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1 Mutations socio environnementales dans l’histoire

OPERATIONNALITE DES CONCEPTS

III- 1 Mutations socio environnementales dans l’histoire

Les mutations sont aussi vieilles que le monde. Elles sont arrivées dans toutes les sociétés provoquant des bouleversements des modes de vie. L’histoire européenne à travers CHAVANNE (2011) nous enseigne que la révolution industrielle a amené les gens à quitter les campagnes pour la ville à la recherche de conditions de vie meilleure. Cette situation a entraîné les transformations des pratiques culturelles de ces populations venues des campagnes. Il remarque que, entre 1850 et 2010 les campagnes françaises ont été gagnées par la modernisation, la mécanisation puis l’emploi des produits phytosanitaires. Ici, l’auteur semble indiquer l’industrie comme élément ayant entraîné ces changements au sein de la société française. Ces changements ont permis à la France d’encourager l’immigration, d’abord européenne, ensuite africaine et asiatique. L’ensemble de ces bouleversements a donné à la société française un nouveau visage. Dans la même logique PERRAT (2012) pense que les mutations socio environnementales sont une des conséquences d’une industrie qui s’accompagne de dynamiques sociales et culturelles, c'est-à-dire que les individus traînent avec eux les us et coutumes de l’environnement dans lequel, ils sont appelés à exercer leurs activités. Pour lui, c’est également un cataclysme des activités de l’espèce humaine dans un environnement déterminé qui induit une adaptation pour survivre. Ce point de vue fait corps avec le nôtre

127 dans la mesure où tout comme Perrat, nous analysons l’adaptabilité des Baka dans leur nouvel environnement (village).

Par ailleurs, les mutations socio environnementales comprendraient aussi les changements climatiques. En effet, les changements climatiques seraient la réponse de l’environnement à l’activité anthropique. L’industrialisation étant devenue l’objectif de toutes les nations, on assiste à une frénésie d’actions qui mettent à mal les forêts et les sous-sols qui réagissent en défaveur du monde. Les plus vulnérables dans ce contexte étant bien évidemment les nations du Sud qui font face à un dilemme entre émergence économique et préservation des forêts.

L’Afrique centrale n’a pas été épargnée par ces transformations. Les populations, sous l’impulsion de la colonisation ont été contraintes de sortir de la forêt. Certaines sources historiques relayées par LABURTHE (1981), montrent que les peuples des forêts ont perdu un patrimoine culturel considérable. Il démontre qu’au-delà des comportements sociaux, la langue béti a connu des changements à partir du contact des autres peuples. Pour lui, le bouleversement de la culture Béti les a amené à intégrer de nouvelles manières soit à partir de l’introduction des pratiques agricoles industrielles, de la scolarisation, l’identification, la politique, l’alimentation, la religion, l’habitation etc... Comme les Béti, les pygmées du Cameroun connaissent de profondes mutations encouragées par l’État de Cameroun à travers la sédentarisation.

L’environnement dans lequel vivent les Baka aujourd’hui, est à suffisance un indicateur de compréhension de leur résilience. Cet environnement a aussi connu des transformations certes naturelles avec l’envahissement de la forêt par la savane depuis des lustres comme le soulignait ABEGA (1992). Nous rangeons d’ailleurs ce phénomène parmi les facteurs naturels ayant contribué ou accéléré les transformations sociales et environnementales.

Au Cameroun, le passage de la chasse à l’agriculture résulte de la colonisation et n’est donc vieux que d’une soixantaine d’années, tandis que le nomadisme existe depuis plusieurs siècles. Cette contribution de MERIOT (2002), nous apprend que si la référence sociale et environnementale passe également par leur rapport à l’adoption de nouvelles activités telles l’agriculture et l’éducation scolaire, les Baka sont devenus minoritaires au

128 sein de la minorité des communautés ayant subi des transformations de leurs modes de vie.

LAMBLIN, socio environnementaliste présente une société Bantoue en mutation profonde, puisque, au cours de la seconde moitié du 18iièmeesiècle, cette population forte aujourd’hui et dominatrice des territoires d’Afrique centrale, a, tout à la fois, abandonné la chasse et la cueillette, achevé sa transition démographique et s’est majoritairement sédentarisée : elle est, en effet, « citadine » dans les capitales des pays (Cameroun, Gabon, Congo, République démocratique du Congo, République Centrafricaine rassemblant, à elle seule, le quart des occupants).

Dans la même perspective, le plan d’aménagement conduit par le Ministère des forêts et de la faune a érigé de nombreux espaces en domaine de forêts non-permanents obligeant des populations locales à redéfinir leurs conceptions de l’espace. Cette disposition a modifié profondément des modes de survie des pygmées.

Il est évident que la mutation sociale dont parle LAMBLIN, a apporté des situations de prise en charge d’une population majoritairement jeune. À la faveur de l’accession à l’autonomie, le secteur de l’administration territoriale et communale emploie la moitié de la population active, soit deux fois plus que les autres secteurs, mais, malgré l’assistance apportée par l’État providence, un taux alarmant du chômage de jeunes, l’un des plus élevés de la planète, trahit la persistance, voire l’augmentation, du mal-être social qu’expliquerait le rythme accéléré des mutations auxquelles est confrontée la société. Les fléaux tels que l’alcoolisme et les maladies sexuellement transmissibles auxquels sont exposées les communautés Baka du Cameroun pourraient être considérées comme des conséquences des transformations socio environnementales limitant leur résilience. En dernier ressort, les mutations socio environnementales sont liées dans un premier temps au phénomène naturel (catastrophes naturelles) et dans le deuxième, elles sont une métaphore de la pression anthropique. Il serait légitime pour une communauté comme celle des Baka d’élaborer des stratégies d’adaptation.

CONCLUSION

Au demeurant, il s’est agi de définir les concepts utilisés et de préciser la méthodologie de recherche. D’après les analyses ci-dessus, la résilience a été définie à partir de son

129 origine, de ses approches pluridisciplinaires, de son utilisation dans l’accompagnement des populations Baka, de ses limites et de son appropriation dans le cadre de ce travail. Le concept de résilience tire ses origines depuis le XIVe siècle mais c’est aux États-Unis qu’il a pris de l’ampleur avec WERNER dans sa recherche sur les enfants Hawaiens et s’est propagé en France dans les années 1990 avec CYRULNIK.

Le terme a aussi été emprunté aux sciences physiques et adapté aux autres disciplines. Toutes les disciplines s’accordent sur l’état de vulnérabilité, de fragilité et de traumatisme dans lequel une personne, une communauté est impliquée. La résilience se réfère à la capacité de rebondir après un choc traumatisant ou encore une capacité d’adaptation au changement sans subir. D’un côté, nous avons montré son utilisation aujourd’hui dans le développement des populations pauvres. Il fait intervenir d’autres mécanismes qui ne tiennent pas toujours compte de la dynamique interne d’une communauté. De l’autre côté, la résilience des Baka est la réaction aux transformations socio environnementales provoquées par l’Etat. Nous avons précisé que la résilience baka s’appuie sur les stratégies de rebond endogène et exogène (société civile et l’État du Cameroun).

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CHAPITRE 3