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Cette section offre un aperçu des principaux travaux en management stratégique sur l’apprentissage organisationnel (voir 1.), sur l’apprentissage inter-organisationnel (voir 2.), et sur l’apprentissage du réseau ou le « network learning » (voir 3.). Notre objectif n’est pas de procéder à une revue de littérature exhaustive, mais plutôt d’apporter des éléments de compréhension générale utile pour la suite de notre travail.

1. L’apprentissage organisationnel

On distingue les travaux sur l’apprentissage individuel des travaux sur l’apprentissage organisationnel : « L’apprentissage organisationnel est un processus organisationnel plus qu’un processus individuel. Bien que les individus soient les agents au travers de qui l’apprentissage a lieu, le processus d’apprentissage est influencé par un ensemble plus large de variables sociales, politiques et structurelles. Il comprend le partage de connaissance, de croyances et de présupposés parmi les individus » (Shrivastava, 1983). Nous présentons ci-après une brève revue de littérature qui vise à définir l’apprentissage organisationnel (voir 1.1.) et à présenter les travaux qui traitent l’apprentissage organisationnel comme un processus (voir 1.2.). Certains mécanismes par lesquels l’apprentissage organisationnel peut survenir sont également présentés (voir 1.3.), et la notion d’ « auto-challenge » inhérente à l’apprentissage organisationnel est explicitée (voir 1.4.). Enfin, nous étudions l’apprentissage dans le cadre de la Knowledge-Based View (KBV), où les concepts de savoir et d’intégration du savoir dans une démarche d’apprentissage sont clés (voir 1.5.).

1. 1. L’apprentissage organisationnel : définitions et généralités

65 organisations comme un collectif apprennent au travers des interactions qu’elles ont avec l’environnement. Cependant, il ne suffit pas de capter de l’information et du savoir : il faut ensuite les stabiliser dans la « mémoire organisationnelle ». Pour Argyris et Schön (1978), les membres de l’organisation partagent en effet de l’information, créant une mémoire organisationnelle qui prend la forme de croyances partagées, de présupposés et de normes, et qui guide ensuite les actions individuelles et collectives. Par ailleurs, Argyris et Schön (1978) identifient deux types d’apprentissage : l’apprentissage « simple boucle » et l’apprentissage « double boucle ». Dans le cadre de l’apprentissage « simple boucle », l’organisation apprend et répond à l’environnement sans changer ses theories in use22 présentes dans la mémoire organisationnelle. C’est plutôt cette forme d’apprentissage qui survient dans les environnements stables et prédictifs, où les tâches sont répétitives et routinières. Dans le cadre de l’apprentissage « double boucle », l’apprentissage et les réponses de l’organisation à l’environnement incluent la modification des theories in use. Avec cette forme d’apprentissage, on va mieux réussir à faire des tâches non-répétitives et non routinières.

Alors que des auteurs ont considéré l’apprentissage organisationnel uniquement comme la somme des apprentissages individuels, d’autres auteurs ont considéré qu’il s’agit d’un processus plus complexe. Aujourd’hui, cette question semble bien résolue (Easterby-Smith et al., 2000), et on considère que l’apprentissage organisationnel n’est pas simplement la somme des processus d’apprentissage individuel et collectif (Vince, 2001) : l’apprentissage organisationnel survient quand l’apprentissage au niveau individuel ou collectif a un impact sur les processus et les structures organisationnelles. Pour cela, il est impératif que les organisations maintiennent une réflexion critique sur leurs pratiques et leurs normes établies (Hislop, 2009). En effet, l’apprentissage peut survenir aux niveaux individuel et collectif sans avoir de répercussion au niveau organisationnel si l’organisation n’est pas à la recherche de remise en cause.

1. 2. L’apprentissage organisationnel traité comme un processus

Bien que la définition de l’apprentissage organisationnel varie selon les auteurs, celui-ci est communément traité sous la forme d’un processus, parfois composé de sous-processus (Lukas et al., 1996). Huber (1991) propose ainsi une conceptualisation dans laquelle plusieurs construits forment un processus d’apprentissage organisationnel en quatre phases :

1. L’acquisition de savoir ou d’information, qui est le processus par lequel le savoir est acquis. Ce savoir peut être acquis par expérience directe, par l’expérience des autres, par benchmarking. Les alliances (Hamel, 1991) ou les réseaux (Grant, 1996) représentent notamment un moyen de capter du savoir. 2. La distribution de l’information, qui est le processus par lequel l’information acquise est partagée dans l’organisation, conduisant à une nouvelle information ou compréhension.

3. L’interprétation de l’information, qui est le processus par lequel on donne à l’information distribuée des interprétations collectives.

4. La mémoire organisationnelle, qui est le moyen par lequel le savoir est stocké pour une future utilisation. La mémoire organisationnelle joue un double rôle : elle stocke l’information puis sert de référence pour les actions futures.

Ce modèle met l’accent sur le fait qu’il ne suffit pas d’acquérir de l’information ou du savoir pour parler

22 Les « theories in use » peuvent être des présupposés, des modes de fonctionnement, des critères de performance

66 d’apprentissage organisationnel. L’apprentissage organisationnel est bien un processus par lequel l’information ou le savoir acquis doit ensuite être distribué en interne, collectivement interprété, puis stocké dans la mémoire organisationnelle. Dans le cadre de la captation d’actifs marketing par l’organisation marketing grâce aux prestataires, la prise en compte de ce cheminement processuel sera essentielle. D’autres modèles processuels existent. A titre d’exemple, Senge et Sterman (1992) proposent un modèle dans lequel l’apprentissage est le résultat d’une enquête divisée en trois étapes : (1) une étape de mapping, qui consiste en l’explication et le partage des présupposés des managers ; (2) une étape de challenge, qui révèle des incohérences entre leurs présupposés propres et ceux des autres ; (3) une étape d’amélioration, qui consiste en la préservation ou en l’ajustement des présupposés partagés. Ce modèle, qui a lieu au niveau intermédiaire, peut avoir lieu au niveau inter-organisationnel entre deux entités (Lukas et al., 1996). Egalement, dans une recherche en marketing, en se basant sur la conceptualisation de Shrivastava (1983), Lukas et al. (1996) proposent trois sous-processus de l’apprentissage organisationnel :

▪ L’apprentissage par adaptation, qui se comprend comme une adaptation structurelle et stratégique aux changements environnementaux identifiés, l’environnement étant en constant état de changement ▪ L’apprentissage par partage de présupposés. Les présupposés font référence aux généralisations et aux hypothèses sur « Comment comprendre l’environnement et agir en fonction ? ». Une discussion approfondie entre des partenaires d’une industrie encourage par exemple le partage de présupposés, facilitant ainsi l’apprentissage inter-organisationnel

▪ L’apprentissage par développement de la base de savoir. En répétant un ensemble d’activités, les managers acquièrent de l’expérience pour faire mieux la fois suivante. Ainsi, il existe un processus d’apprentissage par lequel les expériences et les insights sont acquis, partagés, disséminés et stockés comme savoir dans la mémoire organisationnelle.

1. 3. L’apprentissage organisationnel et ses mécanismes

Zollo et Winter (2002) font appel à plusieurs mécanismes d’apprentissage organisationnel. Le mécanisme le plus classique consiste en une accumulation d’expérience tacite. En faisant les tâches et actions de façon répétée, les individus construisent leurs compétences et leur courbe d’apprentissage (Argote, 1999). Un second mécanisme plus formalisé peut ensuite survenir : l’articulation. Il s’agit d’un processus délibéré au travers duquel les individus et les groupes échangent, lors de réunions ou de sessions de débriefing organisées. Un apprentissage collectif peut en effet survenir quand les individus échangent leurs avis et leurs opinions, s’engageant dans une confrontation constructive de leurs points de vue (Argyris et Schön, 1978). Ainsi, pour Zollo et Winter (2002) le processus par lequel le savoir implicite est « articulé » dans des discussions collectives, des sessions de débriefing ou des processus d’évaluation est un mécanisme d’apprentissage organisationnel important. Enfin, demandant davantage d’efforts cognitifs, la codification du savoir consiste à articuler par écrit la compréhension de l’impact des actions et des routines en termes de performance. Classiquement, cette dernière étape est menée afin de fournir des indications aux membres de l’organisation qui auront à nouveau à conduire la tâche dans le futur. Pourtant, la codification permet aussi un apprentissage : le simple fait d’écrire et de codifier permet d’atteindre un meilleur niveau de compréhension que si l’on procède juste à l’articulation orale. Il existe donc un bénéfice d’apprentissage, en plus du bénéfice de clarification pour les tâches futures.

67 1. 4. L’apprentissage organisationnel et la notion d’« auto-challenge »

Les modèles de Senge et Sterman (1992) et d’Argyris et Schön (1978) mettent l’accent sur ce qu’on pourrait selon nous appeler un « auto-challenge » dans le cadre de l’apprentissage. L’apprentissage double boucle d’Argyris et Schön (1978) comprend une notion de challenge car la confrontation des theories in use avec l’environnement peut générer une remise en cause de ces theories in use. Dans le modèle de Senge et Sterman (1992), il existe explicitement une étape de challenge (étape n°2) par laquelle l’organisation s’aperçoit de l’incohérence de ses présupposés internes actuels, ce qui provoque la remise en cause et l’amélioration des présupposés organisationnels.

De façon plus générale, des auteurs (e.g. Slater et Narver, 1995) distinguent l’apprentissage adaptatif et l’apprentissage génératif. L’apprentissage adaptatif est la forme la plus basique d’apprentissage qui survient dans un univers déterminé, au sein de contraintes reconnues ou non qui forment les « frontières » de l’apprentissage. L’apprentissage génératif ressemble quant à lui au modèle de Senge et Sterman (1992) et à l’apprentissage double-boucle d’Argyris et Schön (1978). Il survient lorsque l’organisation est prête à remettre en cause des présupposés sur sa mission, ses clients, ses processus, sa stratégie, etc. Dans ce cas, l’organisation doit avoir la volonté de se challenger, et accepter d’autres visions du monde que la sienne. L’apprentissage génératif est donc très lié à la notion d’auto-challenge.

1. 5. L’apprentissage organisationnel dans le cadre de la Knowledge-Based View

La Knowledge-Based View (KBV) est un paradigme dérivé de la Resource-Based View (RBV) qui considère le savoir comme la ressource principale de l’entreprise sur laquelle celle-ci peut former un avantage concurrentiel. S’inscrivant dans ce paradigme, Grant (1996) souligne qu’on peut fonder un avantage concurrentiel grâce à une meilleure intégration du savoir présent dans l’entreprise qui permet de développer l’apprentissage organisationnel. On retrouve ici l’idée que le fait de posséder ou d’acquérir du savoir ne suffit pas : il faut également des capacités organisationnelles qui intègrent le savoir acquis, présent à différents endroits dans l’organisation, et le recombinent pour former un nouveau savoir, et ainsi générer un apprentissage. Or, selon Grant (1996), ce sont ces capacités organisationnelles permettant d’intégrer le savoir plus que le savoir lui-même qui forment la base d’un avantage concurrentiel.

Grant (1996) propose un modèle théorique d’intégration du savoir tacite (davantage qu’explicite). A la différence du savoir explicite, le savoir tacite ne peut pas être écrit et recouvre le savoir-faire (know-how). Il est acquis et stocké chez les individus, et il existe donc dans l’entreprise un large faisceau de savoir tacite spécialisé. Or, il faut des capacités organisationnelles pour intégrer ce savoir spécialisé localisé chez les différents individus. Cette intégration comprend une notion de hiérarchie : plus on « monte » dans l’intégration, plus on est en présence de capacités organisationnelles intégrant un large éventail de savoirs spécialisés. A titre d’exemple, les capacités liées au développement de produit demandent une forte ampleur d’intégration. Deux mécanismes d’intégration sont proposés par Grant (1996) : la « direction » et les routines organisationnelles (i.e. à un stimulus particulier correspond une réaction particulière avec une routine donnée). Enfin, de façon clé par rapport à notre sujet, Grant (1996) explique qu’il faut questionner l’intégration interne du savoir mais aussi son intégration externe. Notamment, les réseaux sont vus comme particulièrement adaptés au transfert et à l’intégration de savoir explicite. Ils peuvent représenter un

68 mécanisme d’intégration rapide du savoir, et ainsi renforcer l’apprentissage organisationnel (e.g. Achrol et Kotler, 1999). Cependant, alors qu’il ne s’intéresse pas dans sa recherche aux processus concrets par lesquels le transfert de savoir provenant de l’extérieur est mis en oeuvre, Grant (1996) invite les chercheurs à approfondir l’étude des mécanismes par lesquels le savoir (surtout tacite) est transféré et intégré.

2. L’apprentissage au contact de l’extérieur et l’apprentissage inter-organisationnel

L’apprentissage organisationnel comprend l’apprentissage au contact de l’extérieur et de l’environnement en général, ainsi que l’apprentissage interne par expérimentation, essais et erreurs, ou encore « reflet critique » (Sinkula, 1994). Dans cette partie, nous nous focalisons sur l’apprentissage organisationnel au contact de l’extérieur ainsi que sur l’apprentissage inter-organisationnel, qui est une forme spécifique d’apprentissage survenant au contact d’une ou de plusieurs organisation(s) extérieure(s) (Dyer et Noneoka, 2000 ; Knight, 2002). Dans la littérature, on assimile souvent « apprentissage inter-organisationnel » et « transfert de savoir inter-organisationnel », celui-ci étant défini comme un évènement au travers duquel une organisation apprend de l’expérience d’une autre organisation (Easterby-Smith et al., 2008). Nous utiliserons indifféremment ces deux expressions dans la suite de notre travail. Nous commençons ici par explorer le concept de « capacité absorptive », particulièrement clé dans le cadre de l’apprentissage au contact de l’extérieur et de l’apprentissage inter-organisationnel (voir 2.1.). Ensuite, après avoir exposé certains facteurs explicatifs du transfert de savoir inter-organisationnel (voir 2.2.), nous abordons les modalités et les mécanismes qui permettent ce transfert (voir 2.3.), puis nous questionnons le transfert de savoir inter-organisationnel « réussi » (voir 2.4.). Pour finir, un cadre théorique intégratif sur le transfert de savoir inter-organisationnel est présenté, résumant la plupart des enjeux de ce champ (voir 2.5.).

2. 1. Le concept de « capacité absorptive »

Apporté dans la littérature par Cohen et Levinthal (1990), le concept de « capacité absorptive » rend compte de la capacité de l’entreprise à reconnaître la valeur de l’information nouvelle et extérieure, à l’assimiler et à l’appliquer ensuite à des fins commerciales. Pour soutenir d’un point de vue théorique ce nouveau concept, Cohen et Levinthal (1990) se basent sur les théories liées aux structures cognitives et à l’apprentissage individuel qui montrent que la capacité à assimiler un nouveau savoir est fonction de la base de savoir déjà existante. Appliquées aux organisations, ces théories permettent de supposer que : (1) le savoir est cumulatif ; (2) la performance de l’apprentissage est meilleure quand l’objet de l’apprentissage est lié à ce qu’on sait déjà. La résultante est donc la suivante : (1) l’expertise évolue de façon incrémentale ; (2) il est plus difficile d’apprendre dans des nouveaux domaines. Une étude empirique réalisée par Cohen et Levinthal (1990) confirme que la capacité absorptive de l’organisation est fonction de sa base de savoirs déjà existante : cette base de savoirs permet plus facilement de reconnaître la valeur de l’information externe, de l’assimiler et de l’appliquer à des fins commerciales. Elle est constituée d’éléments techniques de savoir, tels qu’un langage commun, la connaissance des derniers développements dans le champ, mais aussi d’un savoir de type « Qui fait quoi ? Où trouver la bonne information ? Qui pourra exploiter cette information ? ».

Par ailleurs, selon Cohen et Levinthal (1990), la capacité absorptive de l’organisation fait bien référence à l’acquisition de savoirs mais aussi à leur assimilation et à la capacité organisationnelle d’exploiter ce savoir. On retrouve donc l’idée que l’apprentissage pour une organisation ne s’arrête pas à l’acquisition de savoir (Huber, 1991 ; Grant, 1996). La capacité absorptive de l’organisation dépend donc de la gestion de son

69 interface avec l’environnement, mais aussi des connexions qu’elle crée entre ses membres (i.e. les transferts de savoirs internes). Lorsqu’on étudie la capacité absorptive d’une organisation, il est par conséquent nécessaire d’observer la structure de communication avec l’environnement externe d’une part, et la distribution du savoir en interne d’autre part. Cohen et Levinthal (1990) précisent toutefois que lorsque les individus partagent le même langage et la même connaissance, le partage et la communication interne augmentent mais la possibilité de découvrir de nouvelles sources de savoir externe se réduit. A l’inverse, une forte diversité dans l’entreprise augmente les acquisitions de savoir à l’extérieur mais rend plus difficile le partage du savoir en interne.

Selon Cohen et Levinthal (1990), il est crucial pour les entreprises d’investir dans des capacités absorptives, car celles qui n’ont pas investi ou ont cessé d’investir dans des capacités absorptives ne voient plus les nouveaux signaux extérieurs et les nouvelles opportunités. De plus, même si elles arrivent à prendre conscience des opportunités, elles ne peuvent pas rattraper leur retard par manque d’investissements initiaux dans les capacités absorptives. En effet, plus on a développé des capacités absorptives, plus on apprend vite, et donc plus on a de l’avance.

2. 2. Les facteurs explicatifs du transfert de savoir inter-organisationnel

L’article fondateur de Hamel (1991) étudie le transfert de compétences (« internalisation des compétences » selon l’auteur) dans le cadre des alliances stratégiques internationales, et plus particulièrement ses déterminants. En se basant sur le travail de Prahalad et Hamel (1990), qui voient l’entreprise comme un faisceau de compétences clés, Hamel (1991) considère les alliances comme un moyen d’acquérir des savoirs et des compétences à l’extérieur, au contact d’autres organisations. Les alliances peuvent permettre d’internaliser les compétences du partenaire, et ainsi d’améliorer la position concurrentielle de l’entreprise dans l’alliance, et en général. De plus, Hamel (1991) effectue une distinction clé entre le fait d’avoir accès à des compétences lors d’un partenariat (en se reposant par exemple sur les employés du partenaire pour certaines activités) du fait d’internaliser ces compétences. Dans le premier cas, lorsque le partenariat prend fin, les compétences auxquelles on avait auparavant accès n’ont plus lieu d’être. Dans le second cas (étudié par l’auteur), les compétences captées peuvent être appliquées à d’autres marchés et situations. La recherche de Hamel (1991) consiste ensuite à mettre à jour des processus et des mécanismes déterminant dans le cadre de l’apprentissage dans les alliances. Trois mécanismes sont mis à jour : (1) l’intention d’apprendre, (2) la réceptivité, (3) la transparence entre les partenaires. L’intention de réaliser un transfert de compétences est donc pré-déterminante pour que l’apprentissage inter-organisationnel puisse survenir. Enfin, l’auteur souligne qu’il ne suffit pas d’avoir « rattrapé » le partenaire en internalisant sa compétence : il faut ensuite réussir à apprendre durablement par soi-même, sans son aide.

Au-delà de l’article de Hamel (1991), plusieurs recherches ont cherché à mettre en évidence les facteurs facilitant ou au contraire empêchant le transfert inter-organisationnel. Ces facteurs sont multiples, et on peut globalement les classer en deux grandes catégories. Premièrement, des variables liées au savoir lui-même impactent le transfert. Il s’agit par exemple de son caractère tacite, de son ambiguïté, de sa complexité, de sa spécificité, etc. Notamment, selon Argote et al. (2003), les propriétés du savoir transféré impactent l’aptitude à transférer ce savoir, la vitesse de transfert, et le degré avec lequel le savoir est retenu par le receveur. D’autres recherches montrent que le caractère ambigu du savoir impacte négativement son transfert (Simonin, 2004). Deuxièmement, des variables liées aux partenaires eux-mêmes entrent en compte : les

70 capacités absorptives des deux partenaires (voir Cohen et Levinthal, 1990), leur distance culturelle et organisationnelle (Simonin, 1999), leur distance physique, leur expérience préalable dans le transfert, la crédibilité perçue de l’entreprise qui transfère du savoir (Szulanski, 2000), la volonté d’apprendre de la part du receveur (Hamel, 1991) ainsi que la volonté de transférer de la part du donneur (Ko et al., 2005), etc. 2. 3. Les modalités et mécanismes permettant le transfert de savoir inter-organisationnel

Dans son ouvrage, Hislop (2009) résume les principales modalités de transfert de savoir entre deux organisations : (1) la formation explicite ou « formalisée », (2) l’intervention dans les processus de travail, (3) l’apprentissage émergeant dans le travail et les activités quotidiennes. Au fur et à mesure que la littérature sur l’apprentissage s’est développée, les auteurs se sont d’ailleurs focalisés sur les mécanismes moins formels de l’apprentissage. Ainsi, plusieurs auteurs considèrent surtout l’apprentissage comme un processus encastré dans des pratiques quotidiennes (e.g. Contu et Willmott, 2003 ; Styhre et al., 2006).

Des mécanismes de transfert de savoir inter-organisationnel bien précis existent et peuvent être rattachés aux trois grandes modalités de transfert exposées. En termes de formation explicite, on retrouve ainsi les mécanismes suivants : la formation organisée ou ad hoc des employés du receveur par le donneur, des activités de socialisation planifiées, la fourniture de certains documents ou supports de formation, etc. En termes d’intervention dans les processus de travail, on peut s’appuyer sur les mécanismes suivants : la création d’équipes mixtes (Brown et Eisenhardt, 1995) ou de « groupes de transfert » (Inkpen, 2000), l’envoi par le donneur d’une personne expérimentée pour former les employés du receveur, la mise en place de systèmes de communication partagés entre le donneur et le receveur (Inkpen, 2000), etc. Des auteurs (e.g. Bennett et al., 2008) rappellent même qu’on peut utiliser un intermédiaire qui crée la liaison entre les deux