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4.2.2 qui n’induisent pas nécessairement de l’interdisciplinarité

L A « VISION S CIENCES DE L ’ INGÉNIEUR »

C’est une vision Sciences de l’ingénieur qui donne son orientation à l’Itav. Celle-ci émane du « laboratoire SI », et de l’équipe projet formée autour des biopuces. Nous sommes ici dans le régime transitaire identifié par Terry Shinn, dans lequel les chercheurs se définissent selon l’appartenance à un projet davantage que par l’appartenance disciplinaire (Shinn, 2000).

Les chercheurs du « laboratoire SI » qui travaillent à l’interface avec la biologie voient dans l’Itav l’opportunité de maturer des projets de recherche nés en laboratoire mais qui, lorsqu’ils atteignent un certain niveau de développement, ne trouvent plus, dans un laboratoire académique, les ressources pour évoluer et aller au-delà du prototype de laboratoire. L’Itav représente pour eux l’institut de recherche technologique qui fait défaut à Toulouse. Il s’agit de mener à l’Itav des projets de développement technologique et non des projets de recherche.

Dans cette vision Sciences de l’ingénieur le degré de maturité des projets est évalué à partir de l’échelle TRL, Technology Readiness Level (Fig. 13), qui peut se traduire par Niveau de Maturité

Technologique. Elle est utilisée par la NASA et d’autres agences nord-américaines pour évaluer la maturité d’une technologie. En France, l’échelle TRL est utilisée par le CEA. Partant de cette échelle de référence, l’Itav doit accueillir des projets qui se positionnent après le TRL 5.

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Fig. 13: Infographie représentant le « Technology Readiness Level » (échelle de maturité technologique) de la NASA. (Réalisée à partir de François, 2013).

Un laboratoire de recherche académique, même tourné vers la mise au point de prototypes comme c’est le cas du « laboratoire SI », ne va pas au-delà des niveaux 5 ou 6. La plupart des laboratoires de recherche académique se limitent plutôt aux niveaux 1 à 3. Après les TRL 5-6, c’est le secteur industriel qui doit prendre le relai. Toutefois, toutes les technologies mises au point en laboratoire ne sont pas récupérées par un industriel pour être développées. Et les financements dédiés à la recherche académique ne vont pas jusqu’à la maturation technologique. Il est souvent très difficile pour des chercheurs de développer une technologie jusqu’à ce qu’elle puisse faire la démonstration de son intérêt pour un industriel. Les projets naissent au sein du « labo SI », des micro-nanodispositifs, des capteurs par exemple, y sont mis au point pour analyser des phénomènes du vivant, détecter des bactéries, des molécules, de l’ADN, puis les projets souvent s’arrêtent à ce niveau, car un laboratoire académique n’a pas vocation à financer davantage.

Ainsi, des technologies mises au point dans les laboratoires académiques ne se développent pas faute de financements (public ou privé).

Dans cette perspective, les différentes équipes du « labo SI » orientées vers l’interface avec la santé sont invitées par leur laboratoire à présenter à l’appel à projets pour l’Itav les projets de maturation technologique qui pourraient bénéficier des financements dédiés. L’Itav a suscité de fortes attentes du côté du « labo SI », jusqu’à être considéré par certains comme un prolongement de celui-ci.

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« On a pensé qu’on pouvait associer l’Itav au [laboratoire SI], en discussion interne, ça ne s'est jamais dit à l'extérieur mais je dévoile pas un secret, c'est une évidence, on avait dit peut- être qu'on peut, à ce moment-là, faire ce rapprochement du [labo SI] avec le CRCT254, faire

un espèce de bloc qui pour nous était quand même une réussite possible parce qu'on n'est quand même pas biologistes, et donc il nous faut absolument la compétence en biologie et donc de la collaboration extérieure »255.

Les deux sont pensés en complémentarité par les créateurs de l’Itav.

« On s’est toujours arrangé pour ne jamais dupliquer des éléments et toujours s’assurer que ce qu’on faisait c’était du complément vers le transfert de ce qui se construisait au [laboratoire

SI]. On n’a jamais revendiqué une salle blanche par exemple, ça ne sert strictement à rien, on n’a jamais revendiqué des tas d’instruments qui sont au [laboratoire SI] »256.

Cette vision d’un institut dans lequel seraient menés des projets de transfert industriel est portée par les Sciences de l’ingénieur, soutenue par le « laboratoire SI », et reçoit le soutien des collectivités locales, en particulier de la CAGT qui accepte de prendre la maîtrise d’ouvrage du bâtiment Itav. Toutefois, cette vision n’est pas partagée par les instituts du CNRS, en particulier l’institut de biologie (INSB), qui va impulser une autre dynamique à l’Itav, davantage tournée vers le développement de la recherche en biologie.

6.2 La difficile définition de la gouvernance de l’Itav :

tension autour d’une orientation vers le transfert

technologique

6.2.1 Un projet renouvelé sous la gestion du

CNRS

Le CNRS s’engage très tôt dans l’Itav. En particulier, la directrice régionale engage son établissement en montant un dossier pour bénéficier de fonds Feder (fonds européens) en 2005, à un moment où l’Itav n’avait aucune existence ni matérielle, ni juridique, ce qui a permis l’acquisition d’équipements coûteux pour les plateformes.

Face à la difficulté à accorder les partenaires (académiques et non-académiques) autour d’une gouvernance commune, le CNRS décide de prendre la gestion de l’Itav, en créant une

254 Le Centre de Recherche en Cancérologie de Toulouse est le centre de recherche de l’Oncopôle. Il

rassemble l’ensemble des unités de recherche, CNRS et Inserm, qui travaille sur le Cancer à Toulouse.

255 Entretien avec un chercheur, directeur de recherche émérite au « labo SI », 20.06.2014. 256Entretien avec un chercheur, biologiste, porteur de l’équipe « bionano » à l’Itav, 25.01.2013.

177 UMS257 (Unité Mixte de Service) en cotutelle avec l’UPS258 et l’Insa259. Le CNRS impose son

leadership face aux différentes parties prenantes sans que cela ne soit remis en cause. Le CNRS est légitime pour gérer une unité de recherche, une capacité et une légitimité que ne revendique pas les collectivités locales ni la Fondation InNaBioSanté. En revanche, ces parties prenantes vont se montrer en désaccord avec l’orientation qui sera impulsée par le CNRS à l’Itav.

Lorsque le bâtiment est construit en 2009, le CNRS prend la gestion de l’Itav. Il est une structure différente des laboratoires « traditionnels » et correspond à un nouveau type de structures qui émerge à ce moment-là au CNRS, les hôtels à projets interdisciplinaires.

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