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2 Résilience comme dynamisme social

PRESENTATION DES DONNEES ET APPROCHES THEORIQUES

I PRESENTATION DES DONNEES COLLECTEES

IV- 2 Résilience comme dynamisme social

Afin d’analyser les dynamiques de résilience, nous allons chercher à comprendre quels sont les éléments qui permettent à certaines solutions d’émerger et de s’imposer comme des solutions de résilience, et ce, dans un environnement complexe et fluide. Parler de stratégie de résilience dans un environnement stable ne fait pas vraiment sens, d’autres termes sont plus adaptés. La résilience semble définie par les situations extrêmes dans lesquelles elle se met en place. KAREN et Al (2007) analyse les capacités d’une communauté vietnamienne de la Nouvelle Orléans aux Etats unis après le passage de l’ouragan Katrina. L’étonnante reconstruction rapide de cette communauté a fait l’objet de plusieurs analyses. Toutes ces études concluent que les communautés vietnamiennes ont élaboré des stratégies de rebond à partir de l’expérience de migrant discriminé par d’autres peuples noirs américains et latino, aussi par leur mémoire collective.

Par ailleurs, cette communauté vietnamienne a bénéficié de l’accompagnement de l’église catholique de la nouvelle Orléans pour se mobiliser.

Dans cette perspective, le modèle explicatif des dynamiques d’adaptation, dernier des cinq modèles, tout en incluant les concepts de feedback et de système, introduit une composante importante :

« The adaptive behavioral process, involving decision making and choice, which may or may not be under the control of systemic processes. » (BENNET, 2005:166). Le modèle adaptatif modifie la perspective systémique puisqu’il considère que le contrôle ou la stabilité sont atteints à travers les décisions et les choix des individus et non pas par des opérations automatiques de processus sociaux ou culturels inconscients. Elle suit une perspective microsociale en se focalisant sur l’individu :

« Adaptive dynamics refers to behavior designed to attain goals and satisfy needs and wants, and the consequences of this behavior for the individual, the society and the environment » (BENNET, 2005:270). Par conséquent, les abstractions de l’approche systémique et anthropologique de manière plus générale, tels que la culture, le système social et l’écosystème doivent être traduits en éléments concrets reflétant l’activité humaine dans des circonstances particulières.

157 « The concept of adaptation refers to the coping mechanisms that humans display in obtaining their wants or adjusting their lives to the surrounding milieu, in that it provides a framework focused on the active mode of the human engagement with natural phenomena (BENNET, 2005:245).

Le changement social est donc envisagé comme la résultante de l’ensemble des actions individuelles et attribue un rôle actif aux individus dans les processus d’adaptation.

L’approche des dynamiques adaptatives se distingue à deux niveaux :

(A) « actions by individuals designed to accomplish ends or effect change in the instrumental context of life » (BENNET, 2005 :270) comme les actions d’un paysan essayant d’augmenter ses rendements, les habitudes de consommation, ou encore comme les techniques d’accumulation de richesses.

(B) Le second niveau: « consist of interactive or transactional behavior of individuals with other individuals in groups, often called social exchange, usually governed by rules of reciprocity and by various normative value components» (BENNET, 2005: 270). Les concepts-clé dans l’étude de la résilience sont le comportement, l’action stratégique, ainsi que les stratégies adaptatives.

La difference entre le comportement adaptatif et l’action stratégique relève simplement d’un niveau de généralité: “adaptive behavior” is the more general term, since it refers to any form of behavior that adjusts means to ends, accomplishes objectives, achieves satisfaction, exercise choice, or avoids or refuses action involvement in order to adapt or adjust in other words, both active and passive aspects of purposive behavior of humans in systems. However, strategic action is the more specific term (…) It refers to active, goal-achieving behavior – «doing something about »- specific actions designed to achieve ends and consuming resources in the process. » (BENNET, 2005:272).

Le troisième concept, la stratégie adaptative, peut être définie comme étant une composante de l’action stratégique: « specific acts with a predictable degree of success, which are selected by the individual in a decision-making process. » (BENNET, 2005:272)

Le facteur temps est un élément important à considérer dans les dynamiques adaptatives : « Strategic action takes place in a temporal continuum, and particular strategies also will be based on cultural or situational conceptions of the time factor. » (BENNET, 2005:274)

158 Ainsi un système particulier d’exploitation, qu’il soit durable ou non, ne peut être observé à un moment donné, doit tenir compte de son histoire :

« The concept of adaptive process is therefore an emic concept on the whole, since it refers to intellectual constructions made by disciplined observer of the consequences of adaptive behavior (especially strategic action and strategies) over periods of time » (BENNET, 2005 :282).

L’approche des dynamiques adaptatives voit les systèmes sociaux, quel que soit leur niveau de développement technologique, comme des mosaïques de sous-systèmes incorporant des normes et des valeurs différentes et antagonistes, avec de nombreux individus en mouvement entre celles-ci et les manipulant à des fins de gratification et de gain. Ceci implique que les acteurs locaux apprennent à se comporter de manière stratégique dans les différents sous-systèmes.

Cette approche propose donc une substitution du modèle systémique vers un modèle de systèmes et sous-systèmes interactifs dans lesquels les individus agissent stratégiquement en fonction de différentes rationalités :

« Adaptive strategies designed to cope with these differing systems can be contradictory: in some, the behavioral vector is toward gain and accumulation; in others, it will be toward conservationism and the maintained of equilibrium. » (BENNET, 2005 :275) Par exemple, dans les sociétés traditionnelles qui maintiennent un équilibre avec leur environnement, les traits culturels fonctionnent comme de véritables guides moraux pour l’action:

« The equilibriums former tribal systems included many cases where cultural style contained moral guides for decisions with long term consequences, productive of sustained yield, which meant low or stable output. »

Les stratégies adaptatives sont donc localement déterminées, et culturellement sélectionnées :

« Generally speaking, whenever human wants can remain at locally generated levels, sustained-yield resource management system snare more likely to evolve and be maintained by sanctioned reciprocity. » (BENNET, 2005 :275).

159 Il est à noter que le concept de culture apporte un certain nombre d’outils analytiques pour l’étude de l’adaptation humaine. On attribue souvent à la culture une propension inhérente à l’adaptation : « Culture provider means of adaptation. » (Rapport, 1971). La plus commune utilisation du concept se réfère à: « a set of values, models or styles, which the individual can choose in order to guide his decisions or actions either on the basis of conscious choice, or unconsciously as the result of conditioning received in socialization » (BENNET, 2005 :273).

Le concept de culture peut également se définir afin d’inclure l’ensemble des préceptes moraux et des valeurs, qui fonctionnent comme des limites sur les libertés d’actions. L’individu n’est pas totalement libre d’effectuer des choix, il le fait en fonction de normes et de valeurs qui sont socialement valorisées/favorisées :

« Room for manipulation and movement within these constrained patterns of choice exist in every social system, and the study of adaptative behavior must dwell on the manipulative patterns as well as on the conforming responses. » (BENNET, 2005 :273). Cet exemple n’est qu’un des modèles de rationalité qui existent, et des systèmes équilibrés plus complexes peuvent se développer avec une plus grande utilisation de ressource et une plus grande conversion énergétique (en termes de quantité de matière énergétique prélevée, transformée ou produite). Les motifs menant à ces différentes stratégies sont eux-mêmes contrastés et contradictoires : le conflit et le changement les accompagnent inévitablement, mais ceux-ci semblent devenir une condition routinière de la société pluralistique moderne, plus qu’une exception.

Par ailleurs, il est important d’insister sur le caractère dynamique des sociétés et sur le fait que les différentes mutations peuvent se produire à des vitesses variables. C’est pour cela qu’il est nécessaire de garder en tête qu’il s’agit de données relevant d’un instant précis, qu’elles pourront être très différentes plusieurs mois, voire plusieurs jours après. Les diverses transformations sont également visibles en temps réel (cf. chapitre 2, entre autres, sur les changements culturels intergénérationnels), et il apparaîtra de manière évidente, d’après nos différentes observations, que les divers groupes des communautés Baka des régions de l’Est présentent des variations considérables en fonction notamment de la localisation des villages.

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IV-2-1 Pluridisciplinarité

La pluridisciplinarité s’est imposée depuis longtemps déjà en Afrique avec la découverte de l’histoire précoloniale (BAHUCHET, 1992). L’absence des documents écrits a obligé des historiens de puiser dans l’oralité avec des témoignages transmis oralement d’une génération à une autre (VANSINA, 1980). Dans les faits, les historiens (FODOUOP et TEMGOUA) ont recueilli les archives orales, selon le modèle des sources écrites des autres civilisations. Ces sources nécessitent un travail délicat sur lequel l’attention est focalisée. Les recherches d’anthropologie et d’ethnologie conduisent fréquemment à des analyses diachroniques où les chercheurs associent ethnographie et traditions orales comme cette thèse qui se situe à cheval entre plusieurs sciences sociales (l’anthropologie, l’histoire, la sociologie, la géographie, la génétique, la psychologie et l’ingénierie sociale).

A une échelle simplifiée, l’histoire est utilisée dans la reconstruction et l’adaptation des transformations de vie des pygmées Baka. Elle a permis également de reconstituer des modes de vie passés de certaines grandes familles ou clans. C’est l’ensemble complexe des relations entre les pygmées et l’environnement forestier, auquel s’associent l’évocation des activités quotidiennes et le parcours qu’elles ont subi jusqu’à nos jours. Elle évoque également les rapports depuis les premiers contacts entre les Baka et les Bantous jusqu’aux nouvelles transformations. L’histoire nous permet également de mettre en exergue les premières transformations de la forêt avec l’arrivée de la colonisation, la colonisation ici étant considérée comme l’un des facteurs de mutations sociale et environnementale. A travers l’histoire nous retracerons les interventions de l’État du Cameroun et de la société civile sur l’accompagnement des Baka.

L’archéologie dans ce travail évoque l’ensemble des études qui attestent la présence ou non de la culture des Baka dans l’espace forestier. Il est important de signaler que l’archéologie n’est pas utilisée profondément, c'est-à-dire que nous ne disposons pas d’archétypes qui puissent conforter notre position sur la logique de l’archéologie.

Mais elle nous aide à comprendre la culture traditionnelle des pygmées et son dynamisme.

La géographie a servi à localiser le cadre physique de la recherche afin de mieux cibler les activités des pygmées sur leur environnement. Ainsi donc, le Cameroun et le village

161 d’étude ont été localisés. L’évocation de la géographie est simpliste; il ne faut pas s’attendre aux figures qui revêtent des études approfondies en climatologie, démographie, etc.

La génétique comme science étudie les caractères héréditaires des individus, leurs transmissions au fil des générations et leurs variations. D’après VERDU (2011) cela trancherait un vieux débat sur l’origine et l’évolution des pygmées. Le détour par la génétique précise notre entendement de la « pygméisation ». C’est dans cette perspective que les études récentes d’une équipe du muséum d’histoire de Paris sont évoquées. L’approche utilisée par l’équipe du Musée de l’homme associe la génétique à l’anthropologie sociale et permet de comprendre l’évolution des gènes des Baka.

La sociologie quant à elle nous permet de comprendre les interactions entre les pygmées, la société civile et l’Etat afin d’analyser le passage de la société traditionnelle à la société moderne. Ont été évoquées l’organisation socio politique, les systèmes d’échanges matrimoniaux, la division du travail, l’organisation de l’unité familiale, etc.

Même si à un certain moment dans ce travail, les analyses sociologiques se confondent avec celles de l’anthropologie, nous avons privilégié la complémentarité des deux disciplines dans l’identification et l’analyse des stratégies endogènes et exogènes.

CONCLUSION

En définitive, il a été question de présenter les données collectées et la grille d'analyse

utilisée. Premièrement, nous avons présenté les données littéraires issues des bibliothèques européennes et Camerounaises et des documents de projets de la société civile (RACOPY). Des émissions radiophoniques, des films et des débats sur la situation des pygmées et les peuples autochtones dans le monde.

Sur le terrain, les observations et les entretiens menés avec des acteurs impliqués dans le processus de résilience des pygmées Baka ont été présentés. Il s’est agi de la dynamique endogène et la dynamique exogène (Bantou, société civile et le gouvernement Camerounais). Ces données constituent le fondement de la résilience des Baka face aux mutations socio environnementales que nous traitons dans la présente recherche.

Deuxièmement, la grille d'analyse de cette recherche fait référence à l'écologie culturelle en expliquant au mieux les rapports homme-environnement. Ainsi avons-nous évoqué l'écologie culturelle, le possibilisme et les dynamismes adaptatifs que les Baka usent pour

162 se construire une nouvelle vie. Cette grille d'analyse rejoint le concept de résilience qui selon notre entendement, évoque la prise de conscience d'appartenance à une niche culturelle ou village pour reprendre E. Pritchard et l'accompagnement des tuteurs de résilience ou courtiers de développement qui sont pour le cas échéant, les Bantous, la société civile et l’Etat Camerounais.

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CHAPITRE 4

LES FORMES DE SAVOIR ANTHROPOLOGIQUE : LA PERCEPTION