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2.1 Le modèle à 4 niveaux de résultats de Kirkpatrick (1959)

2.1.4 Les limites du modèle

Si le modèle de Kirkpatrick est devenu une référence incontournable pour cher- cheurs et praticiens, plusieurs critiques ont été adressées à son encontre. Voici les principales limites du modèle soulevées par la communauté scientifique.

Un modèle incomplet Malgré l’enrichissement progressif du modèle réalisé

par Kirkpatrick, une première limite fréquemment soulevée est son manque de clarté et son caractère incomplet. Ainsi pour Kraiger, Ford et Salas (1993), certains niveaux ne sont pas assez bien définis. Ils soulignent notamment un manque de clarté dans le développement du processus d’évaluation des ap- prentissages (niveau 3). Selon eux, Kirkpatrick oublie de faire la nécessaire

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distinction entre connaissances, compétences et comportements et, par consé- quent, ne différencie pas les techniques qu’il convient d’utiliser pour évaluer chacune de ces dimensions.

Bates (2004) considère quant à lui que le modèle à 4 niveaux offre une vision trop simpliste de l’évaluation des effets d’une formation car il néglige l’influence d’un ensemble de variables externes sur les résultats. De nombreuses variables individuelles, organisationnelles ou environnementales peuvent influencer l’ef- ficacité d’une formation (Baldwin et Ford, 1988). Or, selon Bates, le modèle fait l’hypothèse implicite qu’une étude de ces variables n’est pas essentielle à une évaluation pertinente des effets d’une formation.

En complément, Kraiger, McLinden et Casper identifient deux autres faiblesses du modèle (2004) : (1) les bases théoriques du modèle ignorent tout des théo- ries cognitivistes des années 70 et 80 ; (2) tout comme pour l’apprentissage, plusieurs construits utilisés dans le modèle, tels que la satisfaction, ne sont pas clairement définis et se révèlent plus complexes à évaluer qu’il n’y paraît.

Des relations de causalité controversées Une seconde limite du modèle concerne les relations de causalité existant entre les niveaux de résultats. Bien qu’elles paraissent pleines de bon sens, elles n’ont pas toujours été confirmées par la recherche. Par exemple, il semble qu’une grande satisfaction des participants (niveau 1) ne soit pas toujours une condition nécessaire à un apprentissage im- portant (niveau 2), comme l’ont démontré les deux méta-analyses d’Alliger et Janak (1989) et d’Alliger, Tannenbaum, Bennett, Traver et Shotland (1997). Ces deux recherches, qui ont analysé les résultats d’études de formations éva- luées à différents niveaux, ont conclu à l’absence d’un lien de causalité linéaire entre ces différents niveaux. De même, Warr, Allan et Birdi (1999) rappellent toute la problématique liée au transfert des apprentissages sur la place de tra- vail : la performance des participants mesurée durant la formation (niveau 2) ne permet pas toujours une bonne estimation de leur performance après la formation, une fois de retour sur leur place de travail (niveau 3).

Cette limite semble cependant à nuancer. En effet, des études récentes (Bou- teiller et Cossette, 2007 ; Leach et Liu, 2003) ont validé l’existence de ces relations de causalité dans certains cas de formations. En prenant en considé- ration l’effet modérateur de différentes variables externes, elles ont pu mettre

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en évidence le fait que le nombre de connaissances acquises durant la formation influençaient bel et bien le degré de transfert au travail de ces connaissances qui influençait à son tour les résultats organisationnels découlant de la formation.

Une hiérarchisation des résultats arbitraire Enfin, comme nous l’avons vu, le modèle suppose que l’information récoltée à un niveau donné est plus utile pour l’évaluateur que celle récoltée au niveau précédent. Or, comme le soulignent Bates (2004) ou Lee et Pershing (2002), les résultats d’évaluations réalisées sur la base de ce modèle ne permettent pas de confirmer cette hypothèse. Il peut arriver que l’information la plus utile à une organisation soit l’avis des participants sur la formation qu’ils viennent de suivre (niveau 1).

Bernthal (1995 dans Tamkin, Yarnall et Kerrin, 2002, p.4) rappelle cependant que cette hiérarchie n’existait pas dans la première version du modèle. Pour Alliger et al. (1997), cette seconde hiérarchie est née de mauvaises interpré- tations et de généralisations trop poussées du modèle. Quoiqu’il en soit, cette hiérarchie de l’information semble actuellement répondre à un besoin des pro- fessionnels en formation, car elle permet de légitimer une évaluation formelle et plus poussée des formations qu’ils mettent en place.

En raison des limites évoquées ci-dessus, Holton (1996) considère que le modèle de Kirkpatrick est plus une taxonomie qu’un modèle, c’est-à-dire une simple classification des résultats d’une formation dont l’utilité dans le cadre d’une étude scientifique est limitée. Selon lui, un bon modèle devrait mieux définir et valider ses construits sous-jacents et tenir compte des variables intermédiaires pouvant jouer un rôle entre l’apprentissage et le transfert.

Une évaluation de tous les niveaux très rare Une dernière limite du modèle concerne sa mise en application. Malgré la recommandation de Kirkpatrick, plusieurs chercheurs constatent que les organisations ne réalisent pratiquement jamais une évaluation de leurs formations sur l’ensemble des 4 niveaux (Hol- ton, 1996 ; Aliger et al., 1997). Si les évaluations aux niveaux des réactions et des apprentissages sont fréquentes, l’évaluation au niveau des résultats opéra- tionnels et financiers demeure très rare car trop complexe (Goldwasser, 2001 dans Beaupré et al., 2007, p.16).

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réactions et des apprentissages des participants à une formation, plusieurs chercheurs estiment qu’il n’est pas assez assez pertinent pour l’évaluation des impacts d’une formation sur la performance organisationnelle (Collins et Hol- ton, 2004). Plusieurs variantes du modèle ont depuis vu le jour pour combler cette lacune.