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Charles Pierce fait partie de ces penseurs qui ont le plus contribué à l'élaboration d'une théorie du symbole dans la mesure où à travers ses recherches sur la sémiotique, il fait du symbole un cas particulier de signe :

« Charles Pierce, en logicien, prend le mot "symbole" au sens de signe conventionnel » (http://goo.gl/bNwh2)

Nous examinerons plus loin la part sociale inhérente à la convention qui transforme le signe en symbole (Le symbole comme convention morale pour une construction sociale p. 29), pour l'instant essayons de voir un peu plus clair dans la sémiotique de Pierce ce qui pourrait enrichir notre définition du symbole. Tout d'abord, la notion d'indice donne une définition du symbole en tant que mise en relation d'un objet avec un sens par l'intermédiaire d'un individu

« Pour Pierce :

"L'indice est un signe, ou représentation, qui renvoie à son objet non pas tant à cause d'une similarité ou d'une analogie avec lui, ni parce qu'il est associé aux caractères généraux que cet objet se trouve posséder, que parce qu'il est en connexion dynamique (et en particulier spatiale) avec l'objet individuel d'un côté, et de l'autre avec les sens ou la mémoire d'une personne à quoi il sert de signe..." (cité par Rey, 1976, p. 24) » (Amiel, 2010, p. 55)

Samuel Szoniecky Université Paris VIII - Saint-Denis 2009 - 2012

De la nécessité des langages symboliques - Qu'est-ce qu'un symbole ? 26

Il y a là une proximité entre la définition du symbole que nous élaborons et les propositions de Pierce qui est d'autant plus évidente à la lumière de la relecture de cet auteur par Pierre Lévy qui expose les ajustements de vocabulaire qu'il opère pour construire sa propre théorie :

« La fonction de représentation est portée par le signifiant pour la linguistique, les scolastiques médiévaux parlaient de vox tandis que pour C. S. Pierce, il s’agissait de la fondation du signe. Dans mon propre vocabulaire théorique, j’appelle le support de la représentation un « signe » (représenté par un pi dans le schéma ci-dessous).

La fonction de référence est portée par le référent (c’est-à-dire la chose désignée par le signe) pour la linguistique, les scolastiques appelaient le référent res tandis que C. S. Pierce l’appelait objet. Ici, j’appellerai « chose » le support de la référence (représenté par un cube dans le schéma ci-dessous).

La fonction de conception, finalement, est portée par le signifié pour la linguistique, un signifié que les scolastiques appelaient conceptus et C. S. Pierce interprétant (afin de bien marquer l’opération active d’interprétation qui consiste à relier un signe à d’autres signes et à un référent). Pour ma part, je nomme ce troisième terme « être » (représenté par un bonhomme dans le schéma ci-dessous) car un esprit quelconque doit relier le signe à la chose ; sinon, aucune signification n’a lieu. » (http://goo.gl/GZe1a)

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Sur la base de cette traduction de Pierce par Lévy, nous retrouvons le diagramme en trois parties que nous élaborons depuis le début de cette thèse. Évidemment, le vocabulaire change et les mots que les uns et les autres emploient peuvent être différents comme l'explique François Rastier dans son analyse de la triade sémiotique (Rastier, 1990) ou Louis Hébert dans sa typologie des structure du signe (Hébert, 2010) pour lequel il fournit même un schéma qui montre la disposition de chaque auteur à utiliser des termes différents (Figure 6 : Termes du triangle sémiotique p. 26). Nous pourrions d’ailleurs nous inspirer de ce schéma pour montrer comment enrichir notre diagramme du symbole en introduisant le vocabulaire des auteurs que nous avons cités.

Allons plus loin dans l'enrichissement de notre définition du symbole en introduisant les travaux du philosophe Gilles Granger qui développe une critique de la raison symbolique en associant lui aussi signe et symbole comme constituant minimum de la pensée :

« la raison développe une activité sémiotique, au sens où la définition minimale de la pensée est celle d'une manipulation de signes (ou de symboles) » (http://goo.gl/knvdt)

Cette définition de la pensée et de l'activité sémiotique qui associe signe et symbole, donne à Granger l'occasion de s’interroger sur les possibilités du symbolisme par rapport à une dialectique entre un système d'objets et un système d'opérations, autrement dit entre une matière et la manipulation d'abstraction :

« l'efficacité de toute pensée qui se déploie dans un système symbolique et vise à décrire un « monde » nous paraît reposer sur une telle dualité entre un système d'objets et un système d'opérations, qui se déterminent l'un l'autre. Dualité qui, plus ou moins parfaite, est du reste condition de possibilité même de toute pensée symbolique, dans la mesure où les symboles doivent cesser d'être adhérents aux impressions qui leur servent de support, et se prêter aux constructions d'une combinatoire » (1996/2003 : 302). » (http://goo.gl/knvdt)

Cette citation nous apporte de nouvelles informations très pertinentes concernant la définition du symbole mais plus encore sur les conditions de son utilisation. Granger confirme que la pensée symbolique émerge d'une relation entre des systèmes objets (1ère dimension) et des systèmes d'opérations (2ème dimension) mais il précise que la pensée n'accède à l'efficacité que dans la mesure où l'on se détache de l'impression des objets pour accéder à l'abstraction des opérations. Ce que nous avons déjà rencontré chez Spinoza qui lui aussi encourage à se détacher des affects occasionnés par les objets pour pouvoir créer des rapports et transformer les impressions en expressions. Plus encore, Granger enrichit l'hypothèse selon laquelle le symbole véhicule une double temporalité entre le passage d'un contrat symbolique et son actualisation créatrice de sens en créant une boucle de rétroaction entre ces deux

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temporalités « qui se déterminent l'un l'autre ». De plus, il apporte une dimension supplémentaire au symbole par sa capacité à découper l'univers et de ce fait à l'organiser. Proposition qu'il exprime autrement dans cette autre citation :

« le signe a une valeur différentielle, il « découpe » : « de tels signes n'ont de valeur que par la position qu'ils occupent dans ce qu'on pourrait appeler un espace d'information, un canevas de repérage, qui, plus ou moins clairement, introduit la discontinuité dans l'univers auquel il renvoie » (ibid.). Enfin, le signe ne fonctionne que comme élément d'un système. » (http://goo.gl/knvdt)

Ainsi, les systèmes symboliques sont à la fois des systèmes de coordonnées et les outils permettant de les construire. Dès lors, on ne peut évacuer la dimension fondamentalement fractale du symbole qui en rétroagissant sur lui-même crée les conditions d'une mise en abîme si chère à l’époque Baroque et qu'on simule si facilement aujourd'hui grâce aux algorithmes récursifs.