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La Suisse dénombre près de cent septante lieux de privation de liberté avant jugement et/ou consécutive à une condamnation pénale423. Une petite trentaine seulement sont affectés à l’exécution des longues sanctions privatives de liberté424.

418

CHAUVENET (1998), p. 102. Dans le même sens BRUNNER M. (1999), pp. 128-130.

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Sur ce point, cf. notamment DETIENNE (2003), p. 150 qui s’intéresse à la situation belge, mais dont les conclusions sont tout à fait transposables à la situation helvétique.

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L’exemple des règles régissant les sanctions et la procédure disciplinaires est à cet égard révélateur, ainsi que le démontrent notamment HUBER L. (1995); BRÄGGER (2003) et FRICKER (2004). L’art. 91 nCP fixe un « règlement cadre du droit discplinaire» (NUOFFER (2003), p. 138; HANSJAKOB/SCHMITT/SOLLBERGER (2004), ad art 91 nCP, p. 92), mais laisse aux cantons le soin d’édicter les dispositions disciplinaires définissant les « éléments constitutifs des infractions disciplinaires, la nature des sanctions et les critères de leur fixation ainsi

que la procédure applicable » (al. 3). Enfin, pour une étude très complète du droit disciplinaire dans les prisons

françaises, menée à la lumière du droit européen en la matière, cf.CÉRÉ (1999).

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PICCA (2000), p. 64.

422

BENGUIGUI/CHAUVENET/ORLIC (1994), p.278.

423

MEIER/WEILENMANN inNIGGLI/WIPRÄCHTIGER (2003),pp. 2437s, n°1-9.

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OFFICE FEDERAL DE LA JUSTICE/SECTION EXECUTION DES PEINES ET MESURES (mars 2005), p. 8; BRUNNER M. (2002), p. 237. Pour un survol des principales données relatives aux lieux de privation pénale et administrative de liberté en Suisse, cf. OFFICE FEDERAL DE LA STATISTIQUE/OFFICE FEDERAL DE LA JUSTICE (1998).On trouvera également ce catalogue sur le site de l’Office fédéral de la statistique, rubriques : Droit et justice/Etablissements pénitentiaires : http://www.portal-stat.admin.ch/stat_ch/ber19/strafanstalten/ftfr19.htm.

Les établissements d’exécution de peine peuvent se révéler très différents les uns des autres, en fonction notamment de leur taille, de leur organisation et de leur fonctionnement, mais également du type de population qu’ils abritent, de leur implantation géographique, de leur destination et de leur architecture425. Aussi, la gestion d’un petit établissement en milieu rural sera forcément différente de celle d’un établissement de grande taille, implanté en milieu urbain426. De même, la gestion d’un établissement semi-ouvert ne peut être comparée à celle d’un établissement fermé, dont certaines unités peuvent être extrêmement sécurisées. Les caractéristiques des établissements sont autant d’éléments qui influent également sur la gestion des secrets en leur sein. Tel est le cas par exemple de l’architecture carcérale427. Il est évident qu’un établissement inspiré du concept panoptique présentera pour la problématique qui nous intéresse de sensibles divergences par rapport à une institution organisée en petites unités de vie pavillonnaires, privilégiant l’autonomie et la « responsabilisation » des détenus428.

Dans le prolongement de leur obligation d’exécuter les décisions rendues par les autorités compétentes en matière pénale429, il incombe aux cantons de construire, d’aménager et d’exploiter les établissements dévolus à l’exécution des peines privatives de liberté, dans le respect « des exigences de la loi »430, mais aussi en regard des décisions concordataires et des subventions fédérales qui leur sont allouées. S’agissant de la forme juridique des établissements pénitentiaires, la plupart sont des établissements de droit public, disposant d’une certaine marge de manœuvre, et placés sous la surveillance du Conseil d’Etat du canton. A notre connaissance, seuls les Etablissements de Bellechasse, dans le canton de Fribourg, jouissent de la personnalité juridique pleine et entière et des droits et obligations y afférents431. Les autres institutions carcérales ne disposent pas de la même autonomie,

425

En ce sens également, cf. KELLENS (2000), p. 189.

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Sur les interactions de l’institution carcérale avec le monde extérieur et notamment avec son environnement immédiat lire les travaux très stimulants de COMBESSIE (1994 ; 1996a ; 2000), et en particulier ses développements sur ce qu’il nomme joliment le « périmètre sensible », c’est-à-dire la zone aux pourtours variables qui entoure chaque établissement et qui suscite son ouverture tout en maintenant « à l’écart », constituant de la sorte une espèce de « cordon sanitaire » entre le dedans et le dehors.

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SYR (1996), pp. 256-258. Sur différentes façons de penser la prison architecturalement, cf. ESPINAS (1989). Plus généralement, sur l’architecture carcérale, son importance en matière de sécurités (passive et dynamique) et ses liens avec l’évolution de la doctrine pénale et pénitentiaire, lire les travaux particulièrement intéressants de DEMONCHY (1998, 2000, 2004).

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Dans le même sens, BARRIERE (1995), p. 199. L’unité de sociothérapie « la Pâquerette », en les murs de la prison de Champ-Dollon à Genève, est à cet égard particulièrement digne d’intérêt. Son fonctionnement, l’organisation de la vie quotidienne, l’aménagement du lieu ainsi que son concept de prise en charge, inspiré du modèle de communauté thérapeutique du psychiatre anglais Maxwell JONES (à ce propos, cf.KELLENS (2000), pp. 202s), favorisent les échanges entre les détenus et les membres du personnel, un travail interdisciplinaire entre ces derniers et une communication constante entre les différents acteurs en présence. Sur ce point, cf. notamment SCHURMANS/UMMEL(1991),p. 146, qui constatent que « l’émergence de la notion de travail en

commun sur un projet partagé par tous et concernant les détenus » est précisément possible en son sein.Pour GRAVIER/LE GOFF/DEVAUD (1998),pp. 281-282,ce type de prise en charge facilite également l’anticipation de manifestations de violence et la résolution des conflits avant qu’ils n’éclatent. Pour DE MONTMOLLIN (1989),p. 21 « l’élaboration d’une activité thérapeutique à laquelle participe le personnel de sécurité peut également

conduire à renforcer l’identité et la dignité professionnelle de celui-ci ». Pour de plus amples développements

sur cette « formule d’activité sociothérapeutique », cf. DE MONTMOLLIN (1985 ;2000)et(1989),pp. 311-317; BERNHEIM J.(1993b);GUNN (2000)etHARDING (1992)qui effectue ici une synthèse des résultats obtenus par la première évaluation de ce projet initialement « pilote ». Voir aussi le Règlement du centre de sociothérapie « La Pâquerette » du 27 juillet 1988 (RSG F 1 50.20).

429

Art. 374 CP. Sur la compétence d’exécution des cantons, cf. DE ROUGEMONT (1979), pp. 82ss.

430

Art. 382 al. 1er et 383 al. 1er CP.

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notamment en ce qui concerne l’administration de leurs biens et la gestion de leurs ressources humaines432.

L’affectation des établissements de la Suisse romande et du Tessin ainsi que la procédure de placement et d’admission des détenus en leur sein sont spécifiées dans le concordat du même nom433. Il existe pour chaque concordat des établissements ouverts, semi-ouverts et fermés. Si elle est encore maintenue dans les textes, la distinction entre détenus primaires et récidivistes importe peu à cet égard. L’autorité compétente procède en effet désormais au placement du condamné en fonction de critères moins "automatiques". Elle s’intéresse notamment à l’infraction commise, à la durée de la peine infligée, mais aussi aux traits de caractère du condamné. Elle apprécie dans ce cadre les risques qu’il est susceptible de présenter en termes de « dangerosité »434 et de récidive.

Le droit pénal révisé laisse toujours aux cantons le soin d’organiser leurs établissements d’exécution de peine. Tout au plus doivent-ils prévoir deux types d’établissements, qui diffèrent en fonction de leur niveau de sécurité. Les établissements dits « ouverts » présenteront un faible niveau de sécurité. Ils seront destinés à accueillir des détenus dont on peut raisonnablement penser qu’ils ne sont pas ou peu susceptibles de s’évader ou de commettre de nouvelles infractions. Le placement dans un établissement dit « fermé », qui devra demeurer l’exception435, concernera en revanche les détenus qui présentent un danger d’évasion ou de récidive important436. Les cantons disposeront d’une certaine latitude pour les aménager. Ils pourront notamment prévoir des sections de sécurité renforcée au sein de leur établissement ouvert, de même que des unités particulières, réservées à une population pénale spécifique437.

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Selon les cantons, tout ou partie du personnel des établissements est soumis au statut général sur la fonction publique ou engagé par contrat de droit privé. Par analogie à la situation du personnel soignant d’un établissement hospitalier de droit public engagé par contrat de droit privé, le personnel des prisons sous contrat de droit privé demeure dans ses rapports de travail soumis au statut de droit public, le droit privé s’appliquant à titre supplétif. Sur la question, voir RUMPF (1991), pp. 61-63.

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Art. 12 et 13, art. 14-17 du Concordat de la Suisse romande et du Tessin.

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Ce terme est placé entre guillemets en raison des controverses qu’il suscite. A ce propos, cf. notammentles textes du volume publié sous la direction deBAUHOFER/BOLLE/DITTMANN (2000)qui réunit les Actes du 29e Congrès du Groupe suisse de travail de criminologie portant sur le thème des délinquants « dangereux »; HARDING (1980) et (1985), en particulier pp. 24s; DÜNKEL/SNACKEN (2000), pp. 152-154 et les réflexions particulièrement contrastées de SHAH (1981); DOZOIS/LALONDE/POUPART (1981) etFOUCAULT (1981),réunies dans le même volume de la Revue Déviance et société et attestant de la vigueur de cette controverse. Pour une réflexion critique sur le concept de « dangerosité », sa construction, sa place et ses significations dans les politiques criminelles en particulier, lire notamment DEBUYST (1981); PRATT (2001), et sous l’angle de la privation de liberté à des fins d’assistance, HATAM (2004). Sur les approches (très) sensiblement différentes privilégiées en Suisse des types de prise en charge des délinquants qualifiés de « dangereux » et/ou des méthodes d’évaluation des risques de récidive de ces délinquants, cf. notamment DITTMANN (1996; 1997a;2000);LE

GOFF/GRAVIER (1999);MEZZO/GRAVIER (2001);MAIER/URBANIOK (1998);URBANIOK (2002)et les auteurs cités sous note (427) relativement à la prise en charge sociothérapeutique telle qu’elle est conçue au sein du centre « La Pâquerette ». Pour un survol enfin des principaux modèles de prise en charge des délinquants sexuels dans plusieurs Etats de l’Union européenne (cadre légal, institutionnel et modalités thérapeutiques), cf. CORNET/MORMONT/MICHEL (2001).

435 FF 1999 1787, 1920. 436 Art. 76 nCP. 437 Art. 377 al. 1er et 2 nCP.