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1. Le contexte sanitaire

1.2. Le manque de données épidémiologiques

Si les données générales manquent malgré de gros efforts, les données épidémiologiques sont plus présentes avec un système de surveillance sanitaire qui comprend une section spécifique pour le VIH/SIDA. Les C.S.COM. recensent les données des patients et les pathologies même le manque de transmission informatisé (en cours) occasionne des retards importants dans la collecte finale. Ces retards ne permettent pas de répondre efficacement et en temps voulu aux problèmes infectieux. Ces collectes se transmettent difficilement entre les différentes échelles.

1.2.1. Le manque de données globales et fiables au Mali

Certaines données sanitaires restent difficilement quantifiables pour des raisons techniques et de formation. La formation des médecins n’est pas nécessairement adaptée (équipement ou symptômes). Pour des raisons sociales ou économiques, l’observance est relativement faible.

a) La mise en place des programmes et le manques de données

Si le Mali a souscrit aux Objectifs de Développement du Millénaire (O.M.D.), leurs définitions survivront-elles à l’absence et à la faiblesse de données fiables qui permettent de mieux formuler les politiques et les aides à la prise de décision (Bara, Berthé, 2008)31.

Des institutions parlent de pauvreté sans en connaître beaucoup de paramètres (origine, dynamique…) et les analyses sont crées par des consultants extérieurs, employés pour de courtes périodes qui ne connaissent que très rarement les réalités (Magassa, Meyer, 2008). Les institutions répondent pour la majorité aux priorités imposées par les bailleurs (4.5.; 6.1.2.; Bergamaschi, 2007). Les donateurs, sous la pression des décaissements, n’arrivent pas à vérifier les données produites...

b) Le manque de données sur la composition des populations

Les données de recensement complètes que nous avions à disposition pour la préparation de notre recherche dataient de 1998. Si les études comparatives (entre quartiers pour notre recherche)

31 L’Essor (27/07/2009), « Politiques publiques en santé : à l’aune des statistiques fiables » Info-Matin (14/04/2008), « Enquête démographique de santé : Des chiffres qui fâchent ! » Bamanet (08/11/2010), « Recensement administratif à caractère d’état civil : l’ultime étape »

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demandent des données quantitatives précises, elles sont peu disponibles dans les pays africains (Fouda Ongodo, Cissé, Capiez). L’enregistrement systématique des naissances et des décès est faible (naissances : 2000-2008 75% urbain, 45% rural / décès : inférieur à 25%, Unicef, 2009).

Autre exemple, les données liées à l’espérance de vie varient suivant les institutions (Fig. 21). Le Président malien Amadou Toumani Touré a vivement critiqué publiquement les données du Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.) qui donnent une espérance de vie moindre (47,9 ans contre 65.5 ans). De même, le Président a critiqué les chiffres de malnutrition particulièrement ceux données par la société civile32.

Figure 21 : Ecart dans la mesure de l’espérance de vie au Mali

Au lieu d’étendre à tous les Ministères, la Direction de la Planification et de la Statistique qui était très efficace (agriculture, santé, éducation), celui-ci a été complètement démantelé en 1989 (Bergamaschi, 2007). Un long chemin reste à parcourir pour l’utilisation publique des données statistiques au Mali. Certains donateurs outrepassent ce défi et établissent leurs propres indicateurs (Magassa, Meyer, 2008).

c) Le manque de données dans le domaine de la santé

Peu de données épidémiologiques existent sur le diabète même si son omniprésence est connue. Les médecins ne disposent pas de chiffres pour situer cette maladie. Ils ne peuvent donc pas justifier une implication plus importante en termes de programmes et ce, malgré les incitations de l’O.M.S. (Martini, Fligg, à paraître 2011).

Ce manque existe également sur les enfants en difficultés même si des informations sont présentes au Réseau des Intervenants auprès des Orphelins et Enfants Vulnérables (R.I.O.E.V.). Seulement, celles-ci sont parcellaires et peu fiables [7].

Seuls deux postes d’économiste de la santé existent (Tombouctou, Direction Nationale de la Santé D.N.S.), dix postes d’épidémiologistes (Sikasso (2), Ségou, Gao, Kidal, Bamako, D.N.S. (4)), deux aides archivistes à Tombouctou et deux documentalistes (Koulikoro et Sikasso). Pour le Système National d’Information Sanitaire (S.N.I.S.), si le résultat est jugé satisfaisant pour les ressources, des efforts sont à fournir sur le plan institutionnel (répartition des ressources humaines et financières, Ministère de la Santé, 2008).

Les infrastructures et laboratoires mal-adaptés conduisent les recherches à des résultats « peu crédibles », à des chiffres non exempts d’erreurs (8.4.) et non accessibles (8.3.1.c; 8.3.1.d.; Bougoudogo, 2010). Le système de suivi au niveau national n’est pas fiable et ne peut servir de référence dans un débat public (Magassa, Meyer, 2008).

32 Le Républicain (09/02/2010), « La malnutrition : Un taux très élevé au Mali » Le Matin (16/06/2010), « Malnutrition au Mali : A.T.T. conteste les chiffres »

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d) La formation médicale et la problématique des symptômes de pathologies

Les erreurs sur les données de santé peuvent s’expliquer par le manque de formations médicales et la formulation de nouveaux symptômes de la part de l’O.M.S. pour décrire les cas de VIH/SIDA qui ne sont pas adaptés au Mali [35]. Le degré de concordance entre les critères de l’O.M.S. et l’évolution des CD4 est faible [43]. En se basant uniquement sur les symptômes cliniques, seul le quart de l’échantillon qui avaient moins de 200 CD4 n’aurait pas été éligible aux A.R.V.… (Machouf et al., 2008). Ce problème existe pour plusieurs pathologies33 (Gobatto et al., 2010) et est accru par le manque de matériel disponible à l’hôpital du Point G34 ainsi que dans d’autres structures35

.

Les signes cliniques « populaires » de la tuberculose restent très proches de ceux du VIH/SIDA (4.1.2.b.; Berthé et al., 2009). Sur le terrain, des limites sont apparues lors d’une étude sur la malaria en partie à cause de la controverse liée à la définition même de la malaria. Dans certaines zones, le diagnostic et les décisions thérapeutiques sont pris sans examens en laboratoires (Huissoud, Cissé, Damiba, Koné, 2004).

e) Les pertes de vues

Certaines pratiques renforcent les doutes sur les données comme l’arrêt de la prise de traitements par certaines P.V.VIH. quand leur état de santé est meilleur.

De plus, malgré la décentralisation de la prise en charge, les pertes de vues sont importantes comme à Kayes36, Sikasso (Conférence VIH/SIDA Bamako 2007), pour la région de Ségou37 et le district de Bamako alors que l’accessibilité aux traitements est très correcte pour Bamako. Les taux d’assiduités restent faibles et peu évolutifs entre 2008 et 2009 (72% / 72.1%). Près de 28% des personnes infectées ne respectent pas les prescriptions ce qui peut engendrer de nouvelles infections et des taux de décès plus importants.

En 2009, 62 patients de l’O.N.G. Wale étaient considérés comme perdus de vue. Au dernier contrôle, avant la perte de vue, 56% d’entre-eux avaient un taux de CD4 inférieur à 200 cell/mm3. Si 29% patients sont restés injoignables (71% retrouvés). Parmi eux, 14% étaient décédés, 39% avaient interrompu leur traitement, 29% étaient suivis par d’autres sites de prise en charge (Solthis, 2009). Certains patients décèdent dans ou hors des unités (U.S.A.C., C.E.S.A.C.) sans que personne ne le sache [48].

33 Pour le diabète, les médecins maliens se réfèrent à des éléments de savoirs provenant d’une échelle globalisée avec des critères de diagnostiques venants de l’O.M.S. et datant de 1997.

34 Le 26 Mars (20/07/2010), « Santé au Mali : Ces hôpitaux, "malades" » Le 26 Mars (27/07/2010), « Pénurie d’eau à l’hôpital du Point G : L’inadmissible » Le 26 Mars (27/07/2010), « Pénurie d’eau au Point G : L’EDM s’explique »

Ciwara Info (29/07/2010), « Coupures intempestives d’eau à l’hôpital du Point G : le DGA de l’hôpital Mady Sissoko s’est prêté à nos questions »

Le Matin (30/07/2010), « Hôpital du Point G : Un problème d'eau le transforme en mouroir »

35 Le Coq Cocorico (09/09/2010), « Hôpital régional de Mopti… : Une panne de radiographie depuis presque 2 mois… Le Ministre et le Directeur national de la santé interpellés »

Zenith Balé (23/11/2010), « Hôpital Gabriel Touré : Le comble est arrivé, manque de produits de la césarienne »

Le Combat (01/03/2011), « Autres révélations accablantes sur la tragédie du Maouloud : Pas une seule goutte d’alcool dans les ambulances ! »

36 En 2007, à l’hôpital régional de Kayes, le taux de pertes de vues étaient de 14.3%, certains patients n’étant pas venus prendre leurs médicaments plus de trois mois après la date de rendez-vous initialement prévue (Carillon, 2010).

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Ces pertes de vues s’observent également pour les enfants de la rue au vue de leur mobilité (environ dix à quinze sites en continuels changements, enfants chassés par les boutiquiers). Les garçons ont souvent le même site travail-dortoir alors que les filles ont deux sites différents [3].

1.2.2. Malgré un développement d’un système de surveillance de la maladie, des difficultés présentes

a) Le panorama de la surveillance sanitaire

Des trois bailleurs de fonds (Fond Mondial, Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement), seule la B.A.D. orientait, entre 2007 et 2010, son appui pour la surveillance sentinelle alors qu’elle est indispensable pour répondre en temps voulu aux possibles poussées infectieuses et pour posséder plus de données de santé (Ungass, 2008). Aucune des institutions appuient la conduite d’enquêtes comportementales ou enquêtes populationnelles.

Le système de surveillance du VIH/SIDA au Mali consiste en trois composantes :

1. Une enquête sur les IST/VIH et les comportements (I.S.B.S.) parmi les groupes à haut risque réalisée tous les 3 ans,

2. L’Enquête Démographique et de Santé du Mali (E.D.S.M.) tous les 5 ans,

3. La surveillance sentinelle du VIH chez les femmes enceintes, tous les ans ou 2 ans.

Les enquêtes I.S.B.S. sont trop peu nombreuses (2000, 2003, 2006 et 2009, [43]) et ne concernent que les groupes considérés comme à risque et pas la population générale. Il est nécessaire de compléter les données sur ces groupes par une enquête auprès des clients des prostituées et ainsi valider/infirmer les opinions des filles sur les motivations des hommes [43].

La population générale n’est étudiée que lors d’enquêtes post/pré programmes ou lors de l’E.D.S.M.. Ces données ne peuvent être prises en compte sans prendre en compte leurs contextes (urbain/rural, scolarisés/non scolarisés… [42]).

D’autres enquêtes (1-2-3 auprès des ménages) sont intéressantes car comparatives (multi-pays d’Afrique de l’Ouest) et car elles sont fonction des contextes (sociaux, économiques, démographiques, historiques, Razafindrakoto, Roubaud, 2004).

b) Des critiques sur l’Enquête Démographique de Santé au Mali (E.D.S.M.)

Ces critiques ne sont pas nouvelles… La diffusion des résultats de l’E.D.S.M. II (1995-96) n’avait pas montrés d’évolutions positives par rapport à 1987 (Barker, 2003).

Pour un anthropologue, les données ont une « portée trop générale et parfois imprécise pour une

utilisation « micro » dans une « communauté restreinte » [16]. L’échelle d’obtention et d’utilisation des

données pose problème car ces données sont trop générales (échelle nationale et régionale). La question de la fiabilité des chiffres est aussi posée: « les chiffres locaux augmentent tandis que les données

ti i t, c’ t tr t ! » [34], « on ne peut pas dire que les chiffres soient bons » [7].

L’échantillonnage de l’E.D.S.M. IV (2006) est très faible en particulier pour les hommes. Par exemple, seules 12 personnes ont été questionnés sur leurs connaissances et comportements envers le VIH/SIDA à Kidal (67638 habitants), 141 à Gao (544120) et 144 à Tombouctou (681691)…

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Figure 22 : Population des hommes et femmes par régions et nombre de dépistages par sexe lors de l’E.D.S.M.IV (R.G.P. 2009, Ministère de la Santé, 2006)

De même, les dépistages effectués lors de la passation sont faibles : « t x d ’E. .S.M. t

-évalué car il y a plein de cas non-déclarés » [33] ce qui pose la question des zones « supposées »

comme les plus infectées. Seuls 4643 hommes et 5157 femmes ont été testés sur les 7202744 hommes et 7314432 femmes qui composent la population malienne.

c) Une réelle baisse de la prévalence du VIH/SIDA ?

La qualité des données sur le VIH/SIDA est depuis longtemps critiquée au Mali (White et al., 2009; Boileau, Rashed, Sylla, Zunzunégui, 2008; Castle, 2003). Pour un médecin de Ségou (Conférence VIH/SIDA de Bamako, 2007), « r c i d d é d y t d’i f r ti t d rv i c

santé ne fonctionnent pas ».

Les taux supérieurs de prévalence pour les femmes enceintes38, la persistance d’une activité importante dans les Unités de Soins, d’Accueil et de Conseils (U.S.A.C.) et Centres d’Ecoute, de Soins, d’Accueil et de Conseils (C.E.S.A.C.) et certaines études39 accentuent ces doutes. Les taux de prévalence étaient supérieurs chez 950 étudiants en 2005 (Sikasso 1.8%, Koulikoro 3.1%, Bamako 3.6%, White et al., 2009). Si les prévalences des donneurs de sang ont diminués depuis 2000, elles restent tout de même supérieures au taux global national40 tout comme pour les patients atteints de tuberculose. Un lien important existe entre les deux maladies. Les patients tuberculeux ont des taux de prévalence du VIH/SIDA supérieurs à la population générale (+162 %). Les agents de santé ne notifient pas systématiquement et ne communiquent peu avec la population sur cette co-infection (Berthé et al., 2009).

Des mots forts sont employés pour évoqués ces problèmes de chiffres de prévalence. Un acteur parle de

« tromperie » envers la population [48]. Les doutes sur les chiffres officiels sont d’autant plus grands que

« r t rr i , ch t d c p rt t ’ t p vr i t i x i prév c

diminuée » [8].

En 2007, deux catégories différenciées sont apparues dans l’annuaire de santé (S.L.I.S. Système Local d’Information Sanitaire), les cas avérés de SIDA et les cas présumés. Le SIDA est la seule maladie avec la tuberculose sur les 59 recensées à présenter cette distinction…

38 10 sites en 2002, 16 en 2003, 172 en 2008, 229 en 2009

3,3% (2002), 3,8% (2003), 3.4% (2005), 3.1% (2007), 2% (2008), 2.2% (2009) (Ungass, 2010)

39 En 2003, des taux élevés étaient répertoriés dans certains lieux : 6.3% au C.S.R. de Koulikoro, 5.6% au C.S.R. de la commune III du district de Bamako ou 4.7% à l’hôpital de Ségou et 4.5% au C.S.R. de Koutiala.

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Figure 23 : Cas et décès dû au SIDA. Cas avérés et présumés en 2007, 2008, 2009 et 2010 pour le Mali (S.L.I.S., 2007, 2008, 2009, 2010)

Les cas avérés et présumés ont augmentés entre 2007 et 2010 (Fig. 23). L’augmentation du nombre de cas avérés pour les 15-24 ans est inquiétante car cette tranche d’âge doit, pour plusieurs raisons, être moins infectée (meilleur accès à la scolarisation, première génération née « avec » la maladie et donc avec la sensibilisation, moins de tabous…).

Figure 24 : Cas et décès dû au SIDA. Cas et décès présumés et avérés en 2007,2008, 2009 et 2010 pour le Mali (S.L.I.S., 2007, 2008, 2009, 2010)

Si les cas avérés ont diminués entre 2007 et 2008 et augmentés en 2009 et 2010, le nombre de cas de décès présumés a plus que triplé en une année pour 2008 et doublé entre 2007 et 2009/2010 (Fig. 24). Cette stabilité et augmentation du nombre de cas avérés accompagnés d’une augmentation nette du nombre de cas présumés engendrent posent des questions quant à la baisse de la prévalence observée en 2006 par l’E.D.S.M. IV..