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3-3 Projets étatiques destinés aux Baka

PRESENTATION DES DONNEES ET APPROCHES THEORIQUES

I PRESENTATION DES DONNEES COLLECTEES

II- 3-3 Projets étatiques destinés aux Baka

L’accompagnement des Baka par l’Etat du Cameroun se matérialise à travers plusieurs programmes comme le Programme de développement des peuples pygmées du Cameroun (PDPP) et bien d’autres. S’il est vrai que les pygmées bénéficient désormais de quotas dans les concours d’intégration à la fonction publique, il faut également noter le conflit sous-jacent qui est en train de s’esquisser. Pour les Bantous, si à la longue les pygmées occupent des postes de responsabilité, ils pourraient se venger de la discrimination qu’ils ont subie. C’est pour cela que dans certains villages bantous on s’inquiète de l’arrivée soit des animateurs de projets ou des chercheurs qui interviennent chez les Baka.

III Interventions de la société civile

La faillibilité de l’Etat du Cameroun a fait que les bailleurs de fonds internationaux ont imposé une nouvelle logique de partage de la rente de développement (DE SARDAN et Al, 2000)108 avec l’avènement de la démocratisation et l’éradication du parti unique. Cette situation a abouti à l’arrivée de nouveaux acteurs appelés les courtiers de développement (agences de développement, ONG, associations, etc. Le métier du courtage s’est ainsi imposé comme une intermédiation entre le monde rural et l’Etat et selon la logique internationale (assurer le contrôle du travail de l’Etat).

147 Dans cette logique d’anticipation au développement du monde rural, les courtiers du développement ou tuteurs de résilience ont fait du bien-être des pygmées, leur champ de bataille. En effet, les premiers contacts avec les Baka ont été établis par les congrégations religieuses. Ces congrégations sont à l’origine des premiers « projets » d’accompagnement de nature le plus souvent caritative et assimilationniste.

A ce jour, de nombreuses ONG tant Camerounaises (CED, CIAD, CADDAP, PERAD, INADES…) qu’étrangères (SNV, CORDAID, IUCN, OXFAM, Rain Forest Foundation…) ont exécuté ou été partenaires de projets développés dans la région étudiée, notamment dans le contexte de l’activisme déclenché à fin des années 90-début des années 2000 par la possibilité d’obtenir des forêts communautaires. Plus de 200 forêts communautaires ont été attribuées autour de cette période, conformément au Contrat de Gestion signé entre l’État Camerounais et la communauté avec ses représentants bantous/baka.

A partir du milieu des années 2000, la présence des projets visant directement la population Baka s’est intensifiée, avec notamment, le PADES, financé par la coopération belge, le tout premier projet visant les Baka où l’État Camerounais était directement partie prenante, à travers le Ministère des Affaires Sociales l’instance en charge, au Cameroun, des minorités ethniques, organisme de tutelle du projet.

Ce premier projet financé par la Belgique ouvrira la voie à une suite de projets financés par l’Union Européenne, qui est devenu ainsi dans la période récente le principal bailleur de fonds dans la région, avec, outre un grand projet gouvernemental de « Développement Rural de la Région de l’Est », partie d’un projet plus large comportant aussi un volet d’intervention dans les régions de l’Extrême-orient et du Nord-Ouest, une série de projets mis en œuvre par des ONG et visant spécifiquement la population Baka et/ou les forêts communautaires.

De nombreux projets gouvernementaux ont aussi vocation à contribuer à améliorer la situation des Baka. Certains intervenants occupent une place particulière. C’est ainsi que le CED s’est imposé comme un intervenant majeur s’agissant des projets visant les forêts communautaires, pour lesquels il a bénéficié du support d’un très grand nombre de bailleurs de fonds. Il a accompagné les communautés du bosquet dans les procédures visant l’attribution d’une forêt communautaire, ensuite a appuyé nombre d’entre elles en

148 vue de l’exploitation du bois dans les forêts communautaires, pour finalement, à partir de 2010, s’est lancé dans l’appui à des projets de conservation contre paiement pour services environnementaux, dans le cadre de la facilité REDD des Nations-Unies.

La SNV, pour sa part, qui intervient aussi sur des projets liés aux forêts communautaires, est surtout associée au thème du développement des filières de PFNL au Cameroun. Il a été exécutant ou partenaire d’un bon nombre de projets dans ce domaine. Le nom d’INADES, la branche Camerounaise d’une ONG africaine spécialisée en formation, est lié au développement d’une « Méthode d’Approche Participative des Populations Pygmées », la MAPAPPY, ainsi qu’au RACOPY, Réseau d’Action Concertée Pygmées. Une majorité des projets repris dans l’étude étaient dirigés explicitement vers la population Baka. Certains projets se réfèrent aux « populations pygmées » ou aux « Pygmées Baka », une formulation qui se regrette en raison de la connotation péjorative attachée au terme « Pygmée ». D’autres se réfèrent aux « populations autochtones Baka », une expression que l’on peut accepter pour autant qu’il soit clair que les Bantous sont tout autant des « autochtones » de la région.

Certains projets, une minorité, formulent des objectifs/résultats attendus qui concernent également la population bantoue.

Le groupe de projets qui concernent les forêts communautaires ne mentionne pas de groupe-cible, celui-ci étant implicite : l’expression « forêts communautaires » est en effet utilisée au Cameroun pour désigner les communautés attributaires de ces forêts. Dans la région, au début de la période étudiée, une seule de ces forêts communautaires concernait spécifiquement une communauté Baka : la forêt communautaire de Moangue, première forêt communautaire attribuée dans le pays en 2000. Toutes les autres l’ont été à un village bantou, à une époque où le « campement » baka était vu comme faisant partie intégrante du village bantou et soumis de facto à l’autorité de son chef.

La question de la gestion des forêts et des droits sur la forêt, formulée de différentes façons (accès aux ressources forestières, participation à la gestion des ressources forestières, prise en compte des Baka dans la législation forestière, participation des Baka aux négociations concernant leurs droits sur la forêt, contribution à la gestion durable des forêts, légalisation des droits coutumiers sur la forêt, exploitation du bois) est systématiquement mentionnée.

149 Cette thématique constitue l’objectif spécifique de deux projets et fait partie des résultats attendus de tous les autres; la question des droits fonciers est également mentionnée systématiquement, de différentes façons.

Trois thèmes sont mentionnés dans la moitié des projets : l’accès à la redevance forestière et sa bonne utilisation; le renforcement des organisations intermédiaires d’appui; les activités productives. Enfin, un seul projet fait figurer parmi ses objectifs et/ou résultats attendus : le développement organisationnel, celui-ci constitue l’objectif spécifique du projet et les activités du cadre logique. Deux autres projets se réfèrent au renforcement institutionnel des instances venant en appui au groupe-cible (diverses ONG), sans comporter d’objectifs ou résultats attendus en termes de développement organisationnel du groupe-cible lui-même.

IV Approches analytiques IV-1 Ecologie culturelle

Le terme « écologie culturelle » est relativement récent. Il découle d’une longue tradition anthropologique intéressée par la nature de la relation homme-environnement. Parmi celle-ci, BENNET (2005) identifie cinq positions théoriques dominantes : l’anthropo-géographie, le possibilisme environnemental, l’écologie culturelle stewardienne, l’ethnosystémisme et les dynamiques adaptatives.

Elles se distinguent toutes dans leur modèle explicatif. Chaque théorie est l’héritage de celle qui la précède, tout en incluant un nombre croissant de variables. Ces cinq conceptions théoriques se divisent en deux catégories :

- La première catégorie peut être qualifiée de descriptive : l’anthropo-géographie et le possibilisme se limitent à donner des descriptions objectives des relations entre environnement et culture.

- La deuxième catégorie regroupe les théories compréhensives et explicatives, inscrite dans un effort de compréhension globale de certaines relations particulières. Une seconde distinction peut être faite en regard du modèle explicatif de chacune d’entre elles.

a) Une causalité linéaire, dans laquelle A cause B qui cause C, comme dans le déterminisme et le possibilisme.

150 b) Le modèle de rétroaction (feedback) ou modèle systémique, dans lequel une causalité est la conséquence d’un processus d’influence mutuelle de plusieurs facteurs interdépendants.

c) Le modèle des dynamiques adaptatives intègre une composante humaine essentielle : la possibilité de décision ou d’opérer un choix. Ce modèle ne rejette donc pas le modèle linéaire ni systémique, mais considère ceux-ci comme le résultat objectif du comportement humain.