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Surmonter l’après-Révolution par les livres en Tarentaise

Après les évènements révolutionnaires en Savoie, l‟Église est soucieuse de restaurer la foi. Pour cela, il faut renforcer la culture théologique d‟un clergé moins bien formé, car parti en exil ou moins soucieux de s‟instruire, car préoccupé par l‟impératif d‟échapper aux arrestations. Une liste minimale de livres à posséder et à emporter en cas de fuite est établie par exemple par le vicaire général à Moûtiers dans un Avis pastoral et détermination pour l’administration secours spirituels

dans le diocèse de Tarentaise en 17963.

2.1. Trois ouvrages pour s’instruire des vérités chrétiennes

essentielles

L‟article XI à la page 42 comporte une rubrique intitulée « Des auteurs spécialement conseillés ». La liste débute par un alinéa, dont le titre est « Pour les instructions », sous-entendu des ouailles : un devoir indispensable pour le curé, car « l‟ignorance des vérités du salut [est] un fléau si funeste pour la société ». Est d‟abord préconisée l‟étude du Dictionnaire apostolique dont le titre complet est « plein de desseins pour les mystères, panégyriques, oraisons funèbres, prônes, sermons, exhortations aux personnes ecclésiastiques et religieuses, et généralement pour toutes sortes de discours de piété ». Cet ouvrage est écrit par un prêtre difficilement identifiable car il signe avec les initiales de son prénom et de son nom ; il est imprimé 1679 chez Jean Certe à Lyon4. Ensuite vient l‟Année chrétienne d‟Amable Bonnefons5. Il s‟agit d‟un abrégé de la vie des saints, dont doivent s‟inspirer les personnes dévotes qui veulent vivre saintement. Autant Amable Bonnefons est un auteur connu, autant celui qui lui succède est peu souvent mentionné. Il s‟agit d‟un prédicateur du Jura, dénommé Jean Billot, qui est aussi curé de Malange et ancien directeur du séminaire de

1 A.D.H.S. 8 J 42. Fonds Dechavassine.

2 François VERMALE, Figures du temps de la Révolution en Savoie, Dardel, 131 p., in-8, p. 45.

3 Médiathèque de Chambéry, SEM P 937-4, Avis pastoral et détermination pour administration des

secours spirituels dans le diocèse de Tarentaise, rédigé par le vicaire général, 1er septembre 1796.

4 R.P.P.C.D.V.P.D.L., Dictionnaire apostolique, Lyon, Jean Certe, 1679.

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Besançon. Il dédie ses Prônes à Mgr le Cardinal de Choiseul et obtient un certain succès puisqu‟ils seront souvent réimprimés et même traduits en allemand1. Ils sont tirés de l‟Évangile et comprennent des « sermons choisis propres à donner une mission ou une retraite, un petit discours pour la première communion des enfants, et pur la rénovation des vœux du baptême ». Dans les consignes données aux pasteurs, il leur faut combattre « la mauvaise honte dans la confession, la fausse conscience », mettre entre les mains des fidèles « quelques bons ouvrages, tels que, par exemple, l‟instruction de la jeunesse ». Cette série de petits ouvrages peut donc être fort utile en vue d‟un usage quotidien.

2.2. Un catéchisme de référence

La seconde rubrique de la liste de livres conseillés s‟intéresse aux catéchismes, que peuvent utiliser autant les enfants que les adultes. Sans surprise, celui de Trente est évoqué2 le premier. On ne sait la date d‟impression de cet ouvrage, plusieurs fois réédité. Vient ensuite le célèbre

Catéchisme de Montpellier écrit par Charles-Joaquim Colbert de Croisy3, le neveu de

Jean-Baptiste Colbert. Cet évêque en poste de 1697 à 1738 fait rédiger ce catéchisme au cours des visites pastorales qu‟il mène dans les paroisses nombreuses de son diocèse. Il est connu pour être un défenseur du livre de Quesnel intitulé les Réflexions morales, donc pour se poser en défenseur de la bulle « Unigenitus » de 1713, en étant un des quatre évêques appelants. En même temps, il est un défenseur reconnu du gallicanisme, doctrine qui veut placer le concile des évêques de France au-dessus du pape. Naturellement, il refuse de signer le Formulaire en 1722. Ainsi, le pape lui refuse la réédition de son catéchisme et décide de l‟excommunier car il juge le livre d‟esprit janséniste. Pourtant, c‟est le catéchisme le plus important du XVIIe siècle. Il est rédigé sous forme de questions-réponses. Son auteur affirme que « les petites morales du catéchisme doivent être ouvertes, vives et simples, si le cœur ne parle pas, cela languit ». Charles-Joaquim Colbert de Croisy se caractérise par sa grande rigueur morale, qualité qui est aussi requise chez les ecclésiastiques savoyards.

Il est encore naturel de retrouver cité le Catéchisme historique de Claude Fleury qui contient en abrégé l‟Histoire sainte et la doctrine chrétienne4. Paru en 1683 à l‟origine, il connaît une très forte diffusion en XVIIIe siècle, traduit en latin en 1705, en espagnol en 1722, en italien en 1745, même s‟il avait été mis à l‟index en 1728. Ce récit de l‟histoire de l‟Église depuis sa création, rédigé par un historien réputé, est encore beaucoup en vogue au XIXe siècle.

2.3. Quelques traités relatifs au dogme

Un autre historien est aussi évoqué en la personne de Jacques-Bénigne Bossuet, qui est également un théologien réputé. Mais il figure dans le paragraphe relatif au dogme, avec son

Exposition de la doctrine de l’Eglise catholique sur les matières de controverse5. Cet ouvrage est

commencé en 1682 et expose l‟origine de la Réforme pour mieux combattre le protestantisme, selon le principe suivant énoncé par l‟auteur :

« La véritable simplicité de la doctrine chrétienne consiste essentiellement à toujours se déterminer en ce qui regarde la foi, par ce fait certain : hier on croyait ainsi, donc aujourd’hui il faut croire encore de même, car la foi qui change n’est point une foi, elle n’est pas la parole de Dieu qui est immuable ».

1 Jean BILLOT, Prônes pour les dimanches et fêtes principales de l’année, Lyon, Mauteville,

1771-1774, 5 vol., in-12.

2 Le catéchisme du Concile de Trente, Paris, Desprez, 1686, in-12.

3 Charles-Joachim COLBERT de CROISY, Instructions générales en forme de catéchisme, Paris, Simart, 1728, 2 vol., in-12.

4 Claude FLEURY, Catéchisme historique, Paris, Clouzier, 1683, in-12.

5 Jacques-Bénigne BOSSUET, Exposition de la doctrine de l’Eglise catholique sur les matières de controverse, Paris, Mabre-Cramoisy, 1680, in-12.

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Cette leçon de foi prend tout son sens après l‟épisode révolutionnaire qui a ébranlé les consciences des Savoyards et décimé les effectifs des prêtres. Déjà, Bossuet redoutait la remise en cause de la doctrine qui pouvait conduire à l‟indifférence ou à la négation des dogmes chrétiens. Un autre conseil de lecture est d‟une valeur incontestable : les Instructions pastorales

sur les promesses de l’Église1. Elles témoignent avec force d‟une foi chrétienne profonde, d‟une

piété sincère, qui est nourrie de la Bible et des Pères, en particulier de saint Augustin. Plus d‟un siècle après la parution de son ouvrage, Bossuet reste un théologien de référence pour le clergé

de France et de Savoie, signe aussi que l‟Église peine à renouveler ses maîtres à penser. Moins connu est l‟abbé commendataire de Féniers dans le diocèse de Clermont qui se nomme

Louis Géraud de Cordemoy, présent à travers ici son Traité de l’infaillibilité de l’Église2. Ce théologien est l‟auteur d‟un nombre très important de traités qui ont pour but principal de ramener les hérétiques au sein de l‟Église catholique. Il écrit beaucoup contre les sociniens, les luthériens, les « nouveaux iconoclastes, les nouveaux mystiques défenseurs de la doctrine du pur amour ou encore les protestants ». Cette lutte contre les pratiques qui dévient du catholicisme se poursuit au XVIIIe siècle, comme le confirme la présence du livre de Jean-Baptiste Bullet Réponses critiques à

plusieurs difficultés proposées par les nouveaux incrédules sur dives endroits des livres saints3. Le

titre proposé est inexact, car est simplement relevée l‟expression les Remarques critiques de Bullet. L‟auteur est à la fois un historien et un théologien, qui s‟illustre par une carrière de professeur de théologie à Besançon longue de cinquante années, jusqu‟à devenir doyen de l‟Université. Cet homme d‟Église s‟ouvre au monde des intellectuels laïques, en étant le correspondant de l‟Académie des inscriptions et belles-Lettres et le membre des académies provinciales de Besançon, Lyon et Dijon. Sa culture est donc sacrée et profane. Il disserte sur différents sujets de l‟Histoire de France, sur la langue celtique, ou fait des recherches historiques sur des thèmes plus légers comme les cartes à jouer. Mais son obsession est de prouver l‟existence de Dieu, comme en atteste son Traité de l’Existence de Dieu démontrée par les

merveilles de la nature4. Il s‟agit de convaincre le fidèle par une pédagogie du concret, partant de

l‟observation de la beauté des choses du quotidien pour cheminer vers Dieu.

Dans ce paragraphe sur les auteurs conseillés en matière de dogme, le pendant de Bossuet, grand évêque du XVIIesiècle, est l‟archevêque de Lyon, Antoine Malvin de Montazet, nommé dans la capitale des Gaules à la mort de Mgr de Tencin le 2 mars 1758, en plein cœur du XVIIIe siècle, après avoir été évêque d‟Autun en 1748. Très tôt, ce spécialiste de théologie dogmatique combat les sources des mauvaises croyances, ce qui l‟amène à prononcer en 1750 à l‟Assemblée du clergé un discours dénonçant la corruption. Une fois installé à Lyon, il fait du diocèse de Lyon une place forte du jansénisme en modifiant tous les livres de piété et d‟instruction religieuse, comme le

Catéchisme (1767), le Bréviaire (1776), le Rituel (1787), le Manuel de philosophie (1780), puis

celui de Théologie (1783). Sa pensée est teintée d‟un fort rigorisme comme en atteste son

Mandement contenant des instructions sur la pénitence et des dispenses de carême, paru en

1768, qui proteste contre la facilité à accorder l‟absolution. Il établit la démonstration suivante pour revenir à une plus grande exigence du prêtre à l‟égard du fidèle :

« la conversion du cœur, sans laquelle il n’y a point de vraie pénitence, demande plus de temps et d’efforts qu’on n’en emploie à réconcilier les pécheurs, la conversion du cœur, quand elle est réelle, produit nécessairement des effets dont la prétendue pénitence des pécheurs n’est pas suivie. L’excessive facilité avec laquelle ils s’imaginent rentrer en grâce avec Dieu rend leur pénitence légitimement suspecte, et le peu de fruit qu’elle produit achève d’en prouver la fausseté ».

De même, il est extrêmement sévère à l‟égard des incrédules. Dans son ouvrage le plus célèbre,

Instruction pastorale sur les sources de l’incrédulité et les fondements de la religion5, paru en 1776,

1 Idem, Instructions pastorales sur les promesses de l’Eglise, Paris, Cellot, 1770.

2 Louis Géraud de CORDEMOY, Traité de l’infaillibilité de l’Eglise, Paris, Barrois, 1684, in-12.

3 Jean-Baptiste BULLET, Réponses critiques à plusieurs difficultés proposées par les nouveaux

incrédules sur divers endroits des livres saints, Paris, Breton, 1773, 3 vol., in-12.

4 Idem, Traité de l’Existence de Dieu démontrée par les merveilles de la nature, Paris, 1768,

in-12.

5 Antoine Malvin de MONTAZET, Instruction pastorale sur les sources de l’incrédulité et les fondements de la religion, Lyon, Delaroche, 1776, in-12.

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il dénonce deux sources de l‟incrédulité : la passion et l‟ignorance. Il évoque les arguments des incrédules pour mieux les contrer. Il sait qu‟ils rejettent la religion à cause des mystères, mais, pour lui, ils attestent justement de la grandeur de Dieu parce que les fidèles ne peuvent les comprendre. De plus, l‟acceptation des mystères leur est salutaire car elle abaisse leur orgueil et elle renforce la doctrine admirable de Jésus-Christ et la beauté de la morale chrétienne. Un anonyme, qui serait en fait l‟abbé Joseph Courbon, a montré que l‟Instruction pastorale sur les sources de l’incrédulité n‟est que l‟analyse du Traité des principes de la foi chrétienne de Duguet1. Ceux-ci sont largement évoqués dans la célèbre Théologie de Lyon2, le manuel de théologie qu‟il donne aux élèves de son séminaire en 1780, suspecté de jansénisme, défendu par l‟oratorien réputé Valla.

Pour clore cette rubrique sur le dogme, il est conseillé aux ecclésiastiques du diocèse de Tarentaise de lire « quelques bons auteurs de théologie scolastique qui peuvent être Honoré Tournely3, Jean Polman4, Louis Habert5, Martin Beccan6 ou encore Louis Bourdaloue7.

2.4. Toujours la prédominance de la théologie morale

« Enfin pour la morale et la discipline », comme il est dit dans la quatrième rubrique, apparaît d‟abord le nom de Pierre Collet, docteur de théologie depuis 1719, qui débute ensuite une carrière de professeur de cette discipline. Parallèlement, il poursuit la rédaction du Cours de

théologie de Tournély et fait paraître, en 1749, un ouvrage qui devient un grand classique dans

bon nombre de séminaires du royaume de France et en Savoie, de même qu‟en Italie et en Allemagne : les Institutiones theologicae ad usum seminariorum8. Contrairement à certains livres évoqués précédemment, celui-ci est écrit par un auteur, prêtre de la Congrégation de la Mission, qui est un adversaire déclaré du jansénisme. Il se signale par une vie entière consacrée à l‟étude et à l‟enseignement, particulièrement de la théologie morale, en étant célèbre pour son Dictionnaire de théologie morale.

Comparable par sa renommée est l‟auteur évoqué ensuite : le Père Paul-Gabriel Antoine. Professeur de philosophie et de théologie à l‟Université de Pont-à-Mousson avant d‟en devenir recteur, il fait imprimer une Theologia moralis9 en 1731, qui est ensuite souvent rééditée, tant elle est en vogue. Alphonse de Liguori lui-même reconnaît la doctrine de ce jésuite comme étant d‟une grande sûreté et sévérité. Cela confirme une tendance lourde de la spiritualité du clergé savoyard au XVIIIe siècle, qui oscille entre rigorisme et jansénisme.

D‟ailleurs, cette caractéristique est confortée par la présence de la Morale de Grenoble10 qui correspond à un livre de François Genet. Il s‟agit d‟undes grands succès dela théologie morale de séminaire tout au long du XVIIIe siècle et même plus tard. À la parution du livre en 1670, l‟auteur est professeur de théologie morale à Aix-en-Provence et il rédige ce livre à la demande de l‟évêque du diocèse de Grenoble, Mgr Etienne Le Camus. Mais la casuistique proposée apparaît trop rigide à de nombreux évêques de France et à la Faculté de théologie de Louvain. L‟ouvrage est censuré le 11 mars 1703. Néanmoins, il s‟est répandu dans toute l‟Europe occidentale à la faveur de nouvelles éditions revues et augmentées et est traduit par exemple en latin à Venise en 1703, pour une édition dédiée au pape Clément XI. Cette Résolution des

cas de conscience selon l’Ecriture sainte, les Canons et les Saints Pères, qui est l‟autre titre

plus précis de l‟ouvrage, a un tel succès qu‟elle contribue à la nomination de son auteur comme théologal d‟Avignon par Innocent XI, puis comme évêque de Vaison en 1685. Mais le nouvel évêque ne renonce pas ensuite à ses convictions jansénistes car il accueille dans son

1 Jacques-Joseph DUGUET, Traité des principes de la foi chrétienne, Paris, Guérin, 1736, 3 vol., in-12.

2 Idem, Dissertations et théologiques et dogmatiques, Paris, Babuty, 1727, in-12.

3 Honoré TOURNELY, Cours de théologie, Paris, 1747, 18 vol., in-8.

4 Jean POLMAN, Breviarium theologicum, Paris, Josse, 1666, in-8.

5 Louis HABERT, Compendium theologiae, dogmaticae et moralis ad usum seminarii

Catalaunensis, Paris, Billiot, 1719, in-12.

6 Martin BECAN, Compendium theologiae scholasticae, Paris, Cottereau, 1622, 3 vol., in-8.

7 Louis BOURDALOUE, Pensées sur divers sujets de religion et de morale, Paris, Cailleau, 1734, 2 vol., in-8.

8 Pierre COLLET, Institutiones theologicae ad usum seminariorum, Paris, Garnier 1748, 2 vol., in-12.

9 Paul-Gabriel ANTOINE, Theologia moralis universa, Nancy, Midon, 1727, 3 vol, in-12.

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diocèse les Filles de l‟Enfance de Jésus, congrégation supprimée par un arrêt de 1686, ce qui lui vaut d‟être emprisonné en 1688 pendant de longs mois, même à l‟île de Ré. Rendu à son diocèse, il y meurt en laissant l‟image d‟un prélat doté d‟une grande piété.

Par contre, un contemporain de François Genêt est accusé à tort d‟avoir des tendances jansénistes : il s‟agit d‟un ecclésiastique du diocèse de Rouen, professeur de théologie au couvent de Saint-Jacques pendant des années qui se nomme le Père Noël Alexandre. Dans sa fameuse Theologia dogmatica et moralis1, parue en 1694, et qui connaît un grand nombre

d‟éditions, ce docteur de Sorbonne défend en fait des doctrines qui ne s‟écartent pas de celles de l‟école thomiste. Sa valeur est reconnue par l‟archevêque de Rouen, Colbert, qui recommande en 1696 la lecture de l‟ouvrage à ses curés. C‟est ce que fait un siècle plus tard, exactement, le vicaire général du diocèse de Tarentaise : c‟est dire si la bibliothèque de théologie de base du clergé séculier savoyard peine à renouveler ses livres et ses auteurs de référence. C‟est le signe d‟une liste d‟ouvrages dépassés ou d‟un clergé qui a du mal à adapter sa pastorale à cette fin du XVIIIe siècle.

Pourtant, le livre cité ensuite, est réputé XVIIIesiècle. Il est écrit par l‟évêque de Toulon, Mgr Louis-Albert Joly de Choin en 1749. Son titre est les Instructions sur le rituel de Toulon2. L‟ouvrage se veut pratique, adapté à la pastorale des ecclésiastiques, car il est dit qu‟il contient « la pastorale des ecclésiastiques, et tous les principes et divisions nécessaires aux curés ». Une nouvelle édition paraît par exemple en 1827 à Besançon « enrichie des canons du Concile de Trente sur les sacrements, enrichie de notes importantes et mises en harmonie avec le droit civil ». Couramment appelé Rituel de Toulon sous l‟Ancien Régime, le livre va être souvent réédité au XIXe siècle, en même temps que certains diocèses se dotent progressivement de rituels propres, qui reprennent les formules et les rites du Rituel romain en le commentant. Déjà, le Rituel de Toulon à sa parution vise un large public allant des chanoines aux simples clercs, des confesseurs aux prédicateurs, ce qui explique son succès, puisqu‟il est adapté à la reconquête de fidèles déstabilisés par l‟épisode révolutionnaire.

Son auteur est de la lignée d‟un autre évêque antérieur également présent dans cette liste de livres, qui est Henry de Thiard Bissy. Il s‟agit de l‟évêque comte de Toul, docteur de Sorbonne en 1685, avant d‟être évêque de Meaux en 1705 à la suite de Bossuet, puis d‟être élevé au rang de cardinal en 1715. Ce prélat défend la constitution « Unigenitus » à l‟occasion d‟un

Traité théologique sur la constitution Unigenitus3 et lutte contre les appelants. Mais auparavant

en l700, il a fait imprimer le rituel de son diocèse4 qui s‟apparente à un catéchisme se voulant le plus accessible possible.

Comme il arrive quelquefois dans des bibliothèques du milieu du XVIIIe siècle, apparaît aussi le Pastoral5 de Saint Grégoire le Grand. Ce moine-pape du VIe siècle écrit une œuvre qui est une référence incontournable pour l‟exercice du saint ministère et qui concerne les devoirs des pasteurs en général. Cet ouvrage se compose de trois parties qui abordent successivement les conditions de la vocation, les vertus d‟un vrai pasteur et les règles de la prédication selon les personnes à qui elle s‟adresse et les circonstances qui peuvent se rencontrer. La traduction d‟Antoine de Marsilly au XVIIIe siècle est célèbre6. Est proposé un portrait de l‟évêque idéal en tant que maître et guide de son troupeau et donc comme prédicateur efficace. À son niveau, le curé de Tarentaise peut chercher à s‟inspirer de ce modèle. Le grand principe énoncé est que le chrétien doit tirer de l‟Écriture plus une nourriture quotidienne pour son âme que des connaissances théoriques. L‟ecclésiastique doit connaître la Parole de Dieu, ce qui l‟oblige à beaucoup d‟humilité intellectuelle et guider sa communauté de fidèles vers le salut, mais