du motif a et a’ au début de chaque vers impair pour assembler les propositions du poème par deux mais il n’en a rien fait. Au lieu de cela, il s’est servi des mouvements ascendants ou descendants des premiers motifs pour mettre en

évidence les différentes propositions du texte. Seuls les motifs finaux b et c sont réellement utilisés pour leurs caractéristiques mélodiques, déterminantes par leurs places et leurs réitérations.

Exemple musical 23