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1. Analyse des pratiques locales par rapport aux connaissances

1.2. Un décalage entre le fait d’avoir entendu parler de VIH/SIDA et les connaissances réelles sur la maladie

1.2.2. Des connaissances nuancées sur le VIH/SIDA

« O i r p r t r t ti vi r t q d t d’ rdr d

campagnes de sensibilisation. » (C.E.M.AF., 2007)

a) L’accès aux campagnes de prévention en santé

Si la qualité des messages se pose, leur accessibilité aussi. Sur nos deux espaces, l’accès aux campagnes de prévention en santé est important (77.5% Banconi, 81.6% Faladié). Cette accessibilité entraîne une meilleure connaissance de l’un des slogans de lutte contre le SIDA (Fig. 60). Cependant, les modèles de changements de comportement (1.2.4.), les critiques sur les messages élaborés (6.1.1.) et les connaissances/méconnaissances réelles des populations (5.1.) font qu’il est nécessaire de nuancer l’intérêt du seul accès à l’information.

Figure 60: Lien entre l’accessibilité aux campagnes de prévention et la connaissance de l’un des slogans de lutte contre le VIH/SIDA au Mali pour les deux espaces d’étude.

Si les chiffres montrent un lien entre exposition et connaissance, celui-ci est à nuancer. Les connaissances sont partielles, l’appropriation faible et la concrétisation en comportements réels faibles. Si l’accès est équivalent, les habitants de Banconi ne sont que 33.4% à connaitre l’un des slogans (Faladié 47%). Les hommes perçoivent mieux les messages à Faladié (50.7%) qu’à Banconi (41.8%) d’où une nécessaire adaptation locale des messages.

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Les enquêtés non maliens sont moins nombreux (89%) à avoir accès aux campagnes de prévention (maliens 94.5%). Le Mali et Bamako sont un véritable kaléidoscope de civilisations, d’ethnies et de nationalités (3.2.2. ; 3.3.), il est donc primordial de renforcer l’adaptation. Si la dépendance n’est pas significative, les peuls et dogons ont moins accès aux campagnes de prévention notamment parce que leurs langues vernaculaires sont importantes. Parler français augmente l’accès aux campagnes (88.8% contre 76.9%).

Les musulmans ont un accès supérieur aux campagnes de sensibilisation. Plus de 20% des chrétiens (en particulier dogons) et animistes n’y ont pas accès.

Plus le réseau amical est restreint, plus l’accès à l’information est important. Etre membre d’une association augmente l’exposition aux messages (48.1% contre 30.1%) ce qui est intéressant pour le Mali, pays dense en associations et O.N.G. (4.3.2.).

Les campagnes de prévention améliorent la pratique sportive (52.4% contre 35%). L’augmentation des cas de diabète et les changements de pratiques alimentaires font que la pratique sportive devient de plus en plus un enjeu de santé (Martini, Fligg, 2011, Gobatto et al., 2010, Sidibé et al, 2007, Santé Diabète Mali). Les structures sportives et espaces verts sont de moins en moins présents dans la capitale. Le taux d’obésité et le fait d’être « bien portant135 » sont importants au Mali. Le pays est toujours empreint à la peur de la faim et à la pauvreté (Héraud, 2003).

Les répondants qui ont un bon accès à l’information sont plus nombreux à ne ressentir aucune pathologie et à percevoir leur état de santé comme important (90.7% contre 79.1%). Cet accès est favorisé par la consultation d’un médecin « moderne » (C.S.COM., hôpital, privé)136.

Posséder une source d’information (radio, télé, presse, Internet) accentue l’exposition aux messages (82.7% pour ceux qui en possèdent au minimum une contre 44.8%). Si 97.1% des habitants qui ont accès aux campagnes de prévention ont connaissance de l’existence du SIDA, ils sont 72.4% pour ceux qui n’y ont pas accès. Les messages de prévention transmis sont ceux qui ressortent dans nos résultats (A-B-C, Abstinence–Be faifhtul–Condom). 48% des personnes qui ont accès aux campagnes connaissent un des slogans contre 9.8% pour ceux qui n’y ont pas accès.

Deux choses importantes sont à remarquer. Les personnes qui n’ont pas accès aux campagnes sont plus nombreuses à aller chercher de l’information par elles-mêmes ce qui montre que les habitants se préoccupent tout de même du VIH/SIDA. D’autre part, ceux qui n’ont pas accès à ces campagnes sont plus exposés aux rumeurs.

L’accès aux campagnes améliore le taux de dépistage, les connaissances du porteur sain et des médicaments pour soulager les patients. L’information améliore l’utilisation du préservatif et modifie les points d’achats. Ceux qui n’ont pas accès se dirigent vers les commerces et vendeuses ambulantes d’où des problématiques liées à leur conservation (5.2.1.d.). Certains tabliers (vendeurs pour certains formés) vendent les préservatifs le long des goudrons, dans différents quartiers notamment où la présence de prostituées est grande [26]. Ceux qui ont un meilleur accès se dirigent plus vers les structures de santé

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(pharmacies, centres de santé, clinique, hôpital) et vers les agents de proximité (agents de terrain, O.N.G.).

Cet accès est aussi important dans le refus d’avoir des relations sexuelles avec un partenaire qui refuse le port du préservatif (46.6% contre 27.6%). L’accès à la prévention n’engendre pas de variation dans le choix des intervenants pour avoir de plus amples informations de la part des autorités, O.N.G., religieux ou médias. En revanche, les personnes qui n’ont pas accès souhaitent davantage d’informations par les acteurs proches (guérisseurs, famille, amis, pairs éducateurs) d’où une nécessaire adaptation locale. Les enquêtés qui ont accès aux programmes ne sont que 55% à percevoir les messages comme adaptés.

b) Les connaissances de l’origine, des modes de transmission et de protection du virus

Dans les enquêtes C.A.C.P., la connaissance de l’origine de la maladie, de ses modes de transmission et de protection sont les données clés recherchées pour évaluer a minima les messages de prévention et les éventuels besoins.

Les « Blancs » sont souvent cités comme les « fabriquants » du virus (Banconi 22.9%, Faladié 16.4%), 21.3% dans l’étude de Hess et McKinney (2007). Les personnes faiblement scolarisés sont deux fois plus nombreuses (28%) à assimiler le SIDA aux « Blancs » (14.2% pour le niveau secondaire et supérieur). L’accès aux soins améliore les connaissances sur l’origine du virus et diminue son assimilation aux

« Blancs ». Assimiler la maladie aux « Blancs » diminue l’utilisation des préservatifs pour les personnes à

partenaires multiples et sont moins nombreuses à refuser d’avoir une relation sexuelle sans protection. Cette assimilation augmente les critiques envers les messages et diminue la confiance envers les institutions internationales.

24.1 % des habitants de Banconi et 9.9% de Faladié pensent que le virus est une punition de Dieu (6.1.3.) sans différences religieuse. Si Banconi a une opinion plus négative et erronée de la maladie, les habitants ne sont pas pour autant « ignorants » sur les modes de transmission (sang, sexe, objets coupants souillés) même certains taux sont plus faibles (T.M.E., seringues). Nos deux populations assimilent fortement le préservatif à la transmission du VIH/SIDA.

Le message le plus cité est le slogan A-B-C (moins à Banconi) ce qui peut signifie que les populations ont plus ou moins adhérés au premier slogan de lutte. Ce message est toujours présent ce qui est positif car les messages doivent durer pour être efficaces (6.2.1.). La stigmatisation envers les personnes infectées est plus forte à Banconi, 27.3% des répondants déclarent « éviter de côtoyer une personne infectée par

le virus » (5.1.3.a., Faladié 16.4%).

c) Le VIH/SIDA dans un contexte multi-pathologique : le paludisme, la tuberculose…

Un contexte multipathologique

Le Mali est confronté à de nombreuses pathologies et non pas seulement le VIH/SIDA. Celles-ci ont plus ou moins d’incidence selon les lieux et les populations. Les programmes de prévention doivent donc s’adapter à ces variations locales pour ne pas transmettre de l’information « dans le vide » même si l’on peut considérer que toute information est importante. Seulement, dans un contexte multi-pathologique,

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l’omniprésence de messages et le manque de cohérence entre eux peuvent engendrer des confusions, une saturation de l’opinion et donc une perte d’efficacité.

Par exemple, si les femmes sont nombreuses à connaître les modes de prévention de la malaria, nombreuses sont celles qui continuent toujours à attribuer sa cause au sucre ou aux viandes grasses. De même, si les mères ont des notions sur les causes de la malnutrition enfantine, leur perception entraîne des retards dans les traitements et mesures préventives (Barker, 2001). L’épidémie de choléra (été 2011) montre la fragilité sanitaire et le potentiel épidémique du pays137. Certaines maladies se développent (diabète) tandis que d’autres possèdent des symptômes138 identiques au VIH (paludisme, tuberculose, hépatites) (Koné, Garba Cissé, 2007; Berthé et al., 2009) d’où des difficultés d’appropriation par les populations et médecins (7.3.1.b.)

Le VIH/SIDA et le paludisme

Les habitants de Banconi sont 57.7% à affirmer que le SIDA est mortel et ils sont plus nombreux à nier son existence, à penser qu’il est exagèré ou égal au paludisme. Dès 1999, le SIDA était assimilé au paludisme, son expansion étant due aux conditions mauvaises de la société (Brunet-Jailly, 2000). Action Santé Commune I note que beaucoup d’habitants assimilent toujours la transmission du virus aux moustiques [33].

Les enquêtés de Banconi sont 39.3% à connaître une P.V.VIH. (Faladié 29.7%) avec une visibilité plus ou moins positives (5.1.3.a., 6.1.1.b.). Le SIDA n’est pas perçu comme prioritaire par rapport à d’autres maladies vécues au quotidien139.

« L SI A ’ j i xi té c r v c t t d c p r c tt di q i t i q

p di . J ’ i v c p r i f cté p r SI A, i p r q i c ît ou qui a vu un

séropositif. » [B]

L’incidence du paludisme simple est plus élevée à Bamako (103.63 pour 1000, S.L.I.S. 2009; Ministère de la Santé, 2010). Dans notre enquête, 50.8% des habitants de Banconi étaient atteints de paludisme

137 L'Indicateur du Renouveau (27/07/2011), « Le choléra frappe à Mopti et à Tombouctou : 223 cas dont 19 décès

L'Indicateur du Renouveau (29/07/2011), « Épidémie de choléra : La situation sera totalement sous contrôle avant la fin de cette semaine »

Journal du Mali.com (05/08/2011), « Le Choléra de retour au Mali »

Le Républicain (09/08/2011), « Choléra : 419 cas dont 23 décès ont été enregistrés dans les régions de Mopti et Tombouctou » L'Indicateur du Renouveau (09/08/2011), « Choléra au Mali : La tendance est à la hausse »

22 Septembre (11/08/2011), « Le ministre de la Santé en visite en Cinquième région : Accentuer la sensibilisation et obtenir l’implication de tous contre le choléra »

Journal du Mali.com (18/08/2011), « Urgence Choléra : l'épidémie aux portes de Bamako » Albatros (29/08/2011), « Epidémie de choléra au Mali : Sabalibougou sous menace »

APA (03/09/2011), « 21 nouveaux décès dus au choléra dans la région de Kayes, à l’ouest du Mali » Yeko (12/09/2011), « Epidémie de cholera à Ségou: 22 victimes, 3morts »

138 Fièvre, maux de tête, toux persistante, douleurs, diminution de la force, diarrhée, vomissement, manque d’appétit, amaigrissement…

139 Journal du Mali.com (24/03/2011), « Eau de javel, une amie dangereuse »

Le Républicain (17/05/2010), « Intoxication alimentaire à Dar Salam : Le pire a été évité »

Le Quotidien de Bko (30/04/2010), « Intoxication alimentaire : L’huile frelatée est de retour dans nos assiettes » Liberté (25/02/2010), « L’huile fabriquée au Mali : Cause de l’impuissance sexuelle »

Jounral du Mali.com (20/08/2011), « Huile frelatée: 130 personnes intoxiquées à Koutiala » L’Essor (15/04/2010), « Sécurité des aliments : ces emballages que l’on néglige »

Le National (23/05/2011), « Produits de contrefaçon : Une menace économique et un danger pour la santé des populations » Le Combat (20/07/2011), « Des produits alimentaires périmés sur le marché : Tous en danger »

L'Indépendant (25/08/2011), « Vente de produits alimentaires : Les marchés de Bamako transformés en gisements de bactéries » Le Combat (27/08/2011), « Intoxication alimentaire: L’huile frelatée fait des victimes à Sikasso »

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(Faladié 35.2%). Notre terrain confirme cette omniprésence de la maladie [G] [H] [R] [S] [T] [U] [V] [W] :

« Les membres de ma famille sont rarement malades hormis le paludisme. » [I] [J]

« Nous sommes en bonne santé mais nos familles voient souvent des cas de paludisme, de tuberculose

d’ tr i f cti . » [K] [L]

Au Mali, la perte de croissance économique annuelle due au paludisme est de près de 20 millions de Francs C.F.A. (30489.80 €, Coulibaly, Keïta, Kuepie, 2008). Pourtant, les bailleurs de fonds restent essntiellement focalisés sur les maladies infectieuses. La lutte contre le diabète est par exemple gérée par la société civile (Martini, Fligg, 2011). Or, certains effets inattendus peuvent se produire lorsque les informations préventives sont trop abondantes ou trop ciblées (relativisme, manque d’intérêts ; Peretti-Watel et al., 2008).

Un lien entre le milieu de vie et les maladies

Un lien fort existe entre la présence de pathologies et de nuisances (7.1.4.b.). Ces dernières augmentent l’assimilation du VIH/SIDA à un mensonge, au paludisme, à son caractère excessif, non mortel et diminue les changements de comportement. Les habitants qui vivent dans un milieu dégradé se sentent moins vulnérables envers le VIH/SIDA (20.5% contre 52.6%). Les habitants qui ont plusieurs pathologies ont moins accès aux campagnes à la prévention.

« L’h r t ’ p d’ r i . » = « S dit d q q ’ q i ’ p rç it p q ’i c rt

pr pr p rt ré t c i q ’ i pr di . » (Proverbe Bambara)

Les messages sont percus comme moins adaptés par les personnes atteintes de multiples pathologies (46.6% contre 61.1%). Subir plusieurs pathologies engendre un sentiment de vulnérabilité moindre vis-à-vis du SIDA, une utilisation moindre et moins fréquente du préservatif.