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L'agent allégorique pose comme hypothèse que l'information est organisée selon trois dimensions : physique, relationnelle et conceptuelle. Les dimensions physique et conceptuelle se déploient sous la forme de réseaux qui sont hiérarchiques et métriques dans le cas de la dimension physique et rhizomatique (Deleuze & Guattari, 1980) et topologiques (Lévy, 2011) dans le cas de la dimension conceptuelle. La dimension relationnelle assure le lien entre ces deux dimensions en créant un rapport de signification à un instant donné, en un lieu donné pour un individu donné. Ainsi il est possible de concevoir une activité pour et dans l’usage (Folcher, 2010).

Adaptons le diagramme de l'agent allégorique (Figure 46 : Diagramme agent allégorique p ; 165) à l'exemple du trottoir que nous avons traité plus haut. Commençons par la dimension physique qui est la plus simple à décrire et qui correspond à ce premier genre d'existence que Spinoza appelle les parties extensives (Deleuze, 1968). Cette dimension est régie par des échelles dont le plus petit niveau est celui de l'Univers et le plus grand celui de la particule élémentaire. Même si notre proposition s'applique quels que soient les niveaux, dans le cadre du projet GEVU nous ne traiterons qu'une partie de ces niveaux, ceux correspondant aux collectivités territoriales et au cadastre (région, département, communauté de commune, ville, quartier, parcelle), ceux correspondants aux voiries (routes, trottoirs, objets urbains) et aux bâtiments (étages, espaces, objets). Remarquons tout de suite que cette description des niveaux d'échelle n'est pas purement physique puisque nous venons d’associer à un espace géographique ou à un rassemblement de particules élémentaires, des concepts comme région, route ou bâtiment. De plus, cette relation entre des éléments physiques et des concepts correspond à un point de vue particulier : celui des concepteurs de GEVU. Pour un autre point de vue, un ensemble de particules élémentaires que nous appelons « bâtiment » sera associé au concept « ma maison ».

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Dès lors, le travail de modélisation complexe consistera à décrire un point de vue particulier par rapport à chacune des dimensions physique, relationnelle et conceptuelle. Ainsi, il sera possible de naviguer dans chacune de ces dimensions pour lire ou écrire des informations qui seront automatiquement contextualisées par l'association avec les autres dimensions. Dans ces conditions la représentation de l'agent est autant un outil de lecture que d'écriture de l'information comme le montre le diagramme suivant qui reprend l'exemple du trottoir en montrant plusieurs points de vue concernant un même trottoir (Figure 19) :

Figure 47 : Point de vue sur l'accessibilité d'un trottoir

On le voit, pour un même trottoir on peut multiplier à loisir les couches qui représentent les dimensions physique, conceptuelle et relationnelle. D'autant plus si on prend en compte l'historique des événements et des différents points de vue qui modifient l'état du trottoir et seront autant de nouvelles couches qu'il faudra accumuler. Pour pouvoir calculer une représentation cohérente de ces couches, nous devons dès lors respecter les contraintes suivantes :

• préserver la cohérence du modèle éthique d'organisation de l'information proposée par l’agent allégorique,

• respecter les principes d’une conception ergonomique dans et pour l’usage qui analyse le continuum des choix de trois pôles de maîtrise : ouvrage, œuvre, usage, • créer une représentation dynamique des couches informationnelles qui composent

Samuel Szoniecky Université Paris VIII - Saint-Denis 2009 - 2012

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différentes couches.

Dès lors il sera possible de modéliser la complexité d’un projet comme GEVU tout en permettant l’analyse ergonomique de ce projet et de ses évolutions au cours de la vie du projet. A partir de cette modélisation nous pourrons organiser un circuit de validation des choix effectués par les acteurs suivant leur domaine de compétences et de responsabilités. Le diagramme suivant (Figure 48 p. 168) montre les principes basiques de cette représentation :

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Dans cette partie, notre objectif était tout d'abord de définir ce qu'est l'intelligence collective. En explorant son champ sémantique et en la différenciant de l'intelligence des sociétés d'insectes, nous avons focalisé la définition de l'intelligence collective sur l'idée qu'elle consistait à mettre en commun la réflexivité pour travailler collectivement à son développement dans l'espace global de pensée.

Nous avons ensuite présenté trois outils théoriques à notre disposition pour optimiser l'émergence de cette intelligence collective en montrant comment les trois approches de Bruno Bachimont, Miora Mugur-Schächter et Pierre Lévy étaient complémentaires dans la perspective de formaliser l'expression de la connaissance par des langages symboliques appropriés.

Finalement, nous avons analysé les expériences que nous avons menées dans le développement d'outils d'intelligence collective pour montrer les difficultés engendrées par ce type de projet et les moyens de les dépasser, notamment grâce à une adaptabilité aux évolutions des technologies informatiques et à une conceptualisation prenant en compte une hiérarchie des connaissances dans la conception des interfaces hommes - machines.

La conception de ces outils nous a familiarisé avec les problématiques de gestion collective du sens et du développement informatique dans les écosystèmes d'informations numériques. Les multiples erreurs que nous avons commises tant au niveau des architectures techniques que de l'ergonomie des interfaces hommes-machines, nous donnent aujourd'hui suffisamment de recul pour envisager sereinement la conduite de nouveaux développements.

Concernant l'architecture technique à employer pour les développements futurs, l'expérience nous a montré que les solutions adéquates du présent ne sont pas forcément celles de l'avenir. En fait, dans les écosystèmes d'informations numériques le maître mot est : adaptabilité. En effet, il faut savoir, quand le besoin s’en fait sentir, passer par exemple de XML à JSON ou abandonner telles technologies au profit de telles autres, être au fait des dernières librairies les plus efficaces ou les plus utilisées, être à l'affût d'une API ou d'un

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« bout de code » permettant d'économiser énormément de temps... Bref, il faut connaître le métier de développeur qui sait et doit s'adapter continuellement à de nouvelles situations, n'hésitant pas à tout recommencer car en informatique ce qui a été fait une fois pourra être refait beaucoup plus vite...

Du point de vue de la gestion collective du sens, les préconisations sont en revanche plus clairement définissables. En effet, les développements de nouvelles applications devront sans doute s'orienter vers une hiérarchisation claire des tâches sémantiques que l'on peut résumer à trois grandes étapes correspondant au modèle spinoziste de l'information éthique :

• lecture de données,

• mise en relation des données avec une grille sémantique donnée • création d'une grille sémantique à partir d'un langage formel

Tout comme pour l’ingénierie des connaissances MCR et IEML, il faut évidement concevoir ces étapes comme récursives et fractales, l'ergonomie de l'application consistant justement à fixer les limites de cette récursivité pour chaque étape et pour chaque utilisateur. Nous verrons dans la partie suivante (Langage allégorique pour un écosystème d'information p. 173) que pour réaliser ce type d'application, il convient d'imaginer des scénarios, de définir des méthodes voir même des langages capables d'exprimer ce type de complexité.

Dans le cadre d'un projet de recherche en cours, nous mettrons en pratique ces préconisations pour réaliser un Générateur hypertextuel pour l'interprétation des médias sociaux dans une topologie sémantique (Szoniecky & al., 2012a). Ainsi, nous pourrons poursuivre le « work in progress » de cette recherche sur les langages symboliques pour l'intelligence collective qui nous permettra, nous l’espérons, de développer une société plus juste et harmonieuse, à condition que chacun fasse le travail nécessaire d'harmonisation avec les autres :

« Une société, un groupe social, "se constitue" par le fait que différents individus " se montent au même ton" [...] par le fait qu'ils se mettent au diapason" les uns des autres, et qu'ils se trouvent être tous "sur la même longueur d'onde". On voit que les résonances harmoniques entre individus différents conditionnent les résonances internes qui définissent chacun desdits individus. » (Citton, 2008a p. 75)

Ce qui est finalement en jeu dans l'intelligence collective au-delà des objectifs qu'on peut lui fixer ce sont les langages symboliques qui seront mis en place pour régler le problème du sens dans les écosystèmes d'information numérique en répondant aux questions suivantes :

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topologiques des savoirs ? Comment développer, dans ces espaces réticulaires numériques, des écritures qui portent à la fois la charge de produire et d'accroitre les relations ainsi que la nécessité cartographique d'en donner des représentations exploitables et de produire des outils de navigation adaptés ? » (Juanals & Noyer, 2010b, p. 33)

Ce sont ces mêmes questions que posent Hélène Trocmé-Fabre en proposant d'y répondre par des idées permettant l'émergence d'un apprentissage responsable indispensable à l'intelligence collective :

« - La recherche du point d'équilibre à trouver entre le recevoir et le donner, entre potentialisation et actualisation

- L'émergence du sens, puisqu'il n'est pas pré-donné, pré-existant, mais il émerge de l'auto- poïèse et de l'auto-organisation, selon les termes de H. Maturama et F. Varela.

- La médiation et l'accompagnement dans la véritable relation d'aide qui responsabilise l'Autre.

- Le questionnement, c'est-à-dire la capacité d'ouvrir un espace intérieur, de s'auto- positionner, s'auto-évaluer, se penser en devenir. » (Trocmé-Fabre, 2003, p. 29)

Ce sont ces questionnements que nous allons analyser dans la prochaine partie à travers le projet d'un écosystème d'information pour l'ingénierie allégorique.

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Partie 3

Langage allégorique pour un