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TOP-DOWN : ou voie descendante = MICRO-NANOTECHNOLOGIES

TENDANCES FORTES DE LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE

3.1 Le fonctionnement « traditionnel » de la recherche

caractérisé par un mode de financement récurrent

Le mode de fonctionnement « classique », ou « traditionnel », (Dodet, Lazar, Papon, 1998, p.35 ; Pailliart, 2005) de la recherche, est fondé sur le financement récurrent des laboratoires et des équipes de recherche. Ce modèle a été introduit après la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis sous l’influence d’un rapport remis par Vannevar Bush, ingénieur et conseiller du président américain Roosevelt. Ce rapport, intitulé Science, the endless frontier69,

va structurer la politique de recherche américaine. « Le principe fondamental est de laisser les

chercheurs dans leurs universités, de les financer généreusement, sur le long terme, pour obtenir les fameuses « retombées » espérées. » (Bensaude-Vincent, 2009, p.26). Ce modèle, qui devient un « modèle

global » (Bensaude-Vincent, 2009, p.29), garantit, en principe, l’autonomie de l’activité de recherche au sens où les chercheurs, bénéficiant de subventions récurrentes70, sont libres

de définir leurs thèmes de recherche. La recherche est financée par l’État tandis que le développement technologique est l’affaire des industriels.

69 Vannevar Bush, Science, the endless frontier. A report to the President by Vannevar Bush Director of the Office of

Scientific Research and Development, July 1945, United States Government Printing Office, Washington, 1945, consulté en ligne: http://www.nsf.gov/od/lpa/nsf50/vbush1945.htm, le 28.01.2014

70 « Le financement récurrent est constitué par les allocations annuelles données à des structures en charge d’effectuer directement la recherche. Pour la France les deux catégories principales sont les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur. A cela s’ajoutent dans un certain nombre de pays (et en France en particulier pour le Ministère de la Défense), les services de l’État dédiés à la Recherche et Développement (R&D). Il peut également y avoir des financements récurrents pour les institutions privées (par exemple en France les instituts Pasteur et Curie) » (Larédo, 2010).

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« Le gouvernement finance, soutient et régule la recherche académique, sans espoir de retour immédiat sur investissement ; les instituts de recherche universitaires ont la charge d’accroître les connaissances, de publier leurs résultats avec le système de contrôle par les pairs et ils agissent en tant qu’experts ; quant aux groupes industriels, ils se chargent du développement, avec une approche coût/bénéfice en vue d’innovations technologiques qui font l’objet de brevets »

(Bensaude-Vincent, 2009, p.33).

Ce modèle « traditionnel » de fonctionnement caractérise les structures de la recherche publique que sont les laboratoires, les universités et les organismes de recherche (tels le CNRS, l’Inserm, l’Inra, etc.). Si les crédits récurrents ont toujours été « modulés sur la base de

la reconnaissance de la qualité des travaux récents » des chercheurs et des équipes, ce mode de

financement présuppose « qu’un projet, dans le domaine de la recherche, en territoire inexploré, [reste]

incertain, risqué, [peut] échouer » (Malrieu, 2011, p.76).

3.1.1 Définir les contours de la notion d’ « autonomie » de

la sphère de la recherche

Partant du modèle « traditionnel » de fonctionnement de la recherche, l’autonomie dans la pratique de recherche peut se définir comme « la capacité à déterminer librement l’objet et le

contenu de leurs activités de recherche, selon les critères de pertinence internes à la communauté scientifique »,

un idéal-type – au sens de Weber – qui renvoie plus largement « à l’affirmation de la valeur en

soi de la poursuite désintéressée du savoir » (Barrier, 2011). Ainsi l’autonomie de l’activité de

recherche, parfois qualifiée de « recherche libre », fait référence à une activité individuelle indépendante et maître de sa finalité (Bensaude-Vincent, 2009, p.196).

L’autonomie de l’activité de recherche est couramment opposée par les chercheurs eux-mêmes aux tendances systémiques à leur imposer des orientations.

Selon Yves Gingras, l’autonomie de la sphère scientifique est liée à son institutionnalisation : « la science elle-même peut donc être considérée comme une institution lorsqu’elle

acquiert une certaine autonomie et possède ses règles propres » (Gingras, 2013, p. 29). Dans le cadre

de la pratique scientifique, la notion d’institution renvoie « aux organisations officielles au sein

desquelles les sciences sont pratiquées », c’est-à-dire par exemple les universités, les laboratoires,

les sociétés savantes, les académies, etc. Dans une acception plus large, la notion renvoie à

« tout système social doté de règles, de procédures et d’usages stables pesant sur les croyances et les comportements des acteurs sociaux ». Ainsi une institution sociale est définie par une certaine

autonomie qui rend possible la reproduction de pratiques dans la durée. « Une fois stabilisées,

elles sont considérées comme allant de soi et n’exigent plus d’être constamment défendues » (Gingras, 2013,

59 L’un des traits les plus caractéristiques et au fondement de l’autonomie de la sphère de la recherche est la règle de l’évaluation par les pairs.

« L’un des traits importants de l’activité scientifique comme activité sociale est qu’elle est soumise à la règle de la libre critique des pairs. Quiconque est compétent, c’est-à-dire peut justifier rationnellement et techniquement son point de vue, est habilité à juger et à invalider si nécessaire un énoncé de résultats. La force de son jugement tient en ce qu’il est public et transparent, et prend à témoin tous ceux que leur compétence permet d’entrer dans l’arène. Cette situation où, en droit, toute différence sociale, de statut, d’origine, de genre s’efface derrière l’argumentation rationnelle, est propre à la science. Qu’il s’agisse d’un idéal que la réalité démente souvent ne change rien à l’affaire. […] Dans un champ scientifique donné, les chercheurs, les agents, ont donc entre eux une relation d’un type particulier les constituant, face aux chercheurs des autres champs et, a fortiori, face aux non chercheurs, comme une communauté. » (Berthelot et al., 2005, p.17)

Cette « communauté » ne se définit pas dans l’abstrait mais par rapport à une discipline de référence. Les auteurs parlent de dispositif de connaissance pour désigner l’ensemble des éléments qui participent à la production des connaissances dans un champ scientifique déterminé : éléments institutionnels, matériels, symboliques (Berthelot et al., 2005, p.17).

Cependant, si le cadre institutionnel est important et influence le développement de « l’activité savante », « ses effets réels sur celle-ci sont objet de questionnement », car ce sont les chercheurs « qui organisent pratiquement les communautés scientifiques en tant que structures productrices

de savoir » (Berthelot et al., 2005, p.214).

En ce sens, François Jack, qui s’est intéressé à l’origine de la « politique de la science », invite à ne pas survaloriser le rôle des politiques de recherche ni leur impact sur la recherche. Il refuse la conception de la politique de la science comme une notion évidente, elle résulte, selon lui, « d’une construction progressive et non d’une vision institutionnelle a priori ». Ainsi, il montre que la mobilisation autour d’une politique de la science et sa traduction en pratique ont procédé, en France ainsi que dans plusieurs états, de logiques scientifiques et techniques autonomes avant d’être relayées par l’appareil d’État. Pour comprendre la construction progressive d’une politique de la science, il est important de tenir compte de la relation entre les pratiques de terrain, l’émergence d’organisations et les conceptualisations qui ne doivent pas être oubliées au profit du rôle des institutions généralistes (Jack, 2002).

La relation et l’influence réciproque entre la politique de recherche et l’activité de recherche est ainsi difficile à définir, et « toute cette activité apparemment autonome ne se développe

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3.1.2 L’influence des structures institutionnelles sur la

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