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De l’arabe marocain et du berbère tamazight

4. Procédure de transcription

4.2. Conventions de transcription

4.2.1 Système graphique : phénomènes à coder et caractères spéciaux

On se limitera à certains phénomènes spécifiques, plus particulièrement à la langue berbère, qui ont des incidences directes sur la notation courante. Il sera question d‟un certain nombre d‟aménagements graphiques concernant les phénomènes à coder et la manière de le faire.

Gadet (2008 : 45) précise que « même les aménagements graphiques peuvent revêtir un sens, en tant que façon de donner quelque chose à voir ». En effet, les aménagements graphiques proposés par les ateliers de 1996 et 1998 consacrés à la notation du berbère, et dont nous présentons ici l‟essentiel, (de même que les propositions concernant la notation usuelle à base latine de l‟arabe maghrébin) s‟inscrivent dans une perspective de normalisation d‟un écrit standard de la langue praticable par tous quel que soit le dialecte. Tous ces aménagements reposent sur un même principe : réduire les divergences phonétiques et ne prendre en compte que les variations fonctionnelles afin de faciliter l‟intercompréhension entre les locuteurs et la généralisation de l‟écrit.

En plus des aménagements graphiques, seront présentés deux autres types

d‟aménagements, ceux qui portent sur la segmentation en unités de sens et ceux traitant des assimilations (alternances) dans la chaîne. Ces deux types d‟aménagements (segmentation et assimilation) peuvent « revêtir un sens », car ils « donnent à voir » les unités grammaticales de la langue (séparation par un blanc) tout en soulignant les liens morpho-syntaxiques entre ces éléments (séparation par un tiret), ce qui permet d‟éviter les ambiguïtés et de faciliter le décodage.

-Les spirantes

Les consonnes occlusives simples du berbère (p, b, t, d, k, g) deviennent des spirantes dans certains parlers/dialectes (comme en kabyle, en rifain, en tamazight...)117. La spirantisation est généralement notée par un tiret souscrit (ṯ, ḏ, ḵ...). Mais, pour une notation usuelle, la spirantisation, non ou très faiblement distinctive, ne sera pas notée dans la graphie usuelle. Dans le dialecte berbère tamazight, ce phénomène est très fréquent ; pratiquement

117 Le système phonologique (consonantique) fondamental du berbère a été identifié par A. Basset (1946 et 1952 ; Cf. aussi : Galand 1960 et Prasse 1972).

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toutes les occlusives deviennent spirantes. Ainsi toutes les occurrences réalisées comme des spirantes s‟écriront sous la forme de l‟occlusive correspondante.

-Les labio-vélarisées

La labio-vélarisation est la concomitance d‟une articulation arrière avec un

arrondissement labial. C‟est un phénomène répandu dans beaucoup de dialectes berbères118

. Tous les critères phonétiques et phonologiques conduisent à conclure qu‟il s‟agit bien d‟un phonème unique et non d’une succession de deux phonèmes, /c+w/. Au niveau de la notation, tant scientifique qu‟usuelle, les labio-vélarisées seront représentées par une seule lettre accompagnée d‟un diacritique, souvent notée soit par un w soit par ° en exposant.

Pour la notation usuelle, c‟est le ° en exposant, au-dessus de la ligne d‟écriture qui est retenu : k°, g°, x°, q°, ɣ°. Mais du point de vue phonologique, la labio-vélarisation apparaît clairement comme une caractéristique régionale, non ou faiblement distinctive. Les cas de pertinence sont rares et concernent surtout les phonèmes tendus, notamment /gg°/ comme dans : ireggel (du verbe rgel „fermer‟) et iregg°el (du verbe rwel „courir/s‟échapper‟). Pour la notation usuelle, il est convenu que :

La labio-vélarisation, non ou faiblement distinctive, ne sera pas notée dans la graphie usuelle, à l‟exception des rares contextes où il peut y avoir opposition. Dans ce cas, elle sera représentée par un petit ° en exposant.

-Les emphatiques

L‟emphase (ou la vélaro-pharyngalisation) est un phénomène de retrait de la masse arrière de la langue vers la zone vélaro-pharyngale. Les emphatiques sont notées par un point sous la lettre : ḍ, ẓ, ṭ, ṣ, ṛ. Il est à signaler que l‟emphase se propage et contamine toutes les unités adjacentes entraînant l‟ouverture des timbres des voyelles et la réalisation postérieure des consonnes. Mais seules les emphatiques non conditionnées seront notées comme telles.

118 Seul le touareg l‟ignore totalement.

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- Les affriquées

Ce sont des articulations qui combinent une occlusion et une constriction. On en relève quatre en berbère : [dj], [ts], [tc] et [dz]. Ces affriquées sont considérées comme des phonèmes uniques et sont donc notées par un seul caractère spécifié par une diacritée. Dans une perspective de standardisation, l‟IRCAM n‟a pas retenu les affriquées comme graphèmes particuliers pour les raisons suivantes : (i) leur rendement fonctionnel est très faible ; (ii) les affriquées de certains parlers correspondent à des géminations dans d‟autres. Concernant la notation usuelle proposée par l‟INALCO , seules [tc] et [dj] sont notées (respectivement en č et ǧ ), les affriquées [ts] et [dz] n‟étant pas ou peu distinctives, ont été ramenées systématiquement au phonème dont ils sont historiquement ou morphologiquement issus, respectivement tt et zz.

-La gémination

La gémination est pertinente en berbère car elle peut être lexicale ou morphologique ; elle peut affecter toutes les consonnes et les semi-consonnes. Elle est notée par le redoublement du graphème correspondant au phonème géminé119 (t-->tt), y compris en position initiale.

-Les voyelles

Le système vocalique berbère nord120 se réduit aux trois voyelles fondamentales : i, a, u (=‟ou‟ en français)121. En plus de ces trois voyelles, l‟arabe dialectal se caractérise également par l‟opposition voyelles longues (ou moyennes, Caubet 1999 : 37) / voyelles brèves. Les voyelles longues/moyennes sont notées par un tiret souscrit : ī, ā, ū.

Il existe également une voyelle neutre (un „e‟ muet) qui n‟a pas, en théorie, de pertinence phonologique (du moins pour le berbère) : elle n‟apparaît que pour éviter la

119 C‟est ainsi qu‟elle est notée également par l‟IRCAM (redoublement du graphème).

120 Pour le berbère nord : les dialectes algéro-marocains, par opposition aux dialectes sud-est : touareg et parlers orientaux). Selon Chaker, des phonèmes d'aperture moyenne (/e/, /o/, /ä/) existent dans certains dialectes "orientaux" (touareg, Libye, Tunisie). Ces phonèmes sont d'apparition récente (Prasse 1984) et proviennent certainement de la phonologisation d'anciennes variantes contextuellement conditionnées.

121 Le système vocalique rifain comporte outre les trois voyelles berbères de base (i, u, a), des voyelles longues et des voyelles longues à valeur emphatique. Ces dernières sont issues de la vocalisation de la liquide /r/ (éthymologique) qui les accompagnait avant sa disparition. L‟effacement du /r/ a donné naissance à six voyelles dérivées : leurs correspondantes longues et longues et emphatiques (Lafkioui, M (2002 : 358).

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constitution de groupes consonantiques imprononçables. Autrement dit, dans une notation phonologique stricte, on ne doit pas le noter. Cependant, dans une notation usuelle, la voyelle neutre est maintenue en tant que „lubrifiant phonétique‟. Elle est noté „e‟ (graphème qui n‟a pas d‟autres utilisations dans les dialectes berbères nord).

- D’autres problèmes graphiques

Pour des raisons typographiques, les chuintantes, les vélaires et les pharyngales sont notées de la manière suivante :

-j pour la chuintante sonore [z] -c pour la chuintante sourde [š] -ɣ pour la vélaire sonore („gh‟) -x pour la vélaire sourde („kh‟) -ɛ pour la pharyngale sonore -ḥ pour la pharyngale soudre -q pour l‟uvulaire sonore

Enfin, visant la simplicité, la notation usuelle proposée répond aux critères suivants :

-Stabilité : élimination du maximum de variations contextuelles et locales pour aboutir à une représentation stable des segments.

-Représentativité : les formes les plus largement répandues au niveau du dialecte (et subsidiairement au niveau pan-berbère) doivent être privilégiées.

Il y a aussi le principe de l‟univocité du signe, pris en compte également par l‟IRCAM. Ce principe assure la correspondance univoque entre un son et un graphème : à un son correspond un graphème et un seul (un graphème = un son).

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Mais il ne suffit pas de fixer les graphèmes et de les utiliser avec régularité, il faut que les unités de sens soient, elles aussi, lisibles, simples et régulières pour appréhender de façon instantanée les différentes structures de l‟arabe marocain et du berbère tamazight. D‟où l‟importance de la segmentation.

4.2.2. Segmentation en unités grammaticales