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Témoignage de Flavie, bénévole de l’AFEV Rennes : a accompagné deux adolescentes algériennes (Zhora et

Dans le document Enfants et jeunes nouvellement arrivés (Page 50-53)

Hadjira) et Magnifique, 13 ans, originaire du Rwanda, à

domicile

La première année (2004-2005), j’ai accompagné Zhora et Hadjira.

Le référent présentait l’accompagnement dans le cadre de l’association AFEV comme devant être composé d’aide scolaire et d’échange culturel. Zhora et Hadjira maîtrisaient mal la langue française, en particulier à l’écrit… Elles éprouvaient des difficultés en français et en histoire-géographie. Elles étaient scolarisées en troisième, c’était l’année du brevet ! Ce diplôme de fin de collège était très important pour elles, il était perçu comme un rêve de réussite inaccessible.

Toute l’année, j’ai accompagné hebdomadairement Zhora et Hadjira individuellement. Nos séances duraient environ deux heures, composées d’une reprise des éléments des cours incompris et d’une aide aux dissertations à composer. Mais on avait aussi des discussions informelles sur leur vie d’adolescente au collège, leur histoire de jeunes immigrées, leur intégration actuelle, ce qui les repoussait et les attirait dans la société française et son fonctionnement, leur avenir professionnel et personnel…

Une relation fraternelle s’est installée. Les jeunes filles progressaient doucement, mais prenaient surtout confiance en elle dans la langue de Molière, qui à l’origine n’était pas la leur. Je prenais beaucoup de plaisir à me rendre chaque semaine à leur domicile. En effet, l’accompagnement se faisait chez les jeunes accompagnées. Ce qui apparaît dans un premier temps plutôt intimidant et intrusif. Néanmoins, très vite, la relation qui s’est installée entre la famille de Zhora et Hadjira et moi m’a permis de comprendre que cela n’aurait pas existé sans un accompagnement à domicile. J’ai souvent partagé des repas ou goûters familiaux, échangé avec les grands frères sur leur orientation post- bac ou post-CAP, ri avec la petite sœur amusée par mes habitudes vestimentaires, mes cheveux, mes bijoux… Ça me donnait aussi l’occasion de discuter avec la maman des adolescentes, qui, progressivement, voyant la langue française rentrer dans l’apparte- ment, s’est lancée à dire quelques mots sans demander à se faire traduire… Elle s’est, en fin d’année, inscrite à un cours d’alphabétisation mis en place à destination des fem- mes immigrées du quartier.

Il me semblait important, dès le départ, de veiller à ne pas prendre une place indispen- sable dans leur quotidien scolaire. Les ados avaient 16 ans et ne bénéficieraient, en principe, plus d’un accompagnement l’année suivante… J’ai dès le début parlé de notre objectif commun : Zhora et Hadjira devaient prendre confiance en elles scolairement, mais pas seulement, et elles continueraient leur chemin ensuite en autonomie. Elles étaient donc tout à fait préparées à mon absence l’année suivante… Cela ne nous a pas empêchées de garder contact… Nous échangeons des textos… Elles m’ont appelée plusieurs fois pour me raconter leur rentrée au sein de leur nouveau lycée…

Lycée que nous avions découvert ensemble… Zhora et Hadjira devaient s’orienter en fin de troisième. L’orientation est une réelle difficulté et peut donc être un obstacle considérable à une réussite scolaire et personnelle. Le papa des ados ne pouvait pas les emmener aux portes ouvertes des différents lycées rennais, travaillant chaque jour de l’aube au soir tard. Leur maman, ne maîtrisant pas le français, n’osait pas s’aventu- rer dans des quartiers inconnus, à la rencontre de professeurs qui l’auraient sans doute questionnée pour engager la discussion… Nous nous sommes par conséquent orga- nisé une journée entière pour visiter les lycées qu’elles avaient sélectionnés. Ce fut pas- sionnant. Elles prirent beaucoup de plaisir à découvrir, fascinées, à questionner, à prendre leur avenir en main, actrice de leur vie future ! Elles choisirent le lycée profes-

sionnel des métiers de la mode, passionnées par les matières professionnelles propo- sées (dessin, couture…), parallèlement aux matières générales. Cette formation leur paraissait adaptée, car elles désiraient toutes les deux repartir en Algérie une fois leurs études terminées. Elles sont rentrées chez elles chargées de documentation à montrer, à expliquer à leurs parents.

Nous avons travaillé le brevet des collèges toutes les trois sur plusieurs jours au mois de juin. Je leur ai dit au revoir et leur ai souhaité bonne route, la veille de l’examen… Quelle merveilleuse surprise j’ai eu le matin des résultats en découvrant leurs noms inscrits dans le journal local ! Elles avaient réussi toutes seules ! Elles m’ont appelée le jour même, très fières de leur succès !

Cet accompagnement m’a beaucoup apporté humainement, mais aussi professionnel- lement. J’étais étudiante cette année-là en licence de sciences de l’éducation. Je me suis passionnée pour l’intégration et le parcours scolaire des adolescents nouvellement arrivés en France. J’ai en effet par la suite réalisé un travail de recherche dans le cadre de mon master sur ce sujet. Je le leur ai dédié !

L’année suivante (2005-2006), de nouveau par l’intermédiaire de l’AFEV, j’ai rencontré Magnifique, 13 ans, adolescente nouvellement arrivée en France, originaire du Rwanda. Magnifique était scolarisée en CLA. Sa principale difficulté était qu’elle ne parlait presque pas le français, n’ayant pas été scolarisée les deux dernières années et n’ayant pas été inscrite au sein d’une école française auparavant au Rwanda. La priorité était donc plutôt l’échange culturel. Je voyais Magnifique chaque semaine. Nous passions presque tous les après-midis à l’extérieur, découvrant ensemble ce que proposait la société française. Nous avons pris le métro, étudié le plan de Rennes, bullé au parc, savouré des chocolats chauds avec gourmandise, été au ciné, lu des BD à la FNAC, pris des photos, apprécié des spectacles de rue.

À la fin du premier trimestre, constatant un problème, j’ai décidé de mettre en place un projet dans le cadre de mon accompagnement. Magnifique séchait les cours d’éduca- tion physique et sportive chaque semaine, avec l’autorisation de sa maman qui la com- prenait. Le professeur emmenait en fait sa classe à la piscine. Magnifique angoissait, ne sachant pas nager et n’étant jamais entrée dans une piscine. Je lui ai donc proposé d’y aller avec moi régulièrement tout au long de l’année. Elle a accepté, non sans inquié- tude, et a découvert le fonctionnement de la piscine, le passage au vestiaire, puis à la douche. Tout ce qui était évident à mes yeux ne l’était pas forcément pour Magnifique. La première entrée dans l’eau fut très émouvante. Elle était paniquée et heureuse à la fois. Nous avons passé les premières séances simplement à jouer dans l’eau. Puis elle m’a demandé comment je faisais pour nager. Progressivement je lui ai montré sans prétention, la laissant reproduire les gestes comme elle le sentait. Que de tasses ont alors été bues !!! Elle faisait quelques brasses en fin d’année, nous avons même testé ensemble le grand bain à sa demande !

Individualisation,

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