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Linguistique darwinienne 1

2.1. Ethologie darwinienne Vs. Ethologie darwiniste

2.1.2. Synchronie darwinienne

Le second transformisme darwinien est indéniablement celui ayant suscité le plus d’intérêt.

La raison principale est qu’il correspond à l’orientation constatable dans L’origine des espèces. Plus précisément encore, la perspective synchronique que nous définissons comme telle car prenant avant tout en considération l’état des relations entre les individus, tant intraspécifiquement qu’interspécifiquement, à un moment donné en un lieu donné, semble pouvoir être réduite à la seule sélection naturelle, unique principe darwinien sérieusement considéré par la biologie moderne. L’étude continue du développement et de l’aboutissement de la pensée synchronique n’est pas dépourvue de débats passionnés. Nous n’en aborderons qu’un seul, celui de la raison du délai de publication de L’origine des espèces. En effet, un certain consensus semble de mise quant à l’acte de naissance de la sélection naturelle :

[P]opulation in increase at geometrical ratio in FAR SHORTER time than 25 years – yet until the one sentence of Malthus no one clearly perceived the great check among men. – «Even a few years plenty, makes population in Men increase, & an ordinary crop. Causes a dearth then in Spring, like food used for other purposes as wheat for making barndy.–» take Europe on an average, every species must have same number killed, year with year, by hawks. by. cold &c –.. even one species of hawk decreasing in number must effect instantaneously all the rest.– One may say there is a force like a hundred thousand wedges trying force <into> every kind adapted structure into the gaps <of> in the œconomy of Nature, or rather forming gaps by thrusting out weaker ones. «The final cause of all this wedgings, must be to sort out proper structure & adapt it to change.– to do that,

79Ghiselin (2003 [1969])

for form, which Malthus shows, is the final effect (by means however of volition) of thus populousness, on the energy of Man» (Darwin in Barrett et al. (2008 [1987]), D 135e, 375-376, nous soulignons)

La lecture de Malthus en septembre 1838 constitue un déclencheur. Il n’y a cependant pas de moment malthusien faisant apparaître clairement la théorie de la sélection naturelle à Darwin, et ce contrairement à ce que la lecture de l’Autobiographie du naturaliste peut laisser penser80. Pour reprendre l’image développée par Tort, la lecture de Malthus peut être considérée comme provoquant, en des termes chimiques, un « "précipité" théorique »81. La lutte pour l’existence, revêtant la forme de la nécessité d’adaptation parfaite, semble présente dans la pensée du naturaliste préalablement à l’éclairage malthusien. L’essai sur le principe de population amène avant tout une systématisation mathématique82 de la lutte pour l’existence conduisant le naturaliste à changer de perspective. La concurrence intraspécifique prise en compte, Darwin considère l’économie d’une nature dont l’harmonie est constamment rompue et doit être rétablie. La sélection naturelle constituerait alors un moyen de rétablissement de l’harmonie, d’une parfaite adaptation face à des conditions ayant changé mais s’étant stabilisées. Or, ce mécanisme évolutionnaire est bien éloigné de la définition de la sélection naturelle telle qu’on peut l’inférer de l’argumentation de L’origine des espèces. En effet, comme l’a montré Ospovat83 Darwin est bien loin, dans ses carnets tout comme dans l’Essay de 1844, de soutenir une théorie de la sélection naturelle identique à celle de 1859. Ainsi, influencé par la théologie naturelle, le naturaliste soutient que l’adaptation est toujours parfaite84, c’est-à-dire en adéquation avec les conditions extérieures. Ces dernières sont le résultat de l’influence de l’inorganique/inanimé. Tout comme dans son premier transformisme diachronique, Darwin soutient donc que l’évolution est issue d’une réaction de l’organique face à l’inorganique/inanimé. Toutefois, il reconnaît clairement une disparité dans les variations entre les individus d’une même espèce soumis à des conditions identiques.

L’insistance est mise sur le caractère accidentel de ces variations explicable par l’influence de l’inorganique/inanimé sur le système reproducteur. La sélection naturelle est alors un principe intermittent, entièrement dépendant des rares changements des conditions de vie. Au

80 Darwin in N. Barlow (1958) : 120-121 ; Ghiselin (2003 [1969]) : 48-49, 59-77 ; Gruber (1974) : 118-120, 163-174 ; Ruse (1999 [1979]) : 174-176 ; Ospovat (1995 [1981]) : 61-73 ; Hodge & Kohn (1985) : 185-186 ; Richards (1987) : 98-102 ; Hodge (2009), "The Notebook Programmes and Projects of Darwin’s London Years" : 64-70 ; Radick (2009) : 152, 163-164 ; Tort (2010a [2005]) : 18-22.

81Tort (2010a [2005]) : 19.

82 Le développement géométrique de la population est plus rapide que l’accroissement arithmétique de la nourriture.

83Ospovat (1995 [1981]) : 60-86 ; 208-209.

84L’adaptation parfaite est ici à entendre en un sens restreint, non téléologique. Cf. Ospovat (1995 [1981]) : 74-75.

contraire, la théorie de 1859 soutient une sélection naturelle continue, indépendante des conditions inorganiques/inanimées qui débouche sur des adaptations non pas parfaites mais relatives, la concurrence ayant été étendue de l’intraspécifique à l’interspécifique.

L’élaboration de la théorie de la sélection naturelle telle qu’exposée dans L’origine des espèces est donc le fruit d’un long travail de maturation, la découverte du principe de divergence, issue de considérations sur la distribution géographique, l’embryologie, la morphologie, la paléontologie et la classification, constituant la condition nécessaire à ce tournant théorique85.

La reconnaissance d’une distinction entre la théorie post-malthusienne et son accomplissement dans L’origine des espèces permet de se dispenser d’explications circonstancielles du délai de publication. Il n’est alors pas nécessaire d’évoquer la crainte de Darwin face à la condamnation potentielle de ses thèses, attisée par les réactions scandalisées face à l’ouvrage transformiste, anonyme, écrit par Chambers en 1844 : The Vestiges of Creation86. De même, il est inutile de postuler une certaine retenue de la part de Darwin quant à ses convictions matérialistes. Si ces dernières sont estompées dans toutes ses œuvres, la question du libre arbitre n’étant jamais posée, une base matérialiste minimale subsiste dans les œuvres les plus tardives tandis qu’une insistance sur la structure mentale traverse le septième chapitre de L’origine des espèces consacré à l’instinct. Ainsi, aux explications circonstancielles du délai de publication, il est possible de substituer une explication prenant en considération la persistance de problèmes théoriques devant être résolus afin de passer de la proto-synchronie des carnets, du Sketch et de l’Essay, postulant une adaptation parfaite, à la synchronie de la Sélection naturelle et de L’origine des espèces, postulant une adaptation relative.

C’est une fois encore la question du comportement animal qui sous-tend les développements les plus importants de la pensée de Darwin. L’accomplissement de la perspective synchronique est constaté par Darwin dans le septième chapitre de L’origine des espèces consacré à l’instinct :

I am bound to confess, that, with all my faith in this principle, I should never have anticipated that natural selection could have been efficient in so high a degree, had not the case of these neuter insects convinced me of the fact. I have, therefore, discussed this case, at some little but wholly insufficient length, in order to show the power of natural selection, and likewise because this is by far the most serious special difficulty, which my theory has encountered. The case, also, is very interesting, as it proves that with animals, as with plants, any amount of modification in structure can be effected by the accumulation of numerous, slight,

85Ospovat (1995 [1981]) : 191-209

86Cf. supra note 71

and as we must call them accidental, variations, which are in any manner profitable, without exercise or habit having come into play. For no amount of exercise, or habit, or volition, in the utterly sterile members of a community could possibly have affected the structure or instincts of the fertile members, which alone leave descendants. I am surprised that no one has advanced this demonstrative case of neuter insects, against the well-known doctrine of Lamarck. (Darwin (1859) : 242, nous soulignons)

La théorie de la sélection naturelle, entendue en tant que continue, basée sur des variations accidentelles et permettant la survie des plus aptes, est accomplie à travers la résolution de problèmes concrets et plus particulièrement celui des instincts complexes. Ces derniers ont longtemps constitué, pour Darwin, « a difficulty sufficient to overthrow my whole theory »87. Plus précisément, l’instinct, ainsi que l’existence même, des insectes neutres ont d’abord représenté une difficulté apparemment insurmontable avant de revêtir le caractère d’exemple paradigmatique de l’opérativité de la sélection naturelle, disqualifiant l’hérédité des caractères acquis. Le refus du lamarckisme, composante essentielle de la perspective diachronique, est le résultat d’un long processus dont l’évolution peut être reconstruite dès les carnets darwiniens.

En novembre 1838, Darwin introduit les bases essentielles à la théorie de l’instinct de L’origine des espèces qui coexistent encore avec l’hérédité des caractères acquis :

An habitual action must some way affect the brain in a manner which can be transmitted. – this is analogous to a blacksmith having children with strong arms. – The other principle of those children. which chance? produced with strong arms, outliving the weaker ones, may be applicable to the formation of instincts, independently of habits. – the limits of these two actions on form or brain very hard to define (Darwin in Barrett et al. (2008 [1987]) : N 42-43e, 574)

A l’hérédité des caractères acquis purement diachronique est ajoutée la possibilité, proto-synchronique, de variations aléatoires88 sélectionnées. Commence alors un long déclin des habitudes doublé d’une transformation de l’acception de ces dernières. Un mois avant l’introduction de la théorie proto-synchronique dans le cadre du comportement, Darwin avait

87Darwin (1859) : 207.

88La question des variations aléatoires, aussi appelées accidentelles ou spontanées par Darwin, est certainement l’une des plus complexes concernant la théorie darwinienne. Comme l’a souligné Gruber, la variation passe de conclusion, pour la période pré-malthusienne, à prémisse de la sélection naturelle, pour la période post-malthusienne. Darwin soulignant à plusieurs reprises que ces variations sont considérées comme aléatoires uniquement parce qu’on ne connaît pas les causes de ces dernières, ce vide théorique, comme le souligne Hoquet, représente un risque réel pour la théorie de la sélection naturelle qui, au cas où une certaine détermination de la variation était trouvée, peut voir sa compétence et sa responsabilité limitées. La théorie de Bowler de l’éclipse du darwinisme est fondée sur l’importance donnée à la variation au détriment de la sélection naturelle entre 1859 et le début du vingtième siècle voyant enfin l’émergence d’une théorie de l’hérédité plus assurée et consacrée avec le développement de la théorie synthétique de l’évolution. Enfin, tout le débat sur l’épicurisme ou le providentialisme de Darwin tourne en définitive autour de la question du statut de la variation.

Une solution intéressante à ce dilemme est donnée par Ospovat qui, dans son traitement du principe de divergence, souligne que, pour Darwin, l’abondance de nourriture des espèces victorieuses a un effet exponentiel sur leur variabilité. Cf. Darwin (1859) : 131, 167-170, 486 ; Id. in Stauffer (1975) : 174 ; Id. (1868), De la variation II : 309-310 ; Gruber (1974) : 156-161 ; Ospovat (1995 [1981]) : 203 ; Bowler (1983), The Eclipse of Darwinism ; Hoquet (2009) : 161-231.

déjà souligné la difficuulté de fournir une explication diachronique, à travers l’hérédité des caractères acquis, de nombreux traits comportementaux et proposait de privilégier le recours au concept d’instinct : « Useful to use term instinct, when origin of heredetary habit cannot be traced »89. Il ne s’agissait pas encore d’opposer deux théories qui tendront à s’éloigner dès l’émergence de la proto-synchronie en novembre 1838 et qui seront devenues parfaitement antagoniste dans la synchronie de 1859. Dès lors, l’instinct gagne son indépendance contre l’hérédité des caractères acquis. Or, cet affranchissement de l’instinct se fait au prix d’un obscurcissement conceptuel :

I will not attempt any definition of instinct. It would be easy to show that several distinct mental actions are commonly embraced by this term; but every one understands what is meant, when it is said that instinct impels the cuckoo to migrate and to lay her eggs in other birds' nests. An action, which we ourselves should require experience to enable us to perform, when performed by an animal, more especially by a very young one, without any experience, and when performed by many individuals in the same way, without their knowing for what purpose it is performed, is usually said to be instinctive. (Darwin (1859) : 207)

La définition de l’instinct comme mémoire inconsciente90 est abandonnée au profit d’un appel au sens commun91. Tout effort définitionnel n’est cependant pas évité par Darwin qui semble reconnaître quatre caractéristiques principales aux actions instinctives, à savoir l’innéité, la fixité, la collectivité et l’ignorance du but de l’action entreprise. Toutes ces caractéristiques de l’instinct sont purement relatives. Il est possible qu’un instinct se développe au cours de l’existence d’un individu, l’innéité n’étant retrouvée que si ce dernier transmet ce comportement à sa progéniture. De même, un instinct peut être modifié, accidentellement ou, plus rarement, intelligemment, ce qui permet au naturaliste de rendre compte de l’évolution graduelle du comportement d’une espèce. Une action devenue instinctive peut également être individuelle, particulièrement au cours du processus de modification, et seules les variations sélectionnées et transmises, en d’autres termes seuls les comportements adaptatifs, peuvent revêtir un caractère collectif. Enfin, l’ignorance du but peut être remise en question lors de l’intervention de la raison.

C’est à la lecture de l’essai sur l’instinct de Lord Brougham (1778-1818) ainsi que suite à l’étude des entomologistes Kirby et Spence (c. 1783-1860) que Darwin admet, contre son

89Darwin in Barrett et al. (2008 [1987]) : M 142, 555

90Cf. supra note 52 ; Sur l’abandon de la définition de l’instinct cf. Tort (2011), Darwin et la religion : 192

91 Darwin suit en ce sens les traces de Rousseau qui, malgré de sérieux doutes quant à l’instinct, se traduisant par une impossibilité de définir ce concept, se contente de recourir au sens commun. Cf. Guichet (2006) : 219-245.

intuition première, l’ignorance du but dans l’action instinctive92. A travers cette dernière caractéristique de l’instinct, l’opposition entre celui-ci et les habitudes se cristallise. Plus précisément, c’est l’inadéquation entre intelligence et instinct, déjà présente dans la définition diachronique de ce dernier comme mémoire inconsciente, qui est réaffirmée puisque la raison semble être la cause de la relativité des caractéristiques de l’action instinctive : « none of these characters of instinct are universal. A little dose, as Pierre Huber expresses it, of judgment or reason, often comes into play, even in animals very low in the scale of nature. »93 Le recours aux manuscrits est ici salutaire.

Outre les carnets, trois sources particulièrement riches permettent de mieux cerner la théorie ou plutôt les théories de l’instinct darwiniennes. Le Sketch de 1842, l’Essay de 1844 et la Sélection naturelle représentent trois types de manuscrits distincts dans lesquels l’on peut retracer l’évolution de la pensée de Darwin sur l’instinct. En effet, le Sketch de 1842 est un brouillon organisé ; l’Essay de 1844 est un résumé de la pensée transformiste de Darwin destiné à la publication en cas d’une mort prématurée ; la Sélection naturelle est la seconde partie inachevée du Species Book n’ayant jamais vu le jour. Tous trois contiennent un chapitre non seulement consacré à l’instinct mais également aux pouvoirs mentaux94.

Malgré un caractère elliptique, le Sketch présente l’avantage de caractériser le point de départ, déjà organisé après les réflexions disparates des carnets, de la pensée darwinienne sur le comportement animal. Ainsi, le problème de l’origine des facultés mentales est définitivement abandonné ; l’hérédité des caractères acquis (dans sa version diachronique) est tout autant considérée que la sélection de variations accidentelles de l’instinct, la conciliation entre lamarckisme et sélectionnisme brouillant la distinction effectuée en novembre 1838 ; la relation entre raison est instinct et abordée ; la nécessité d’inscrire la théorie de l’instinct et des pouvoirs mentaux dans le gradualisme de même que dans le contexte d’adaptations parfaites est affirmé.

92 Brougham (1839), Dissertations on Subjects of Science… I : 1-54 ; Kirby & Spence (1818), Introduction to Entomology ; Richards (1987) : 136.

93Darwin (1859) : 208

94 Dans le Sketch il s’agit du troisième chapitre « On variation in instincts and other mental attributes » ; dans l’Essay, le troisième chapitre est intitulé « On the variation of instincts and other mental attributes under domestication and in state of nature ; on the difficulties in this subject ; and on analogous difficulties with respect to corporeal structures ; dans la sélection naturelle le dixième chapitre est plus simplement appelé

« Mental powers and instincts of animals ».

Aucune rupture radicale n’est constatable dans l’Essay de 184495. Cependant, l’argumentation de Darwin s’affine, notamment par la diversification des observations constatable dans la comparaison entre animaux domestiques et sauvages et celle entre les apparentes difficultés auxquelles le naturaliste doit faire face pour rendre compte des structures corporelles complexes à travers la sélection naturelle et les apories similaires concernant les instincts les plus compliqués. De plus, la conciliation entre hérédité des caractères acquis et sélection naturelle est une nouvelle fois affirmée, mais d’une manière bien différente de celle du Sketch.

Il est alors possible de comparer deux passages du Sketch et de l’Essay qu’il faut se garder de confondre. En 1842, Darwin écrit :

It must I think be admitted that habits whether congenital or acquired by practice [sometimes] often become inherited; instincts, influence equally with structure, the preservation of animals; therefore selection must, with changing conditions tend to modify the inherited habits of animals. If this be admitted it will be found possible that many of the strangest instincts may be thus acquired. I may observe, without attempting definition, that an inherited habit or trick (trick because may be born) fulfils closely what we mean by instinct. (Darwin in F.

Darwin (1909) :18)

Quatre ans après la distinction, en novembre 1838, entre sélection de variations spontanées et hérédité des caractères acquis, Darwin n’a toujours pas séparé drastiquement ces deux théories. Au contraire, une confusion troublante réclame une analyse textuelle rigoureuse. Le fait que le texte de 1842 ne soit qu’une esquisse ne doit pas occulter les problèmes fondamentaux auxquels Darwin doit faire face, d’autant plus si l’on considère que le délai de publication de sa théorie transformiste en est la conséquence. En refusant de définir clairement l’instinct, tout comme l’habitude, Darwin ne fait en aucun cas uniquement appel au sens commun. C’est un penseur en proie à des difficultés considérables qui écrit le passage précité, témoignant tout autant de la complexité que de la richesse de la théorie darwinienne du comportement. Ainsi, l’utilisation du terme "habit" est ici autant imprécise que celle du substantif "instinct". L’habitude peut alors être congénitale ou acquise. Celle-ci correspond, une fois héritée, au lamarckisme du transformisme diachronique, celle-là peut être considérée comme équivalente au caractère inné de l’instinct. Or, les habitudes congénitales tout autant qu’acquises peuvent être transmises. Si la sélection concerne les habitudes, il s’agit uniquement, pour la théorie de 1842, de celles qualifiées de congénitales96. En d’autres

95 Sur les théories de l’instinct contenues dans le Sketch et dans l’Essay et leur rapport avec l’Origine des espèces : cf. Burkhardt Jr. (1985) : 341-344 ; Tort (2011) :187-195. Notons que nous n’adhérons pas à l’adaptationnisme, que l’on peut qualifier de rétrospectif, de ces deux études.

96 En effet, la sélection n’agit pas sur les habitudes héréditaires (hereditary) mais sur les habitudes héritées (inherited).

termes, la sélection naturelle ne peut opérer que sur l’instinct et non pas sur les habitudes acquises avant leur transmission. En définitive, Darwin, contrairement à la dichotomie opérée en 1838, concilie le lamarckisme avec la théorie de la sélection naturelle en faisant, à terme, de toute habitude un instinct par transmission. La sélection naturelle, dépendante du changement des conditions de vie, modifie, agit sur des habitudes héritées, c’est-à-dire des instincts aussi bien issus d’habitudes congénitales qu’acquises, les deux étant transmises.

En 1844, la conciliation entre habitudes et sélection est bien différente :

I beg to repeat that I wish here to consider not the probability but the possibility of complicated instincts having been acquired by the slow and long-continued selection of very slight (either congenital or produced by habit)

I beg to repeat that I wish here to consider not the probability but the possibility of complicated instincts having been acquired by the slow and long-continued selection of very slight (either congenital or produced by habit)