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1. Le contexte sanitaire

1.1. Le système de santé au Mali

1.1.1. Le PRO.DE.S.S. : Programme de Développement Sanitaire et Social

La politique sectorielle de santé et de population (1991) est fondée sur l’accès décentralisé aux soins de santé, la participation communautaire, l’élargissement de la protection médicale et l’accès aux médicaments universels. Le Plan Décennal de Développement Sanitaire et Social (P.D.D.S.S.) est mis en œuvre à travers le Programme de Développement Sanitaire et Social (PRO.DE.S.S.). Le premier a été lancé en 1999, le second en 2005 autour de sept volets27 et deux composantes (santé et développement social).

Le Ministère de la Santé a élaboré en 2003 le Cadre de Dépenses à Moyen Terme (C.D.M.T.) du secteur de la santé. Il est le document de référence pour la mise en œuvre du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (C.S.L.P.). Les objectifs du C.S.L.P. visent à atteindre à long terme (2015) les Objectifs du Millénaire pour le Développement (O.M.D.).

1.1.2. La structure du système de santé malien

Le système de santé du Mali fonctionne de façon pyramidale avec au sommet les grandes structures, les hôpitaux nationaux (le Point G et Gabriel Touré à Bamako, Kati, au second niveau les hôpitaux régionaux

27 1.Accessibilité géographique aux services de santé des districts sanitaires, 2.Disponibilité, qualité et gestion des ressources humaines, 3.Disponibilité des médicaments essentiels, des vaccins et des consommables médicaux, 4.Amélioration de la qualité des services de santé, augmentation de la demande et lutte contre la maladie, 5.Accessibilité financière, soutien à la demande et la participation, 6.Réforme des Etablissements Hospitaliers et des autres établissements de Recherche, 7.Renforcement des capacités institutionnelles et décentralisation.

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(Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao) et enfin à la base, les Centres de Santé de Référence (C.S.R.) et les Centres de Santé Communautaire (C.S.COM., Fig. 18).

Les C.S.COM. constituent le premier contact de la population des communes avec le système de santé. Leurs missions (P.M.A. Paquet Minimum d’Activités) sont principalement la prévention, les soins primaires et l’orientation vers les structures de santé plus adaptées. L’Etat s’engage en contrepartie à fournir un appui en formations. Les C.S.COM. sont des structures privées avec un but non lucratif et signent une convention avec les services de l’Etat et les collectivités. Les C.S.R. sont eux chargés de superviser les C.S.COM..

Les C.S.COM. doivent « théoriquement » couvrir une aire de santé dont la population est comprise entre 5000 et 15000 habitants dans un rayon de 15 km. La densité de population doit assurer la viabilité du centre. Les Associations de Santé Communautaire (A.SA.CO.) sont chargées de la création de Centres de Santé Communautaire (C.S.COM.).

Figure 18 : Pyramide sanitaire du Mali selon le plan sectoriel de santé de 1990

Les structures de « soins de santé primaires » issues de la conférence d’Alma Ata (1978) doivent assurer les soins curatifs de base, la promotion de la santé pour l’ensemble de la population y compris dans les zones rurales (Singleton, 1991). Ces soins sont appelés « primaires », non parce qu’ils sont primitifs, mais parce qu’il s’agit de soins élémentaires.

Dans les années 1950, des campagnes de masse contre certaines maladies considérées comme prioritaires ont été réalisées avec pour constat, des stratégies peu soucieuses des attentes des gens et une efficacité limitée. La stratégie alternative a donc été les Soins de Santé Primaires (S.S.P.) avce le district comme base d’un système de soins de santé28 (Van Dormael, 2006).

De nos jours, on ne peut que constater que cette stratégie tout comme « la santé pour tous en l’an 2000 » ont des résultats nuancés même si les théories d’appui des systèmes de santé sur les soins primaires reste tout à fait valide. C’est dans le domaine de la santé publique que l’on remarque l’écart entre les prétentions du corps médical ou des organismes internationaux et ses capacités réelles, les écarts étant à leurs paroxysmes dans les pays en voie de développement, parce que les professionnels y

28 proches, géographiquement et socialement, des individus et collectivités,

attentifs à leurs besoins et leurs attentes,

favorisant l’implication des individus/collectivités dans les décisions concernant leur santé,

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sont rares, la concurrence rude et les contrôles inexistants. Les manques de moyens de cette époque ont fragilisés ce programme pertinent. Seulement fragilisé car au Mali, grâce notamment à la construction des C.S.COM. dans tout le pays, les soins se sont améliorés pour la population essentiellement urbaine. Hormis les C.S.COM. et les C.S.R. existent également les Centres de Santé d’Arrondissement Revitalisés (C.S.A.R.) devenus C.S.R., les Centres de Santé Confessionnels (C.S.C.) et les Centres de Santé Associatifs (C.S.A.). Cette diversité marque un certain désordre dans l’organisation médicale au Mali, d’autant que ces structures ont quasiment les mêmes fonctions, seules leurs dates de création change. 1.1.3. Place de la médecine traditionnelle

La médecine traditionnelle est encore très présente et recherchée au Mali quel que soit le milieu géographique. Près de 80% de la population utilise la médecine traditionnelle en premier recours. Certains guérisseurs circulent dans les quartiers des villes et dans les villages pour promouvoir leurs produits et leurs possibilités de guérison, avec dans certains cas, le VIH/SIDA…

Le gouvernement Malien a, depuis 1968, accordé une place de choix à la médecine traditionnelle en l’institutionnalisant29. En 2002 a été crée la fédération malienne des thérapeutes traditionnels et Herboristes et en 2003-2004 a été construit le Département de Médecine Traditionnel (D.M.T.) de l’Institut National de Recherche en Santé Publique (I.N.R.S.P.). Enfin, en 2005 a été adopté une Politique Nationale de Médecine Traditionnelle.

Il existe 22 associations de médecins traditionnels à Bamako (Gao : 7, Kayes : 7, Koulikoro : 16, Mopti : 9, Ségou : 9, Sikasso : 15, Tombouctou : 11, Kidal : 1, FE.M.A.T.H., 2010).

Du fait de l’inaccessibilité du personnel de santé moderne (nombre et coût), la médecine moderne perd de l’accessibilité en ville avec la forte urbanisation alors qu’en brousse chaque village a son médecin traditionnel [24]. La médecine traditionnelle utilise des substances animales, minérales mais surtout végétales (Diallo, 2010).

« J i q éd ci tr diti t i c p d’ pér r d c t c p é t ir . » [G2]

Les deux médecines interfèrent. Le choix de l’une ou l’autre est lié à plusieurs facteurs : le facteur géographique (représentation de l’espace, des distances, de l’accessibilité), économique (niveau de vie), social et culturel (image de la médecine). Cependant, la question économique n’est pas la seule raison car la médecine moderne n’est pas nécessairement plus chère et le tradipraticien est souvent rémunéré en nature. Il offre souvent des prestations à la carte (en fonction du statut du malade, des relations avec la famille, de la gravité...).

Si la médecine traditionnelle est très présente et si des collaborations existent, elle reste peu référencée dans les infrastructures hors C.S.COM.. Voilà les infrastructures sanitaires publiques et privées recensées par région au Mali en 2009 (Fig. 19).

29 Département de Médecine Traditionnelle de Bamako et trois centres ruraux (exemple : Centre Régional de Médecine Traditionnelle (C.R.M.T.) de Bandiagara relevant de l’Institut National de Recherche en Santé Publique (I.N.R.S.P.))

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Figure 19 : Infrastructures sanitaires publiques et privées (hors C.S.COM.) en 2009

Depuis son indépendance, le Mali a promu la médecine traditionnelle pour, tout d’abord, prendre en compte les activités de cette médecine dans la politique nationale de santé (De Sardan in Fassin, 1990) et en particulier de produire des médicaments à partir des ressources naturelles locales. La médecine traditionnelle a incorporé depuis longtemps quelques techniques de la médecine occidentale (prise de pouls…, De Sardan in Fassin, 1990). D’autre part, si la médecine traditionnelle n’est pas la médecine de référence, elle demeure vigoureuse et encouragée par l’O.M.S. notamment par les difficultés enregistrées par le système de santé moderne (Vallin, 1994).

Néanmoins, l’une des difficultés est de référencer de « bons guérisseurs » en garantissant leurs compétences et leurs discours pour les distinguer des « charlatans ». Il faut « séparer le bon grain de

’ivr i » (Fassin, 1996).

Les médecins traditionnels doivent désormais obtenir une carte officielle auprès de l’I.N.R.S.P. Médecine Traditionnelle pour pouvoir exercer. Le tradipraticien passe une évaluation avec une correspondance adressée à l’agent de santé où habite le tradipraticien pour démarrer une collaboration et rédiger un rapport. La surveillance a lieu sur un minimum de trente cas pour chaque maladie. Dans les faits, les médecins ne sont pas tous référencés et obtiennent leurs cartes moyennant une somme d’argent [24]. Malheureusement, le fait de reconnaître la médecine traditionnelle n’a pas empêché et à même conforté la place et les pratiques de certains marabouts en leur donnant une légitimité [52] (De Sardan in Fassin, 1990).

La médecine traditionnelle a bien plus de pouvoir que le seul soin. Les tradipraticiens sont consultés pour des désordres conjugaux ou pour trancher des affaires judiciaires… Leur utilisation s’apparente souvent à de la psychanalyse : « t c rp r i i t rt t ’ p i t t la tranquillité au

niveau moral et spirituel » (Diarra, 1991). D’ailleurs, au Mali, le tradipraticien est une personne reconnue

comme compétente par la collectivité dans laquelle elle vit30.

30 Définition de l’O.M.S. : « Le tradipraticien est une personne reconnue par la collectivité où elle vit, comme compétente pour di p r d i d té, râc ’ p i d t c vé ét , i t i ér , t d’ tr éth d é r le fondement socio-culturel et religieux aussi bien que sur les connaissances, compétences et croyances, liées au bien-être physique, t t ci i i q ’ ’éti i d di t i v idité prév t d c ctivité. » (Brunet-Jailly, 1993)

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Cette variété de domaines d’interventions entraîne un nombre de nomination important de ces médecins que cela soit en français (« guérisseurs », « médecins traditionnels », « tradipraticiens ») ou en bamanan

soignant africain », « médecin africain », « marabout », « devin », « forgeron », « rebouteux »…).

Vis-à-vis du VIH/SIDA et du paludisme, certaines associations ont travaillés avec la Fédération Nationale des Associations Communautaires (FE.N.AS.COM.) et ont été formées par le Département de Médecine Traditionel sur financement de la Banque Africaine de Développement (B.A.D.). En revanche, le programme élaboré par la FE.M.A.T.H. en 2006 pour lutter contre le SIDA (M.A.P. de la Banque Mondiale) n’a pas été financé.

1.1.4. Les dépenses et budgets de la santé au Mali

a) Les dépenses totales en santé par l’Etat malien

En 2008, les dépenses totales consacrées aux soins de santé représentaient 5.5% du P.I.B.. Les dépenses totales ont chutés de 9% en 4 ans (moyenne annuelle de 6,2% pour 2001-2005). Les dépenses gouvernementales comptaient pour 49,2%, 50.8% pour celles du secteur privé. Pour l’International Health Partnership (I.H.P.+ 2010), aucun progrès et même une régression s’est opérée envers le budget national de la santé.

5,2% 6,5% 6% 5,6% 6% 6,3% 6,4% 5,7% 5,8% 5,7% 5,5% 5,7% 5,7% 5,5% 5,6% 7,8% 3,3% 3,5% 3,2% 17,8% 14,8% 11,7% 13,8% 14,4% 14,7% 19,8% 27,6% 8% 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Dépenses totales de santé en % du P.I.B. Ressources externes consacrées à la santé en % des dépenses totales de santé

Figure 20 : Dépenses totales de santé (D.T.S.) en pourcentage du P.I.B. et ressources externes consacrées à la santé au Mali de 1995 à 2008 (O.M.S., 2010)

Si les dépenses totales de santé en pourcentage du P.I.B. ont diminués, les ressources externes consacrées à la santé ont extrêmement augmentées (Fig. 20).

b) Les dépenses totales en santé du secteur privé et public

Le secteur privé a connu une chute de 19% en 4 ans (moyenne annuelle 3,4% du P.I.B.). Quant au secteur public, sa croissance a été de 2% en 4 ans (moyenne annuelle 2,8%). Le plus haut niveau enregistré est en 2004 (3,1%) et le plus bas en 2002 (2,5%).

c) Les dépenses totales en santé des habitants

Si le budget de la santé a diminué, la consommation des habitants a augmentée entre 2001 et 2008 (University of Sherbrooke, World Bank, 2008), +47% en 4 ans (2001-2005 : moyenne annuelle 23,6%). Le plus haut niveau enregistré est en 2005 (28%) et le plus faible en 2002 (19%). En 2007, les frais des usagers ont contribué pour 99,5 % aux dépenses globales du secteur privé (I.H.C.O., 2007).

98 1.1.5. La situation sanitaire au Mali

Les efforts déployés ont permis d’améliorer la situation sanitaire de la population malienne. L’Enquête Démographique et de Santé du Mali (E.D.S.M. IV) montre notamment une baisse du taux de mortalité infanto-juvénile (191‰ en 2006 contre 229,1‰ en 2001 (E.D.S.M. III) et 237,5‰ en 1996 (E.D.S.M. II)). Le taux de mortalité infantile est descendu à 96‰ en 2006 (113,4‰ en 2001, 122,5‰ en 1996) grâce au Programme Elargi de Vaccination (P.E.V.). Le taux de mortalité maternelle est descendu à 464‰ en 2006 contre 582‰ en 2001.

Malgré ces progrès, la situation sanitaire de la population malienne reste préoccupante. Près d’un enfant sur cinq n’atteint pas l’âge de cinq ans. La charge morbide liée au paludisme, à la malnutrition et à la tuberculose reste très importante. La fécondité est élevée (6,6) et le recours à la contraception moderne est médiocre (6%).