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Méthodologie de travail

1. Démarche comparative

2.2. Procédures d’analyse

Selon C. Blanche-Benveniste (1991-1996-1997-2001), ces modes de production 155 spécifiques de la langue parlée n‟entravent nullement l‟analyse grammaticale et il convient de leur trouver un statut descriptif par la mise en place de procédures pour en rendre compte :

Une fois mises en place des procédures pour rendre compte des modes de production de l‟oral, on s‟aperçoit que les instruments utilisés pour la syntaxe156

de l‟écrit conviennent parfaitement à celle de l‟oral (…) (C. Blanche-Benveniste (1997 : 90).

Dans le cas des répétitions de pronoms, prépositions, articles… qui peuvent avoir pour origine le fait que les locuteurs hésitant sur le début des syntagmes produisent des séquences de plusieurs pronoms sujet je je je ou de plusieurs articles le le le, ou encore réitération d‟une même conjonction quand quand quand ou préposition de de de, par exemple, C. Blanche-Benveniste (1996 : 110) propose d‟écarter ces suites de la description, sans pour autant les placer « hors analyse ». Exemple :

Moi je je je me souviens très bien être allé souvent en Espagne (Ibid. : 110) Moi je parle de de de ce problème de l‟eau là (Ibid. : 110)

Pour l‟analyse de ce type d‟énoncés, elle propose la méthode suivante :

Une méthode simple (…) considérer que les suites je je je ou de de de ne forment pas des syntagmes, à disposer selon un ordre de successivité, mais que ce sont des réitérations

155 C. Blanche-Benveniste (1997 : 89) postule que ces modes de production spécifiques de la langue parlée « sont de précieuses indications sur la structuration syntaxique. On peut en effet voir fonctionner, à travers les hésitations et retouches que font régulièrement les locuteurs, certains processus généraux de fabrication des syntagmes. »

156 Selon C. Blanche-Benveniste (2007 : 131-132), le français parlé est plus « analytique » à cause du développement de certaines tournures fréquemment attestées comme :

- développement de : je crois, je pense, je trouve…, aller, pouvoir, devoir, etc. du causatif : faire ; - de « quantifieurs nominaux » : un tas de, une flopée de, une masse de, etc.

ce qui donne des « chaînes verbales » parfois très longues où peuvent se succéder cinq ou six formes verbales, au point d‟entraver la description en termes de complément et élément complété :

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d‟éléments à situer sur une même place syntaxique157. En ce cas, cela implique que des éléments produits côte à côte dans le déroulement réel du discours, peuvent être interprétés soit comme des séquences syntagmatiques, soumises à des règles « d‟ordre des mots grammatical », comme c‟est le cas pour était+au+centre+de, soit comme des énumérations paradigmatiques, le le le, de, ded’, qu‟on ne doit pas décrire avec les mêmes règles :

Kafka était au centre de tout le

le

le désespoir finalement de

de

d‟une jeunesse

En effet, ce type de représentation, à l‟horizontale ou à la verticale, permet de différencier les séquences syntagmatiques (était+au+centre+de) des énumérations paradigmatiques (le le le, de, de d’).

Ainsi, pour rendre compte des hésitations, répétitions, des recherches de bonne dénomination, l‟auteur propose, au lieu d‟éliminer ces phénomènes, de les intégrer dans l‟analyse, en adaptant la notion d‟ « axe paradigmatique » pour rendre compte des données. Elle pose l‟hypothèse que « lorsqu‟il déroule linéairement l‟énoncé qu‟il est en train de construire, (qu‟on situera sur l‟axe syntagmatique), le locuteur, peut interrompre ce déroulement linéaire pour chercher, sur l‟axe des paradigmes, parmi un stock d‟éléments potentiellement disponibles, la meilleure dénomination » (C. Blanche-Benveniste 1991 : 58). Exemple :

Ils sont allés chercher le

ce

mon registre

157 C‟est nous qui soulignons.

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Dans cet énoncé, il y a interruption du déroulement syntagmatique à partir de le, recherche sur l‟axe paradigmatique avec la série le, ce, mon, et reprise du déroulement syntagmatique entre

mon et registre. Cette hypothèse permet de donner une interprétation raisonnable pour tous les cas où, dans le cours du déroulement syntagmatique, et à une même place syntaxique, sont accumulés plusieurs éléments concurrents (Ibid. : 58).

Cependant, dans certains cas, les répétitions d‟un même mot, comme très, par exemple, seront traitées comme des séquences syntaxiques, avec un effet qu‟on qualifie habituellement de « redoublement intensif », exemple :

Certaines viennent de très très loin (Ibid. : 58)

Et à propos de l‟ordre des mots dans la langue parlée, C. Blanche-Benveniste (1996 : 117) affirme qu‟il n‟est pas nécessaire de faire une nette séparation entre grammaire de l‟écrit et grammaire de l‟oral et que :

Pour établir des règles proprement grammaticales, il semble nécessaire de distinguer d‟une part un ordre des mots tels qu‟ils apparaissent dans la suite linéaire, où jouent les phénomènes discursifs de prise de parole, et d‟autre part un ordre grammatical des syntagmes, qu‟il faut en quelques sorte « reconstruire », par delà le désordre apparent des discours. Cette dissociation est indispensable si l‟on veut pouvoir dégager la cohérence des productions orales et les règles qu‟elles suivent.

3. Conclusion

Pour l‟analyse des données de nos corpus, nous avons adopté essentiellement la méthode proposée par C. Blanche-Benveniste (1991-1996-1997-2001) pour le traitement de ce type de phénomènes, c‟est-à-dire que nous considérons les énumérations paradigmatiques ou les accumulations de plusieurs éléments concurrents comme des éléments occupant la même place syntaxique. Ce qui va nous permettre d‟utiliser les outils de l‟écrit pour l‟analyse de l‟oral.

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Enfin après avoir trouvé le moyen de comparer les langues étudiées, en choisissant la notion du présent actuel comme base commune de comparaison, l‟étape suivante sera de regarder comment cette notion est exprimée dans les trois langues étudiées, ce sera l‟objet du chapitre suivant.

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CHAPITRE 2