• Aucun résultat trouvé

Sous ce point, nous allons revenir sur certaines difficultés rencontrées par les candidats et sur lesquelles le module EVE peut ou non agir, selon qu’elles ont trait : à la formation elle-même (8.3), à l’organisation du travail (8.1 et 8.2), ou alors à la politique d’engagement : différents niveaux d’action d’intervention des politiques pour l’emploi.

8.1 La procédure de recrutement

La démarche de recherche d’un stage s’apparente à celle pour décrocher un emploi. Les candidats se retrouvent confrontés à des problématiques similaires, telles que l’accès difficile à la hiérarchie ou encore devoir passer par la procédure de recrutement habituelle (faire parvenir le dossier de candidature par internet ou remplir en ligne divers formulaires préformatés). Si le candidat doit passer par ce système de recrutement, décrocher un stage dans le temps imparti s’avère délicat.

Paola évoque le paradoxe de la méthode P.I.E. qui lui vaut de se déplacer dans les entreprises pour nouer des contacts susceptibles de lui faciliter l’accès au stage et donner son dossier de candidature en main propre, et le mode de recrutement en interne (identique pour un stage ou un emploi) : faire parvenir les documents par internet à l’attention de la direction, qui se trouve bien souvent dans un autre canton. Ainsi, malgré des liens qu’elle pouvait tisser sur le moment avec ses interlocuteurs, elle se voyait prier de passer par la procédure en vigueur dans l’établissement. «|…| Non mais je pourrais dire en gros des deux côtés ça a été, après c’est pas si facile. Il y a des endroits où ils nous coupent tout court. « Pour déposer le CV, faut aller sur internet. » Beaucoup d’endroits… c’est ça aussi que j’ai oublié de vous dire. La majorité, le monde du travail maintenant c’est « internet ». T’as beau dire tout ce que tu veux, t’as beau sympathiser « Faut aller sur internet ! Prenez la carte, il faut aller là ».

Ou t’es accueillie par la gérante, elle t’écoute… « Oui merci c’est gentil ! Mais faut aller sur internet. La direction n’est pas ici à Genève ». La majorité des magasins c’est la direction qui est à St-Gall qui est à Zürich, je sais pas quoi. |…|» (Paola, p. 11, lignes 237-244)

113

8.2 Facteurs influençant sur le décrochage d’un stage

8.2.1 La conjoncture économique

Aussi utiles que soit les ressources théoriques fournies dans le cadre de la formation, elles n’ont que peu d’influence sur l’offre d’emplois. Avant de débuter la formation, Paola avait multiplié les recherches dans différents magasins et en activant son réseau sans que cela ne débouche sur un poste. En formation, elle fait face aux mêmes difficultés et a ainsi l’impression de tourner en rond lors de ses recherches, ne sachant plus où se présenter. Elle a d’ailleurs eu besoin de l’aide de la Fondation IPT pour décrocher un stage.

A maintes reprises durant l’entretien Paola évoque, avec une certaine nostalgie, les années 90 où, d’après ses dires, elle trouvait facilement du travail par le biais du porte-à-porte et du bouche à oreille notamment. «|…| Parce que le monde du travail c’est plus comme dans les années 90 hein facile. C’est ce que je disais même à IPT. Je leur disais : « Moi à l’époque quand j’avais pas d’enfant, je veux dire le travail c’est (claquement des doigts), je faisais comme ça et voilà. » Si j’avais pas envie, j’avais pas envie. |…|» (Paola p. 6, lignes 26-29). Ainsi, certaines périodes sont probablement plus propices que d’autres et favorisent davantage les opportunités de travail. Après deux ans à l’Hospice Général, c’est par conséquent, la première fois qu’elle suit une formation de ce type. «|…| Moi c’est la première fois que je fais ça parce que j’ai toujours trouvé du travail de moi-même, en allant faire du porte à porte, etc., ou du bouche à oreille, ou qu’une copine me dit : « Ben va voir là-bas, ce que t’en penses. » |…|»

(Paola, p. 16, lignes 458-460)

Il en va de même pour Joe qui fait part de la crise qui sévit dans son domaine d’activité. «|…|

Après deux ans de chômage, j’ai une très bonne réponse à chaque fois, j’ai un très bon CV.

Malheureusement dans mon métier, toutes les grandes sociétés viraient tout le monde. J’ai tous les amis qui ont peur tous les jours d’être virés parce que c’est un problème global… Il y a des pays qui gagnent de l’argent et des pays qui gagnent pas… Pour le moment, le franc suisse est très fort donc toutes les grandes sociétés réduisent. Comme les banques, UBS réduit du personnel. C’était (rires)… le pire moment pour chercher du travail spécialement dans mon métier. |…|» (Joe, p. 49, lignes 28-34)

114

8.2.2 La cible professionnelle

Gaelle évoque les difficultés lors de ses recherches dans son domaine d’activité et son regret de n’avoir pu être mise en relation avec le réseau de la Fondation IPT, comme ce fut le cas d’autres candidats, d’autant que l’une de ses attentes en intégrant la formation EVE était de bénéficier de contacts de l’institution et ainsi agrandir son réseau professionnel. Ces extraits relatent ces points.

«|…| c’est quand même un cours qui est suivi par énormément de personnes… Pour ma part qui recherche dans les Ressources Humaines, j’ai dit de lui-même il a pas… avec tout ce qu’on apporte… Je suis pas la seule à travailler dans l’administration. J’ai trouvé étonnant que lui, en voyant que c’était un peu la galère pour moi, pour trouver un stage, pour les raisons que j’ai dites, faut prendre rendez-vous et machin… J’étais quand même étonnée, pour mon cas à moi, de me rendre compte que toutes les formations qu’il donne, tous les élèves qui passent, etc. qu’il n’avait pas lui des entreprises qui disent que… Lui il m’a pas apporté… Nous on a apporté je sais pas, je dirais par personne : une dizaine d’adresses, de possibilités de faire de stage. Donc on lui donnait toutes ces informations et tous ces trucs et puis en retour, on en avait deux, trois,… Donc voilà j’ai trouvé un peu dommage de pas faire fonctionner de la même chose des deux côtés.» (Gaelle, p. 41, lignes 405-415)

« Alors moi je pensais que le formateur allait peut-être plus me donner des tuyaux professionnels comme il a pu faire pour d’autres métiers et d’autres personnes qui étaient là…

Malheureusement comme il peut pas en créer ni en inventer euh… Je veux dire, je m’attendais peut-être à ce qu’il me donne plus… Même en sachant pertinemment qu’il n’était pas là pour me donner un boulot, on est bien d’accord, mais je pensais qu’il allait avoir lui perso un réseautage plus important dans ce que je cherchais où une aide plus soutenue dans les contacts et puis tout ça. » (Gaelle, p. 40, lignes 369-375)

Ces informations nous permettent d’enchaîner avec le point suivant. Certaines cibles professionnelles ont été jugées plus propices à la mise en œuvre de la méthode P.I.E. et au décrochage d’un stage.

115

8.3 Hétérogénéité des profils et homogénéité des pratiques

La recherche d’un stage par le biais de la méthode P.I.E. est considérée comme plus adéquate pour les cibles professionnelles techniques et ou manuelles (dans le secteur de la vente, de la mécanique ou encore de la restauration,…) ou encore un public jeune et peu expérimenté dans son domaine d’activité. Les candidats EVE interviewés ont tous une expérience significative dans leur domaine d’activité et, à l’exception de Paola, n’ont pas une cible professionnelle technique et/ou manuelle. Ils font ainsi part de l’inadéquation de la méthode dans leur cas. Quelques extraits rendent compte de cela (cf. 7.2.4, citation de Ana et cf. 7.2.5, citation de Gaelle sous « Utilité perçue »).

Joe nous relate l’évolution de son positionnement durant la mesure. Tout d’abord opposé, il finit par percevoir la cohérence dans le fait de s’insérer professionnellement par le biais du stage. Mais malgré tout, il reste sur sa position de départ, soit que la méthode P.I.E., telle qu’elle est proposée aujourd’hui aux participants, est inadaptée à son profil.

« Oui, c’était intéressant de all box of lives, oui c’est intéressant mais je sais pas… Je sais que c’est plus pratique, tout le monde dans une classe mais je pense que c’est plus efficace si c’est adapté aux profils différents. Je suis sûr qu’on peut catégoriser chaque personne qui a un travail similaire. Quand je parle de trading, le banquier il comprend ce que je dis mais une serveuse elle ne comprend rien de ce qu’on dit. Et je pense que l’on peut diviser parce que les recherches ça va être différent. La serveuse, elle a un choix de vingt restaurants et bars en un jour. Moi dans le trading, j’ai besoin d’aller sur le registre du commerce et trouver si la société est là, elle existe encore. C’est pas la même chose que travailler dans un garage, que la mécanique ou une serveuse dans un bar ou dans un restaurant. Ça n’a rien à voir avec ce qui est mieux ou pas, non, non,… Je pense juste que les méthodes peuvent être différentes pour approcher un bar ou un restaurant en comparaison avec moi, la réception d’une grande société, c’est ça. La femme du bar, restaurant, elle a trouvé cinq personnes qui voulaient essayer pour voir si elle est bien parce qu’ils ont aucun commitment. Ils ont quelqu’un pour un mois, pour travailler… Et ils ont l’opportunité de voir si elle travaille bien. Et ça peut marcher également dans le trading mais je pense que c’est plus adapté pour le travail manuel. » (p. 55, lignes 273-288).

«|…| Bon à la fin peut-être que je n’ai pas trouvé un stage parce que c’était unique… Par exemple, il y a un jeune de vingt ans qui cherchait dans la mécanique et il a tous les stages7. Il

116

trouvait les stages facilement ! Il est jeune, il a choisi une profession ou tu as besoin d’expérience, moi non ! Je ne commence pas (rires). J’ai déjà… Je suis manager d’une ancienne société… Mais je pense ça peut être une bonne idée pour revenir « par la porte arrière » dans une société. Mais j’ai quand même pensé que ma situation est unique pour le module EVE. Je pense que c’est plutôt bien pour les jeunes, pour manual work. Mais pour des grandes positions avec des gens plus âgés, avec plus d’expériences ça peut être plus compliqué. Je veux dire, j’ai vu peut-être trente ou quarante sociétés, ils ont tous réagi de la même manière… « Stage ! Mais vous avez tellement d’expériences, vous avez été en Angleterre, en Afrique,… |…|» (p. 50-51, lignes 75-85)

D’autre part, afin de renforcer son argumentaire (comme l’a observé le formateur) Joe met l’accent sur le fait que le lien se crée naturellement avec les candidats qui ont des cibles professionnelles qui se rapprochent. Ceux-ci partagent un jargon commun et sont donc plus aptes à se comprendre et expérimentent des difficultés similaires lors de la recherche du stage. « Au niveau de notre groupe on était quoi peut-être dix, douze euh… Il y a deux, trois électriciens réparation… ils ont bien communiqué entre eux. Et il y a moi et il y a un ex-banquier, et un dans la finance et l’administration, et tout de suite, nous avons eu une connexion et nous avons tout de suite compris lorsqu’on parlait de quelque chose « Ah oui je sais de quoi tu parles ». On se comprend. Donc moi je pense que c’est mieux d’adapter en fonction des professions, des âges, des recherches différentes. |…|» (p. 54, lignes 220-225)

Ce dernier point ouvre sur la problématique d’un même dispositif de formation proposé à une population hétérogène.

Ainsi les réflexions relatées dans de ce chapitre soulèvent la problématique de la responsabilité individuelle versus sociale du chômage. Accéder à l’emploi, dans le cadre de EVE au stage, n’est pas uniquement du ressort de l’individu. D’autres facteurs propres à l’organisation du travail ou encore aux politiques d’engagement influent sur ce processus. Nous souhaitions attirer le lecteur sur ce paramètre même s’il ne fait pas l’objet de notre mémoire.

117