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1-5 Organisation sociale Parenté et alliance

DESCRIPTION DU CADRE DE RECHERCHE

I BREFS RAPPELS SUR LE CAMEROUN

I- 1-5 Organisation sociale Parenté et alliance

Les ethnologues ont tendances à considérer les bizarreries apparentes des terminologies de la parenté de plusieurs façons. En suivant MORGAN (1877)78, une école maintenant en voie d'extinction, on y a vu des reflets des systèmes de mariage aujourd'hui disparus;

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L’arbre de la connaissance du bien et le mal est une image poétique utilisée dans le récit biblique de la genèse pour designer la conscience morale. On dit que c’est le premier homme qui a découvert la voix de la conscience. Mais il faut reconnaître que cet arbre de la connaissance du bien et du mal n’existe pas en réalité.

78Une édition électronique réalisée du livre de Lewis H. Morgan (1877), La société archaïque. Traduction française de H. Jaouiche, 1971. Paris : Éditions Anthropos, 1971, 653 pages.

72 une autre école y décèle une synthèse plus ou moins réussie selon les cas entre système de filiation, de descendance et de mariage.

La plupart des ethnologues, retiennent seulement le fait que statistiquement et en gros, les terminologies sont globalement en accord avec ces trois variables (cf.WILLIENCOURT79, 1988). Cependant, une constante peut être rapidement isolée. Des discussions sur le sujet excluent les interprétations locales des terminologies, sauf dans le cas des systèmes de filiation préférentiels ou prescrits où il y a davantage d'adéquation entre terminologie et règles de mariage. Même si la raison profonde des terminologies de la parenté Baka est inconsciente, il n'en reste pas moins que tout commentaire local à ce sujet est intéressant. Mais ici, on reste souvent sur sa faim en lisant la plupart des monographies sur les Baka car on ne sait même pas si la question a été posée. Quelle est l'interprétation locale des terminologies? C’est le mystère le plus épais et le vide le plus béant de la littérature anthropologique sur cette question. Chez les Baka, nous avons la chance d'avoir une société où il n'est même pas besoin de poser la question de l'interprétation locale car bien des Baka la donnent d'emblée sans qu'elle soit demandée et tous font la même réponse si on la pose.

Les Baka reconnaissent une trentaine de clans Yé (LECLERC, 2002) entre lesquels ils se définissent. Ces clans sont répartis en sous clan appelés baole qui à leur tour sont subdivisés en lignages ou lalale composés de familles ndayo. Le clan est un ensemble de personnes qui se considèrent, en vertu d'une relation généalogique présumée, comme descendants en ligne directe, soit paternelle, soit maternelle d'un ancêtre commun généralement un épisode de la vie de l’ancêtre fondateur ou mythique comme l’a si bien mentionné BAHUCHET (1992). Dans la société Baka, le clan et le lignage se confondent. Le Baka s'identifie par rapport au clan de son père à sa naissance (Joiris et al. 1995), mais le clan ne détermine pas son appartenance à un territoire donné. Des Baka appartenant à différents clans se retrouvent dans un même hameau.

Par ailleurs, plusieurs clans distincts cohabitent à Moangue. Il s’agit entre autres des: silo, wala, pkotolo, jembe, ndonga, likemba, ndumu, mombito, yandi, makombo, mambi et mondo. Les membres de ces clans sont unis entre eux par des liens d'alliance et de consanguinité.

73 Les rapports de parenté Baka s’appuient donc sur une commune appartenance et une même catégorie au sens social selon LECLERC (2001). Pour KALO, la parenté va au-delà de l’espace de vie. Les Baka se définissent à l’intérieur d’un clan même s’ils ne partagent pas un même territoire. Le récit ci-dessous de KALO atteste que les Baka tiennent à la parenté.

«Il y avait quelques jeunes de ma famille (KALO, mbola)... le nom KALO peuple notre communauté des Yé silo. Dans ma famille KALO était le grand père à mon père un Yé silo sa femme était Yé donga. Chez nous on a le sens de la parenté, moi en tant qu’un Yé silo même si j’arrive au Congo, je trouve une famille Ye silo, je serai bien reçu par cette dernière. Même si je trouve les Yé makombo, je serai toujours traité avec délicatesse parce que se sont mes oncles maternels. Ce qui nous lie c’est le sang c’est pour cela qu’on se considère. Tous les Yé silo ont un seul et unique descendant au nom de « Yaka » qui signifie saison sèche, qui était un grand chasseur, un « Tuma ». C’est lui notre ancêtre commun. Tous les Yé silo s’identifient au Gbongo le rotin. Nous sommes comme le rotin très dur mais très utile dans la vie. Et le Gbongo est très utile, il nous permet de fabriquer le panier, le guièè, le kenja et les sacs à couteaux et même les fauteuils aussi.» En se référant sur cette nomenclature de l’écologie forestière, les Baka ont des relations de parenté qu’ils partagent à travers un système d’appellation. En effet, la mère génitrice ainsi que toutes les tantes maternelles et paternelles sont désignées par le seul terme nyie tout comme le terme nyua désigne les frères du père et de la mère. Les enfants garçons ou filles des sœurs de la mère ou des frères du père sont appelés la-nyie-le. Les frères et sœurs des pères sont désignés par le terme tita tandis que les frères et les sœurs des mères sont appelés yè tita. Mais il faut souligner que le terme tita est flexible parce qu’il désigne à la fois la tante et l’oncle du côté maternel que paternel. Cette flexibilité à première vue, semble perturber la compréhension des relations à l’intérieur d’une filiation. Cette situation peut se justifier par le détachement individuel des membres du village renforcé par l'exogamie clanique et l'uxorilocalite. Étant donné que le clan ne constitue pas un élément déterminant pour résider dans un territoire donné, le Baka est libre de rester définitivement où il se sentira en harmonie avec le groupe. Par ailleurs, les Baka définissent la belle-famille comme un ensemble composé des frères, des sœurs et des parents du conjoint. Le terme bogili est approprié pour faire référence à

74 ces relations tant du côté du conjoint que de celui de la conjointe. Le traitement des bogili est toujours particulier. Le conjoint est tenu de rendre visite à sa belle-famille avec des présents pour réchauffer les liens. Cependant, les hommes mariés avec les sœurs d’épouses sont appelés bende ou beau-fils et les enfants issus de ces relations sont désignés par noko.

Le terme mobila recouvre tous les rapports ascendants, descendants et incluent tous les parents et grands-parents éloignés ou proches, enfants et petites. Les différents descendants d’une même filiation ne peuvent pas se marier.

La parenté chez les Baka est donc de type classificatoire. Les consanguins se reconnaissent parents tant du côté maternel, même si la filiation demeure patrilinéaire. La tante paternelle Tita ou Kala occupe une place importante dans la famille. Entre l'oncle maternel Yé tita et son neveu noko utérin existe un type de parenté à plaisanterie.

Cette plaisanterie à l’intérieur de la communauté baka se vit de plusieurs manières soit par les interactions des membres d’une même famille ou encore d’une descendance. Il s’agit surtout des interactions entre les neveux et leurs familles paternelle et maternelle. Cette relation existe depuis l’accouchement du neveu et, les Baka ont souvent l’habitude de dire : « C’est de la sœur de mes oncles que je suis né, avec toute la peine qu’elle a enduré en me portant dans son ventre pendant neuf mois ». Ces propos sont au fondement des relations d’affection d'un noko à ses tita et kala maternelles. Ces relations font que le tita considère le noko comme son propre fils.

D'après RADCLIFFE BROWN reprit par EGGAN, FRED (1955) la parenté est une manifestation du sentiment social, ainsi la « Relation entre deux personnes dans laquelle l’une est autorisée par la coutume, et dans certains cas, obligée de taquiner l’autre ou de s’en moquer ; l’autre ne doit pas en prendre ombrage ».

Le noko doit donc travailler pour payer les services de sa kala, la sœur à sa mère. Depuis son accouchement jusqu’à la prise en charge (enlever les cacas, les pis, etc.), il doit la remercier chaque fois avec des petits cadeaux comme des produits de la chasse. Il doit surtout offrir la poitrine à son oncle symbole de considération et d’estime. Il ne doit pas refuser sa commission et doit répondre positivement en guise de reconnaissance.

La complicité entre les neveux et les tantes ou oncles maternels trouve sa justification à travers les devoirs et les droits des uns vis à vis des autres.

75 Les obligations du noko, tita et kala se fondent sur la parenté à plaisanterie. Ces obligations ne sont pas considérées dans la culture Baka comme tâches contraignantes puisqu’elles se manifestent avec tendresse, protection et jeu social. Dans sa matérialisation, l’oncle ou tita doit toujours donner la tête et les fesses du gibier à son neveu pour marquer l’attachement et l’estime qu’il lui porte. Et si le neveu trouve que ce dernier n’a pas la culture du partage, il peut le lui rappeler à travers le jeu de motètèmè. C’est une situation qui oblige l’oncle maternel tita à offrir un présent à son neveu même contre sa volonté, ce qui peut être vu comme contrainte. Même s’il désire un objet précieux entre les mains de son oncle, ce dernier est tenu de le lui donner.

L’oncle ne peut pas refuser puisque le neveu a tout le pouvoir. La pratique de ces interactions élude à questionner son adaptation au contexte villageois. Les logiques de la parenté baka s’accordent-elles à la sédentarité ?