• Aucun résultat trouvé

4.2.2 qui n’induisent pas nécessairement de l’interdisciplinarité

L E L ABEX NEXT

En 2010 sont lancés, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les Investissements d’avenir, qui prévoient 22 milliards d’euros pour l’Enseignement supérieur et la Recherche. Comme indiqué sur la capture d’écran ci-dessous (Fig. 3), l’objectif est de « doter la France de quelques

campus à forte visibilité internationale, à la gouvernance rénovée, et ouvert sur leur écosystème d’innovation ».

Ce programme se décline en différents projets que sont les IDEX, « Initiatives d’excellence » qui visent à regrouper par territoire des établissements d’enseignement supérieur et de recherche autour de projets scientifiques « ambitieux, en partenariat étroit avec leur environnement

154 Entretien avec la Direction des affaires européennes et de la coopération décentralisée (DAEC) Midi-

Pyrénées, 26.04.2012.

155Ibid.

131

économique » ; les EQUIPEX, « équipements d’excellence » destinés à l’amélioration des équipements des laboratoires ; et enfin les LABEX, « laboratoires d’excellence »157.

Fig. 3 : Infographie représentant la répartition des investissements d’avenir dédiés à la recherche. Capture d’écran sur le site du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, consulté le

02.03.2015. (Source : http://www.enseignementsup-

recherche.gouv.fr/cid55892/comprendre-le-programme-investissements-d-

avenir.html )

A Toulouse, le projet du Labex NEXT (Nano, mesures Extrêmes et Théorie), porté par six laboratoires toulousains de physique, principalement, est sélectionné dès la première vague. Le Labex obtient ainsi une dotation de 10 millions d’euros sur dix ans. Parmi les six

157 Voir en annexe n°7 p. XV, la liste des projets retenus en Midi-Pyrénées dans le cadre des investissements

132 laboratoires du Labex, si deux ont une certaine expérience et un certain intérêt pour la collaboration industrielle, les quatre autres sont des laboratoires de recherche fondamentale, très éloignés des préoccupations d’applicabilité de leurs recherches et du secteur industriel. Cette opération constitue une reconnaissance de la qualité scientifique des travaux des équipes toulousaines sur le thème des « nanos », même si ces dernières regrettent aujourd’hui la mise en avant de cette thématique qui n’était pas au cœur du projet. Le directeur du Labex NEXT rappelle que le projet présenté mettait l’accent sur les « nanos », mais surtout sur la physique atomique et moléculaire, les champs magnétiques intenses, la théorie, la formation, afin d’englober et de rapprocher les compétences des six laboratoires impliqués.

« Le CGI, le commissariat aux grands investissements, investissements d’avenir, n’a retenu de notre truc que les « nanos », toutes les communications qu’ils ont fait là-dessus, c’était “nano” »158.

La décennie 2000 est une période politique qui favorise le thème des « nanos ». En répondant favorablement aux différents dispositifs nationaux visant à structurer des pôles régionaux de compétences (RTB, Nano-Innov, Investissements d’avenir), Toulouse est parvenue à se positionner comme territoire « d’excellence » dans ce secteur, aussi bien du fait de l’investissement politique qui a consisté à répondre aux différents dispositifs de réorganisation émanant des autorités politiques nationales, qu’en raison des compétences scientifiques des chercheurs de son territoire dans ce domaine.

5.3 De la « Cité des Biotechnologies » au « Triangle Bio-

Info-Nano-Technologies »

A la fin des années 1990 se précise la volonté de développer les biotechnologies dans la région toulousaine. Plusieurs projets vont dans ce sens, celui de l’Agrobiopole pour les biotechnologies végétales, ou encore celui de « La Cité des Biotechnologies » pour les biotechnologies appliquées à la santé159.

Cette dernière est issue d’une réflexion prospective initiée par des chercheurs. Si les biotechnologies végétales se développent assez logiquement en Midi-Pyrénées, première

158 Entretien avec le directeur du Labex Next, 25.06.2014.

159Pour un historique du développement de projets autour des biotechnologies à Toulouse, Jean-Marc

Zuliani et Michel Grossetti, avec la coll. de Guy Jalabert, « L’agglomération toulousaine, un système productif localisé de la recherche-développement ? », programme SPL CCRRDT, Les SPL en Midi-Pyrénnées : vers l’émergence de systèmes régionaux ?, rapport final, novembre 2003, pp.43-112.

133 région agricole de France, le domaine de la santé n’apparaît pas de manière aussi évidente comme un potentiel en Midi-Pyrénées. Le projet de « Cité des Biotechnologies » vient d’abord de la volonté de diversifier l’industrie toulousaine, trop dépendante de l’aéronautique, et du potentiel en termes de recherche sur la biologie et la biotechnologie. L’idée est d’associer sur un même site des laboratoires académiques et des entreprises – Toulouse bénéficiant de la présence de deux industriels pharmaceutiques que sont Pierre Fabre160 et Sanofi161 – dans le but de participer au développement économique du territoire.

Le thème des biotechnologies se développe à Toulouse dans des laboratoires de recherche publics et privés depuis les années 1970, donnant naissance à de nombreuses start-

ups, mais ce n’est qu’à la fin des années 1990 que les institutions politiques locales font le choix d’investir dans le développement de ce secteur.

L’une des raisons expliquant l’intérêt politique pour le thème des biotechnologies vient du fait que « le système de la recherche et développement centré sur les biotechnologies liées aux sciences du

vivant et à la fabrication des médicaments s’inscrit davantage dans la promotion et la valorisation des innovations, sanctionnées par des brevets » (Zuliani et Grossetti, 2003), à l’heure où les discours

sur le retard de la France en matière de dépôt de brevets guident les politiques de recherche. Si la Région Midi-Pyrénées figure à la troisième place nationale pour l’effort en matière de recherche et développement, sa faiblesse en termes de nombre de brevets déposés peut s’expliquer par le poids des grandes firmes dont la logique de développement est centrée sur l’exploitation de quelques grands brevets (Ibid.).

L'attribution au pôle toulousain d’une plateforme de génomique, la Génopole de Toulouse (Génotoul) en 1999 (Ibid, p.51), vient confirmer l’élan régional en matière de biotechnologies.

Le programme du « Triangle Bio-Info-Nano-Technologies » s’inscrit dans le cadre du projet de faire de Toulouse la « Cité des Biotechnologies ». Il résulte d’ « une réflexion

prospective sur ce thème dans le cadre d’un groupe informel constitué de cinq scientifiques dont la compétence et la renommée internationale sont incontestables »162. Parmi ces cinq scientifiques, on retrouve

160 Pierre Fabre est le troisième laboratoire pharmaceutique français. Implanté dans 44 pays, il est présent en

Midi-Pyrénées à travers des laboratoires de recherche en pharmaceutique et en dermo-cosmétique. En 2013, le groupe a consacré plus de 17% du chiffre d’affaires réalisé dans le médicament à la R&D, autour de trois axes de recherche prioritaires : oncologie, dermatologie et neuropsychiatrie, http://www.pierre-

fabre.com/fr

161 Sanofi est la première entreprise pharmaceutique française. Un site de R&D est installé à Toulouse depuis

1965.

162 Alain Costes, Vice-Président de l’ADERMIP (Association pour le Développement de l'Enseignement, de

l'Économie et des Recherches de Midi-Pyrénées), dans la brochure de présentation de la journée « Le Triangle Bio-Info-Nano-Technologies », organisée par l’ADERMIP le 28 novembre 2003. Voir Annexe n°8, p. XVI.

134 deux biologistes, un chimiste, un chimiste spécialisé dans les nanosciences, un chercheur spécialisé dans les systèmes informatiques163. Cette réflexion prospective est accompagnée

par l’Association pour le Développement de l'Enseignement, de l'Économie et des Recherches de Midi-Pyrénées (ADERMIP)164.

Le projet est orienté selon deux axes essentiels, il s’agit pour les chercheurs engagés de défendre l’interdisciplinarité et le rapprochement entre la recherche publique et le secteur industriel. En effet, dans le cadre des exigences européennes de la Stratégie de Lisbonne (2001), et du Conseil de Barcelone (2002), la Région Midi-Pyrénées entend se positionner au cœur de l’Espace Européen de la Recherche. Pour cela, Toulouse et Midi-Pyrénées présentent tous les atouts nécessaires « à la condition de changer de culture et d’état d’esprit pour se

diriger vers une nouvelle voie axée sur la mutualisation, la coordination et l’intégration des moyens, qu’ils soient humains ou financiers »165.

Aussi ce changement est censé répondre aux exigences de l’Europe dont la politique est façonnée autour de programmes, qui incite au travail par projets et à la mutualisation des moyens au travers de plateformes technologiques (Peerbaye, 2004). S’inscrire dans cette voie suppose donc de cesser « de mettre en avant nos appartenances à telle ou telle discipline, à tel ou

tel laboratoire ou université pour mettre en avant un domaine d’activité mutualisant et regroupant toutes les compétences »166. C’est l’objectif de la « Cité des biotechnologies », basée sur le développement

des compétences autour du Triangle Bio-Info-Nano. L’objectif est de placer Midi-Pyrénées en tête des régions européennes en concentrant les efforts sur quelques domaines.

Si les domaines de l’aéronautique et de l’espace s’imposent logiquement pour la Région, d’autres domaines apparaissent porteurs en Midi-Pyrénées, comme les biotechnologies, la micro-nanoélectronique et les Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication. C’est ainsi que les « nanos » apparaissent parmi les priorités politiques de Toulouse et Midi-Pyrénées :

163 Deux sont professeurs à l’université Paul Sabatier et trois sont directeurs de recherche au CNRS. Les

laboratoires impliqués, par l’intermédiaire de leurs chercheurs sont donc le LSRV (biologie végétale), l’IPBS (biologie), le Cemes (physique-chimie), le Laas (Sciences de l’ingénierie et des sytèmes), le LCC (chimie).

164 L’ADERMIP, fondée en 1970, a pour objectif de « contribuer à développer l'économie de Midi-Pyrénées

en favorisant et promouvant les échanges et transferts entre les centres de recherche, les établissements d'enseignement supérieur et les entreprises de la région » http://www.evariste.org/ridt/r73/36.html . Elle disparaît en 2006 lorsque la région décide de créer une seule structure pour assurer le lien entre la Recherche et les entreprises. Midi-Pyrénées Innovation vient remplacer les trois structures chargées jusque-là du transfert de technologie (Adermip, Miditech, 3RT) http://www.midipyrenees.fr/Essai-texte-avec-encart

165 Brochure de présentation de la journée « Le Triangle Bio-Info-Nano-Technologies », op.cit. 166 Ibid.

135

« Tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que c’est à l’interface de ces trois domaines que se feront les grandes découvertes et les créations d’emploi et de richesses de demain, la conclusion s’impose : le triangle “Bio-Info-Nano-Technologies” est un domaine où Toulouse-Midi- Pyrénées peut prétendre au podium européen »167.

C’est bien une stratégie de site qu’il s’agit de façonner avec le Triangle Bio-Nano-Info- Technologies. Jean Cros, biologiste et fondateur de l’IPBS168, laboratoire toulousain, parle

de la nécessité de « bénéficier d’une vision stratégique partagée, source d’une grande visibilité »169. Il

soutient que « la révolution biologique » à l’œuvre est propice au rapprochement interdisciplinaire, car l’élaboration des produits de santé, qu’il s’agisse de médicaments, d’outils de diagnostic ou de traitements, nécessitent de nouveaux concepts, et, en particulier,

« les nanosciences et nanotechnologies ouvrent la voie à la recherche du futur »170. Ainsi il convient de

« briser les cloisonnements, revoir les frontières de nos institutions et mettre vite en chantier une rénovation très profonde dans les objectifs et l’organisation de la recherche ».

Le Triangle Bio-Info-Nano apparaît ainsi largement inspiré de la NNI américaine et de son programme de convergence, présentée précédemment (Chapitre 1). D’abord issu d’une volonté de développer les biotechnologies pour diversifier l’industrie toulousaine et de la région Midi-Pyrénées, l’élargissement aux « nanos » intervient aux vues de l’importance que prend cette thématique au niveau international et européen. Les « nanos » étant considérées comme des technologies clés, susceptibles de favoriser divers secteurs industriels, il convient d’utiliser leur potentiel aussi largement que possible.

Outline

Documents relatifs