• Aucun résultat trouvé

2.11 Enseignements tirés de l’analyse des modèles

2.11.3 Les dimensions d’une formation pertinentes à évaluer

Nous pouvons enfin retirer de la comparaison des modèles plusieurs dimensions d’une formation qui nous paraissent pertinentes à évaluer.

L’impact sur le comportement au travail des personnes formées Nous pouvons constater que les impacts, résultats ou produits d’une formation occupent une place importante dans tous les modèles étudiés, même dans ceux centrés sur le processus de formation. Parmi ces impacts, les effets de la formation sur

70 2 LES MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA FORMATION

le comportement au travail des personnes formées nous paraissent être une dimension particulièrement importante à évaluer. En effet, cette dimension, souvent nommée comportements ou transfert des apprentissages, fait l’objet d’une évaluation spécifique dans les modèles de Kirkpatrick (1959), de Ham- blin (1974), OEM de Kaufman et al. (1995), d’impact sur les affaires de Mo- lenda et al. (1996), du ROI de Phillips (1997), de la valeur ajoutée de Kearns et Miller (1997) et de prise de décision de Kraiger (2002). Ces chercheurs re- commandent l’évaluation de cette dimension car tous reconnaissent l’influence majeure qu’aura par la suite la modification du comportement au travail des personnes formées sur le niveau de bénéfices dégagé par la formation.

Le rendement de la formation Le rendement de la formation, c’est-à-dire la relation entre les bénéfices produits par la formation et les ressources finan- cières engagées, est une autre dimension qui nous paraît pertinente à évaluer. On retrouve cette dimension dans les modèles de Hamblin (1974), du ROI de Phillips (1997), d’impact sur les affaires de Molenda et al. (1996), de la valeur ajoutée de Kearns et Miller (1997) et de prise de décision de Kraiger (2002). Ces scientifiques considèrent qu’il s’agit de l’information la plus utile pour les professionnels de la formation et les responsables RH car elle leur permettra de démontrer la valeur ajoutée des activités de formation qu’ils mettent en place. En parlant le même langage financier que les preneurs de décision et démontrant l’efficacité de leurs actions, ils pourront s’assurer de disposer à l’avenir de ressources budgétaires suffisantes pour leurs activités. Ces scienti- fiques reconnaissent aussi que l’évaluation du rendement de la formation exige des méthodes d’évaluation particulières. Ces méthodes font l’objet du prochain chapitre de cette thèse.

Les variables pouvant influencer les résultats de la formation Il nous paraît enfin judicieux d’étudier les différentes variables internes ou externes à la for- mation susceptibles d’en faire varier les résultats. Une telle évaluation doit permettre de comprendre pourquoi les résultats d’une formation sont bons ou mauvais. Les modèles passés en revue identifient plusieurs de ces variables contextuelles. Ainsi, dans les modèles CIRO de Warr et al. (1970), de Hamblin (1974), du ROI de Phillips (1997), d’impact sur les affaires de Molenda et al. (1996) et de prise de décision de Kraiger (2002), la qualité des résultats obte- nus dépendra de la manière dont les objectifs ont été définis (1revariable) et de

2.11 Enseignements tirés de l’analyse des modèles 71

variable). Quant aux modèles CIPP de Stufflebeam (1971) et IPO de Bushnell (1990), ils suggèrent que la manière dont se déroule la formation (3e variable)

aura une influence majeure sur tous les résultats générés par la formation. Cependant, une limite de ces modèles est qu’ils ne prennent en considération que les variables d’influence « internes », c’est-à-dire en lien plus ou moins direct avec le processus de formation. Or la recherche a démontré que d’autres variables, « externes » au processus de formation et liées au participant ou à son environnement de travail, pouvaient également influencer les résultats d’une formation (Burke et Hutchins, 2007). Plusieurs modèles ont ainsi été développés pour centrer principalement l’évaluation d’une formation sur ces variables et non plus sur les résultats ou le processus de formation (p. ex., le modèle de Baldwin et Ford, 1988). Ces modèles alternatifs sont l’objet du chapitre 4 de cette thèse.

72 2 LES MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA FORMATION

2.12 Synthèse sur les modèles d’évaluation de la

formation

Il existe une multitude de modèles pouvant guider l’évaluateur dans son étude d’une formation. Suite à une analyse de la littérature académique, nous identifions dix principaux modèles que l’on peut regrouper en deux catégories : (1) les modèles centrés sur les résultats, qui suggèrent d’évaluer en priorité les différents types de résultats que peut produire une formation, et (2) les modèles centrés sur les processus, qui invitent à porter l’évaluation sur d’autres éléments d’une formation tels que les besoins auxquels elle répond ou la manière dont elle a été conçue. S’il est parfois difficile de juger de la qualité d’un modèle, nous avons identifié différents apports et limites pour chacun des dix modèles.

Parmi les modèles centrés sur les résultats, le modèle de Kirkpatrick (1959) a le mérite de simplifier le processus d’évaluation en distinguant les différents résultats produits par une formation. Ils propose aussi des solu- tions pour réaliser une évaluation de chaque résultat. Malheureusement, il demeure incomplet à certains niveaux et rarement complètement appliqué. Le modèle de Hamblin (1974) préconise l’évaluation du rendement de la formation en insistant sur l’utilité de comparer les objectifs initialement fixés avec les résultats obtenus. Il explique également l’importance de réaliser une évaluation à plusieurs niveaux. Cependant, il paraît peu utilisé par les praticiens à l’heure actuelle.

Le modèle du ROI de Phillips (1997) suggère d’utiliser le retour sur investissement (ROI) comme indicateur du rendement de la formation. Il énumère toutes les étapes nécessaires à l’évaluation de ce ROI, de la planification de l’évaluation à l’analyse des résultats. Ce processus d’évaluation reste malgré tout long, complexe et coûteux.

Le modèle OEM de Kaufman et al. (1995) invite lui aussi à réaliser une évaluation du rendement et élargit les cibles de l’évaluation à la contribu- tion de la formation pour les clients de l’organisation et la société dans laquelle elle évolue. Malheureusement, il ne donne que peu d’indications sur la manière d’évaluer cette contribution.

2.11 Enseignements tirés de l’analyse des modèles 73

Le modèle d’impact sur les affaires de Molenda et al. (1996) abandonne la double hiérarchisation des résultats et préconise une évaluation du rendement ainsi que de l’impact de la formation sur la société. Cependant, la description de ses différents éléments est moins développée que dans les précédents modèles.

Le modèle KPMT de la valeur ajoutée de Kearns et Miller (1997) pré- conise de centrer l’évaluation sur les résultats financiers d’une formation et décompose le processus d’évaluation en neuf étapes. Il invite aussi à s’intéresser aux valeurs et pratiques de l’organisation. En revanche, il élude le problème d’isolation des effets de la formation.

Le modèle basé sur la prise de décision de Kraiger (2002) propose de réfléchir sur les objectifs visés par l’évaluation et de ne récol- ter que l’information utile à l’atteinte de ces objectifs. Néanmoins, il ne tient pas compte de toutes les variables pouvant influencer les résultats. Parmi les modèles centrés sur les processus, le modèle CIRO de WARR et al. (1970) élargit les cibles de l’évaluation à la manière dont la formation a été conçue et donnée et a été appliqué à l’évaluation de formations managériales. En revanche, sa hiérarchisation des résultats est discutable. On peut considérer le modèle CIPP de Stufflebeam (1971) comme le modèle le plus abouti de la seconde catégorie. Il permet de réaliser si- multanément une évaluation formative, qui influence la qualité de chaque phase du processus de formation, ainsi qu’une évaluation sommative, qui analyse de manière rétrospective la valeur ou l’utilité d’une formation donnée. Bien qu’il soit régulièrement mis à jour, il nécessite un processus d’évaluation très lourd et coûteux.

Enfin le modèle IPO de Bushnell (1990) invite lui aussi à une évaluation du rendement de la formation. Malheureusement, la présentation détaillée de tous ses éléments n’a encore jamais fait l’objet d’une publication aca- démique.

74 2 LES MODÈLES D’ÉVALUATION DE LA FORMATION

Il ressort de la comparaison des modèles trois principales dimensions d’une formation qui nous paraissent pertinentes à évaluer :

1. Les effets de la formation sur le comportement au travail des per- sonnes formées est une dimension apparaissant dans 7 des 10 mo- dèles évalués. De nombreux scientifiques reconnaissent que c’est à ce niveau que se joue le succès d’une formation. En effet, les bé- néfices dégagés par une formation ne seront importants que si le changement de comportement est important. Mais l’impact d’une formation sur les comportements est très variable. De plus, de nom- breuses variables, internes et externes à la formation, vont influencer cet impact.

2. Le rendement de la formation est une dimension qui apparaît net- tement dans 5 des 10 modèles. Il est considéré par de nombreux scientifiques comme l’information la plus utile pour les gestionnaires de la formation car elle les aide à démontrer aux dirigeants la valeur ajoutée des activités de formation qu’ils mettent en place.

3. Différentes variables pouvant influencer ces résultats apparaissent dans 7 des 10 modèles. Ces variables correspondent aussi bien à la manière dont les objectifs ont été définis, à l’adéquation de ces objectifs avec les ressources investies dans la formation qu’à la qualité du déroulement de la formation. L’identification de ces variables et l’évaluation de leurs effets permettent de comprendre pourquoi les résultats d’une formation sont bons ou mauvais. Pour terminer, il apparaît que de nombreuses autres variables peuvent influencer les résultats d’une formation. Les modèles présentés dans ce chapitre ne les recensent pas toutes. Plusieurs modèles alternatifs centrent davantage l’évaluation de la formation sur ces variables. Ils font l’objet du chapitre 4 de cette thèse.

75

3 L’évaluation du rendement de la formation

Après avoir évoqué dans le chapitre précédent les différents impacts, résultats ou produits d’une formation, nous abordons, dans ce chapitre, le thème de l’évaluation de ses résultats financiers et de son rendement.

Cette thématique est pertinente du point de vue des responsables des organisa- tions suisses et internationales qui n’évaluent encore que rarement les impacts de leurs formations à ce niveau. Si 60% des entreprises suisses disent procéder à une évaluation formelle des impacts de leurs formations, cette évaluation se limite à l’analyse des réactions des participants (Hanhart, Schulz, Perez, Diagne, Meier et Strobel, 2004). L’étude des pratiques en Amérique du Nord, où l’on dispose de chiffres plus précis à ce niveau, aboutit à des conclusions similaires. Aux Etats-Unis, alors que plus de 90% des entreprises mesurent la satisfaction des participants, seul 8% d’entre elles évaluent les résultats orga- nisationnels de leurs formations et elles ne sont plus que 2% à en estimer le rendement (ASTD, 2005 dans Noe, 2010, p.229). De même, Saks et Haccoun (2007, p.336) relèvent que 8% seulement des entreprises canadiennes procèdent à une évaluation de leurs investissements en formation.

Cette situation peut s’expliquer par un coût de l’évaluation élevé, une durée de l’évaluation importante, une absence de compétences d’évaluation au sein de l’équipe RH, la peur de conséquences négatives résultant d’une évaluation faible ou l’inutilité perçue des résultats de l’évaluation (Bélanger et Robitaille, 2008 ; Dunberry et Péchard, 2007 ; Hanhart, 2007 ; Alvarez et al., 2004 ; Twit- chell et al., 2000). Ce constat nous amène à nous poser les questions suivantes :

> Comment réaliser une mesure financière de l’impact organisationnel d’une formation ?

> Quelle approche peut-on suivre pour réaliser une évaluation du rende- ment d’une formation qui soit pertinente ?

Pour y répondre, nous commençons par définir le concept de rendement de la formation puis par présenter les principaux indicateurs de mesure de ce rende- ment. Nous passons ensuite en revue les différentes approches permettant de l’évaluer. Nous terminons cette revue par la présentation détaillée des différents modèles liés à l’analyse de l’utilité, une approche d’évaluation du rendement basée sur les compétences développées par les participants à la formation.

76 3 L’ÉVALUATION DU RENDEMENT DE LA FORMATION