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2.2 Le secret de fonction "incarcéré"

2.2.3 Le secret de fonction sous l’angle de la législation cantonale

2.2.3.1 Secret de fonction et transparence de l’administration

Le principe de transparence de l’administration repose sur l’idée que « chaque citoyen

participe de la personne même de l’Etat : il est en droit de connaître, dans une certaine mesure, les informations détenues par ce dernier parce qu’elles sont en quelque sorte les siennes propres »1065. S’il renforce la protection des administrés dans leurs rapports verticaux, le principe de transparence leur offre surtout la possibilité de participer plus activement aux affaires publiques. Il vient alors circonscrire la portée du secret de fonction tel qu’il est protégé par les lois sur la fonction publique. Il le limite en effet aux seules informations qui demeurent protégées par une exception déclinée dans la loi consacrant la transparence, ou qui tombe sous le coup d’un secret prédéterminé par une loi spéciale.

Les dernières décennies ont vu plusieurs Etats porter un intérêt croissant au principe de publicité1066. Au sein de l’Union européenne, l’article 255 du Traité d’Amsterdam prévoit que tout citoyen de l'UE et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un Etat membre disposent d’un droit d’accès, sous réserve de certaines conditions, aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Ce droit à l’information est désormais de rang constitutionnel, puisqu’il est consacré à l’article 42 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. En 2002, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a également émis une Recommandation sur l’accès aux documents publics1067, invitant les Etats membres encore récalcitrants à légiférer dans ce sens.

En Suisse et au niveau fédéral, plusieurs interventions parlementaires, motions et postulats furent nécessaires avant que, en 1998, le Département fédéral de justice et police (DFJP) nomme un groupe de travail chargé d’élaborer un projet de loi fédérale sur la transparence de l’administration1068, laquelle fut adoptée par le Conseil national et le Conseil des Etats le 17 décembre 2004. La Loi fédérale sur la transparence, dont le Conseil fédéral n’a pas encore arrêté la date d’entrée en vigueur, confère aux particuliers un droit subjectif à obtenir de certaines autorités des informations sur l’ensemble de leurs activités et ce, sans qu’ils aient à se prévaloir d’un intérêt particulier1069.

Au niveau cantonal, plusieurs cantons se sont dotés d’une loi sur la transparence, octroyant à toute personne un droit d’accès, limité ou général, aux documents officiels de leurs autorités administratives.

1065

HUET (1988), p. 89.

1066

Pour un rapide survol des législations nationales qui consacrent désormais le principe de transparence, cf. DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE JUSTICE ET POLICE, Pour une administration publique plus transparente. Projet de

loi fédérale sur la transparence de l’administration et rapport explicatif, Berne, avril 2000, pp. 9-13. Pour une

étude comparative plus approfondie de ces législations, lire COTTIER (2002).

1067

Recommandation n° R(2002)2 sur l’accès aux documents publics, adoptée par le Comité des Ministres le 21 février 2002, lors de la 784e réunion des Délégués des Ministres.

1068

Pour un historique des travaux préparatoires, cf. DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE JUSTICE ET POLICE, Pour une

administration publique plus transparente. Projet de loi fédérale sur la transparence de l’administration et rapport explicatif, Berne, avril 2000, pp. 13-15.

1069

Pour un inventaire des arguments en faveur, respectivement en défaveur, du droit à l’information, cf. FF 2003 1807, 1816-1819 ainsi que MAHON (2002), pp. 25-32 qui décline plus spécifiquement les enjeux du droit à l’information et les fondements du régime de la publicité dans l’administration.

Le canton de Berne joua en ce domaine le rôle de pionnier1070. Il fut le premier à introduire ce principe dans sa Constitution1071 et à le concrétiser par sa Loi sur l’information du public1072 et l’Ordonnance y relative1073.

S’agissant des cantons romands et du Tessin, la nouvelle Constitution fribourgeoise, acceptée par le peuple dudit canton le 16 mai 20041074, garantit le droit à l’information à son article 19 al. 2 et réitère l’obligation pour les autorités d’informer le public sur leurs activités à l’article 88. Les travaux relatifs à la future loi fribourgeoise sur l'information ont débuté en mars 20041075.

On retrouve également le droit à l’information sous réserve d’exceptions dans la Loi

genevoise sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 20011076, entrée en vigueur le 1er mars 2002.

Sur la base de l’article 68 de sa Constitution1077, le canton du Jura s’est doté, le 4 décembre 2002, d’une Loi sur l’information et l’accès aux documents officiels, entrée en vigueur le 1er mars 20031078.

Le principe de transparence a été introduit dans la nouvelle Constitution du canton de

Neuchâtel en l’an 20001079. L’article 18 de la charte octroie à toute personne un droit d’accès aux documents officiels « dans la mesure où aucun intérêt public ou privé prépondérant ne

s'y oppose » et l’article 51 impose aux autorités un devoir d’information sur leurs activités. La

procédure de consultation sur le projet de loi neuchâteloise sur la transparence des activités étatiques a en outre abouti le 31 mars 2005 et son entrée en vigueur est projetée au 1er janvier 2006.

Aux termes de l’article 56 de la Constitution tessinoise, « Ogni autorità informa adeguatamente sulla propria attività. Non devono essere lesi interessi pubblici o privati preponderanti »1080. L’avant-projet de la legge sulla pubblicità dei documenti amministrativi e sull’informazione del pubblico a été publié en juin 2001 et la procédure de consultation réalisée à la fin de l’année 2001. Le Conseil d’Etat tessinois devrait bientôt présenter son projet de loi.

1070

SUTTER (2002), p. 297.

1071

Constitution du canton de Berne du 6 juin 1993 (RSB 101.1). Art. 17 al. 3 : « Toute personne a le droit de

consulter les documents officiels, pour autant qu’aucune intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose ».

1072

Loi sur l'information du public du 2 novembre 1993 (RSB 107.1).

1073

Ordonnance sur l'information du public du 26 octobre 1994 (RSB 107.111).

1074

RSF 10.1.

1075

Rapport explicatif du 17 juin 2004 de la Commission extraparlementaire sur l’avant-projet de loi valaisanne sur l’information du public et l’accès aux documents, p. 4. Ce rapport est accessible sur le site officiel du canton du Valais, http://www.vs.ch/, rubriques : Actualités/Procédures de consultation/Consultations cantonales.

1076

RSG A 2 08. Pour une étude historique de cette loi, lire HEYER (2002), pp. 161-174.

1077

Constitution de la République et Canton du Jura du 20 mars 1977 (RSJU 101).

1078

RSJU 170.801.

1079

Constitution de la République et Canton de Neuchâtel du 24 septembre 2000 (RSN 101). L’article 18 de la Constitution dispose que « toute personne a le droit de consulter les documents officiels, dans la mesure où

aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose. La loi règle ce droit à l’information ».

1080

Dans le canton du Valais, un avant-projet de loi sur l’information du public et l’accès aux documents a été mis en consultation en juillet 20041081.

Enfin, la nouvelle Constitution du canton de Vaud1082 postule « le droit de consulter les

documents officiels, dans la mesure où aucun intérêt prépondérant, public ou privé, ne s'y oppose »1083, de même que l’obligation pour l’Etat et les communes d’informer « la

population de leurs activités selon le principe de la transparence »1084. La Loi vaudoise sur l’information du 24 septembre 20021085, entrée en vigueur le 1er septembre 2003, concrétise ce principe, et son règlement d’application en précise les modalités1086.

Seuls les cantons de Genève, de Vaud et du Jura possèdent dès lors pour l’heure une loi qui matérialise le principe de transparence. Chaque loi ne diffère pas fondamentalement dans ses champs d’application rationae materiae et personae, ainsi que dans la portée qu’elle reconnaît au droit à l’information. En résumé, toutes trois règlent l’information active et passive, c’est- à-dire l’information délivrée spontanément, d’office, par les autorités, et celle expressément requise par les particuliers auprès de ces dernières. Elles octroient aux particuliers un droit d'accès général aux informations en mains des autorités. Il est dès lors garanti à toute personne, sans qu’elle ait à faire valoir un intérêt légitime, un droit subjectif à la consultation des documents officiels et à recevoir des renseignements, sous réserve d’un intérêt public ou privé prépondérant. Ces lois cantonales portent sur l’accès aux documents dits « officiels », qu’elles définissent en des termes similaires. Il s’agit des documents - et des informations qu’ils contiennent - détenus par une autorité et liés à l’accomplissement d’une tâche publique. Leur champ d’application personnel s’étend notamment aux institutions, aux établissements et aux organismes, mêmes extérieurs à l’Etat, qui accomplissent des tâches de droit public. Le service pénitentiaire d’un canton, les établissements de détention et leurs collaborateurs respectifs, par exemple, se voient donc dans l’obligation de respecter le principe de transparence, sous réserve des exceptions prévues dans la loi cantonale le consacrant.

Dans ce cadre, il faut relever qu’une loi cantonale et son règlement d’application désignent expressément l’effet de ces nouvelles dispositions sur le secret de fonction. Aux termes de l’article 18 de la Loi vaudoise sur l’information en effet, « il est interdit aux collaborateurs de

la fonction publique ainsi qu’aux délégataires d’une tâche publique de divulguer des informations ou des documents officiels dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur fonction, et qui doivent rester secrets en raison de la loi ou d’un intérêt public ou privé prépondérant. Cette obligation de garder le secret subsiste après la cessation des rapports de service. La violation du secret de fonction au sens des alinéas précédents est sanctionnée par l’article 320 du Code pénal ». L’article 27 du Règlement précise en outre que « l’autorité d’engagement est compétente pour lever le secret de fonction (…) Le préavis du S[ervice de] J[ustice, de l’]I[ntérieur et des] C[ultes] est requis. En cas d’urgence, l’autorisation peut être accordée oralement et doit être confirmée ensuite par écrit. L’autorisation reste nécessaire après la fin des rapports de travail ». Ainsi que le précise l’exposé des motifs à l’appui du

1081

Cet Avant-projet est également accessible sur le site officiel du canton du Valais, http://www.vs.ch/, rubriques : Actualités/Procédures de consultation/Consultations cantonales.

1082

Constitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (RSVD 101.01).

1083

Art. 17 al. 2 lit. c.

1084

Art. 41 al. 1er.

1085

RSVD 170.21.

1086

Règlement d’application de la loi du 24 septembre 2002 sur l’information du 25 septembre 2003, entré en vigueur le 1er octobre 2003 (RSVD 170.21.1).

projet de cette loi1087, le législateur vaudois a opté pour la réunion, dans un seul et unique texte, des règles relatives au secret et à la publicité. Jusqu’à l’entrée en vigueur en 2002 de la Loi sur l’information, le secret de fonction était réglé par la Loi sur le personnel de l’Etat et son règlement d’application. Depuis lors, il est délimité par les dispositions évoquées plus haut. Dans le même sens, le rapport explicatif de l’avant-projet de loi valaisanne sur l’information énonce que le secret de fonction « n’est pas remis en cause. Mais sa portée va

dépendre désormais des nouvelles dispositions proposées. Il ne s’appliquera plus qu’aux informations protégées par les dispositions exceptionnelles contenues dans l’avant-projet ou par les dispositions sur le secret prévues par des lois spéciales »1088. De même, la loi

genevoise sur l’information, si elle ne traite pas expressis verbis du secret de fonction, en

limite la portée aux documents et informations qu’elle déclare inaccessibles. Plusieurs lois relatives à l’exercice de certaines fonctions publiques s’y rapportent directement. Par exemple, la Loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 19841089 renvoie à celle sur l’information pour circonscrire la portée du secret de fonction auquel est tenu le personnel des établissements de détention du canton de Genève.

Au plan fédéral également, le rapport explicatif à l’appui d’une loi fédérale sur la transparence mentionne qu’« il n’est pas (…) nécessaire de modifier l’art. 320 du Code pénal : « révéler

un secret » au sens de cette disposition équivaudra dorénavant à divulguer des documents officiels inaccessibles en vertu du présent projet et à délivrer des renseignements sur leur contenu ». Le Message du Conseil fédéral réitère cette formulation en la précisant : « Si l’art. 22 de la loi fédérale du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers) réglant la question du secret professionnel, du secret d’affaire et du secret de fonction ne doit pas être modifié dans le cadre du projet, l’introduction du principe de transparence a tout de même pour conséquence de redéfinir la portée du secret de fonction: il ne s’applique plus qu’aux informations protégées par les dispositions dérogatoires contenues dans le projet ou par des dispositions sur le secret prévues par des lois spéciales ». Il confirme plus loin en des termes

similaires qu’« il n’est pas non plus nécessaire de modifier l’art. 320 CP (…). Sera ainsi

considérée comme ayant trahi un secret toute personne qui aura divulgué des documents officiels inaccessibles en vertu de la loi sur la transparence ou délivré des renseignements sur leur contenu »1090.

Dans les cantons de Genève et de Vaud1091, comme au niveau fédéral, l’agent public se doit donc expressément de ne pas révéler le contenu des documents officiels de son service dans les limites imposées par la loi sur la transparence à laquelle son activité est soumise. Concrètement, le secret de fonction auquel il est astreint s’applique uniquement aux informations et documents déclarés inaccessibles aux termes de cette loi. Ces informations et documents sont pénalement protégés par l’article 320 CP, qui en sanctionne la révélation. Est- ce à conclure que la lacune tenant à la délimitation très vague de la portée du secret de fonction est définitivement comblée et qu’il n’y a plus lieu désormais d’hésiter entre l’obligation de se taire et celle de révéler ? Rien n’est moins sûr. En effet, la question des

1087

Accessible sur le site du Bureau d’information et de communication (BIC) du canton de Vaud :

http://www.bic.vd.ch/.

1088

Rapport explicatif de la Commission extraparlementaire du 17 juin 2004 sur l’avant-projet de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents, p. 6.

1089

RSG F 1 50.

1090

FF 2003 1807, 1821 et 1833.

1091

Ainsi que prochainement dans le canton du Valais, si l’Avant-projet de loi sur l’information n’est pas modifié.

exceptions au principe de transparence, c’est-à-dire le problème de « la formulation de

l’équilibre entre ce qui est communicable et ce qui ne l’est pas », demeure1092.

Sur le plan fédéral, l’article 7 LTrans énumère les exceptions au droit d’accès au contenu du document officiel. Cette disposition contient une liste exhaustive des intérêts publics et privés prépondérants. L’autorité dispose néanmoins d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, dans la mesure où elle est habilitée à convenir d’une modalité d’accès différée et/ou restreinte et à privilégier l’intérêt public à la transparence sur l’intérêt privé au secret si elle estime le premier prépondérant1093. L’article 8 al. 1er et al. 4 LTrans recense les documents pour lesquels un droit subjectif d’accès n’est pas reconnu aux particuliers. Il s’agit notamment de documents officiels contenant des positions prises dans des négociations en cours ou futures. Par ailleurs, l’article 4 LTrans admet qu’une disposition légale spéciale peut s’opposer à la communication de documents officiels1094, imposer au contraire la publicité de certains d’entre eux en dérogation à la loi sur la transparence1095, ou encore prévoir des règles spécifiques d’accès. Enfin, l’article 9 LTrans impose le caviardage des données personnelles comprises dans des documents officiels avant leur consultation. S’il s’avère impossible de rendre ces données anonymes, l’article 19 nouveau LPD s’applique.

Il n’est pas aisé pour l’autorité compétente de décider de l’octroi ou non de l’accès à l’information qu’elle détient, puisqu’il lui incombe de se déterminer sur la prépondérance d’un intérêt, défini en l’espèce en termes généraux. Concrètement, cela signifie que « le

législateur "pré"-pèse les intérêts en présence en les qualifiant de iure de prépondérants » et

qu’il revient à la discrétion de l’autorité compétente « d’interpréter la notion juridique

indéterminée de « l’atteinte à l’intérêt X » »1096.

Les législations cantonales ne prévoient pas un système plus adapté en termes d’efficacité et d’uniformité dans la reddition des décisions1097. Elles se réfèrent également à des clauses générales, c’est-à-dire en l’occurrence aux notions d’intérêt public et privé prépondérants, qu’elles interprètent pour refuser, totalement ou partiellement, l’accès aux informations détenues par les autorités soumises au principe de transparence. Les intérêts publics avancés dans les législations cantonales sont notamment la sécurité publique et le bon fonctionnement de l’activité étatique. La protection de la sphère privée, de la personnalité et des secrets commerciaux ou professionnels sont parmi les principaux intérêts privés avancés pour s’opposer à la communication partielle ou totale d’informations.

Le recours à des clauses générales pour démarquer les exceptions au principe de transparence s’avère inadéquat. Nous adhérons au constat de MAHON selon lequel « la détermination de

1092

MAHON (2002), p. 34.

1093

FF 2003 1807, 1848 et 1854.

1094

Par exemple, les listes de signatures recueillies dans le cadre d’une demande de référendum ne peuvent être, une fois déposées, ni restituées, ni consultées. Cf. art. 64 al. 2 de la Loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (RS 161.1).

1095

Tel est le cas notamment de l’art. 930 CO, aux termes duquel le registre du commerce, quand bien même il contient des données personnelles, est public.

1096

FLÜCKIGER (2002), p. 146.

1097

A propos du recours aux clauses générales, lire HEYER (2002), p. 167 et pp. 170-172. Membre de la commission d’experts chargée d’élaborer la Loi genevoise sur l’information du public, il rapporte comment les pouvoirs exécutif et législatif se sont écartés de la décision de la commission de ne pas souscrire à la clause générale et quels furent les arguments avancés par le Conseil d’Etat pour définitivement combiner clause générale et liste détaillée des exceptions au principe de transparence.

l’équilibre entre ce qui est communicable et ce qui ne l’est pas exige une définition et une délimitation précises des hypothèses de maintien du secret. La technique des clauses générales et génériques ne paraît pas suffire »1098. En effet, en l’absence d’exceptions claires et précises, il appartient on l’a vu aux autorités compétentes de qualifier des notions juridiques indéterminées, exercice qui peut s’avérer périlleux. L’autorité appelée à décider du sort des intérêts en cause peut en outre être à la fois « juge et partie, [notamment] si les documents

requis reflètent ses activités (…)»1099 ; constat dont il découle un risque d’arbitraire. Enfin, le fait de recourir à des clauses générales revient à déléguer implicitement à la pratique le soin de fixer elle-même et en dernier ressort les ultimes limites au droit à l’information des particuliers ; avec le cortège d’incertitudes, voire de décisions contradictoires que cela suppose.

Une solution susceptible de pallier à ces critiques consisterait à procéder en amont à la pesée des intérêts, afin d’en dégager une série de normes précises de secret, lesquelles trouveraient leur assise dans la loi. Il pourrait par exemple s’agir d’un inventaire de documents qualifiés de secrets par le législateur et pour lesquels les modalités de protection seraient très clairement définies par la loi. L’administration serait alors « liée par des concepts juridiques déterminés » et sa marge discrétionnaire réduite d’autant1100. Plusieurs lois spéciales recourent à ce mécanisme1101. Certaines dispositions de la Loi fédérale sur la transparence, également. Tel est le cas de l’article 8 al. 4 LTrans, qui exclut expressément le droit d’accès aux documents officiels exprimant une prise de position dans le cadre de négociations en cours ou futures. Cette option a le mérite de clarifier le degré de protection octroyé à certaines informations détenues par l’administration, sans toutefois l’enfermer dans un cadre trop rigide. Soumettre à une certaine "automaticité" les autorités auprès desquelles des documents sont requis est susceptible dès lors d’éviter en partie l’arbitraire, de remédier à l’insécurité juridique et de renforcer les principes.