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Classifications des pièces

Le ou les compilateurs du manuscrit W2 ont employé deux types de

classifications en fonction du contenu de chaque fascicule. Les compositions latines pour les offices et la messe sont ordonnées selon le calendrier liturgique. Les motets en ancien français et certains en latin sont classés selon l’ordre alphabétique, la langue et le nombre de voix. Les différentes polyphonies et les motets latins sont placés avant les compositions en ancien français. Cette classification semble également représentative d’une évolution. Elle a été utilisée comme argument chronologique par les chercheurs. M. Everist considère ainsi que le codex W2est représentatif d’une étape entre les manuscrits F et Mo17. Dans

le premier, toutes les pièces sont classées en fonction du calendrier liturgique. Dans le second, les motets sont ordonnés selon le nombre de voix et la langue.

15PAYNE, Thomas B. (éd.), Les organa à deux voix, op. cit., vol. 6A, p. xxiv ; WRIGHT, Craig, Music and

Ceremony at Notre Dame, op. cit., p. 269.

16EVERIST, Mark, Polyphonic Music, op. cit., p. 99. 17Ibid., p. 98.

Copistes et fascicules

Selon F. Ludwig, trois copistes auraient participé à l’écriture du manuscrit W2: le premier pour les organa dans les fascicules I-V, le second pour

les conduits à deux voix dans le fascicule VI, et le troisième pour les motets dans les fascicules VII à X18.

Selon T. Payne, il serait plus probable qu’il y ait eu cinq copistes. Dans son introduction au magnus liber organi, ce dernier s’appuie sur l’étude de M. Wolinski « The manuscrit W2 reexamined : a thirteenth-century polyphonic

source »19. Un seul copiste aurait alors écrit l’ensemble des textes et des mélodies des fascicules 7 à 10 à partir du folio 125 v° mais cette théorie nous semble peu convaincante.

Du point de vue de M. Everist, les copistes auraient plutôt été au nombre de six ou sept20. Le copiste 1 (peut-être identique au copiste 2) aurait écrit le fascicule 1 ; le copiste 2, les fascicules 2, 4 et 5 puis le copiste 3, une partie du fascicule 3 (f° 31-38 v°) ainsi que le fascicule 6. Le copiste 4 aurait complété le fascicule 3 (f° 39-46 v°) puis le copiste 5 aurait rédigé le fascicule 7. Enfin, le copiste 6 aurait écrit le fascicule 8 et le copiste 7, les fascicules 9 et 10. Ces changements sont le résultat d’une certaine spécialisation. En effet, les pièces latines liturgiques sont écrites par les copistes 1 et 2. Le fascicule 1 se compose de la fin d’un organum quadruple et d’une clausule à quatre voix (f° 1-5), le fascicule 2 (f° 6-30) de douze organa tripla, le fascicule 4 (f° 47-62) d’organa dupla pour les offices21, le fascicule 5 (f° 63-91 v°) de trente cinq organa dupla dont trente pour la messe y compris trois Benedicamus Domino sur la mélodie du Flos Filius

ejus22. Les conduits contenus principalement dans les fascicules 6 et 7 auraient été écrits par les copistes 3 et 4. Enfin, les copistes 5, 6 et 7 auraient écrit les fascicules qui contiennent les motets. Dans ces derniers, le fascicule 7, composé

18LUDWIG, Friedrich, Repertorium, op. cit., p. 157

19PAYNE, Thomas B. (éd.), Les organa à deux voix, op. cit., vol. 6A, p. XIX-XX. Au moment de l’édition du travail de T. PAYNE, l’étude de M. WOLINSKI n’était pas publiée. Il n’y a donc aucune référence bibliographique dans l’ouvrage de T. PAYNE. Nous n’avons pas réussi à trouver les références de ce travail. Peut-être n’a-t-il pas été publié.

20EVERIST, Mark, Polyphonic Music, op. cit., p. 101 et suiv.

21Et notamment d’un organum à deux voix sur Stirps Jesse. Virgo dei genitrix f° 51-52, semblable à celui des f° 75-75v° de F et d’un organum à deux voix sur Ad nutum v. Ut vitium virtus aux f° 52-53.

pour une grande majorité de motets-conduits et classés par nombre de voix, a été écrit par le copiste 5. Le fascicule 8, composé de motets latins à deux voix, a été copié par le copiste 6. Puis, le copiste 7 a rédigé l’ensemble des fascicules 9 et 10. Pour une grande majorité, ces deux derniers regroupements contiennent respectivement des motets en ancien français et en latin à trois voix puis des motets en ancien français à deux voix. En d’autres termes, à l’exception du fascicule 7, un seul copiste a écrit les motets chantés sur des textes en ancien français. Voici un tableau récapitulatif des travaux de M. Everist :

Tableau 1

Copistes Fascicules

Copiste 1 fascicule 1

Copiste 2 (le même que le copiste 1 ?) fascicule 2, 4 et 5

Copiste 3 fascicule 3 (f° 31-38 v°) fascicule 6 Copiste 4 fascicule 3 (f° 39-46 v°) Copiste 5 fascicule 7 Copiste 6 fascicule 8 Copiste 7 fascicule 9 et 10

Les motets de notre corpus semblent donc avoir été notés par deux copistes.

Malgré les divergences de point de vue sur le nombre de ces derniers, les musicologues s’accordent néanmoins sur le changement de main entre les fascicules 6 et 723. En effet, ce dernier (f° 123-144 v°) occupe une place à part. Il n’est pas composé exclusivement de pièces liturgiques comme dans les fascicules antérieurs ou d’un même type de compositions comme les fascicules suivants. Il rassemble douze motets-conduits à trois voix, puis cinq motets à trois voix avec un texte en ancien français (f° 134-138 v°) et enfin neuf conduits à deux voix (f° 138 v°-144 v°) ordonnés par nombre de voix et types de compositions. À l’intérieur des fascicules 8 à 10, les motets sont organisés selon plusieurs séries

23 Pour une analyse plus complète des différentes graphies : EVERIST, Mark, Polyphonic Music, op. cit., p. 101 et suiv. ; PAYNE, Thomas B. (éd.), Les organa à deux voix, op. cit., vol. 6A, p. XIX-XX.

d’ordres alphabétiques suivant la première lettre du texte du motetus24. Le fascicule 8 (f° 145-192) se compose de motets à deux et trois voix classés selon trois séries d’alphabet parfois avec de légères inexactitudes. En outre, du folio 145 à 157, les incipit des contrafacta en ancien français sont écrits en rouge dans la marge. Ces inscriptions semblent être contemporaines de l’écriture des textes des motets voire notées par le même copiste. Le tableau suivant fait la synthèse du contenu du fascicule 8 :

Tableau 2

Fascicule 8

Folio Organisation interne Contenu du fascicule

145-155 v° Premier alphabet 19 motets latins à deux voix 155 v°-178 Second alphabet 29 motets latins à deux voix 2 motets latins à trois voix

178-190 Troisième alphabet 28 motets latins à deux voix dont 1 à trois 190-192 v° Appendice 7 motets latins à deux voix

Le fascicule 9 est d’une composition plus simple. Il est constitué de vingt-deux motets à trois voix chantés à la fois en latin et en ancien français. Il y a un seul motet à quatre voix en ancien français ainsi qu’une pièce à deux voix dont le texte du triple n’a jamais été écrit. Quant au fascicule 10, il se compose exclusivement de motets à deux voix en ancien français, ordonnés selon quatre séries alphabétiques comme le montre le tableau ci-après :

Tableau 3

Fascicule 10

Folio Organisation interne Contenu du fascicule

216-222 Premier alphabet 19 motets en ancien français à deux voix 222-248 Second alphabet 60 motets en ancien français à deux voix 248 v°-

252

Début d’un troisième alphabet

8 motets en ancien français à deux voix 252-

253 v°

Appendice, Fin d’un quatrième alphabet ?

3 motets en ancien français à deux voix

Dans le fascicule 8, les débuts de séries de chaque alphabet ne correspondent pas aux changements de cahiers. En revanche, dans le fascicule 10, le commencement des deux premières séries alphabétiques coïncident avec celui des cahiers. Seuls les alphabets trois et quatre, tous les deux situés dans les appendices du dernier cahier, ne correspondent pas. Malgré ce constat, le manuscrit W2semble avoir été conçu comme une collection unitaire.

Mise en page et décoration

En effet, la mise en page du manuscrit est uniforme. Dans l’ensemble des fascicules 8 à 10, les motets sont notés de façon continue sur une colonne. La ou les voix supérieures (écrites à la suite les unes des autres) sont immédiatement suivies de leur teneur. L’initiale de cette dernière est généralement une majuscule à l’encre noire qui occupe quatre interlignes. Des initiales filigranées rouges et bleues marquent le début de chaque voix supérieure. Dans les fascicules 8 à 10, leurs hauteurs varient de cinq ou six interlignes (la hauteur d’une portée avec son texte) jusqu’à deux portées. Il y a extrêmement peu d’initiales historiées.

Malgré la finesse du parchemin, la décoration semble en effet moins riche que dans F25. Selon M. Everist, cette quasi-absence de décoration peinte n’est pas le résultat d’un manque de moyen mais plutôt le symptôme d’un défaut de coordination entre les copistes. Ces derniers ne se seraient pas mis d’accord sur

la place à accorder aux enluminures et différentes décorations. Selon lui, il ne faudrait donc pas en tirer des conclusions sur l’origine du manuscrit. En effet, la notation des organa témoigne d’une grande attention de la part des notateurs : les voix sont soigneusement coordonnées contrairement à celles de F ou W126.

De plus, le codex W2 est extrêmement riche d’un point de vue

musical. Dans notre corpus, ce codex est l’une des deux sources contenant le plus grand nombre de motets fondés sur la mélodie du Stirps Jesse avec le codex Mo. Il conserve en effet dix-sept motets à deux voix sur les teneurs FLOS FILIUS

EJUS, EJUS, BENEDICAMUS DOMINO ou DOMINO. À cela s’ajoute un

« motet-conduit » dans le fascicule 7 et quatre autres motets à trois voix sur les mêmes teneurs dans le fascicule 9.