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Des dialectes régionaux, correspondant aux aires d‟intercompréhension immédiate, traditionnellement identifés par une dénomination interne et qui

Contexte de travail et langues du corpus

1) Des dialectes régionaux, correspondant aux aires d‟intercompréhension immédiate, traditionnellement identifés par une dénomination interne et qui

sont par voie de conséquence, clairement reconnus par la conscience collective (kabyle, chleuh, tamazight…) (cf. carte infra),

2) les parlers locaux, qui recouvrent les usages particuliers d‟unités villageoises ou tribales. Ils sont caractérisés par des particularismes phonétiques, lexicaux, parfois grammaticaux, qui n‟affectent jamais l‟intercompréhension à l‟intérieur de l‟aire dialectale, mais qui permettent une identification géo-linguistique immédiate des locuteurs.

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Chaker57 souligne que malgré leur dispersion géographique, les dialectes berbères sont liés entre eux par des structures syntaxiques semblables, des racines lexicales et un vocabulaire souvent similaire.

Au Maroc58, trois aires dialectales berbères sont généralement identifiées (cf. carte supra) : le tarifite ou rifain (au nord du Maroc), le tamazight (au centre) et le tachelhit (chleuh : au sud). Boukous (1979) propose une répartition des dialectes de la langue berbère au Maroc, tout en signalant leur situation géographique :

- le groupe rifain, (dialecte tarifit), couvre une aire montagneuse qui s‟étend au Nord et au Sud de Taza ;

- le groupe beraber, (dialecte tamazight), comprend tout le Moyen-Atlas, la partie orientale du Haut-Atlas, les vallées du Ghéris et du Ziz et, enfin les terrains de transhumance compris entre Jbel Ayyachi et Saghro ;

- Le groupe chleuh, (dialecte tachelhit), comprend la partie méridionale du Haut-Atlas, la totalité de l‟Anti-Atlas, le Bani et la plaine de Souss59.

Dans cette étude, nous travaillons sur le dialecte tamazight (cf. supra) parlé par des berbérophones marocains résidant à Orléans. Notre choix est justifié par le fait que ce dialecte est notre langue maternelle (plus particulièrement le parler de Zayane du Moyen Atlas)60.

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Salem Chaker, « Le berbère » in Les langues de France, PUF, Paris, 2003

58 Après avoir été quasiment absent de toutes les institutions publiques, le berbère a vu dernièrement son statut institutionnel évoluer au Maroc. Avec la création de l‟Institut Royal de la Culture Amazigh (IRCAM58), le berbère a été introduit depuis 2003 dans l‟enseignement et dans les médias.

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Ethnologue recense au Maroc : 3 millions de personnes parlant Tachelhit (chleuh), variante qui s‟étend de Marrakech et l‟océan Atlantique au nord-ouest (Agadir, Essaouira) à Tiznit et Ouarzazat au sud-est. 3 millions également de locuteurs pour la variante tamazight qui se répand sur un vaste territoire allant de Tiffelt, Taza et Guercif au nord jusqu‟à Boudnib, Tafilatet et Zagora au sud. 1,5 millions de locuteurs pour la variante tarifit

(berbère du Rif, rifain) avec notamment la ville de Tanger (cf.

http://www.ethnologue.com/show_country.asp?name=MA).

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3.5. Le berbère en France

Il y a une importante population berbérophone résidant en Europe. En France, l‟immigration berbère est très ancienne et numériquement considérable : le nombre de berbérophones qui y résident avoisine certainement les deux millions de personnes61

.

Les berbérophones constituent l‟une des plus importantes communautés d‟origine étrangère en France62. Leur identité propre n‟est pas clairement perçue car, selon Chaker (1997 : 2) :

Confondus dans l‟ensemble de l‟immigration maghrébine, les berbérophones font partie, dans la catégorisation courante, de la population dite „arabe‟ ou maghrébine. Le critère de la nationalité tend à accentuer cette indistinction puisque les berbérophones en France sont d‟abord décomptés comme Algériens, Marocains, voire Tunisiens et ... Français.

L‟auteur souligne que la forte présence de la langue berbère en France peut être expliquée par des facteurs historiques mais aussi idéologiques et institutionnels. L‟immigration maghrébine vers la France (et l‟Europe) a d‟abord été berbérophone aussi bien à partir de l‟Algérie que du Maroc.

Après les indépendances, la langue et la culture berbères ont été considérées comme « des facteurs de division, des risques potentiels pour l‟unité nationale. En conséquence, le berbère ne bénéficiait d‟aucune forme de reconnaissance institutionnelle et était exclu notamment de tout le système éducatif, tant en Algérie qu‟au Maroc. » (Ibid. : 4). Cette situation d‟exclusion quasi totale a eu pour conséquence la délocalisation de l‟activité berbérisante (militante, culturelle et politique), surtout algérienne, en France.

La recherche scientifique n‟a pas été en reste. Après la disparition des chaires de berbère en 1956 à l‟Institut des Hautes Etudes Marocaines (Rabat) et en 1962 à l‟Université d‟Alger, un bon nombre de thèses concernant le berbère ont été soutenues en France. Les recherches berbérisantes restent une spécialité française :

61 Chaker (Ibid.)

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Actuellement, malgré une internationalisation sensible, la France conserve une position tout à fait hégémonique dans les Etudes berbères, tant dans la formation universitaire que dans la production scientifique : l‟essentiel des travaux publiés le sont en France et en langue française. (Ibid. : 2)

Depuis 1999, suite à la signature de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, le berbère figure en première place parmi les « langues de France » non territoriales.

Après avoir été longtemps dépréciés et marginalisés63 dans leur pays d‟origine, car cantonnés au quotidien et à l‟informel – par opposition à l‟arabe standard, langue de prestige – l‟arabe marocain et le berbère, connaissent actuellement en France un intérêt nouveau en tant qu‟expression de l‟identité première. Ce changement d‟attitude plus positif peut s‟expliquer par la volonté de se référer à une langue et à une culture perçues comme des supports identitaires forts64.

Dans le même sens, Barontini & Caubet (2008) avancent que la présence de l‟arabe maghrébin sur le devant de la scène65 démontre sa „vitalité‟ ou sa „revitalisation‟ au sein de la société française :

Les langues et les cultures peuvent parfois connaître une certaine „revitalisation‟, un regain de pratique grâce à des stimulations extérieures au cercle familial venues de la société civile ; elles peuvent alors développer, à côté des pratiques strictement vernaculaires, des usages véhiculaires, introduisant ainsi une forme de pluralité et de partage sur la place publique. Les artistes ont un rôle important dans ce phénomène, mais également les pratiques nouvelles et créatives dans les parlers jeunes. Pour ce qui est de l‟arabe maghrébin, on voit tous les jours s‟installer en France une forme de familiarité, voire de banalisation qui est de bon augure pour sa vitalité. (Ibid. : 47-48)

63 Boukous (1995: 49) montre que la représentation et l‟attitude des locuteurs marocains à l‟égard de leurs langues maternelles sont négatives.

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Benzakour et al. (2000: 77)

65 On assiste, depuis quelques années en France, à l‟émergence et au succès public de groupes musicaux, de comédiens, de films faisant un usage naturel de l‟arabe maghrébin (Barontini et Caubet 2008 : 43).

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En ce qui concerne le berbère, Chaker (2008 : 52) affirme que son usage dans les marchés, dans les magasins, dans les taxis (les chauffeurs de taxis kabyles sont très nombreux à Paris) aurait une fonction «identitaire» ou «cryptique marquée» : « l‟échange en berbère permet de se „reconnaître‟, d‟établir une relation de connivence (…) ».

L‟auteur avance que le nombre de jeunes berbérophones ayant présenté l‟épreuve du

berbère au baccalauréat ne cesse d‟augmenter ces dernières années (544 candidats en 1987, à partir de 1992, ils dépassaient le cap du millier, 1800 candidats en 2001) et souligne que : « Ces données quantitatives sont particulièrement intéressantes au plan sociolinguistique car elles manifestent un fort attachement des jeunes berbérophones de France à leur langue » (Chaker 2003).

Par ailleurs, il ajoute que la vie culturelle de la langue berbère est „dense et diversifiée‟ en France : « la présence pérenne, et renouvelée, de la chanson berbère en France, des productions audio et audiovisuelles, de l‟écrit, implique l‟existence d‟un public récepteur et d‟un „‟marché‟‟ ; elle doit évidemment être analysée comme l‟indice d‟un usage conséquent de la langue berbère. » (Chaker 2008 : 54).

Dans le reste de l‟Europe, les Berbères sont aussi très présents en Belgique (Chleuhs et Rifains), aux Pays-Bas (Rifains), en Allemagne (Chleuhs et Rifains) et en Espagne (Rifains). De petites communautés existent aussi dans tous les pays d‟Europe occidentale (Italie, Pays scandinaves) et en Amérique du Nord, surtout au Québec où de nombreux Kabyles se sont installés au cours des deux dernières décennies66.

66Ibid.

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CHAPITRE 2