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L’analyse morphologique : cadre théorique

2. La Morphologie Distribuée : présentation

2.1. Les règles morphologiques

Les règles sont des opérations qui modifient les représentations syntaxiques résultant de la syntaxe193. Elles se répartissent, selon Harris (1997), en quatre types : les règles d‟appauvrissement, d‟adjonction, de fusion et de fission.

 L‟appauvrissement efface des traits et rend compte en particulier des morphèmes zéro et des neutralisations morphologiques.

Appauvrissement

[X, Y] ø

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 L‟adjonction morphologique est une opération comparable à l‟adjonction en syntaxe. Elle rend compte principalement des phénomènes de suffixation entre têtes adjacentes.

Adjonction A A B C B C B [z]^[x] ^ [y] [z] ^ [x] ^ [y]

(X^Y = X et Y sont linéairement adjacents)

 La fusion combine en un seul faisceau deux ou plusieurs traits.

Fusion (Merger)

[x]^[y] x y

 La fission agit de façon inverse: elle scinde en deux un faisceau de traits.

Fission

x [x]^[y] y

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Le Composant Morphologique intervient par le biais de ces règles pour redistribuer et réorganiser les traits morphosyntaxiques hérités de la syntaxe. Il réordonne les traits pour donner accès à la représentation phonologique.

2.2. Le Vocabulaire

Le Vocabulaire fournit l‟ensemble des signes phonologiques disponibles dans la langue pour les morphèmes abstraits. Il copie sur des nœuds morphologiques terminaux les matrices phonologiques et autres informations provenant des entrées lexicales.

Au cours de l‟insertion du Vocabulaire, les traits syntaxiques, sémantiques et morphologiques fonctionnent comme des indices qui identifient l‟item dont les traits phonologiques sont insérés dans le noeud terminal approprié. Les items du Vocabulaire sont typiquement sous-spécifiés par rapport aux traits des noeuds dans lesquels ils sont insérés :

leurs traits indexicaux/contextuels doivent être contenus dans les traits

sémantiques/syntaxiques des nœuds terminaux.

Seul l‟item du Vocabulaire dont les traits correspondent le plus précisément à ceux du nœud terminal sera inséré. L‟item du Vocabulaire proprement dit est la relation entre une matrice de traits phonologique et l‟information concernant la position où l‟élément doit être inséré. Selon Harley & Noyer (1999) le schèma de l‟item du Vocabulaire se présente comme suit :

Signe <---> contexte d’insertion

Rappelons que les traits phonologiques ne doivent être insérés qu‟au niveau de la structure morphologique car ils ne jouent aucun rôle au niveau de la syntaxe. C‟est la raison pour laquelle l‟on parle en MD de l’insertion tardive des traits phonologiques. En outre, la représentation phonologique sous-jacente et les informations idiosyncrasiques sont fournies par les entrées du Vocabulaire.

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2.2.1. Nature des représentations lexicales

La tâche qui a été assignée au Composant Lexical dans les autres théories, comme la grammaire générative194, par exemple, est distribuée à travers divers autres composants de la grammaire dans le cadre de la MD. La structure interne des expressions est déterminée par la syntaxe et (après la syntaxe) par la morphologie dans le Composant Morphologique à travers des opérations morphologiques de type syntaxique (structure en constituants). Autrement dit, le Composant syntaxique produit des structures arborescentes, où les éléments terminaux sont des traits morphosyntaxiques, qui sont ensuite prises en charge par les opérations morphologiques (fusion, fission, adjonction, appauvrissement). Ce qui explique un certain nombre de discordances entre la structure produite par la syntaxe et la forme phonologique réalisée.

2.2.2. Statut des items du Vocabulaire et distinction lexical/fonctionnel

En MD, le terme morphème réfère au nœud terminal syntaxique (ou morphologique)

et non à la réalisation phonologique de ce nœud terminal. Celle-ci sera fourni ultérieurement par le Vocabulaire. Les morphèmes sont ainsi conçus comme des éléments de la représentation morphosyntaxique. Le contenu des morphèmes actif en syntaxe se présente comme un faisceau de traits syntactico-sémantiques (sans réalisation phonologique).

Au début du travail sur la MD, Halle (1992) avait proposé de faire une distinction entre les morphèmes concrets, pourvus de traits phonologiques et les morphèmes abstraits dont les traits phonologiques ne sont attribués qu‟après la syntaxe. Toutefois, les travaux actuels adoptent l‟insertion tardive. Harley & Noyer (1998) proposent une alternative à la distinction concret/abstrait et distinguent deux types de morphèmes : f-morphèmes et l-morphèmes qui correspondent approximativement à la division conventionnelle entre les catégories fonctionnelles et les catégories lexicales ou classe fermée et classe ouverte. Le contenu des f-morphèmes détermine leur unique expression phonologique sans laisser la

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Il n‟y a pas de Lexique en MD dans le sens en usage dans la Grammaire Générative (GG) : « There is no lexicon in DM, the term’lexical item’ has no significance in the theory, nor can anything be said to ‘happen in the lexicon’, and neither can anything be said to be ‘lexical’ or ‘lexicalized’ » Harley & Noyer (1999)

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possibilité d‟autres choix. Quant aux l-morphèmes, ils sont constitués par un ensemble (paradigme) d‟items susceptibles d‟occuper la même position syntaxique, permettant le choix en Spell-Out.

L‟hypothèse l-morphème (Marantz 1997a, Embick 1997, 1998a, 1998b, Harley 1995, Harley & Noyer 1998a, 1998b, Alexiadou 1998) soutient que les termes traditionnels désignant les éléments de la phrase (Nom, Verbe, Adjectif) n‟ont pas de signification universelle et sont dérivés à partir de morphèmes élémentaires. Les différentes « parties du discours » peuvent être définies comme de simples l-morphèmes, ou radical, en relation avec les f-morphèmes.

Enfin, la MD stipule que la formation des mots est de type syntaxique dans la mesure où la structuration des traits morphosyntaxiques primitifs est prise en charge par des opérations de type syntaxique, leur réalisation phonologique est accomplie ensuite au niveau du Vocabulaire.