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De l’arabe marocain et du berbère tamazight

4. La démarche adoptée sur le terrain

Avant de partir sur le terrain, nous avons préparé une demande d‟autorisation écrite pour recueillir le consentement des témoins. Ainsi, nous aurons la possibilité d‟avoir soit un

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consentement écrit et signé (de préférence) soit un consentement oral, soit un refus (cf. autorisation de recueil et de diffusion en annexe).

Nous avons procédé de la manière suivante :

1) Avant de commencer l‟enregistrement, le projet et les finalités de l‟enquête sont expliqués aux témoins. Nous les informons :

 qu‟il s‟agit d‟une enquête sur la façon de parler berbère tamazight/arabe marocain à Orléans. Mais par souci de collecter les productions les plus naturelles possibles, nous avons évité de préciser l‟objet exact de la recherche (les formes du présent) avant l‟entretien ;

 que le berbère tamazight et l‟arabe marocain sont parmi les langues étudiées dans le cadre du projet « Langues en Contact à Orléans » (module ESLO), dont l‟un des objectifs est de recueillir, cataloguer et mettre à disposition des corpus oraux dans les différentes langues parlées à Orléans ;

 que leurs productions seront enregistrées et transcrites, qu‟elles serviront de matériaux pour un travail de thèse et qu‟elles peuvent faire l‟objet d‟autres recherches scientifiques par d‟autres chercheurs.

2) Une fois l‟enregistrement terminé, les témoins sont invités à signer l‟autorisation qui permettra de disposer des enregistrements et de leur transcription à des fins de recherche. La quasi-totalité des locuteurs ont préféré donner leur consentement oralement. Cela s‟expliquerait par le fait que cette procédure de signature les inquiète, du fait qu‟elle peut être liée à d‟autres pratiques avec lesquelles elle pourrait être confondue comme la signature de chèques (Baude 2006 : 64). La seule personne qui a accepté de signer l‟autorisation écrite a un niveau universitaire de troisième cycle. Par ailleurs, et malgré nos explications, certains de nos témoins trouvent contradictoire le fait d‟écrire leur nom pour signer l‟autorisation et „l‟anonymisation‟.

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Dans la demande d‟autorisation (écrite/orale), nous avons présenté des choix pour tout ce qui concerne l‟utilisation des données à des fins de :

i. recherche scientifique ; ii. d‟enseignement universitaire,

iii. de diffusion sur un site Internet dédié pour la recherche.

Cela laisse aux enquêtés la possibilité de refus partiels en cochant la/les case(s) choisie(s) (dans l‟autorisation écrite), ou en nous faisant part oralement de leurs préférences dans le cas de l‟autorisation orale. En effet, tous les témoins ont donné leur consentement pour que les données recueillies soient exploitées i) à des fins de recherche scientifique et ii) d‟enseignement universitaire. Toutefois, un certain nombre d‟entre eux (toutes les femmes non scolarisées qui ont plus de 50 ans) n‟ont pas accepté la diffusion des enregistrements par Internet car elles ont une conception négative de la Toile.

3) Après l‟enquête, nous avons constaté que les données recueillies ne mentionnent que des prénoms et pas des noms de famille. Figurent également des noms de ville ou de pays. Par rapport aux sujets traités lors des enregistrements, les productions des témoins n‟ont rien de particulier. Elles traitent de questions banales et les données personnelles contenues dans le corpus ne permettent pas d‟identifier les témoins. Il n‟est donc pas nécessaire d‟anonymiser les données ni d‟obtenir un consentement : « L‟obligation d‟obtenir un consentement préalable peut être levé si retrouver les personnes concernées s‟avère difficile » (Baude 2006 : 109)

En écoutant les enregistrements, on constate que les témoins sont tous très discrets sur tout ce qui pourrait les rendre identifiables, comme s‟ils prenaient toutes les précautions pour ne pas être reconnaissables, en sorte que les données sont anonymisées à la « source ». Il serait intéressant d‟étudier la stratégie utilisée par chacun des témoins pour aboutir à ce résultat, mais ce n‟est pas l‟objet de ce travail.

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- Quelles sont les responsabilités des ‘exploitants’ et des diffuseurs ?

Les aspects juridiques des corpus oraux concernent également le domaine de la responsabilité de ceux qui auront à intervenir dans la « vie du corpus » : responsabilité des créateurs, responsabilité des exploitants, responsabilité des diffuseurs…

Collecteur, transcripteur et traducteur (les séquences contenant le phénomène linguistique étudié sont accompagnées d‟une traduction), nous sommes aussi le premier exploiteur du corpus afin d‟y étudier les formes verbales du présent en arabe marocain et en berbère tamazight.

Le responsable du traitement est défini comme étant « une personne physique qui détient le pouvoir de décision sur les finalités et les moyens à mettre en œuvre » (Baude 2006 : 121). Sa mission est :

D‟éviter ou de circonvenir les risques inhérent à la gestion et à l‟utilisation des données recueillies […] (il) se doit donc de veiller à la qualité des données, aux respects des finalités indiquées, au respect du principe de licéité et aux conditions de conservation89 (Ibid. : 121)

5. Conclusion

Bien que le corpus de l‟arabe marocain et du berbère tamazight ne soit pas sociologiquement représentatif, la diversité qui a présidé à sa constitution permet de le concevoir comme un réservoir dans lequel on peut rechercher des attestations concernant les distributions de faits de langue.

La confrontation du corpus ESLO, plus précisément la partie sélectionnée pour cette étude, avec les corpus de l‟arabe marocain et du berbère tamazight est présentée dans le tableau suivant :

82 Corpus ESLO (1969-1971) Sous-corpus ESLO sélectionné (1969-1971) Corpus de l’arabe marocain (2008-2009) Corpus du berbère tamazight (2008-2009) Nombre d‟heures d‟enregistrements 300 h 7- 8 h 7- 8 h 7- 8 h

Situations de parole Entretien face à face

Interviews „sur mesure‟

Communications téléphoniques Reprise de contact Conférences-débats ou Discussion Enregistrements divers (visites d‟atelier, marché, magasins, conversation, etc.) Consultations au Centre Medico-Psychopédagogique Entretien face à face

Entretien face à face

Recettes de cuisine

Communications téléphoniques

Récit/ récit de vie

Conversation

Commentaire photos

Entretien face à face

Recettes de cuisine

Communications téléphoniques

Récit/ récit de vie

Conversation

83 Corpus ESLO (1969-1971) Sous-corpus ESLO sélectionné (1969-1971) Corpus de l’arabe marocain (2008-2009) Corpus du berbère tamazight (2008-2009)

Catégories des locuteurs : - Age : - Sexe : -niveau scolaire : profession/CSP 19-29 ans 30-50 50 et plus Hommes: 51% Femmes: 49 %

Age de fin d’études

14 ans (et moins)

15/16 ans 17 ans 18/20 ans 21 ans (CSP) Patrons de l‟industrie et du commerce : 29 Professions

libérales et cadres supérieurs : 29

Cadres moyen : 19 Employés : 30 Ouvriers : 42 Personnel de service : 7 19-29 ans 30-50 50 et plus Hommes: 56% Femmes: 44 %

Age de fin d’études

12 ans 13 ans 16 ans 17 ans (professions) Contrôleur P&T Sans activité Sans activité Ouvrier confection Décorateur et Étalagiste Chef comptable Vitrailliste 10-20 ans 20-30 30-50 50 et plus Hommes: 36% Femmes: 64% Niveau d’études non scolarisé primaire/collège bac supérieur (professions) Directeur Informaticien Préparateur en pharmacie Technicien Commerçant/ Aide commerçant Médiateur Ouvrier Couturière Femme de ménage Etudiant/élève Sans profession 20-30 ans 30-50 50 et plus Hommes: 40% Femmes: 60 % Niveau d’études non scolarisé primaire/collège bac supérieur (professions) Secrétaire Préparateur en pharmacie Technicien Commerçant/ Aide commerçant Ouvrier Couturière Sans profession

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Le rapprochement des trois corpus sur lesquels porte cette étude permet de faire les remarques suivantes :

Les enregistrements retenus pour ESLO sont tous des entretiens face à face, pour des raisons que nous avons expliquées dans le chapitre précédent90

.

Ceux retenus pour l‟arabe marocain et le berbère tamazight présentent six situations de communication (entretien face à face, recettes de cuisine, communications téléphoniques, récit/ récit de vie, conversation et commentaire de photos).

En ce qui concerne les catégories des locuteurs, les trois corpus présentent trois tranches d‟âge : 19-29 ans (ou 20-30), 30-50, 50 et plus. Celui de l‟arabe marocain présente, en plus de ces trois tranches d‟âge, un groupe « enfants/adolescents » (10-20 ans). Nous avons essayé de faire de même pour le berbère tamazight, mais dans les familles berbérophones contactées, les moins de 20 ans ne parlent pas le berbère.

Dans le corpus d‟ESLO, le nombre des hommes (51%) est presque le même que celui des

femmes (49%). Par contre, en arabe marocain et en berbère tamazight, le nombre de femmes (64% en arabe et 60% en berbère) est plus élevé que celui des hommes (36% en arabe et 40% en berbère).

Quant aux professions91, les trois corpus ont en commun deux catégories de professions (ouvrier et sans activité/sans profession). Le reste des professions est différent. Par ailleurs, les deux corpus de l‟arabe et du berbère ont en commun les professions suivantes : préparateur en pharmacie, technicien, commerçant/aide commerçant, ouvrier, couturière et sans profession.

90 Tous les enregistrements retenus sont des entretiens face à face. Au moment de la sélection de notre corpus seuls les entretiens face à face ont été transcrits et validés. C‟est la raison pour laquelle nous n‟avons pas retenu d‟autres situations de parole.

91 Précisons que l‟identité du métier, ou plutôt de sa dénomination, en 1968 et en 2008, n‟a pas la même signification.

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CHAPITRE 3

86 Chapitre 3

La transcription

0. Introduction

La collecte des données de l‟arabe marocain et du berbère tamazight s‟est effectuée sous forme d‟enregistrements. Ces données sonores brutes ne peuvent pas être analysées sans un travail préalable de transcription et de segmentation. Transcrire des données sonores consiste à fournir une représentation symbolique du signal92. Mais la transcription en elle-même n‟est pas une tâche anodine. Le processus de transcription soulève un certain nombre d‟enjeux théoriques, méthodologiques et pratiques.

Transcrire des langues à tradition essentiellement orale soulève des problèmes spécifiques, surtout si l‟on entend produire un corpus partageable. En effet, en plus des difficultés que pose toute transcription de l‟oral, d‟autres interrogations, d‟une autre nature, surgissent lors de la phase préparatoire à la transcription de ces deux langues „non latines‟ et pour lesquelles il existe une concurrence entre plusieurs alphabets et donc plusieurs traditions orthographiques, des problèmes liés à la fois au système graphique, au mode, aux conventions et aux outils de transcription à adopter...

Si le français dispose d‟une tradition écrite ancienne et bien établie (standard), ce n‟est le cas ni du berbère ni de l‟arabe marocain. Le berbère est une langue à tradition orale, sans tradition écrite standardisée. L‟arabe marocain est une langue à tradition orale, pour laquelle il existe certes un standard de référence, l‟arabe classique, avec laquelle il a un lien de parenté, mais dont le système linguistique est très différent93.

92 Delais-Roussarie, E. (2003 : 98) 93

En se basant sur le fait que les systèmes linguistiques de l‟arabe marocain et de l‟arabe classique présentent des différences sur les plans phonique, morphosyntaxique, voire lexical, et en tenant compte de l‟absence de compréhension immédiate, les linguistes leur accordent le statut de deux langues différentes.

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Pour une restitution écrite, le choix d‟une graphie (arabe/latine pour l‟arabe ; tifinagh/latine/arabe pour le berbère) engage des déterminations idéologiques. De même, le choix d‟un mode de transcription (phonétique, phonologique ou orthographique), apparemment technique, prend une signification sociolinguistique et idéologique majeure.

Le choix de la graphie latine pour transcrire les corpus de l‟arabe marocain et du berbère tamazight suppose la réalisation des phénomènes spécifiques à ces deux langues. Quel mode de transcription choisir ? Quelles conventions de transcription adopter et pourquoi?

Travaillant dans une perspective de partage et de mutualisation des données et en l‟absence d‟une norme stabilisée pour chacune des deux langues, nous avons repris les pratiques majoritaires au sein de la communauté scientifique travaillant sur le berbère et l‟arabe dialectal, ainsi que sur la langue parlée d‟une manière générale.

Dans une première partie, seront passés en revue i) les systèmes graphiques en présence pour l‟arabe dialectal et pour le berbère ; ii) les débats qu‟a suscités le choix de la graphie ainsi que ses implications idéologiques, et enfin iii) deux tentatives de normalisation du système de notation du berbère, l‟une dans le cadre d‟une institution publique (l‟IRCAM) et l‟autre, en dehors de toute intervention institutionnelle ou étatique (par des universitaires et militants associatifs).

La deuxième partie du chapitre porte sur les procédures de transcription : système graphique, mode et conventions de transcription adoptés, segmentation en unités grammaticales, traitement des assimilations (ou des alternances) dans la chaîne et enfin les problèmes de transcription liés à l‟écoute, à la perception, etc.

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