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PRESENTATION DES DONNEES ET APPROCHES THEORIQUES

I PRESENTATION DES DONNEES COLLECTEES

II- 1-1 Systèmes d'alliance

Des entretiens ont été menés sur les systèmes matrimoniaux. Il ressort que les Baka pratiquent l'exogamie et aucun mariage à l'intérieur du clan n'est permis. Le mariage entre deux individus entraîne de nouveaux liens entre deux familles. Selon nos informations, la dot s’accompagne plus ou moins d'une prestation du futur mari. Le prétendant devrait passer un séjour long avec sa belle-famille où il est soumis aux différentes tâches. D’après les récits de vie de certains couples, les Baka continuent de respecter le mariage, mais certains éléments ne se pratiquent plus comme avant. La prestation du genre est de moins en moins observée aujourd'hui depuis qu'ils se sont installés en bordure de la route. Biango a déclaré que :

« Pour prendre ma femme, j’ai souffert avec des travaux de ma belle-famille. J’ai fait la chasse pour ma belle-famille, j’ai cherché du bois, des ignames, des chenilles, des escargots pour ma belle-mère. Les corvées d’eau m’étaient réservées toute la semaine alors que mes beaux-frères ne faisaient rien du tout. Bref, j’étais traité comme un esclave ».

Dans un passé très récent, la dot d’une femme constituait une prestation de services auprès de la belle-famille. Les avis recueillis auprès des parents ont clarifié la situation actuelle. Les prestations dans les belles familles sont devenues de plus en plus rares. Les Baka ont introduit les dons des produits manufacturés lors des échanges matrimoniaux. Les éléments d’une dot se composent désormais de pagnes, de vin, d’argent, de machettes et de toutes sortes de produits de luxe. Selon l’ensemble des ménages interrogés, presque tous les hommes Baka affirment avoir doté leurs femmes avec des produits manufacturés. Au niveau du choix des partenaires, les avis des parents ne comptent plus comme dans le passé. Les unions ne sont plus arrangées mais sont de plus en plus improvisées par le biais des jeux de retrouvailles ou des cérémonies festives comme des rencontres sportives ou des soirées dansantes pendant les vacances.

En outre, les Baka sont de plus en plus polygames. Nous avons observé des cas à Moangue le bosquet. Le chef TINDO a trois femmes qui cohabitent ensemble. Et selon

135 lui, dans un passé récent, cela n’était pas possible compte tenu du poids de la tradition. Comme lui, KALO a fait le sororat, en se mariant avec la grande et la petite sœur. Suite à un arrangement avec son petit frère en manque de compagne, il a décidé de le marier à sa première épouse.

Au-delà de cette situation, nous nous sommes intéressés aux relations entre les membres d’une famille. A ce niveau, un ensemble d’interactions ont été décodées à travers des jeux et des signes qui accompagnent des relations privilégiées entre l’oncle, la tante et le neveu. En prenant en compte ces jeux entre les individus, nous avons identifié une nouvelle construction parentale, siège d’énigmes et d’encodage.

Les données en rapport avec l'économie des Baka ont été collectées par le biais d’entretiens et de fiches généalogiques. Nous avons observé les Baka dans leurs différentes activités agricoles, chasse, cueillette, génératrices des revenus (commerce, transport en commun, vente de bois, portage, nettoyage) et guérisseurs.

A partir des observations faites, les ménages du village bosquet utilisent la même technologie que celle des Bantou. Les pygmées construisent des maisons en forme rectangulaire avec un toit soit en tôles soit en feuilles de raphia avec des murs faits en boue séchée. Cette nouvelle technologie est aussi visible à l’intérieur des maisons avec une disposition précise des objets. Dans la plupart des maisons visitées, l’intérieur est composé de lits, de claies, d’étalages, d’un coin de feu, de machettes, de mortiers, de sceaux, de brosses à dents, de lampes torches, de téléphones portables, de tronçonneuses, de lances, de radios, de matelas à mousse, de couvertures, de draps, d’images de jésus sur les chevets de lit, etc...

Comparativement aux cuisines bantoues, nous avons observé presque le même arrangement chez les pygmées.

Par ailleurs, l'activité de la cueillette nous a permis d'identifier les différents types de produits forestiers non ligneux qui participent fort heureusement à la résilience des Baka. Aussi, ont été identifiés les types de miel et leur utilisation, les produits de type végétal et animal. Les personnes ressource nous ont révelé des utilisations particulières de chaque type de produit.

En outre, des Baka mènent des activités génératrices de revenus comme le transport sur moto, la vente du bois, le travail dans les hôpitaux, les chantiers forestiers (les scieries, le

136 commerce) ces activités ont été désignés par des interviewés comme de nouvelles activités constituant les principales sources de revenus des familles. Ceci dit, la collecte des données sur l'économie des pygmées a été marquée par l'identification des activités économiques à l’intérieur du village et à l’extérieur.

Les données sur les représentations de la forêt par les Baka ont été collectées à l'aide d'une cartographie participative. Cette méthode n’était pas envisagée au départ de notre terrain d’enquête mais, nous l’avons intégré dans le but de mieux comprendre l’exploitation que font les Baka de leur écologie.

Un ensemble d'activités a été identifié et localisé allant de la culture matérielle (collecte des chenilles, des champignons, du miel, des marantacées, du rotin, des champs, de pêche, de chasse, de pharmacopée) à la culture immatérielle (cérémonies rituels, religion).

Cette cartographie a été élaborée plusieurs jours par les Baka. Pendant la réalisation de cette cartographie, nous prévenions les Baka deux jours avant pour planifier cette activité. C’est vrai que tout au début, on a été confronté à une situation compliquée car le jour de la première réunion, tous les villageois ont répondu présent pensant qu’il y aurait un pot à la fin du travail. A la fin de la réunion, nous avons vu quelques pygmées manifester en disant:

« On a perdu notre temps à donner les informations et en retour on a rien reçu comme récompense, même pas un verre d’eau, ces gens viennent toujours nous exploiter comme ça pour écrire des livres et vivre bien alors que nous croupissons toujours dans la misère».

D’après les conseils reçus de Remi, jeune Baka de notre équipe d’enquête, nous avons rectifié le tir.

Ce faux-pas nous a permis de prendre des dispositions pour la réunion suivante au cours de laquelle il a été distribué des sachets de King Artur (une marque de whisky frelaté), ce qui nous a permis de travailler toute une demi-journée. Il est arrivé quelquefois qu'on ne termine pas une séance de travail à cause des discussions houleuses entre les différents protagonistes qui ne s'accordaient pas sur la localisation exacte de certaines activités ou encore, n'étaient pas d'accord d’en dire plus qu’il n’en fallait. Face à ce jeu, nous calmions les uns les autres en leur montrant le bien-fondé de cette cartographie

137 participative dans leur communauté tout en les assurant de notre discrétion. Néanmoins, les données de cette cartographie ont été complétées par des personnes ressource du village (le Nganga, le Tuma et les matrones et quelques animateurs de CED et de Plan Cameroun). Les données en rapport avec l’exploitation immatérielle de l’environnement sont interdites de collecte dans des villages Baka dans le département de la Boumba et Ngoko.