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3.3 Les approches d’évaluation du rendement de la formation

3.3.3 L’analyse de l’utilité ou l’évaluation du rendement par

L’analyse de l’utilité, tout comme l’approche précédente, permet d’évaluer le rendement d’un seul programme de formation. La différence entre les deux ap- proches se situe au niveau des informations servant de base au calcul du rende- ment. Plutôt que d’avoir recours aux indicateurs de résultats organisationnels, l’évaluation du rendement de la formation est réalisé, dans cette approche, sur la base des compétences développées et transférées au travail par les par- ticipants (Raju et al., 1990 ; Schmidt et al., 1982 ; Chochard et Davoine, 2010). On peut définir simplement l’analyse de l’utilité comme étant une famille de théories, de mesures et de modèles conçus pour évaluer, comparer et expliquer les avantages et les limites de différentes décisions (Sturman, 2003 ; Boudreau, 1991). La plupart des modèles d’analyse de l’utilité ont pour objet des déci- sions qui ont trait à des interventions de gestion de ressources humaines, telles que des interventions de formation, d’indemnisation, de promotion interne, de recrutement ou encore de rétention du personnel (Cascio et Boudreau, 2008 ; Russell et al., 1993). Dans le domaine des ressources humaines, l’analyse de l’utilité fait référence à un ensemble de méthodes conçues pour estimer l’im- pact de ces différentes interventions sur la productivité de la main-d’œuvre et, lorsque cette productivité peut être exprimée en valeur monétaire, pour estimer le rendement de ces interventions (Boudreau, 1991 ; Pettersen, 2000). Deux modèles d’analyse de l’utilité ont été développés plus spécifiquement pour l’évaluation du rendement d’une formation :

1. Le modèle SHP de Schmidt, Hunter et Pearlman (1982) est une adap- tation du précédent modèle de Brogden, Cronbach et Gleser (Brogden, 1946, 1949 ; Cronbach et Gleser, 1965) qui servait principalement à l’éva- luation d’interventions de recrutement et de promotion du personnel. Ce modèle détermine l’utilité nette d’une formation sur la base des coûts de la formation, du nombre de personnes formées, de l’effet de la formation sur leur performance au travail, de la durée de cet effet et de la valeur monétaire de variations de performance.

2. Le modèle RBN de Raju, Burke et Normand (1990) est une évolution des deux précédents modèles. Son principal apport est de proposer une

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approche alternative de détermination de la valeur monétaire de varia- tions de performance, la composante la plus difficile à évaluer dans les analyses de l’utilité d’une formation (Law et Minor, 1999).

Dans un premier temps, la mise en application de ces modèles exige d’évaluer le gain de performance au travail des individus suite à leur participation à un programme de formation. Un des moyens pour y parvenir consiste à faire le lien entre les compétences que les personnes ont acquises au cours d’un programme de formation et leur performance dans leurs activités professionnelles (Morrow et al., 1997 ; Cascio et Ramos, 1986). L’approche nécessite ensuite de calcu- ler l’utilité de la formation, c’est-à-dire d’exprimer ce gain de performance en valeur monétaire. En conséquence, le processus d’évaluation d’une formation par analyse de l’utilité suit un processus assez similaire à celui de l’approche précédente (figure 17). Dans la section suivante, nous reviendrons sur les diffé- rents modèles d’analyse de l’utilité en présentant leurs composantes, apports et limites.

Fig. 17: L’évaluation du rendement par analyse de l’utilité : processus d’évaluation

Isolement de l'effet de la formation Conversion de l'impact en valeur monétaire Calcul du ROI Evaluation de l'impact sur les compétences Dévelop- pement de l'instrument d'évaluation Collecte de données organiation- nelles Evaluation des compétences avant la formation Evaluation des compétences après la formation

1. Planification de l'évaluation 2. Collecte des données 3. Analyse des données Source : tiré de Chochard, 2010, p.13

L’analyse de l’utilité permet de dépasser quelques-unes des limites de l’ap- proche précédente, telles la lourdeur du processus de l’évaluation ou l’estima- tion d’un ROI partiel car basé sur une partie seulement des données récol- tées, celles que l’on peut quantifier. L’évaluation est plus légère car les phases de préparation et de récolte de données sont aisées et courtes à réaliser. En outre, l’analyse de l’utilité facilite aussi l’évaluation du rendement de forma- tions visant le développement de compétences dites « soft », telles que des compétences managériales, personnelles ou sociales car elle ne nécessite pas la récolte de données monétaires sur la performance de l’organisation. De plus, le

ROI final prend aussi en compte les « bénéfices intangibles » puisqu’il s’estime

sur la base de l’ensemble des données récoltées. Par conséquent, les ROI calcu- lés de cette manière sont facilement comparables (Chochard et Davoine, 2010).

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L’analyse de l’utilité a aussi été pensée comme outil d’aide à la décision (Cas- cio et Boudreau 2008 ; Sturman, 2003 ; Cabrera et Raju, 2001). En centrant l’évaluation sur l’observation directe du développement du capital humain, c’est-à-dire sur l’observation des compétences formées et de leur mobilisation dans le travail, elle produit de l’information variée qui facilite l’interprétation du ROI obtenu et rend possible une comparaison à plusieurs niveaux des effets de différentes formations.

La principale limite de cette approche est que la signification du ROI est moins habituelle pour un gestionnaire qui s’attend à ce qu’il reflète les im- pacts directs de la formation sur la performance de l’organisation, tels que la réduction de coûts de production, la réduction du nombre de produits défec- tueux ou la diminution de coûts liés à l’absentéisme (Bailey, 2007 ; Skarlicki et al., 1996). Néanmoins, le ROI mesuré par cette approche reflète la valeur des compétences développées par les personnes formées, valeur qui va déterminer leur contribution à la performance de l’organisation.

Après avoir donné un exemple d’application de l’analyse de l’utilité comme approche du rendement de la formation, nous revenons dans la section suivante sur les différents modèles d’analyse de l’utilité existants et présentons leurs composantes, leurs avantages et leurs limites.

Encadré 4. Exemple d’application de l’évaluation du rendement basée sur l’analyse de l’utilité : L’évaluation de 18 formations d’une grande entreprise pharmaceutique nord-américaine (1997)

Au moyen de l’analyse de l’utilité, Morrow, Jarrett et Rupinski (1997) com- parent le rendement et l’impact sur les compétences de 18 formations d’une grande entreprise pharmaceutique nord-américaine : 12 formations managé- riales (p. ex., sur le management, le leadership, la résolution de problème), 5 formations techniques (p. ex., sur le management du temps, la communica- tion écrite ou le contrôle d’énergies dangereuses) et 2 formations commerciales (sur la vente de produits et sur le management du territoire).

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Grâce à l’analyse de l’utilité, les chercheurs comparent les coûts, l’impact potentiel sur la performance des collaborateurs, l’impact réel sur leurs com- pétences, l’utilité et le ROI des 18 formations. Durant la phase d’analyse des données, ils isolent l’impact de la formation sur les compétences au moyen d’un groupe de contrôle puis le convertissent en valeur monétaire grâce la technique du CREPID que nous présentons plus loin dans ce chapitre (Cascio et Boudreau 2008 ; Cascio et Ramos, 1986).

Concernant le rendement de la formation, les chercheurs constatent que toutes les formations techniques et commerciales s’avèrent rentables, avec des ROI se situant entre 33% et 1989%. Par contre, la moitié des formations managériales entrainent des pertes, avec des ROI de -36% à -129%. Les scientifiques en concluent que le rendement des formations managériales tend à être plus faible que celui des formations commerciales ou techniques, ce qui corrobore les observations faites par Burke et Day (1986) quelques années auparavant. Les résultats permettent également de comprendre les résultats négatifs. Un ROI négatif s’interprète comme un impact trop faible de la formation sur les compétences compte tenu de ses coûts. Or les formations managériales ont en moyenne un impact plus faible sur les compétences et des coûts plus élevés. Les formations pour cadres dirigeants et cadres de laboratoire paraissent même avoir un effet négatif sur les compétences, ce qui signifie que les personnes formées suivent moins souvent un comportement souhaité après la formation qu’ils ne le faisaient auparavant.

Enfin, les résultats indiquent qu’il est possible d’améliorer le rendement des formations managériales, puisque leur potentiel d’impact sur la performance des cadres formés est plus élevé que la moyenne. En effet, les résultats montrent qu’elles touchent un spectre de compétences plus large. Elles peuvent donc aider le cadre formé à réaliser de manière plus efficace une bonne partie de ses activités professionnelles. En stimulant le développement de certaines compétences-clés, il est possible d’améliorer sensiblement le rendement de ces formations.