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Les modèles présentés dans les sections précédentes mettent en évidence la place centrale de la variable SDy dans les équations d’utilité. Dans les mo-

dèles SHP et RBN, elle reflète la différence de performance au travail obser- vée entre les personnes formées. Dans d’autres modèles d’utilité, elle reflète une différence de performance entre des personnes recrutées (par exemple, entre les personnes recrutées au moyen d’un test et les personnes recrutées au hasard). Plus précisément, la variable SDy correspond à la valeur d’un écart type de

différence de performance, valeur qui peut être exprimée en dollars ou en CHF. Sa valeur demeure toutefois difficile à déterminer. C’est pourquoi nous passons ici en revue les méthodes développées pour y parvenir.

3.5.1 L’approche comptable

Dans les années 1960 et 1970 apparaissent des travaux scientifiques connus sous le nom de « comptabilité des ressources humaines » qui ont pour objec- tif d’évaluer la valeur nette de la production d’un employé (Struman, 2003). L’asset method, estime la valeur présente de l’ensemble des biens et services qu’un employé fournira durant la période où il restera dans l’entreprise. Après avoir effectué ces estimations pour l’ensemble des employés, il ne reste plus qu’à calculer l’écart type de la distribution obtenue pour connaître SDy. Une

autre méthode, connue sous le nom de cost method, estime le coût de rempla- cement d’un employé ou d’un groupe d’employés par un autre groupe capable d’apporter la même valeur à l’entreprise.

Malheureusement, ces manières de procéder s’avèrent être extrêmement com- pliquées, même pour des postes relativement simples (Hoff Macan et High- house, 1994). Les résultats de telles démarches s’avèrent marquées d’un trop fort degré d’arbitraire et de subjectivité (Pettersen, 2000, p. 31-32 ; Schmidt et al., 1979). Pour ces raisons, la comptabilité des ressources humaines perd en po- pularité dans le milieu des années 1970 et de nouvelles méthodes d’estimation demandant beaucoup moins d’efforts sont développées (Cascio et Boudreau, 2008, p.203).

3.5 Les méthodes d’estimation monétaire de l’écart-type de la performance SDy 111

3.5.2 L’estimation globale par des experts

Une autre méthode d’estimation consiste à demander directement à des ex- perts d’attribuer une valeur à la performance au travail (Hunter et Hunter, 1984). Schmidt et al. (1979) proposent de demander à des supérieurs hiérar- chiques de juger ce que vaut pour l’organisation une différence de rendement d’un écart-type (SDy) de leurs subordonnés. Selon ces chercheurs, c’est en ef-

fet les supérieurs hiérarchiques directs qui sont les mieux placés pour observer, dans le quotidien, les variations de rendement de leurs employés (Pettersen, 2000, p.32). Plus précisément, on leur demande d’évaluer la valeur du travail réalisé par un employé moyen, c’est-à-dire par un employé dont le rendement est meilleur que celui de 50% des employés. Puis on les invite à évaluer le ren- dement d’un bon employé, meilleur que 85% de ses collègues et, parfois, celle d’un employé plus faible, meilleur que 15% de ses collègues seulement. Si le rendement suit une distribution normale, les performances du bon employé, de l’employé moyen et de l’employé plus faible diffèrent d’une écart-type environ (SDy).

Pour faciliter la tâche de l’évaluateur, on peut parfois lui demander ce qu’au- rait coûté à l’organisation la fabrication du même produit ou service. On fait également en sorte que l’évaluation soit réalisée par plusieurs supérieurs hié- rarchiques afin de limiter les biais et erreurs de mesure. Cette méthode, tout comme les méthodes suivantes, a l’avantage d’être plus simple et plus facile- ment utilisable dans un environnement organisationnel (Greer et Cascio, 1987). Cependant, cette méthode comporte quelques limites : (1) les personnes inter- rogées trouvent souvent difficile de donner une valeur monétaire à différents niveaux de rendement et (2) il peut y avoir de grandes différences d’évaluation d’un expert à l’autre car (3) on ne sait pas vraiment comment chaque expert arrive à son résultat (Pettersen, 2000, p.32-33).

3.5.3 L’estimation à partir de la rémunération (règle des 40%)

Cette méthode, la plus simple, consiste à prendre comme estimation de SDy la

valeur représentant 40% du salaire moyen (Cascio et Boudreau, 2008, p.203). Comment les chercheurs sont-ils arrivés à cette proportion ? Sur la base d’une série d’études empiriques, Schmidt et Hunter (1983 ; 1998) ont estimé que SDy

correspondait à une proportion pouvant aller de 40% à 70% du salaire annuel moyen, la limite inférieure représentant la valeur pour des emplois demandant

112 3 L’ÉVALUATION DU RENDEMENT DE LA FORMATION

un faible niveau de qualification et la limite supérieure des emplois demandant un fort niveau de qualification. Dans le modèle RBN (1990), où la variable

SDy est remplacée par l’expression A‡Rt, le paramètre A correspond au sa- laire annuel moyen alors que la variable ‡Rt correspond au pourcentage de ce salaire à prendre en considération, variant de 40% à 70% selon le métier considéré (Raju et al., 1990).

Hunter, Schmidt et Judiesch (1990) ont également lié le salaire moyen à la valeur moyenne de la production. Comme ils ont estimé que, dans l’économie américaine, les charges salariales annuelles représentent approximativement 57% de la valeur totale de la production de cette même année, ils en ont déduit que SDy valait entre 20% et 35% de la valeur totale des biens et des services

produits. A titre d’exemple, pour des opérateurs de machines, la valeur de

SDy représente environ 20% de la valeur moyenne des biens et services qu’ils

produisent, pour des vendeurs, de 22% à 36% et pour des physiciens, de 47% à 52%. Boudreau (1991) a testé ces deux règles et a conclu que la règle du 40% du salaire annuel avait tendance à surévaluer SDy, alors que la règle du 20%

de la valeur des biens et services produits était plutôt conservatrice. Ces deux règles, simples d’utilisation, demandent cependant à l’évaluateur de choisir une règle avec le risque de prendre une valeur qui peut parfois ne pas convenir à la situation (Pettersen, 2000, p.35).

3.5.4 L’estimation individuelle CREPID

La méthode CREPID, ou Cascio-Ramos Estimate of Performance In Dollars est une procédure complexe et détaillée pour estimer la valeur de SDy à partir

de la rémunération et du descriptif de poste d’un employé. Elle se compose d’une phase d’analyse du poste de travail et d’une phase d’appréciation de la performance (Cascio et Ramos, 1986). Elle peut être résumée de la manière suivante :

1. Le poste de travail de l’employé est décomposé en ses principales activi- tés, une dizaine généralement.

2. Chaque activité est pondérée selon son importance, le temps qu’elle de- mande et la fréquence avec laquelle elle est exécutée.

3.5 Les méthodes d’estimation monétaire de l’écart-type de la performance SDy 113 rémunération annuelle de l’employé sur chacune de ses activités au pro- rata de leur pondération.

4. A ce point-ci débute la phase d’appréciation de la performance. Le ren- dement de l’employé est évalué pour chacune de ses activités sur une échelle de 0.00 (rendement nul) à 2.00 (rendement maximum) où 1.00 indique un rendement moyen. Ce rendement est généralement évalué par le supérieur hiérarchique de l’employé.

5. A ce niveau, à chaque activité correspondent une valeur monétaire (point 3) et un niveau de rendement (point 4). L’étape suivante consiste à mul- tiplier ces deux variables pour transformer les évaluations de rendement en valeur monétaire.

6. La valeur totale du rendement du collaborateur s’estime en additionnant les rendements par activité du point 5. La rémunération étant annuelle, la valeur obtenue correspond à la valeur du rendement du collaborateur pour une année.

7. Sur l’ensemble des collaborateurs d’un échantillon, la valeur de rende- ment moyenne devrait correspondre approximativement au niveau moyen de rémunération et l’écart type autour de cette moyenne devient l’esti- mation de SDy.

Cette approche offre l’avantage de rendre plus explicite le processus d’évalua- tion des employés et l’estimation de leur rendement. Elle donne des estimations de SDy plus basses que celles du modèle précédent où la valeur de SDy se si-

tue juste en dessous de 40% du salaire annuel. Ces estimations comportent moins de variations et reflètent davantage les valeurs obtenues par l’approche comptable.

Plusieurs auteurs trouvent cependant l’approche du CREPID lourde et coû- teuse (Pettersen, 2000, p.34). Remarquons enfin que dans le modèle RBN, la variable SDy est remplacée par l’expression A‡Rt ce qui, de l’avis de Raju et al. (1990), simplifie la méthode CREPID. Dans ce contexte, le paramètre A correspond alors à la rémunération annuelle moyenne versée pour les activi- tés touchées par la formation et l’expression ‡Rt correspond à l’écart-type du rendement moyen des collaborateurs sur l’ensemble de leurs activités profes- sionnelles (Raju et al., 1990). Néanmoins la distinction de ces deux variables au

114 3 L’ÉVALUATION DU RENDEMENT DE LA FORMATION

sein de la méthode CREPID ne la rend pas véritablement plus facile à exécuter. En conclusion, plusieurs approches existent pour évaluer le rendement d’une formation. Dans ce chapitre, nous avons présenté le processus d’évaluation, les avantages et les limites propres à chacune de ces approches. Nous avons lon- guement développé l’analyse de l’utilité, une approche appuyant l’évaluation du rendement sur les compétences des personnes formées. Si les deux modèles d’analyse de l’utilité SP H et RBN s’avèrent proches, ils nécessitent de choisir une méthode d’estimation de la variable SDy, la variable au centre des deux

modèles. Nous avons donc présenté les avantages et limites des quatre princi- pales méthodes d’estimation de cette variable car il convient de les mettre en balance avant toute intervention d’évaluation.

3.5 Les méthodes d’estimation monétaire de l’écart-type de la performance SDy 115

3.6 Synthèse sur l’évaluation du rendement de la