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Nous proposons ici une synthèse des travaux sur l’apprentissage dans le cadre de l’organisation marketing, ce qui permet de tirer les principaux enseignements à retenir de cette littérature (voir 1.), puis de mettre en avant les lacunes de ce champ de recherche justifiant notre sujet de thèse (voir 2.).

1. Principaux enseignements du champ sur l’apprentissage en marketing

Même si l’accumulation de savoir au niveau de l’organisation marketing pose problème en raison du contexte particulier de la fonction marketing (McIntyre et Sutherland, 2002), l’apprentissage organisationnel est considéré comme clé pour la réussite future de l’organisation marketing (Achrol, 1991 ; Day, 1994 et 2011 ; Sinkula, 1994 ; Slater et Narver, 1995). Notre revue de littérature non-exhaustive révèle ainsi une différence importante entre ce champ de recherche et la littérature sur l’ouverture de la fonction marketing à des réseaux étudiée précédemment (voir Chapitre 1, p. 54). En effet, dans ce champ de recherche, les travaux mettent en avant le rôle « d’avocat de l’apprentissage » que doit endosser le marketing (Slater et Narver, 1995) : la fonction marketing et ses collaborateurs doivent développer un comportement d’apprentissage consistant à rechercher des informations auprès de sources notamment externes, et à diffuser ces informations dans l’entreprise (Day, 1994 ; Slater et Narver, 1995). Ces travaux soulignent donc à quel point l’organisation marketing doit s’inscrire dans une dynamique d’enrichissement et d’apprentissage, notamment grâce à des acteurs extérieurs, et contribuer à diffuser une culture favorisant l’apprentissage organisationnel en général dans l’entreprise.

Toutefois, de la même façon que l’apprentissage inter-organisationnel est moins investigué que l’apprentissage organisationnel en management stratégique, l’apprentissage inter-organisationnel en marketing est sous-investigué (Lukas et al., 1996), sauf quand on prend en compte le champ plus actif sur le

80 transfert de savoir dans le cadre du développement de nouveaux produits (e.g. Rindfleisch et Moorman, 2001 ; Bao et al., 2012 ; Noordhoff et al., 2011). Pourtant, ce sujet recouvre des enjeux importants, et mériterait d’être étudié plus en détail. Par exemple, le savoir marketing est vu comme particulier, car comprenant une large composante tacite (Bennett et al., 2008) et non-technologique (Simonin, 1999). Ce constat justifie qu’on s’intéresse au transfert du savoir marketing entre deux organisations. Par ailleurs, de nombreux facteurs peuvent renforcer le caractère ambigu du savoir marketing (Simonin, 1999), ce qui pourrait impacter sa transférabilité entre deux organisations. Notons pour finir que les rares recherches qui se sont intéressées au transfert de savoir inter-organisationnel en marketing l’ont le plus souvent étudié dans des contextes particuliers (e.g. Bennett et al., 1998 ; Osman et al., 2010 ; Lukas et al., 1996). Une étude de l’apprentissage inter-organisationnel en marketing de façon plus large et générale est donc requise.

2. Des lacunes dans ce champ justifiant le sujet de thèse

Le champ de l’apprentissage dans un cadre marketing n’est pas forcément très développé, ni très actuel. Il recouvre plusieurs lacunes qui constituent autant d’opportunités de recherche, notamment pour notre travail doctoral. Cette partie est donc destinée à mettre en exergue les lacunes de ce champ de recherche, ainsi que la façon dont nous pourrons y répondre.

▪ La plupart des travaux sur l’apprentissage en marketing portent sur l’apprentissage organisationnel « classique » par lequel on apprend en interne par soi-même mais aussi grâce à l’extérieur, au contact de l’environnement au sens large. Cependant, ces travaux traitent de l’apprentissage provenant de l’environnement sans étudier spécifiquement la source permettant cet apprentissage. L’apprentissage inter- organisationnel (soit l’apprentissage au contact d’une autre organisation extérieure) est d’ailleurs peu étudié (Lukas et al., 1996), malgré les articles conceptuels qui montrent son importance (e.g. Achrol, 1991 ; Achrol et Kotler, 1999). Ainsi, alors que l’apprentissage inter-organisationnel est sous-investigué en marketing, les rares travaux qui s’y intéressent ne permettent pas de saisir le contexte et les conditions qui permettent son déploiement, ainsi que les processus et les mécanismes sur lesquels il s’appuie. Les travaux et les cadres théoriques développés en management stratégique pour étudier l’apprentissage inter-organisationnel sont d’ailleurs rarement mis à profit pour améliorer la compréhension de l’apprentissage inter-organisationnel en marketing. Alors que ce travail doctoral est destiné à étudier comment une organisation marketing développe ses connaissances et ses compétences en s’appuyant sur un réseau de prestataires, il permettra d’enrichir la littérature sur l’apprentissage inter-organisationnel en marketing, en abordant notamment le contexte, les mécanismes et les processus permettant son déploiement.

▪ Lorsque l’apprentissage inter-organisationnel est étudié en marketing, il est davantage investigué dans le cadre des alliances et des partenariats stratégiques horizontaux (e.g. Simonin, 1999 ; Osman et al., 2010 ; Rindfleisch et Moorman, 2001) ou verticaux (e.g. Lukas et al., 1996 ; Rindfleisch et Moorman, 2001 ; Noordhoff et al., 2011) que dans le cadre des réseaux de prestataires. En effet, sur le plan empirique, le transfert de savoir qui peut exister grâce aux prestataires n’est pas étudié en profondeur à notre connaissance, sauf dans le champ spécifique sur le transfert de savoir lié au développement de nouveaux produits (e.g. Zhao et Lavin, 2012 ; Song et Thieme, 2009 ; Handfield et al., 1999 ). Ce champ est en effet intéressant, mais il se focalise sur un type de fournisseur, et sur un domaine d’application en marketing. Il semble donc important d’élargir les recherches à des prestataires en marketing divers, et d’étudier le transfert d’un savoir marketing plus général. Par ailleurs, sur le plan théorique, une littérature spécifiquement

81 marketing attire parfois l’attention sur la nécessité d’apprendre de plusieurs sources extérieures, dont les fournisseurs ou les prestataires marketing (Day, 1994 ; Slater et Narver 1995). Cependant, ces travaux ne se focalisent pas spécifiquement sur l’apprentissage grâce aux prestataires, qui sont pourtant en contact quotidien avec les collaborateurs marketing et qui pourraient donc représenter une source importante et continue de connaissances et de compétences nouvelles. Face à ce constat, nous proposons d’étudier spécifiquement l’apprentissage inter-organisationnel entre l’organisation marketing et ses différents prestataires marketing extérieurs.

▪ La littérature marketing sur l’apprentissage étudie l’apprentissage de « savoir » de façon générale et indifférenciée, sans détailler précisément ce que recouvre cette notion. Cette notion demande pourtant à être précisée : s’agit-il simplement de savoir (au sens d’informations générales transmises par un tiers) ou bien de savoir-faire (au sens de pratiques transmises, c’est-à-dire de capacités et de compétences) ?

Dans le champ de recherche sur l’apprentissage organisationnel en marketing, on appréhende surtout cette notion de « savoir » de façon restreinte, en étudiant l’apprentissage d’ « informations de marché » (Sinkula, 1994)28. On se concentre ainsi sur la fonction « Etudes et Recherche » de l’entreprise, ainsi que sur l’apprentissage via les instituts d’études d’informations sur les concurrents, les clients ou le marché en général (e.g. Moorman et al., 1993 ; Deshpandé, 1982 ; Deshpandé et Zaltman, 1982). Par ailleurs, les travaux sur l’apprentissage organisationnel dans le cadre de l’orientation-marché se concentrent également sur l’apprentissage d’informations de marché. Dans le champ de recherche sur l’apprentissage inter- organisationnel en marketing à présent, les travaux détaillent là-encore bien peu le savoir capté. Il s’agit le plus souvent d’un savoir général ou bien d’informations (e.g. Rindfleisch et Moorman, 200129), notamment sur le marché (e.g. Song et Thieme, 2009 ; Bao et al., 2012). Toutefois, les travaux sur le transfert de savoir inter- organisationnel dans le cadre du développement de nouveaux produits conduisent parfois à décomposer le flux de savoir circulant en savoir « large » versus « profond » (Bao et al., 2012) ou encore en savoir « explicite » versus « tacite » (Zhao et Lavin, 2012). Ceci permet alors d’aborder la question des différents types de savoir transférés, et notamment des « pratiques » et des « savoir-faire » transférés. Néanmoins, outre le fait que ces travaux s’intéressent à un savoir particulier, utile spécifiquement dans le cadre du développement de nouveaux produits, ils ne détaillent pas de façon fine le contenu du savoir transféré par le fournisseur. Ainsi, d’autres façons de décomposer et de détailler le contenu du savoir marketing transmis par les prestataires aux collaborateurs marketing semblent nécessaires.

28 En réalité, Sinkula (1994) propose dans son article une « hiérarchie » du savoir de marché capté. Celle-ci va du

savoir de type « Dictionnaire » (i.e. définition des éléments et des termes) au savoir de type « Deutero learning » (i.e. « Apprendre à apprendre », ce qui constitue une référence au travail de Bateson (1972)). Toutefois, cette hiérarchie fait selon nous davantage référence aux différents niveaux d’apprentissage possibles qu’au contenu même du flux de savoir utile aux collaborateurs marketing capté. Une analyse du contenu du flux de savoir capté permettrait en effet plutôt de répondre aux questionnements suivants : « Quelles sortes de savoir, de connaissances, de compétences peut-on capter lors des interactions avec des prestataires ? » ; « Que peut-on apprendre auprès d’autres acteurs qui puisse être utile et réutilisable dans le travail quotidien ? », etc.

29 Rindfleisch et Moorman (2011) détaillent néanmoins un peu (surtout dans la deuxième partie de leur article) les

types d’informations pouvant être transmis et échangés dans le cadre du développement de nouveaux produits. Ils distinguent ainsi les informations sur les produits et les informations sur les processus (de développement de nouveaux produits). Cependant, cette « typologie » est liée spécifiquement au développement de produit, et elle est en même temps très large et peu précise.

82 Pour résumer, d’une part, l’apprentissage d’un savoir-faire marketing (au sens de pratiques et de compétences marketing) utile aux collaborateurs marketing n’est pas vraiment questionné. D’autre part, peu de travaux cherchent à décomposer finement le flux de savoir circulant des prestataires vers l’organisation marketing et ses collaborateurs. Au final, la littérature sur l’apprentissage en marketing s’intéresse donc surtout à l’apprentissage de « savoir » en règle générale, ou d’ « informations » en particulier afin de servir un objectif de création de valeur pour le client. Cependant, elle ne s’intéresse pas au développement, grâce à une dynamique d’apprentissage, des ressources et des compétences utilisables par les collaborateurs marketing. En élaborant sur ce manque, nous proposons justement de décomposer le flux de savoir capté par l’organisation marketing auprès du réseau de prestataires en un flux de ressources (comprenant notamment les ressources informationnelles), de capacités et de compétences marketing utiles aux collaborateurs marketing. Ceci permettra donc d’enrichir la littérature sur l’apprentissage en marketing.

▪ Le savoir marketing présente des caractéristiques particulières. Alors que le transfert de savoir purement technologique est souvent étudié dans la littérature de management stratégique, Simonin (1999) estime qu’il est intéressant d’étudier le transfert de savoir dans un domaine comme le marketing où la composante technologique est moins forte. En effet, alors que le marketing recouvre à présent certains aspects pouvant être qualifiés de « technologiques », il comprend aussi une large part de savoir tacite (Bennett et al., 2008), comme le savoir pouvant être rattaché à des activités et des tâches créatives. Or, au travers de notre travail doctoral, la comparaison du transfert de ressources, de capacités et de compétences sur les domaines marketing « techniques » et sur les domaines marketing plus généraux (voire créatifs) pourra contribuer à ce champ de recherche.

Le Chapitre 2 nous a permis de nous familiariser avec les concepts d’apprentissage organisationnel et inter-organisationnel au moyen d’un détour par la littérature de management stratégique, avant de nous conduire à étudier ces notions dans un cadre spécifiquement marketing. Si l’apprentissage en général en marketing est considéré comme clé, l’apprentissage inter-organisationnel spécifiquement est lui peu étudié. Qui plus est, les travaux traitent de l’apprentissage de « savoir » de façon générale, sans distinguer précisément ce qui peut être appris par l’organisation marketing et ses collaborateurs au contact d’organisations extérieures, et notamment des prestataires. Or, la décomposition du flux de savoir circulant des prestataires vers l’organisation marketing semble essentielle pour obtenir une meilleure compréhension de l’apprentissage inter-organisationnel et des enrichissements qui en résultent pour l’organisation marketing. Aussi, nous proposons de décomposer le flux de savoir circulant des prestataires vers l’organisation marketing en un flux de ressources, de capacités et de compétences marketing utiles aux collaborateurs marketing. Afin de mieux appréhender ces différentes notions, nous étudions la littérature sur les actifs marketing dans le chapitre suivant.

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Chapitre 3. Les actifs marketing : ressources, capacités et compétences

marketing

Le Chapitre 2 a montré la nécessité de décomposer le flux de savoir circulant des prestataires vers l’organisation marketing dans le cadre de l’apprentissage inter-organisationnel en ressources, en capacités et en compétences marketing. L’objectif du Chapitre 3 est alors d’étudier la littérature sur les actifs marketing. Comme précisé en introduction (voir pp. 17-18), la notion d’« actifs marketing » fait ici référence aux concepts de ressources, de capacités et de compétences marketing. Ce chapitre étudie en profondeur ces trois concepts. Tout d’abord, en détaillant l’approche par les ressources dans laquelle s’ancre la thèse, nous exposons également comment la littérature de management stratégique définit les concepts de « ressources », de « capacités » et de « compétences » (voir section 1.). Ensuite, nous étudions comment la littérature marketing s’est emparée de ces trois concepts et les a appliqués (voir section 2.). Enfin, nous effectuons une synthèse sur la notion d’ « actifs marketing », afin de mettre en avant les lacunes de cette littérature qui justifient le sujet de thèse (voir section 3.).