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Alors que les variantes du modèle de Kirkpatrick (chapitre 2) et les méthodes d’évaluation du rendement (chapitre 3) centrent l’évaluation sur les résultats d’une formation, d’autres modèles centrent l’évaluation sur son efficacité (training effectiveness), c’est-à-dire sur les variables pouvant influencer ces résultats. Dans cette dernière catégorie, nous identifions 5 principaux modèles.

Le modèle des variables motivationnelles de Noe (1986) se focalise sur les variables individuelles pouvant motiver la personne formée à développer puis utiliser au travail ses apprentissages. Si ce premier modèle dispose d’une bonne assise empirique, il ne tient pas compte de l’influence d’autres catégories de variables sur les résultats d’une forma- tion telles que les variables liées à la qualité de conception de la formation. Le modèle du processus de transfert de Baldwin et Ford (1988) distingue trois catégories de variables : (1) les variables liées à la personne formée, (2) les variables liées à l’environnement de travail et (3) les variables liées à la conception de la formation. Ces variables exercent une influence sur les résultats d’une formation notamment par leurs effets sur le

transfert des apprentissages que l’on peut définir comme l’utilisation sur

la place de travail des connaissances, compétences et comportements développés précédemment en formation. Néanmoins, ce transfert est rarement optimal : seul une faible proportion des dépenses en formation aboutit à un transfert des apprentissages et, par conséquent, à des gains organisationnels. Quant au modèle, les dimensions de résultats qu’il évalue sont peu claires et s’éloignent des niveaux du modèle de Kirkpatrick (1959).

Le modèle d’évaluation de mesures de développement de Holton (1996) re- prend, pour l’essentiel, les variables des deux précédents modèles. Il a servi de base au développement du LTSI, un questionnaire permettant de dé- terminer si l’environnement de travail des personnes formées est favorable ou non au transfert.

4.5 Les variables d’influence liées à l’environnement de travail 155

Le LTSI s’avère mieux adapté à l’évaluation de larges échantillons de formations qu’à une étude approfondie des résultats d’une seule formation. Le modèle de la motivation à se former de Colquitt et al. (2000) est une mise à jour du modèle de Noe (1986) qui intègre toutes les variables connues pour leur influence sur la motivation d’un individu à se former. Malheureusement, du fait du nombre de variables et de relations qu’il contient, ce modèle devient trop complexe pour ser- vir de base à une évaluation simple et légère des résultats d’une formation. Le modèle IMTEE d’Alvarez et al. (2004) fait la synthèse des précédents modèles de Kirkpatrick (1959), de Kraiger (2002) et de Holton (1996). Tout en centrant l’évaluation sur les résultats et les variables d’influence, il intègre la nécessité de simplifier le processus d’évaluation en effectuant une sélection des variables à considérer. En revanche, le choix de ces variables, tout comme leur ordonnancement, peuvent être discutables. Nous tirons de l’analyse de ces modèles les enseignements suivants :

1. Il existe plus d’une trentaine de variables pouvant influencer les ré- sultats d’une formation. Elles peuvent être liées à la personne formée, à son environnement de travail ou à la conception de la formation.

2. Les variables d’influence liées à la personne formée sont majoritaires et les mieux connues. Au contraire, les mécanismes d’influence des variables liées à l’environnement de travail et à la conception de la formation demandent des études complémentaires.

3. Il existe un problème de définition et de délimitation des variables. Une variable dans un modèle peut correspondre à plusieurs variables distinctes dans un autre, ce qui complique la comparaison d’études basées sur des modèles différents.

4. Les influences de ces variables établissent un système complexe. Elles influencent le développement de compétences de la personne formée, le transfert de ces compétences au travail, sa performance au tra- vail ou encore les résultats organisationnels qui en découlent. Elles peuvent aussi s’influencer mutuellement.

156 4 LES VARIABLES INFLUENÇANT LES RÉSULTATS D’UNE FORMATION

5. Les nombreuses études portant sur ces variables produisent des résul- tats qui peuvent s’avérer contradictoires et déconnectés les uns des autres. L’approche quantitative utilisée dans la majorité des études semble expliquer cet état de fait.

6. Il existe encore un manque d’outils ou de méthodes permettant d’évaluer simultanément et de manière suffisamment légère et rigoureuse les résultats de la formation à différents niveaux, d’une part, et la plupart des variables pouvant influencer ces résultats, d’autre part.

A partir de notre revue de la littérature académique, nous identifions quatre principales catégories de variables d’influence liées à la personne formée : (1) sa motivation, (2) sa capacité cognitive, (3) ses attentes vis-à-vis de sa formation et (4) les variables liées à sa personnalité telles que son sentiment d’efficacité personnelle au travail, son locus de contrôle ou son implication au travail.

Nous distinguons également quatre principales variables d’influence liées à la conception de la formation : (5) l’analyse du besoin en formation, (6) la stratégie d’enseignement suivie dans la formation, (7) la pertinence du contenu de la formation et (8) les interventions post-formation poussant la personne formée à gérer soi-même son apprentissage.

Pour finir, nous différencions quatre principales variables d’influence liées à l’environnement de travail de la personne formée : (9) le soutien de son supérieur hiérarchique, (10) le soutien de ses collègues de travail ou de formation, (11) les opportunités de mise en pratique et (12) l’ensemble des autres caractéristiques organisationnelles.

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5 La méthodologie de l’étude

Avec ce chapitre débute la partie empirique de notre étude. Nous y approfon- dissons les composantes du cadre méthodologique présenté dans l’introduction. Au moyen de ce cadre, nous évaluons les bénéfices économiques et les impacts comportementaux de dix formations managériales suisses puis identifions les variables pouvant influencer ces résultats.

Dans la première section, nous décomposons notre question de recherche en trois objectifs opérationnels. Puis, nous expliquons la démarche d’évaluation qualitative et exploratoire suivie pour atteindre ces objectifs : nous nous ap- puyons sur l’étude de cas multiple de plusieurs formations managériales suisses. Nous discutons aussi de la pertinence d’une analyse simultanée de données quantitatives et qualitatives pour l’étude de telles formations.

Dans la seconde partie, nous présentons les étapes, avantages et limites de l’étude de cas multiple en tant que méthode de recherche. Si cette méthode ne permet pas une généralisation statistique des résultats, elle facilite l’étude de phénomènes complexes et favorise l’émergence de nouvelles théories ou pers- pectives de recherches.

La troisième section porte sur le processus de sélection des formations évaluées. Basée sur une logique de réplication, notre étude se veut complémentaire à de précédentes études académiques portant sur les impacts de formations conti- nues en entreprise. Nous présentons également le processus de sélection des dix formations évaluées.

Dans la quatrième partie, nous décrivons le design de recherche suivi pour éva- luer chaque formation. Ce design comprend notamment une phase de récolte des données en deux temps ainsi qu’une stratégie d’isolement des effets de la formation.

Le modèle d’analyse de l’utilité auquel nous avons eu recours pour évaluer les impacts de chaque formation fait l’objet de la cinquième section de ce cha- pitre. Nous expliquons comment, à partir de l’impact sur les compétences de 158 personnes formées, nous avons estimé le rendement des dix formations.

158 5 LA MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE

Dans la sixième partie, nous décrivons l’étude des variables pouvant influencer le rendement d’une formation managériale. Pour identifier ces variables, nous avons réalisé 286 entretiens semi-directifs avec les cadres formés et avec leurs supérieurs hiérarchiques. Nous expliquons comment, à l’aide de matrices, les données qualitatives recueillies durant ces entretiens ont été analysées.

Pour finir, la septième section aborde la problématique du contrôle de la qua- lité des résultats. Pour réaliser ce contrôle, nous nous sommes appuyés sur quatre critères de qualité : la validité de construit, la validité interne, la vali- dité externe et la fiabilité des résultats.