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7. ANALYSE DES DONNEES ET DISCUSSION

7.4 Synthèse positionnement à l’entrée en formation

C’est l’objectif EVE en soi qui a suscité des résistances auprès des candidats en début de formation, car ils n’en perçoivent pas l’utilité par rapport à leur situation personnelle.

Concernant la première tâche P.I.E. : aborder des inconnus, notre analyse met en exergue l’importance d’accorder de la valeur à la tâche et de se sentir en capacité de l’exécuter afin de s’y engager (cf. 3.2.2.1, a). Par conséquent, lorsque l’une ou l’autre de ces dimensions fait défaut ou est peu présente, comme nous l’avons observé chez les quatre candidats interviewés, ceci va impacter négativement sur la motivation, voire inhiber l’action, on l’a vu avec Gaelle. Quand l’adulte se retrouve dans cette situation, il peut :

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 compenser une dimension par une autre (cf. 3.2.2.1, c) : un SEP élevé a permis à Joe et Ana de remédier au manque d’intérêt et/ou d’utilité pour la tâche et de l’accomplir.

 mettre en place des stratégies : Paola est ainsi allée au bout de la tâche malgré un SEP faible. Mais l’exercice est particulièrement coûteux, car son état émotionnel, l’une des sources de l’élaboration du SEP (cf. 3.2.2.1, b), se manifeste négativement et inhibe l’action.

En ce qui a trait au positionnement vis-à-vis du stage et de la méthodologie de recherche mobilisée, à l’exception de Paola, les trois autres candidats n’y adhèrent pas. Le stage ne s’inscrit pas dans un but personnel et leurs cibles professionnelles sont peu propices à la démarche P.I.E. En ce qui concerne l’importance, tous désirent quitter leur identité actuelle de « sans emploi » et accéder à celle de « travailleur ». L’identité de stagiaire n’est ainsi pas visée. Pour Joe, se présenter dans des entreprises où il est susceptible de rencontrer d’anciens collègues et proposer ses services dans le cadre d’un stage, le met dans une posture particulièrement inconfortable. Cette tâche le renvoie à une image de soi déplaisante « bénéficiaire de l’Hospice Général » qu’il souhaite dissimuler, car elle risquerait de compromettre des projets futurs. L’intérêt intrinsèque est moindre pour le démarchage des entreprises pour ces trois candidats, d’autant plus que le sentiment d’autodétermination est faible chez Joe et Ana, contrairement à Gaelle. Le coût lié à l’accomplissement de la tâche est émotionnel pour Joe au vu des tensions qu’il doit gérer. Il en va de même pour Paola. Bien que celle-ci perçoive la valeur de l’activité, elle rencontre de nombreuses difficultés lors des recherches. Le coût est probablement aussi temporel pour Joe et pour Gaelle, au vu de sa situation, ainsi que pour Ana qui, par moment, peut avoir l’impression de perdre son temps.

Ainsi à ce stade, la réticence au stage provient avant tout du fait qu’il ne correspond pas à un but personnel. D’autre part, les modalités du stage : sa durée (trop courte ou trop longue) et l’absence de rémunération sont perçues comme contraignantes. Et selon les profils des candidats, il n’est pas considéré comme une option en vue de faciliter l’insertion professionnelle. Quant à la méthodologie « le porte-à-porte sur le terrain », elle est perçue comme non adaptée à certaines cibles professionnelles.

Par conséquent, la perception de la valeur du stage et sa recherche sur le terrain est faible pour Joe, Ana et Gaelle. C’est pourquoi, là encore, un SEP élevé dans la réalisation de la tâche peut compenser cette dimension et pousser à l’action, ceci est le cas pour Ana. Quant à Joe,

67 les tensions autour de la mise en œuvre de cette activité influent négativement sur la perception de ses compétences. Paola, contrairement à la première tâche de la P.I.E., semble y trouver de l’intérêt. Toutefois les données relevées nous font penser que son SEP fluctue selon les expériences vécues et les moments de la formation ; elle est parfois découragée puis reprend confiance en elle. La dimension sociale y est pour beaucoup dans le maintien d’un SEP favorable. Le groupe est d’un grand soutien tout comme le formateur et le conseiller, qu’elle considère comme des coachs qui fournissent des conseils réguliers et soutiennent les démarches en appuyant par exemple un dossier de candidature.

Par conséquent, bien que pour ces deux tâches l’interaction des construits motivationnels (perceptions de la valeur, de ses compétences et de son autonomie) soit défavorable à l’engagement en formation (sauf peut-être chez Paola lors de la P.I.E. terrain), à l’exception de Gaelle, tous effectuent la première tâche et se rendent à un moment ou à un autre sur le terrain afin de démarcher les entreprises. Nous pouvons donc conclure que lorsque les construits motivationnels ne sont pas systématiquement favorables, d’autres paramètres favorisent l’action à l’entrée. Certains candidats compensent un construit motivationnel par un autre. Ils peuvent s’appuyer sur un fort sentiment d’autodétermination, un SEP élevé, lorsqu’ils accordent une faible valeur à la tâche, et vice versa. Ces derniers peuvent aussi être stimulés par différents motifs ayant une orientation extrinsèque : le motif prescrit que l’on retrouve chez trois candidats qui engendre un faible sentiment d’autodétermination, économique afin de recevoir les indemnités de l’aide sociale, dérivatif la formation permet d’échapper à un quotidien pesant et enfin vocationnel parce qu’elle est considérée comme une aide dans le processus de réinsertion professionnelle. Ou d’autres motifs dont l’orientation est intrinsèque : le motif épistémique qui découle d’un rapport favorable à la formation, au savoir et à l’apprentissage, et pour la plupart des candidats, le motif socio-affectif, l’un des facteurs motivationnels majeur dès l’entame de la formation ; ceux-ci peuvent nouer des relations avec des personnes expérimentant une problématique similaire. Et à l’exception du motif vocationnel, tous sont également orienté sur la participation à la formation plutôt que sur l’apprentissage du contenu de formation.

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