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Chapitre II De la durabilité du monde ouvré à la vacuité du monde moderne

2. De la durabilité traditionnelle de l'œuvre à l'instrumentalité moderne

2.4. Technique moderne et changement du point d'Archimède

Pour Hannah Arendt trois grands événements dominent le seuil de l'époque moderne : « La découverte de l'Amérique suivie de l'exploration du globe tout entier ; la réforme77 qui, en expropriant les biens ecclésiastiques et monastiques, commença le double processus de l'expropriation et de l'accumulation de la richesse sociale ; l'invention du télescope et l'avènement d'une science nouvelle qui considère la nature du point de vue de l'univers » (CHM, p. 315).

L'exploration du globe terrestre devance en soi l'invention des techniques qui ont permis à l'homme de mesurer l'espace terrestre et ainsi de le rétrécir à l'échelle de son entendement. Ce qu'Arendt affirme ici, c'est que, même si l'intention des explorateurs était d'élargir l'horizon terrestre, avec le recul de l'histoire, nous remarquons que l'effet de ces explorations a de facto contribué au rétrécissement de la sphère terrestre. Cependant, l'aspect le plus important pour Arendt réside dans l'attitude et la posture de l'esprit qui calcule les distances. La pensée calculante semble ainsi avoir été un phénomène qui détermine de fond en comble un nouveau rapport au monde.

Faire des relevés et des arpentages, c'est une faculté dont le propre est de ne pouvoir fonctionner que si l'homme se dégage de tout attachement, de tout intérêt pour ce qui est proche de lui, et qu'il se retire, qu'il s'éloigne de son voisinage. Plus la distance sera grande entre lui et ce qui l'entoure, le monde ou la terre, mieux il pourra arpenter et mesurer, et moins il lui restera d'espace terrestre, de-ce-monde. Le rétrécissement décisif de la terre a suivi l'invention de l'avion, donc d'un moyen de quitter réellement la surface de la Terre : ce fait est comme un symbole du phénomène général : on ne peut diminuer la distance terrestre qu'à condition de mettre une distance décisive entre l'homme et la Terre, qu'à condition d'aliéner l'homme de son milieu terrestre immédiat (CHM, p. 318, 319).

77 Bien que nous n'exploiterons pas la réforme, nous rappelons ici que pour Arendt, même si Max Weber a raison de faire remonter l'essor capitaliste dans l'annonce morale protestante de l'ouvrage, il n'en reste pas moins que l'effort dans le monde est conditionné par le soin de l'âme (de la vie après la mort), le monde n'est pas en soi la finalité de l'effort d'ouvrage. « La grandeur de la découverte de Max Weber à propos des origines du capitalisme est précisément d'avoir démontré qu'une énorme activité strictement mondaine est possible sans que le monde procure la moindre préoccupation ni le moindre plaisir, cette activité ayant au contraire pour motivation profonde le soin, le souci du moi » (CHM, p.322).

Le paradoxe relève en ceci que plus l'homme prend ses distances vis-à-vis du monde et plus celui-ci apparaît comme minuscule, plus on s'éloigne du monde et plus les distances semblent réduites. Arendt montre ainsi que le mouvement réel et effectif en dehors de la surface de la terre est précédé par une distanciation mentale d'une pensée calculante78. Le parallèle avec la pensée heideggérienne est d'autant plus frappant qu'il évoque lui aussi la science moderne comme étant une pensée calculante.

Pour Heidegger, « Le dévoilement qui régit la technique moderne est une pro-vocation (heraus-forden) par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite (herausgefördert) et accumulée » (Heidegger, 1958, p. 20). Or, c'est comme fonds que la technique moderne provoque la nature. Cette provocation nécessite la perception de la nature et de l'homme comme stock ou fonds à notre disposition.

En effet, Heidegger distingue la technique moderne de la technique traditionnelle en ceci qu’elle repose sur la physique, sur la science de la nature. « Ainsi, quand l’homme cherchant et considérant suit à la trace79 la nature comme un district de sa représentation, alors il est déjà réclamé par un mode du dévoilement, qui le pro-voque à aborder la nature comme un objet de recherche, jusqu’à ce que l’objet, lui aussi, disparaisse dans le sans- objet du fonds » (Heidegger, 1958, p. 25). Suivre à la trace c’est en allemand nachstellt. Or, Heidegger reprend ce terme pour caractériser l’être de la vengeance dans Qui est le

Zarathoustra de Nietzsche : « Cette chasse (Nachstellen) qu’est la vengeance s’oppose

d’avance à ce sur quoi elle se venge » (Heidegger, 1958 c, p. 130). Un peu plus loin, Heidegger confirme ce qui suit : « Nous pouvons maintenant dire provisoirement : la

78 On peut noter ici la relative correspondance de la thèse arendtienne avec la thèse heideggérienne. Dans

Science et méditation Heidegger affirme que : « Le procédé par lequel toute théorie du réel suit le réel à la

trace et s'en assure est un calcul » (Heidegger, 1958, p. 67), or pour Heidegger, ce calcul n'est possible que si l'on suit la nature à la trace comme nous le verrons ultérieurement.

79 Suivre à la trace est employé par Heidegger en référence à la vengeance dont il dira ce qui suit : « La vengeance est la poursuite qui s’oppose et rabaisse » (Heidegger, 1958, p. 131). Dans le cas qui nous intéresse, suivre à la trace c’est ici s’opposer à la nature par une vision représentative que dessine la distinction sujet-objet, pour ensuite la rabaisser comme étant réelle pour moi, rabaisser la dignité ontologique du monde en un dévoilement sans voilement, sans profondeur. Le problème ultime de ce rabaissement repose principalement sur le point central selon lequel l’homme se rabaisse lui-même car il fait lui aussi partie du fonds.

vengeance est la poursuite qui s’oppose et qui rabaisse » (Heidegger, 1958 c, p. 131). Ce détour par la question de la vengeance, loin d’être une digression, nous permet de mettre en relation les choses suivantes : premièrement, que suivre à la trace la nature, s’apparente à la poursuite qui s’oppose et rabaisse, deuxièmement, à lier la vengeance, le côté rabaissant et agressif de celle-ci, au commettre de la nature, à sa provocation. De plus, en affirmant que l'objet lui-même disparaît dans le sans-objet du fonds, Heidegger s'arrime à Arendt puisque pour elle aussi, les objets du monde n'ont plus aucune consistance, ils disparaissent pour elle non pas dans le fonds, mais dans le processus requérant de l'instrumentalité moderne.

Pour résumer le rapport qu’inaugure la technique moderne reposant sur la science de la nature, il nous faut rappeler certains points cardinaux. La science, dont le domaine est l’exactitude est à l’antipode de la pensée méditante. Suivre la nature à la trace, est déjà une disposition dans laquelle nous place l’essence de la technique comme arraisonnement. Suivre à la trace, revient à rabaisser en s’opposant à la nature. Pourtant, cette opposition que l’on peut constater dans la distinction moderne entre sujet et objet, semble laisser la place à l’indistinction comme à l’accomplissement de la métaphysique. Puisque l’homme et la nature font tous deux partie du fonds, ils sont requis d’une même manière, l'homme suit donc également l'homme à la trace. Dans la même veine, Michel Haar commentant Heidegger affirme ceci : « Devenu "bête calculante", "bête technicisée", l'homme est, ou risque d'être, entièrement asservi au réseau » (Michel Haar, 1990, p. 132).

Cependant, Arendt n'évoque pas en soi le suivi à la trace de la nature, elle évoque plutôt la distance que doit nécessairement prendre l'homme pour calculer, mesurer et arpenter la terre. L'exactitude requiert la distance qui, à son tour, et paradoxalement, instaure la proximité d'un monde rétréci. C'est donc surtout l'astrophysique qui semble intéresser Arendt dans la mesure où, pour elle, elle inaugure un rapport au monde radicalement différent, un rapport a-terrestre. Dans ce sens, c'est moins la science en elle-même que l'invention technique du télescope qui constitua en soi un événement précurseur de la modernité. « Ce que fit Galilée, ce que personne n'avait fait avant lui, ce fut d'utiliser le télescope de telle façon que les secrets de l'univers fussent livrés à la méconnaissance

humaine "avec la certitude de la perception sensorielle"80 ; autrement dit, il mit à la portée d'une créature terrestre et de ses sens corporels ce qui semblait pour toujours hors d'atteinte, ouvert tout au plus aux incertitudes de la spéculation et de l'imagination » (CHM, p. 328, 329). C'est donc la technique (avec l'aide de la science bien sûr) et non les démonstrations mathématiques ou physiques qui fut pour Arendt un événement qui changea radicalement notre façon de voir le monde. De son côté, Heidegger ne s'intéresse pas vraiment aux événements historiques des inventions techniques spécifiques, il pense à partir de ce qui a permis de telles inventions (l'essence de la technique et non la technique elle-même). C'est pourquoi il conçoit la physique comme ce qui doit être pensé. Cette brève comparaison ne doit pas nous faire perdre de vue la distance et la différence qui existe entre la pensée de Heidegger et celle d'Arendt. Heidegger pense en direction de l'essence de la technique moderne et de la science moderne, Arendt pense en direction du monde humain tel qu'il est perçu par la pluralité. Cette différence oriente inéluctablement leur chemin respectif de pensée. Cependant, malgré cette différence, ils semblent s'accorder tous les deux pour avancer l'hypothèse désastreuse du règne de la pensée calculante.

Pour Arendt, pour calculer il faut suivre de loin, pour Heidegger, il faut suivre de près. Pour Arendt, le monde ne rétrécit effectivement que quand nous nous situons à une certaine distance. En ce sens, la contradiction n'est qu'apparente puisque Arendt constate elle aussi ce suivi à la trace de l'homme, de la nature et de l'artefact lui-même à partir de l'acosmisme de l'homme moderne. Le résultat est donc pratiquement le même, la sociologie, la psychologie et l'histoire tout comme la physique se chargent de suivre l'homme et la nature à la trace. Ce qui reste particulièrement désolant pour Arendt, c'est la tentative de réduire l'action humaine au comportement prévisible et calculable. En effet, l'homme fait également partie de ce fonds pour reprendre les mots de Heidegger, qui insiste, de son côté, sur le caractère dangereux de la pensée calculante81.

80

Arendt cite ici Alexandre Koyré, "La révolution du XVIIe siècle", From the closed World to the infinite

Universe, (1957), p. 89.

81 En effet, dans Sérénité (1945), Heidegger évoque le danger de l'envoûtement propre à la pensée calculante qu'installe l'essence de la technique moderne : « Dans la mesure où la révolution technique qui monte vers nous depuis le début de l'âge atomique pourrait fasciner l'homme, l'éblouir et lui tourner la tête, l'envoûter, de telle sorte qu'un jour la pensée calculante fût la seule à être admise et à s'exercer. Quel grand danger

En outre, la réaction philosophique vis-à-vis de cette découverte fut pour Arendt le doute cartésien et non l'enthousiasme comme on pourrait le supposer. Le télescope nous place devant l'évidence suivante : on ne peut ni ne doit en croire nos yeux. Ce n'est sans doute pas une coïncidence si le doute cartésien remet avant tout en question la véridicité de notre perception sensorielle, pour en arriver finalement, grâce à la fiction du malin génie, à remettre en question les vérités mathématiques elles-mêmes. La radicalité du doute cartésien est d'autant plus frappante qu'elle semble faire signe vers le caractère hautement significatif de l'invention du télescope. Si les calculs mathématiques avaient, bien avant Galilée, démontré l'héliocentrisme, ce n'est qu'avec l'invention du télescope que ces idées furent véritablement incontestables, visibles. Avec Galilée nous a été donné la possibilité de voir à distance, de voir l'infini de nos propres yeux, ou pour être plus exacte de nos yeux télescopés. Si donc nous ne devons ni ne pouvons en croire nos yeux, nous pouvons assurément en croire nos yeux technicisés. L'intérêt philosophique de l'invention galiléenne repose sur ce doute qu'elle a provoqué, cette méfiance généralisée vis-à-vis du monde des apparences, ainsi que cette position extraterrestre qui détermine à présent notre rapport au monde. En choisissant un point de référence hors de la terre, le pouvoir de l'homme sur la nature apparaît comme pratiquement absolu. Ce qui s'installe ainsi au sein de la relativité absolue, c'est la mise en perspective universelle de tout processus terrestre. La Terre n'est plus le point d'ancrage, elle ne peut être comprise que relativement aux phénomènes de l'univers. Quelles sont les conséquences de cette relativité ?

Et il est arrivé quelque chose de très semblable à un autre mot d'origine philosophique, le mot "absolu" qui, appliqué au "temps absolu", à "l'espace absolu", au "mouvement absolu", à la "vitesse absolue", désigne chaque fois un temps, un espace, un mouvement, une vélocité présent dans l'univers et comparés auxquels le temps, l'espace, les mouvements, les vitesses terrestres ne sont que "relatifs". Tout ce qui arrive sur terre est devenu relatif depuis que la relation de la Terre à l'univers sert de référence à toutes les mesures (CHM, p. 340).

La terre a donc cessé d'être le point de référence82. La nature semble elle aussi incapable nous menacerait alors ? Alors la plus étonnante et féconde virtuosité du calcul qui invente et planifie s'accompagnerait... d'indifférence envers la pensée méditante, c'est-à-dire d'une totale absence de pensée » (Heidegger, 1966, p. 147).

82 Pour Arendt l'astrophysique aurait un rôle potentiellement dévastateur dans la mesure où elle met l'homme dans une position a-terrestre qui lui permettrait d'agir sur la terre à travers des processus qui n'existent que dans l'univers : « D'un autre côté, nous pouvons intervenir dans cette nature terrestre à l'aide de moyens

de revendiquer une forme d'éternité dans la mesure où elle est liée aux phénomènes universels. La technique et la science affirment la relativité absolue et ce faisant, la vacuité de toute chose réelle. Ainsi, si tout est relatif, il n'existe alors plus rien de tangible en soi. Tout objet finit ainsi par être fonction d'un autre objet et ne peut être compris qu'au sein de la relativité qu'on lui assigne. Nous retrouvons ici le thème de moyen-terme et, plus précisément, celui de l'inconsistance du monde humain et de la nature. La compréhension semble toujours dépendre de la relation que l'homme lui assigne. Il n'existe donc pas de certitude en soi puisque tout dépend de l'élément référentiel, d'où le doute qui en découle, la méfiance et surtout la dévalorisation de toute fin en soi.

La méfiance d'Arendt vis-à-vis de la technologie se résume selon Weyembergh dans son article L'âge moderne et le monde moderne (1992), à trois craintes principales.

Le premier souci d'Arendt relève en ceci que l'homme ne rencontre plus jamais que lui- même.

Arendt en donne deux exemples : puisque l'homme veut s'évader de la terre, à laquelle il est adapté, il est obligé, pour la quitter, de construire l'habitacle (le vaisseau spatial) dans lequel il va vivre : il n'y rencontre que ses propres artefacts ; sur le plan théorique, Heisenberg a montré par son principe d'incertitude que l'on ne peut mesurer avec la même précision la vélocité d'une particule et la position qu'elle occupe, car toute précision accrue apportée à la détermination de la vélocité diminue celle de la position et inversement. C'est donc l'observateur qui choisit quels aspects de la nature il entend mesurer avec précision et quels aspects il laissera dans une relative imprécision. La "vraie réalité" du monde disparaît, et l'homme, l'observateur, se retrouve dans une situation où il n'est confronté qu'à lui-même. En conclusion le monde commun des évidences sensibles n'est qu'une illusion et la foi dans le soi sûr de ses connaissances, foi qui était encore celle de Descartes, en est une autre. Le désespoir des hommes de science rejoint alors celui des philosophes (Weyembergh, Maurice, 1992, p. 171).

Ce subjectivisme est inhérent à la modernité qui n'est plus capable de valoriser l'apparaître dans son épaisseur phénoménologique. Ici est réalisée la sentence de Protagoras : « L'homme est la mesure de tous les objets (chrémata), de l'existence de ceux qui existent, et de la non-existence de ceux qui ne sont pas »83 (CHM, p. 211, 212). Or,

universels. Ces moyens sont destructeurs, du fait qu'on les considère du point de vue de l'univers, ce pour quoi nous ne sommes pas faits. La physique "universelle" détruit la nature terrestre une fois qu'elle a relativisé la physique liée à la terre » (JP2, p. 715).

83

Arendt retraduit la phrase grecque : Pantôn chrematôn metron estin anthrôpos. Elle remplace ainsi la traduction classique qui dit « l'homme est la mesure de toutes choses » par « l'homme est la mesure de tout

cette mesure est changeante selon le point de vue de l'observateur. Ce relativisme est un des obstacles à la durabilité de notre artefact dans la mesure où il installe la méfiance vis-à-vis de l'apparaître.

La deuxième crainte est la suivante toujours selon Weyembergh :

De plus, à force de se regarder à partir de l'univers, l'homme ne se comprend plus à partir de ses motivations humaines, mais se voit comme l'objet d'une évolution naturelle : les produits de sa technologie relèvent de cette évolution, les voitures qu'il utilise n'étant par exemple qu'un corps agrandi. L'homme se regarde alors comme il regarde les rats : ses actions sont désormais réduites au comportement (behavior) et aux statistiques (Weyembergh, Maurice, 1992, p. 171, 172).

Cette crainte est d'autant plus importante qu'elle symbolise le caractère biologisant de l'évolution de la technique moderne. Dans ce grand métabolisme, il devient impossible de distinguer l'action humaine, son artefact, de la nature. Le tout fait partie intégrante de cet immense processus maintenant visible à partir de l'espace.

La troisième crainte, sans doute la plus dramatique pour Arendt, confirme la condition humaine désolante de la modernité :

Le troisième motif, qui est aussi la raison d'être de son livre Condition de l'homme

moderne, est que l'homme entend désormais changer sa condition, il veut prolonger

l'évolution naturelle, dont il est le produit, par sa technologie. (...). Nous l'avons vu, les trois composantes de la vie active, le travail, l'œuvre et l'action, sont englobées désormais dans la technologie, ce qui va de pair avec la perte de l'œuvre de l'artisan, sinon de l'artiste, et la difficulté de maintenir l'action (la politique) au sens traditionnel (Weyembergh, Maurice, 1992, p. 172).

D'un point de vue synthétique, force est de rappeler que la technique moderne détermine plus que les sciences le rapport au monde de l'homme moderne dans la mesure où les inventions bien plus que les idées sont capables de changer notre mode d'être au monde. Du point de vue du monde humain (monde des apparences et de la pluralité), ce qui est premier est donc la technique (invention du télescope), la science n'a fait que permettre, confirmer et accompagner ce principe d'incertitude que provoquait déjà le changement du point d'Archimède qu'initia Galilée. « Et, même si le savant est assailli de paradoxes et en proie aux plus déroutantes perplexités, le simple fait que toute une technologie puisse se

objet d'usage possédé ou employé par l'homme ». Le mot chrémata grec laisse ainsi entendre la justesse de cette traduction et, subséquemment, le danger, comme nous le verrons, de considérer tout sous l'angle de son usage potentiel pour l'homme.

développer à partir de ses résultats démontre la "solidité" de ses théories et de ses hypothèses d'une manière plus convaincante que ne le pourront jamais faire aucune observation ou expérience purement scientifique » (CC, p. 348). Bien plus, il nous est possible de dire que ce qu'accuse Arendt, c'est le mode de penser qui découle de cette technicisation de notre rapport au monde à partir de l'infini. Car, si avec l'avènement de