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1.4 Régimes pénitentiaires

1.4.2 Régime en vigueur

Le régime d’exécution de peine préconisé en Suisse est dit progressif445. Tel que son nom l’indique, il prévoit une série d’étapes que doit franchir progressivement le détenu pour recouvrer la liberté. En d’autres termes, il conduit à une ouverture graduelle des portes de la prison. A chaque étape correspond généralement un secteur d’établissement. Pour les cantons romands et du Tessin, ces différentes phases sont précisées dans le Règlement concernant le régime progressif élaboré par la CLDJP446.

La première phase se résume à l’enfermement cellulaire. De courte durée, cette période initiale est surtout destinée à une prise de contact et permet à l’administration pénitentiaire de procéder à une première évaluation de la situation du condamné. Elle est une phase « d’observation », durant laquelle le détenu reste confiné en cellule. La deuxième et la plus longue étape, la détention en communauté, consiste pour le détenu à subir sa peine tout en effectuant un travail sur lui-même. Il séjourne dans sa cellule uniquement durant ses heures de repos. Il travaille, mange et participe aux activités récréatives en compagnie de ses codétenus. Au plus tôt après l’accomplissement de la moitié de sa peine, il est susceptible de remplir les conditions nécessaires à l’accession à la troisième phase, la semi-liberté447. Le régime de fin de peine implique que le détenu intègre un établissement plus ouvert ou une section ouverte, séparée de l’établissement. La semi-liberté consiste généralement en un placement à l’extérieur, permettant au condamné d’exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation ; le détenu étant tenu de réintégrer l’établissement aussitôt ses occupations achevées et de passer son temps inoccupé en les murs448. A titre d’essai449, s’y est ajoutée dans certains cantons la mise en oeuvre de nouvelles modalités d’exécution de fin de peine, tels que les arrêts domiciliaires sous surveillance électronique « back door »450, conçues pour

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Pour un historique de l’application successive de ces régimes dans les différents établissements helvétiques jusqu’à la moitié du 20e siècle, cf. GRAVEN J. (1949) et (1950), pp. 331-339.

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Art. 37 ch. 3 CP et art. 19 du Concordat de la Suisse romande et du Tessin. Notons que ce régime n’est applicable que pour les peines privatives de liberté de plus de 6 mois.

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Art. 2 du Règlement (n° R-2/1) concernant le régime progressif de l'exécution des peines et de l'internement des délinquants d'habitude du 27 octobre 2003. Ce Règlement a notamment été approuvé par arrêté du Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel du 1er décembre 2003 (RSN 354.23).

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Les conditions d’accès au régime de fin de peine sont déclinées à l’art. 4 du Règlement n° R-2/1. En particulier, le détenu doit en faire la demande et prouver ses efforts de resocialisation consentis. Pour un exemple, cf. BJP 3/2001, n°98, p. 69. Sur la genèse de cette institution, lire par exemple BAECHTOLD (1976).

448

Sur les exigences de l’exécution de la semi-liberté et les difficultés de son aménagement, cf. PERNET/POCHON/BROSSY (1987), pp. 128-130.

449

Art. 397bis al. 4 CP.

450

Dont on lira avec intérêt les rapports d’évaluation suivants : E&E ENTWICKLUNG & EVALUATION GMBH,

Auswertung des interkantonalen Modellversuchs Elektronisch überwachter Strafvollzug (Electronic Monitoring / EM) für Kurz- und Langstrafen, 1. September 1999 - 31. August 2002. Schlussbericht, Zurich, Juin 2003 et

VILLETTAZ/KILLIAS, Les arrêts domiciliaires sous surveillance électronique dans les cantons de Genève, du

le solde de la semi-liberté. Enfin, si les conditions exigées sont estimées remplies451, le détenu accède à la libération conditionnelle452. Assortie d’un délai d’épreuve de un à cinq ans, elle est « la dernière étape »453 de notre système progressif avant la libération définitive454. Durant toute cette période, l’autorité compétente peut soumettre le libéré à un patronage455 et lui imposer des règles de conduite456.

La peine est réputée subie et le condamné libéré définitivement s’il se comporte correctement jusqu’à l’échéance du délai d’épreuve imparti. Dans le cas contraire, l’autorité compétente lui adresse un avertissement, prolonge son délai d’épreuve ou lui impose de nouvelles règles de conduite, voire, le cas échéant, ordonne sa réintégration dans l’établissement457.

Il va de soi que certaines spécificités cantonales et les caractéristiques intrinsèques de chaque établissement apportent des nuances aux grandes lignes du régime progressif ici dépeint très grossièrement458. D’autre part, le régime progressif n’est pas applicable à tous les détenus ex

officio. Tel est le cas notamment des détenus dont l’administration pénitentiaire estime

nécessaire qu’ils demeurent un temps dans une section fermée et sécurisée de l’établissement459.

A l’exception des congés, du placement en régime de fin de peine460 et en sécurité renforcée461, il appartient à la direction de l’établissement de se prononcer sur l’accession des condamnés aux différentes phases du régime. Elle peut dans ce cadre obtenir de l’autorité cantonale de jugement des informations concernant l’intéressé, spécifiquement si « des

mesures particulières d’exécution de la peine s’imposent ». En cas de nécessité, la direction

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Il sera en particulier examiné si le détenu a fourni des efforts de resocialisation, si son comportement a été adéquat en détention, quels sont ses antécédents pénitentiaires et judiciaires et s’il possède un projet de sortie. Des nuances peuvent être apportées à la libération conditionnelle des détenus étrangers. Cf. à ce propos la jurisprudence du TF citée par GRABER (1987), pp. 19-21.

452

Art. 38 CP.

453

ATF 118 IV 218, 220 ; ATF 125 IV 113, 115 ; TRECHSEL (1997), p. 163, n°1.

454

Sur les origines de la libération conditionnelle, cf. ROTH (1994a).

455

Art. 38 ch. 2 et 47 CP. Pour des exemples de règles de conduite, cf. FAVRE/PELLET/STOUDMANN (2004),ad. art. 38, p. 118.

456

Art. 38 ch. 3 CP. Il ressort des recherches empiriques de GRABER (1987), p. 34 et LANGUIN/SARDI (1994), p. 132que l’imposition de règles de conduite dans le cadre d’une libération conditionnelle varie selon les cantons.

457

Art. 38 ch. 4 CP. Pour plus de précisions, cf. BAECHTOLD in NIGGLI/WIPRÄCHTIGER (2002),pp. 471ss, n°36ss.

458

A ce propos, CLERC (1965a), p. 420 se posait déjà la question de savoir si « dans un Etat fédératif, qui

abandonne aux cantons l’exécution des peines, [il est] possible d’instituer un véritable régime pénitentiaire ? »

et de conclure que l’« on continuera encore longtemps à parler non pas du, mais des systèmes pénitentiaires en

Suisse ».

459

Soit qu’ils « font courir des risques graves à la collectivité, aux autres détenus ou au personnel », soit qu’ils « présentent un danger de fuite particulièrement élevé », soit encore qu’ils le sollicitent, « pour leur protection ». Cf. art. 1er du Règlement concernant le régime de sécurité renforcée aux Etablissements de la plaine de l'Orbe (RSVD 340.01.1).

460

La décision relative aux congés et au placement en régime de fin de peine revient à l’autorité compétente désignée du canton de jugement. La Direction émet toutefois un préavis. Cf. les art. 18 et 22 du Concordat romand, l’art. 4 al. 4 et l’ art. 5 du Règlement n° R-2/1 et art. 5 al. 1er du Règlement n° R-5/1. La décision de rétrogradation ou de réintégration en cas de non-respect des conditions relatives au régime de fin de peine revient aussi à l’autorité de placement en vertu de l’art. 5 du Règlement n° R-2/1.

461

Dont la décision revient à l’autorité de placement du canton de jugement. Cf. par exemple l’art. 2 du Règlement concernant le régime de sécurité renforcée aux Etablissements de la plaine de l'Orbe (RSVD 340.01.1).

est également compétente pour décider de la suspension provisoire du régime dans l’attente d’une décision de l'autorité de placement à son propos462.

L’objectif exprimé au titre troisième de la partie générale du Code pénal tend par conséquent à instaurer un régime pénitentiaire qui s’inscrit dans un processus évolutif, par lequel le détenu doit peu à peu acquérir la faculté de se prendre lui-même en charge et prouver sa volonté de réintégrer une société dont il a nié les règles à un moment donné. Appliqué dans nombre de nos établissements pénitentiaires, ce régime est ponctuellement contesté par certains pénologues qui l’assimilent à une « politique du bâton et de la carotte » susceptible d’être facilement déjouée par certains détenus463.