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1.5 Prise en charge psycho-médico-sociale en milieu carcéral

1.5.1 Teneur actuelle

Aux termes de l’article 46 ch. 2 CP, il doit être pourvu dans chaque établissement « aux

besoins de la vie morale, culturelle et corporelle des détenus ». La prise en charge du détenu

touche par conséquent à l’ensemble des aspects pyscho-sociaux, médicaux et spirituels de sa

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BRÄGGER inNIGGLI/WIPRÄCHTIGER (2002),p. 438, n° 2.

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Cf. notamment l’art. 10 ch. 3 Pacte ONU II ; la règle 3 de la Recommandation n° R(87)3 sur les règles pénitentiaires européennes et la quatrième partie de ladite Recommandation intitulée « Objectifs du traitement et

régime ». Ce terme est également utilisé dans les intitulés mêmes de plusieurs de ces instruments, parmi lesquels

la Résolution (76)2 sur le traitement des détenus en détention de longue durée, adoptée par le Comité des Ministres le 17 février 1976, lors de la 254e réunion des Délégués des Ministres et la Recommandation n° R(82)17 relative à la détention et au traitement des détenus dangereux, adoptée par le Comité des Ministres le 24 septembre 1982, lors de la 350e réunion des Délégués des Ministres. Le Comité restreint chargé de la rédaction du rapport relatif à cette recommandation souligne que ce terme a fait l’objet de vives controverses en son sein. Il l’a toutefois maintenu en précisant qu’il convient de « le prendre dans un sens large comprenant les mesures

nécessaires pour maintenir ou rétablir la santé physique et mentale des détenus, ainsi qu’à tout un éventail d’activités destinées à encourager et à promouvoir la réinsertion sociale et à offrir aux détenus les moyens de mener une vie responsable dans la collectivité et de s’affranchir de la délinquance. Le « traitement » doit donc s’entendre comme englobant la formation sociale, la scolarité, l’instruction générale, la formation professionnelle, le travail, des activités de loisirs raisonnables, l’exercice physique, les visites, la correspondance, les journaux, les revues, les livres, la radio, la télévision, l’intervention de travailleurs sociaux, l’assistance de ministres du culte et la préparation à la libération ». Cf. CONSEIL DE L’EUROPE, Rapport sur la

détention et le traitement des détenus dangereux, Strasbourg, 1983, p. 14, cité par FAUGERON (1995), p. 56. Dans le même sens, cf. GONSA (1992), p. 16.

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A ce propos, voir les développements de SYR (1990), pp. 47-50; PEDRON (1995), pp. 41s; MBANZOULOU

(2000), p. 33;KELLENS (2003), p. 75.

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CASILE-HUGUES (1994),p. 120.

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Dans le même sens, voir PEDRON (1994),p.49etpp.64squi lui préfère la dénomination de « dispositif social

vie en détention, dans une optique de réponse individualisée aux buts assignés à l’exécution de la peine privative de liberté.

La prise en charge psycho-médico-sociale fait l’objet de prescriptions relativement détaillées dans les normes d’exécution cantonales ; chaque établissement étant libre de décider, concrètement, des modalités de sa mise en oeuvre. Des nuances dans l’application locale de ce concept d’exécution peuvent donc être constatées. Dans les grandes lignes toutefois, il repose sur plusieurs piliers, à savoir : les soins, la sociabilité, la spiritualité, les contacts avec l’extérieur et le travail.

L’encadrement médical, requis par le détenu et/ou ordonné par un tribunal, est assumé par des spécialistes en médecine somatique et en psychiatrie. Les premiers, en particulier, sont censés œuvrer également dans le domaine de la prévention sanitaire et favoriser chez les détenus une conscience quant à l’importance de leur bien-être physique et de leur hygiène. Les exercices physiques et « les promenades » y concourent, raison pour laquelle des heures du temps carcéral leur sont expressément consacrées. L’offre psycho-sociale est généralement assurée par des travailleurs sociaux493 et/ou des psychologues. Il leur appartient en particulier d’assister et d’encadrer les détenus dans toutes leurs démarches destinées à la préparation de leur retour à la vie libre et de favoriser le maintien de leurs contacts avec l’extérieur. Il leur revient en outre d’organiser des activités socioculturelles et sportives qui pourront réunir détenus et autres membres du personnel, voire même des tiers venus de l’extérieur (par exemple à l’occasion d’une partie de football ou d’un concert). Ils sont chargés enfin, dans certains établissements, de mettre en œuvre l’animation pédagogique (cours de langue, d’informatique, d’alphabétisation, bibliothèque, ateliers cuisine, cinéma, etc.). Quant à l’assistance spirituelle, elle relève d’un homme de foi. Les différentes confessions des détenus sont prises en considération. Il n’est donc pas rare de voir tour à tour mobilisés un ecclésiastique, un imam et un rabbin, par exemple. Des services religieux sont également prévus dans chaque établissement. Les contacts avec l’extérieur, et en particulier avec la famille de la personne incarcérée, doivent en outre être privilégiés. Ils s’établissement via les visites, la correspondance494, les congés et les autres autorisations de sortie octroyées à l’occasion d’événements spéciaux495. Ces différentes modalités de contact avec le monde extérieur sont néanmoins subordonnées au respect de certaines conditions liées à la sécurité496. Elles peuvent dès lors faire l’objet de restrictions qui sont aussi généralement précisées dans les directives internes des établissements. Le lien avec la vie libre est enfin aussi maintenu par l’accès à la presse écrite et aux médias, radiophoniques et audiovisuels.

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Reconnaissant l’importance de leur intervention, que se soit hors ou en les murs, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 17 janvier 2001, lors de la 737e réunion des Délégués des Ministres, la Recommandation n° R(2001)1 qui leur est consacrée.

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Les visites et la correspondance sont partiellement réglées à l’art. 5 OCP (1). Concernant les visites de l’avocat et la correspondance échangée avec ce dernier, cf. également l’art. 46 ch. 3 CP.

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Le Règlement (n° R-5/1) de la Conférence latine des chefs des Départements de justice et police (CLDJP) concernant l'octroi d'autorisations de sortie aux personnes condamnées adultes du 27 octobre 2003 fixe, entre autre, les conditions d’obtention d’un congé et des autres autorisations de sortie, ainsi que leur durée. Ce Règlement a notamment été approuvé par arrêté du Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel du 1er décembre 2003 (RSN 354.25).

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Le travail demeure l’un des principaux fondements de l’intervention psycho-sociale auprès des personnes incarcérées497. L’article 4 par. 3 lit. a CEDH admet que « le travail requis

normalement d’une personne soumise à la détention (…) » ne peut être qualifié de « forcé »

ou d’« obligatoire »498. De même, aux termes de la Convention de l’Organisation internationale du travail, le travail imposé au condamné ne peut être considéré comme tel s’il est exécuté « sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu

n’[est] pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées »499.

Dans ces conditions, le travail est conçu pour le détenu à la fois comme une obligation mais aussi comme un moyen de resocialisation500. En sus de meubler le temps incarcéré et de pallier à "l’oisiveté", il participe en effet à l’acquisition de certaines habitudes propres au monde libre du travail, lequel est incontestablement « un vecteur d’intégration »501. Dès lors, le travail assigné au détenu doit selon la loi répondre « dans la mesure du possible » à ses aptitudes et lui permettre de subvenir à ses besoins au moment de son retour à la vie libre502. Il apparaît toutefois que les possibilités de travail offertes en milieu carcéral se restreignent souvent aux travaux manuels, notamment en lien avec le domaine agricole et/ou horticole de l’établissement et au sein d’ateliers divers (bois, cuisine, etc.)503, quand elles ne constituent pas « un travail non qualifié, répétitif et sans aucune valeur éducative », tels que le repassage et les nettoyages504. Dans le même ordre d’idées, des programmes de formation (notamment des cours de langues, d’informatique, etc.) et des places d’apprentissage sont certes prévus505,

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Toujours dans le même esprit que la Résolution (75)25 sur le travail pénitentiaire, adoptée par le Comité des Ministres le 18 septembre 1975, lors de la 248e réunion des Délégués des Ministres. Sur le rôle, le sens et la nature - réels et souhaités - du travail en prison, ainsi que les obstacles auxquels il se heurte, cf. notamment les travaux sur ce thème de la FIPP réunis dans le volume : FONDATION INTERNATIONALE PENALE ET PENITENTIAIRE,

Quelques questions-clés de la politique pénitentiaire actuelle, Actes du VIIIe Colloque international, Fuchu-

Tokyo/Japon, 16-20 janvier 1998.

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Dans le même sens, cf. également l’art. 8 par. 3 lit. c i Pacte ONU II. Sur le travail des détenus au regard de l’art. 4 par. 3 lit. a CEDH, lire MALINVERNI in PETTITI/DECAUX/IMBERT (1999), ad. art. 4 CEDH, pp.184-186et arrêts cités.

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Art. 2 ch. 2 lit. c de la Convention n° 29 concernant le travail forcé ou obligatoire, adoptée à Genève le 28 juin 1930 et entrée en vigueur pour la Suisse le 23 mai 1941 (RS 0.822.713.9).

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Plusieurs auteurs y voient toutefois plus une obligation pour le détenu et un moyen pour l’administration pénitentiaire de maintenir l’ordre. Lire notamment CRESSEY (1965),p. 1039. Partant de l’idée que se soustraire au travail est constitutif d’une infraction disciplinaire dans certains établissements, il estime que « The rules

pertaining to work, like other rules, are viewed primarily as devices for keeping dangerous inmates form threatening the security of the institution. It is the prinsoner’s duty to follow such rules and the employee’s duty to see that there is no deviation from them. Although work might be refferred to as a « privilege » given to inmates, this is a privilege in the form of freedom from isolation in punishment celles, not in the form of freedom to spend one’s time in companionate leisure or in recreational activity ». L’analyse est certes intéressante, mais

elle est fortement imprégnée des recherches menées par l’auteur dans des établissements pénitentiaires américains de haute sécurité. Il convient dès lors de la nuancer dans le contexte qui nous occupe. Ainsi, comme le souligne WEBSTER (1998), p. 189, la conception du travail en tant qu’élément essentiel du processus de (re)socialisation des condamnés s’est transformée en parallèle à l’évolution du sens donné et de l’orientation assignée à cet objectif. Dans ces conditions, le travail n’a plus à être considéré comme un élément "régénérateur", voire même "purificateur", mais plutôt comme un paramètre parmi d’autres de « normalisation » et de « non-désocialisation » (pp. 189-193).

501

VALLOTTON (2000b), p. 70; BRÄGGER inNIGGLI/WIPRÄCHTIGER (2002),p. 441, n°8.

502

Art. 37 ch. 1er CP.

503

D’aucuns soulignent également la difficulté de « maintenir en activité » les détenus, dans un contexte socio- économique « de plus en plus difficile ». Cf. notamment BEST (1999).

504

CORTHAY/KUHN (2004), p.56.

505

En vertu du par. 78 de l’Annexe à la Recommandation n° R(87)3 sur les règles pénitentiaires européennes « L'éducation doit être considérée comme une activité du régime pénitentiaire, au même titre que le travail, à

mais les places sont souvent limitées506. Les détenus les moins chanceux doivent alors se tourner vers une autre occupation507. En définitive, les offres de travail ne correspondent pas toujours au "profil" des personnes incarcérées et n’assouvissent que rarement leurs aspirations.

Le détenu qui satisfait à l’exécution de son obligation de travail reçoit un pécule508, dont le montant est fixé, pour les cantons romands et du Tessin, par la Conférence du Concordat509. Les ordonnances d’exécution cantonales déterminent, avec plus ou moins force de détails, son affectation et son utilisation dans le cadre de la privation de liberté510.

Enfin, dans le prolongement de l’évolution du sens donné à la notion de (re)socialisation, la prise en charge des personnes incarcérées se lit de plus en plus à la lumière du concept de « normalisation »511. Ce principe désigne « le rapprochement des conditions de vie en prison

de celles qu’elles sont dans la société globale »512. L’idée étant qu’il faut tendre à une vie carcérale qui s’inspire des codes de la société civile, pour laisser une chance au détenu de la regagner un jour513.