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La section 1 a pour objectif d’apporter un éclairage sur les concepts de ressources, de capacités et de compétences en management stratégique. Pour définir ces concepts, nous mobilisons les travaux de l’approche par les ressources qui sert d’ancrage à la thèse et qui se compose de quatre courants : (1) l’Ecole évolutionniste, (2) la Resource-Based View (RBV), (3) la Théorie des capacités et des capacités dynamiques, (4) la Théorie des compétences.

Tout d’abord, nous justifions notre choix d’ancrer la thèse dans l’approche par les ressources (voir 1.). Ensuite, nous expliquons les quatre courants fondateurs de l’approche par les ressources afin de faciliter la compréhension des concepts de ressources, de capacités et de compétences, ainsi que des théories afférentes. Nous présentons donc brièvement le courant évolutionniste (voir 2.), la Resource-Based View ou « RBV » (voir 3.), la Théorie des capacités et des capacités dynamiques (voir 4.), ainsi que les Théories sur les compétences (voir 5.).

1. Un ancrage de la thèse dans l’approche par les ressources

Dans notre travail, l’Open Marketing est défini comme une démarche destinée à capter des apports d’actifs marketing grâce à un réseau de prestataires extérieurs, afin d’enrichir l’organisation marketing. La notion d’ « actifs marketing » est déjà présente dans l’explication originale de l’Open Marketing par Day (2011)30. Toutefois, elle devient encore plus centrale dans notre conceptualisation. De ce fait, un cadre théorique basé sur les ressources, les capacités et les compétences semble pertinent. Avant de porter notre choix sur

30 Day (2011) considère l’Open Marketing comme un moyen d’avoir accès notamment aux capacités des partenaires

84 l’approche par les ressources, plusieurs théories ont toutefois été considérées. Nous montrons d’abord que des théories où la notion de « ressource » était pourtant centrale ont été rejetées, et nous en expliquons les raisons (voir 1.1.). Ensuite, nous justifions l’ancrage de la thèse dans l’approche par les ressources (Koenig, 1999) spécifiquement, dont nous présentons les origines (voir 1.2.).

1. 1. Les théories mobilisant la notion de « ressource » non retenues

Deux théories, l’une issue du champ du management stratégique, et l’autre du champ spécifiquement marketing, auraient pu être retenues en raison du rôle central que tiennent les ressources dans leur conceptualisation. Il s’agit de la théorie de la dépendance aux ressources développée par Pfeffer et Salancik (1978) (voir 1.1.1.), puis de la théorie SDL de Vargo et Lusch (2004) (voir 1.1.2). Nous expliquons ci-après pourquoi ces deux théories ont été écartées.

1. 1. 1. La théorie de la dépendance aux ressources (Pfeffer et Salancik, 1978)

Cette théorie décrit les origines et les conséquences du pouvoir des organisations encastrées dans des réseaux d’interdépendance, résultant du contrôle ou au contraire de la dépendance à des ressources externes vitales localisées dans l’environnement (Pfeffer et Salancik, 1978). Ainsi, l’environnement externe contenant des ressources limitées, l’organisation dépend d’autres organisations pour l’accès à certaines ressources qu’elle ne possède pas en interne. Cette théorie, parfois utilisée pour analyser l’organisation marketing (Ruekert et Walker, 1987), aurait aussi pu être intéressante pour étudier dl’Open Marketing : elle aurait pu être mobilisée pour montrer en quoi l’organisation marketing dépend d’autres organisations pour acquérir certaines ressources, capacités et compétences marketing non possédées en interne.

Néanmoins, dans cette théorie, la notion de pouvoir est centrale : une organisation a une position favorable et détient le pouvoir quand elle possède le contrôle de certaines ressources. Or, si la notion de pouvoir devra être prise en compte lors de l’étude du déploiement de la capacité d’Open Marketing (voir p. 162), elle ne constitue pas la pierre angulaire du concept d’Open Marketing tel qu’il a été introduit dans la littérature (Day, 2011). La théorie de la dépendance aux ressources a donc été écartée pour cette raison principale.

1. 1. 2. La théorie SDL ou « Service-dominant Logic » (Vargo et Lusch, 2004)

Selon Vargo et Lusch (2004), le marketing a récemment évolué d’une logique centrée sur l’échange de biens à une logique centrée sur l’échange de services, ceux-ci étant définis comme « l’application de compétences spécialisées (aptitudes et savoir) au travers d’actions, de processus et de performances, bénéficiant à une autre entité ou à l’entité considérée elle-même » (Vargo et Lusch, 2004). Cette évolution exige alors que l’on se concentre sur les ressources dynamiques et intangibles qui, selon Vargo et Lush (2004), sont à la base de la performance et de l’avantage compétitif de l’entreprise. La théorie SDL différencie les ressources « operand » (sur lesquelles un acte ou une opération est mené) et les ressources « operant » (qui agissent sur les autres ressources). Alors que les ressources « operand » sont typiquement des ressources physiques, les ressources « operant » sont plutôt des ressources humaines (les aptitudes et le savoir des employés), informationnelles (le savoir sur le marché, sur les segments de consommateurs, ...), organisationnelles (routine, culture, compétences, ...) ou encore relationnelles (relations avec les clients, les concurrents, les fournisseurs). Les ressources « operant » sont fondamentales car c’est dans cette catégorie que se classent

85 les compétences spécialisées et le savoir31, qui sont à la base de l’avantage compétitif.

La théorie SDL repose sur plusieurs piliers. (1) Il convient d’identifier et de développer les ressources « operant » (compétences clés, aptitudes et savoirs fondamentaux) qui permettront à l’entreprise de gagner un avantage compétitif. (2) Les entités (des consommateurs potentiels) qui pourront bénéficier de ces compétences doivent être identifiées. (3) Il faut cultiver des relations qui impliquent le consommateur dans le développement des offres. (4) Les retours du marché doivent être pris en compte pour améliorer les offres à destination du consommateur, et ainsi augmenter la performance de l’entreprise. Par ailleurs, Vargo et Lusch (2004) explicitent la rupture entre la logique centrée sur les biens et la logique centrée sur les services. Tout d’abord, alors qu’avant on échangeait des biens (ressources « operand »), on échange à présent des services de façon à bénéficier des compétences spécialisées incluses dans ces services : les biens transmettent donc des ressources « operant ». De plus, alors qu’avant le consommateur recevait un bien, il coproduit maintenant le service dans cette nouvelle logique. La théorie SDL est en effet fortement tournée vers la collaboration avec le consommateur : la valeur est définie par lui (et non plus par le producteur), mais aussi co-créée avec lui (et non plus incluse dans un bien comme dans l’ancienne logique).

Alors que les notions de ressources, de capacités et de compétences sont centrales dans la théorie SDL, celle-ci n’a pas été retenue pour deux raisons. Premièrement, cette théorie est « consumer-centric » (Vargo et Lusch, 2004) : l’idée de collaborer avec le consommateur et d’apprendre de lui est centrale. Or, selon le positionnement de la thèse (voir p. 19), le concept d’Open Marketing est envisagé sous l’angle de l’apprentissage inter-organisationnel avec les prestataires, et non sous l’angle de la co-création avec le consommateur. Deuxièmement, les auteurs qui s’inscrivent dans la théorie SDL proposent une conceptualisation des ressources, des capacités et des compétences avec laquelle nous ne sommes pas en accord. D’une part, les concepts de capacités et de compétences sont considérés comme interchangeables (Madhavaram et Hunt, 2008). D’autre part, compétences et capacités sont vues comme des ressources « operant ». Aucun effort de distinction entre ces deux concepts n’est réalisé, alors qu’il semble important de chercher à les différencier et à comprendre comment ils s’articulent32. Enfin, les catégories de ressources « operant » et « operand » ne sont pas assez fines pour décomposer le flux de savoir capté par l’organisation marketing, et le fait de se concentrer sur les ressources « operant » uniquement semble également restrictif. Pour résumer, si la théorie SDL emploie les concepts de ressources, de capacités et de compétences auxquels nous nous intéressons dans le cadre de l’Open Marketing, le fait qu’elle utilise ces concepts d’une façon divergente de la nôtre et le fait qu’elle rende la co-création avec le consommateur centrale nous poussent à exclure ce cadre théorique.

1. 2. Les origines de l’approche par les ressources et ses caractéristiques

Après avoir justifié le non-recours à des théories mobilisant la notion de « ressources », nous nous tournons à

31 Notons que, dans la logique SDL, les concepts de « capacités » (ainsi que de capacités dynamiques) et de

« compétences » sont classés parmi les ressources « operant » (Madharavam et Hunt, 2008).

32 Cela sera réalisé au travers de notre proposition d’une architecture des actifs marketing dans les résultats de la

86 présent spécifiquement vers l’approche par les ressources33. Son objectif est d’expliquer l’avantage concurrentiel et la performance de l’entreprise par son stock d’actifs. La notion de « stock » de ressources, de capacités et de compétences est en effet centrale dans cette approche. Dans la thèse, partant du principe que le stock de ressources, de capacités et de compétences marketing détenu par l’organisation marketing explique en partie sa performance, nous nous focalisons sur un moyen (l’ouverture à un réseau de prestataires) permettant de le faire évoluer et de le développer. Bien que la thèse ne vise pas explicitement à démontrer un lien entre l’ouverture et la performance34, le fait qu’elle se focalise sur la captation d’actifs marketing dans le réseau de prestataires dans le but de développer le stock d’actifs de l’organisation l’inscrit naturellement dans l’approche par les ressources.

L’approche par les ressources comprend quatre écoles : l’Ecole évolutionniste, la RBV, la Théorie des compétences fondamentales, la Théorie des capacités dynamiques. Cette approche fonde un courant unitaire car tous ces courants partagent un intérêt pour les ressources (ou les « actifs » au sens large selon l’acception utilisée dans la thèse) et s’accordent sur le fait que l’hétérogénéité des entreprises en termes de performance s’explique par les différences dans les actifs qu’elles détiennent. Deux sources d’inspiration sont à l’origine de l’approche par les ressources (Koenig, 1999) : les travaux de Penrose (1959) qui ont inspiré les quatre écoles (voir 1.2.1.), et ceux de l’Ecole d’Harvard qui ont surtout inspiré la RBV (voir 1.2.2.).

1. 2. 1. L’héritage des travaux de Penrose (1959)

Penrose (1959), qui définit l’entreprise comme une « collection de ressources productives » physiques et humaines, est l’une des premières à reconnaître l’importance des ressources pour expliquer la position compétitive de l’entreprise. Sa vision repose sur plusieurs principes clés :

▪ Il existe des interactions entre les ressources, ce qui influence la performance des services que produit l’entreprise. Ainsi, une ressource matérielle peut fournir des services différents selon les compétences des personnes qui l’utilisent, et vice versa.

▪ Une ressource n’a jamais d’importance en elle-même : on doit considérer son insertion dans le système de ressources. Il convient donc de gérer le système de ressources dans son ensemble, celui-ci produisant des services à l’origine de la performance de l’entreprise.

▪ Le système de ressources est un agencement évolutif, propre à chaque entreprise, et qui produit donc des services idiosyncratiques. Cependant, cette dynamique endogène doit aussi tenir compte des facteurs exogènes : pour Penrose (1959), l’environnement constitue, à égalité avec le système de ressources, un facteur de développement de l’entreprise.

L’héritage penrosien a été repris par l’Ecole évolutionniste (Nelson et Winter, 1982), puis en management stratégique par les adeptes de la RBV (Wenerfelt, 1984 ; Barney, 1986). De la RBV, d’autres courants dérivés sont nés : les théories dérivées de l’approche par les compétences (Prahalad et Hamel, 1990 ; Sanchez et al., 1996) et la théorie des capacités dynamiques (Teece et al., 1997). Au final, ces quatre courants font partie de

33 Alors que Koenig (1999) utilise l’expression « approche ressources », nous utiliserons le terme d’ « approche par les

ressources » dans la thèse.

34 Le lien entre l’ouverture et la performance sera toutefois abordé dans la partie empirique de la thèse, de façon non-

87 l’approche par les ressources et partagent tous l’idée que les entreprises sont hétérogènes en raison des ressources qu’elles peuvent mobiliser (Koenig, 1999). Cependant, chaque courant reprend plus ou moins à son compte les hypothèses fondatrices de Penrose (1959). A titre d’exemple, seule la RBV accorde une importance égale à tous les types de ressources, les autres courants privilégiant les compétences. Egalement, les quatre courants se positionnent différemment par rapport à l’idée selon laquelle le développement de l’entreprise résulte à la fois de stimulations exogènes (évolution de l’environnement) et de processus endogènes (évolution du système de ressources de l’entreprise) : au contraire des autres courants, la RBV ne prend pas en compte l’influence de l’évolution de l’environnement, bien qu’elle reconnaisse son existence.

1. 2. 2. Les travaux de l’Ecole d’Harvard

Les travaux de l’Ecole d’Harvard ont surtout influencé le courant de la RBV. La RBV contribue notamment à l’approfondissement du modèle dit « de Harvard » ou « modèle LCAG » (1959). Dans ce modèle, on considère que les structures sectorielles (i.e. l’environnement externe sur lequel se focalise le modèle de Porter) sont intéressantes à analyser mais que le diagnostic stratégique doit reconnaître le caractère unique du système de ressources de chaque entreprise. La RBV a donc pour ambition de faire progresser la connaissance en se focalisant sur les ressources (puis les actifs en général) internes de l’entreprise, faisant contrepoids à l’analyse sectorielle de Porter (1980). Cependant, selon Koenig (1999), en s’intéressant au système de ressources internes de l’entreprise, la RBV vise surtout à rétablir l’équilibre entre l’environnement (l’externe) et l’entreprise (l’interne), un peu omis dans l’analyse de Porter (1980). C’est pour cette raison qu’on dit souvent que la RBV occulte les aspects exogènes pour se focaliser avant tout sur l’intérieur de l’entreprise. Les adeptes de la RBV utilisent le modèle SWOT selon lequel les stratégies judicieuses doivent remédier aux faiblesses de l’entreprise, s’appuyer sur ses forces internes de façon à saisir les opportunités présentées par l’environnement, et répondre aux menaces externes. Il convient cependant de relever une différence entre l’analyse SWOT et la RBV selon Koenig (1999) : les adeptes de la RBV ne font pas vraiment attention aux faiblesses de l’entreprise, mais étudient plutôt ses ressources qu’ils assimilent naturellement à des forces.

Dans la suite de cette section, nous présentons les courants qui constituent l’approche par les ressources afin d’éclairer les concepts de ressources, de capacités et de compétences. Ainsi, nous présentons tour à tour le courant évolutionniste (voir 2.), la théorie de la RBV (voir 3.), la théorie des capacités et sa dérivée la théorie des capacités dynamiques (voir 4.), ainsi que les théories composant l’approche spécifique par les compétences (voir 5.).

2. Le courant évolutionniste

Le courant évolutionniste a pour origine l’ouvrage fondateur de Nelson et Winter (1982) et cherche à expliquer les évolutions affectant les entreprises. Selon la théorie évolutionniste, chaque entreprise possède un ensemble de routines internes qui déterminent sa performance et guident la trajectoire que suit l’entreprise. Ces routines sont propres à l’entreprise (i.e. idiosyncratiques) et leur évolution explique donc les trajectoires suivies par l’entreprise.

88 l’environnement sélectionne les entreprises qui ont des routines adaptées, alors que celles qui présentent des routines inadaptées sont éliminées. Les deux principes de « routines internes » et de « sélection par le marché » expliquent donc la dynamique et les évolutions des entreprises dans un secteur donné. Les économistes évolutionnistes ont aussi mis en avant le concept de « dépendance au sentier » (path dependency). Selon ce concept, la trajectoire des entreprises et leur performance s’expliquent par leur histoire propre et par les routines qu'elles ont accumulées au cours de leur évolution : un choix effectué à un moment donné dans l’histoire de l’entreprise conditionne le développement futur de nouvelles routines, et donc les voies stratégiques futures disponibles pour l’entreprise.

Pour résumer, selon Koenig (1999), l’Ecole évolutionniste se revendique des travaux de Penrose (1959) mais focalise son analyse sur le changement dans les systèmes économiques, adoptant une perspective dynamique et prenant comme unité d’analyse les populations d’entreprises. Elle étudie surtout des ressources intangibles : les routines organisationnelles.

3. Les ressources et la théorie Resource-Based View (RBV)

Cette partie présente le concept de « ressource » et la théorie qui lui accorde une grande importance : la RBV. D’abord, nous donnons une définition du concept de « ressource » en management stratégique puis nous rapportons des typologies de ressources disponibles (voir 3.1.). Ensuite, nous étudions spécifiquement la théorie de la RBV (voir 3.2.) et ses limites (voir 3.3.).

3. 1. Les ressources en management stratégique : définition et typologies

Amit et Schoemaker (1993) définissent les ressources de l’entreprise comme des stocks de facteurs disponibles détenus ou bien contrôlés par l’entreprise. Selon eux, les ressources sont ensuite converties en produit ou en service grâce à un panel d’autres actifs dans l’entreprise, tels que la technologie, le management des systèmes d’information, etc.

De nombreux types de ressources ont été identifiés dans la littérature. Ainsi, on distingue des ressources tangibles, comme les ressources physiques, et des ressources intangibles, comme la réputation (Hall, 1992) ou les relations sociales par exemple. Egalement, Barney (1991) catégorise les ressources en trois grands types : les ressources physiques (une usine, un équipement, une localisation, ...), les ressources humaines (la formation et l’expérience, l’équipe de management, ...) et les ressources organisationnelles (la réputation de l’entreprise, sa culture, ...). Par ailleurs, l’article de Grant (1991) permet d’illustrer les différents types de ressources tangibles ou intangibles qui existent. On peut aussi différencier les ressources génériques qui sont échangeables entre entreprises et les ressources spécifiques qui sont propres à l’entreprise (Monateri et Ruffieux, 1996). A titre d’exemple, dans les ressources génériques, on trouve des ressources tangibles ou intangibles comme des logiciels, des informations relevant du domaine public ou pouvant être acquises financièrement, des machines standards,... Les ressources spécifiques se sont quant à elles construites grâce à l’histoire ou à des processus idiosyncratiques. Elles comprennent la réputation de l’entreprise (qui n’est pas transférable), son image de marque, ses brevets, ou encore son réseau relationnel.

89 différentes ressources étudiées dans la littérature de management stratégique35. On note dans cette liste la présence du savoir. Le savoir ou la connaissance (knowledge) constitue aux yeux de plusieurs auteurs une ressource clé de l’entreprise (Grant, 1996).

3. 2. La théorie Resource-Based View (RBV)

Selon les principaux théoriciens de la RBV (Barney, 1986 et 1991 ; Wernerfelt, 1984 ; Amit et Schoemaker, 1993), le type, la magnitude et la nature des actifs (i.e. les ressources, capacités et compétences) de l’entreprise déterminent son avantage concurrentiel et sa performance. Ainsi, dans la perspective RBV, on peut expliquer les différences de performance entre entreprises par les différences dans leur stock d’actifs. Notons que même si certains théoriciens de la RBV considèrent l’ensemble des actifs (ressources, capacités, et compétences), il existe une grande focalisation sur les « ressources » dans ce courant.

Au cœur de la RBV, se trouve donc la question suivante : quel système de ressource permet d’avoir un avantage concurrentiel durable ? L’article de Barney (1991) constitue le premier article formalisant de façon claire la RBV selon Newbert (2007). Le cadre théorique testable empiriquement qu’il propose repose sur deux présupposés : (1) les ressources sont distribuées de façon hétérogène entre les entreprises, et (2) les ressources sont imparfaitement mobiles. Dans ce cadre théorique, les entreprises qui possèdent des ressources rares et de valeur possèdent un avantage concurrentiel et, ainsi, une meilleure performance de court-terme.

Toutefois, Barney (1991) estime qu’un avantage concurrentiel durable est difficile à obtenir. Il semble plus facile d’envisager un avantage concurrentiel « soutenable » qui permet de résister aux tentatives d’imitation des concurrents sans être forcément durable. Pour cela, les ressources détenues par l’entreprise doivent être de valeur, rares, imparfaitement imitables, et non-substituables (cadre théorique VRIN). Selon la vision de Barney (1991), l’attribut essentiel d’une ressource est sa valeur, qui consiste dans sa capacité à exploiter une opportunité ou à conjurer une menace. Ensuite, la ressource doit être rare : une ressource détenue par un grand nombre de concurrents ne peut être source d’avantage concurrentiel soutenable car chaque concurrent est en mesure d’exploiter cette ressource de la même façon. La ressource doit aussi être imparfaitement imitable. Des conditions historiques particulières, une ambiguïté causale36, ou encore des mécanismes sociaux complexes peuvent créer cette inimitabilité. Enfin, il ne doit pas y avoir de ressources stratégiquement équivalentes disponibles.

Ainsi, la RBV ne prétend pas se substituer aux travaux de Porter (1980) qui portent sur l’analyse de l’environnement mais vise à « éclairer de façon complémentaire une même réalité » (Koenig 1999) en se focalisant sur le portefeuille de ressources internes des entreprises, censé expliquer leurs différences de performance à un moment donné.

35 Par exemple, les ressources suivantes sont étudiées dans la littérature : le capital humain, le savoir, l’expérience, le

capital social, la réputation, le climat de service, les ressources financières, la culture, les ressources physiques, les ressources entrepreneuriales, les ressources organisationnelles, la diversité raciale, le top management, les droits de propriété, les ressources technologiques, etc.

36 Le contraire de l’ambigüité causale est le degré de clarté dans la relation causale entre les décisions prises (ou les