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2 Autres lectures de l'adaptation des pygmées au contexte villageois

III MODALITES D’APPELLATIONS DES POPULATIONS A L’ETUDE

V- 2 Autres lectures de l'adaptation des pygmées au contexte villageois

L'adoption de l'agriculture à elle seule ne permet pas la saisie totale de la résilience des Baka face aux changements. SEITZ58(1993) a travaillé sur les conditions d’adaptabilité des pygmées à la vie moderne. Il apporte des restrictions à l’adaptabilité des pygmées à travers l’agriculture. SEITZ pense que l’adoption de l’agriculture par les pygmées est une résignation face à la destruction de la forêt et ajoute que les relations entre pygmées et Bantous connaissent des rebonds multiples en fonction de l’enjeu de l’occupation des terres et de l’exploitation des ressources forestières.

49 Les pygmées ont été réduits à l’esclavage et à la discrimination ce qui les a distancés de la vie moderne. Mais SEITZ attire notre attention sur l’intérêt pour les deux communautés (Baka et Bantou) à établir un dialogue intercommunautaire pour la construction d’un Cameroun uni.

Vu sous cet angle, le sort des pygmées n’est plus voué à l’extinction comme l’ont prédit certains activistes. Au contraire, il y a en perspective d’une élite pygmée montante et des acteurs de développement. En effet, même si l'agriculture atteste la sédentarité des pygmées et garantit leur survie, d'autres challenges d’adaptabilité se sont rapidement présentés.

La communauté internationale a trouvé très récemment une stratégie d’adaptation à travers le terme « peuples autochtones ». Ce terme a permis aux Baka de s’organiser autour de la défense de leurs droits (éducation, formation, accès à la justice, aux terres). Aujourd’hui une élite baka se forme pour mieux porter les revendications auprès d’institutions nationales et internationales. L’autochtonie semble ainsi une autre option à l’auto détermination des Baka.

Bigombe évoquait déjà les trajectoires de construction progressive de la citoyenneté des pygmées au Cameroun. Il relevait que la citoyenneté est, à la fois une qualité et un statut : ceux d’une communauté politique.

L’idée de statut renvoie à un ensemble de droits (civils, politiques et sociaux) et devoirs (respect des lois) dont doit jouir, de manière effective un individu dans le cadre du droit positif, et celle de qualité ou d’identité renvoie au sentiment d’appartenance et d’allégeance à la communauté politique globale.

La création des chefferies de communauté et de troisième degré dans les régions où vivent les pygmées sédentaires, participe de la reconnaissance et de l’affirmation de leur citoyenneté. Elle est un préable pour la sécurisation durable des droits fonciers des pygmées. La chefferie ayant une base territoriale, toute création d’une chefferie, de troisième degré entraîne une délimitation physique du territoire dans lequel le chef est appelé à exercer son pouvoir. La création des chefferies et l’accès à la propriété foncière sont des éléments importants de résilience. Si cette initiative est tant importante dans l’affirmation de la citoyenneté des pygmées, pourquoi s’est-elle aussitôt arrêtée? La pression des politiques d’aménagement des espaces seraient au fondement de cet arrêt.

50 ROBILLARD (2010) évoquait déjà les politiques d’aménagement des forêts et des projets de conservation comme limites à l’accompagnement des Baka du Sud-est Cameroun. L’étude de ROBILLARD met l’accent sur le changement des modes relationnels entre les populations et leurs territoires, les populations et l’État, les populations et les acteurs extérieurs (ONG, Agences de coopérations, acteurs économiques. Mais seulement, cette étude n’apporte pas suffisamment d’informations sur la dynamique interne des pygmées Baka.

Ce travail apporte des compléments à l’étude de ROBILLARD. Elle évoque la dynamique interne combinée à la dynamique externe pour comprendre la résilience des Baka face aux mutations socio environnementales.

A cette littérature s’ajoutent des productions cinématographiques (films et documentaires) qui présentent les pygmées en situation de résilience. D’abord le film d’AGLAD (2012) À cry from forest se situe entre deux périodes. Après le premier tournage avec une génération de Baka, AGLAD revient Vingt-cinq ans plus tard, voir ce qu’Ali et Camara (les protagonistes) sont devenus. Ensuite, le film présente la vie des pygmées entre deux époques et insiste sur la réaction de ces derniers face à l’éducation scolaire et à l’adoption du fer. Enfin, le film montre une cohabitation Baka/Bantou en construction à travers des échanges d’alcool, de fer, le recours à la banque à parole59. La construction d’une nouvelle vie se lit à travers la flexibilité et l’ouverture de la société Baka vers le monde externe.

Allant dans le même sens, MAGET (2014) dans son film le dernier virage des pygmées Baka, présente une situation d’adaptation des pygmées qui tient compte des modes de vie modernes. Il s’agit des pygmées du village Bosquet qui présentent un mode de vie de demain. Les Baka s’identifient à un village comme résidence permanente, disposent de plantations, vont à l’école catholique, se soignent au dispensaire et ont une unité administrative de troisième degré. Le film relate également les éléments perturbateurs de la résilience des Baka. D’abord l’alcool frelaté fabriqué de manière artisanale encore appelés « whisky en sachets » contribue à la non résilience des Baka. Ensuite, MAGET dévoile à travers son film, les relations des Baka/Bantous en construction avec le partage

59 C’est un accord verbal entre bantou et Baka sans intervention financière. Cet arrangement est fondé le plus souvent sur le crédit accordé à un Baka contre des travaux champêtres.

51 d’expériences non seulement sur la pratique de l’agriculture, mais aussi au niveau de l’exploitation des produits forestiers non ligneux.

Enfin, l’implication des Baka dans les projets enclenchés dans les environs du village Bosquet (Projet Geovic en attente) est mise en exergue. Au regard de ces œuvres cinématographiques, on serait amené à dire que les Baka tournent peu à peu le dos à la forêt et s’accommodent progressivement du mode de vie moderne.

La présente étude ajoute à cette adaptabilité, les acteurs du développement c’est-à-dire ceux qui accompagnent les pygmées dans la résilience. Sachant que la société traditionnelle cède la place à la société « moderne », il importe d’identifier les intervenants et leurs modes opératoires d’accompagnement (la société civile et l’État du Cameroun).

VI Hypotheses de recherche

Les hypothèses de ce travail ont été formulées à partir des stratégies de résilience endogène et exogène. D’autant plus que, la situation actuelle des Baka repose sur une dynamique combinant la tradition et la modernité.