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Les bibliothèques des clercs séculiers du duché de savoie du XVIIIe siècle à 1860

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Submitted on 10 Mar 2017

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Les bibliothèques des clercs séculiers du duché de savoie

du XVIIIe siècle à 1860

Michel Collombat

To cite this version:

(2)

N°d’ordre NNT : 2016LYSE2079

THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON

Opérée au sein de

L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2

École Doctorale

:

ED 483 Sciences sociales

Discipline : Histoire

Soutenue publiquement le 16 septembre 2016, par :

Michel COLLOMBAT

Les bibliothèques des clercs

séculiers en Savoie du XVIIIe

siècle à 1860

Devant le jury composé de :

Stéphane GOMIS, Professeur des universités, Université Clermont-Ferrand 2, Président Bruno MAES, Maître de conférences HDR, Université de Lorraine, Rapporteur Éric SUIRE, Maître de conférences HDR, Université Bordeaux 3, Rapporteur

(3)

1

Université Lumière Lyon 2

École Doctorale : Sciences sociales

Faculté de Géographie, Histoire, Histoire de l‟Art et du Tourisme

Département d’Histoire

Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes (LARHRA)

Axe « Religions et croyances »

Les bibliothèques des clercs

séculiers en Savoie du

XVIII

e

siècle à 1860

Par Michel COLLOMBAT

Thèse de doctorat d’histoire

Religions et croyances

Sous la direction de M. Christian SORREL

Présentée et soutenue publiquement le 16 septembre 2016

Membres du jury :

M. Stéphane

GOMIS, Professeur d’histoire moderne, Université Clermont-Ferrand II

M. Bruno MAES, Maître de conférences en histoire moderne, Université de Lorraine

M. Philippe MARTIN, Professeur d’histoire moderne, Université Lyon 2

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tout particulièrement M. Christian SORREL, mon directeur de thèse, qui m‟a apporté son soutien constant dans mon long travail et m‟a donné des conseils pertinents. Je remercie également les directrices et directeurs des Archives départementales de la Haute-Savoie et de la Haute-Savoie, ainsi que leur personnel dévoué, qui m‟ont permis l‟accès aux documents, particulièrement à un nombre très considérable de tabellions d‟Ancien Régime. Sont aussi à remercier les responsables des archives diocésaines d‟Annecy, de Chambéry, de Maurienne et de Tarentaise, les directrices et directeurs des Archives municipales d‟Annecy, de Chambéry et d‟autres villes de Savoie. J‟associe à mes remerciements les directeurs des Archives de Genève et de l‟Archivio di Stato di Torino.

Je ne dois pas oublier de remercier encore mon collègue M. Hubert Favre qui m‟a permis de découvrir certaines bibliothèques d‟ecclésiastiques tarins.

Dans l‟entreprise de mise en forme de ma thèse, j‟ai été aidé par ma mère, ma sœur, Isabelle Collombat, et mon ami, M. Jean-Marie Hubert, qu‟ils reçoivent ici toute ma gratitude.

Enfin, je dois aussi avoir une pensée pour ceux qui m‟ont encouragé par leurs paroles ou leurs pensées.

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INTRODUCTION

Commençons par une anecdote : le samedi 25 juin 2011 a eu lieu à la maison diocésaine d‟Annecy une braderie de livres ayant appartenu à des membres du clergé séculier du diocèse haut-savoyard. Des ouvrages d‟histoire, de théologie, de littérature, d‟arts, de sciences, de voyages ont été vendus à un public venu nombreux. Pour ma part, j‟ai acquis La vie

quotidienne du prêtre français au XVIIIe siècle de Bernard Plongeron1 et l‟Histoire des curés de

Nicole Lemaitre2. Qu‟en déduire ? Tout d‟abord, la circulation des livres, aujourd‟hui comme hier, passe de propriétaires anciens, parfois décédés, à de nouveaux. Ensuite, la grande diversité des sujets de lecture des ecclésiastiques s‟est certainement accrue avec le temps et les progrès de la formation des serviteurs de Dieu. Puis, le souci de réfléchir sur soi, sur une condition qui correspond à un groupe singulier partageant non pas une profession mais un état, ayant en commun une vocation. Enfin, les livres proposés ont eu des années d‟édition très étalées dans le temps, ce qui illustre leur appartenance à des bibliothèques au goût du jour ou plus ou moins en retard par rapport aux préoccupations intellectuelles du temps.

Où trouver les livres achetés, prêtés, lus ou simplement consultés rapidement par les ecclésiastiques savoyards ? En effet, il faut être conscient qu‟il y a une différence entre posséder et lire un ouvrage. Difficile d‟être certain d‟une lecture effective, sauf à trouver des notes prises au fil des pages parcourues. Ce document est très rare. Du vivant du propriétaire, des achats de livres relevés dans un livre de comptes sont intéressants, ou inversement des listes d‟ouvrages établies par un libraire mentionnant des acheteurs ecclésiastiques. Mais ces sources ne peuvent représenter l‟essentiel des sources. C‟est plutôt après le décès d‟un homme d‟Église que les livres délaissés sont relevés dans un inventaire après-décès. Il s‟agit ici du document le plus fréquent et pertinent pour mener cette étude. Il arrive aussi que les testaments évoquent des livres mais soit dans leur globalité pour dire qu‟ils seront légués à des parents, frères ou neveux le plus souvent, voire un membre de la famille qui a choisi l‟état ecclésiastique, soit dans leur singularité à travers une bible, presque toujours, qui doit être transmise à l‟évêque. Elle constitue un témoignage de reconnaissance à l‟égard de l‟autorité, de transmission de l‟ouvrage de référence en matière de foi pour les séminaristes appelés à remplacer les desservants décédés. Ce livre est le symbole de la transmission d‟un savoir immuable entre les générations de clercs séculiers.

Pourquoi rechercher et étudier les bibliothèques du clergé séculier du duché de Savoie au XVIIIe siècle et après la Révolution ? De quoi ces listes de livres sont-elles révélatrices ? Il

s‟agit d‟abord de savoir quels types d‟ouvrages sont présents. À l‟évidence, les livres de théologie seront majoritaires. Mais il faut les classer selon les formes de théologie, qui peuvent être dogmatiques, morales, catéchétiques, parénétiques ou mystiques, voire polémiques. Ainsi, l‟enseignement des prêtres peut avoir une certaine coloration qui peut marquer la foi des fidèles. Les clercs savoyards peuvent avoir un penchant vers le rigorisme ou même une sensibilité janséniste. Au-delà de la théologie, la possession de livres profanes indiquent des centres d‟intérêt très divers, allant de la littérature pour se divertir, au droit pour résoudre des conflits de voisinage, au jardinage voire l‟agronomie car certains desservants disposent de terres attachées à leur bénéfice conséquentes, à l‟astronomie ou à la musique… Ainsi, découvrir une bibliothèque permet de pénétrer dans l‟intimité d‟un ecclésiastique avec Dieu même s‟il reste difficile de mesurer un degré de proximité avec le sacré.

1 Bernard PLONGERON, La Vie quotidienne du clergé français au XVIIIe siècle, Paris, 1974,

284 p.

2 Nicole LEMAITRE, « Un prédicateur et son public. Le père Lejeune en Limousin

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Par extension, on peut chercher à savoir si la culture intellectuelle de ces clercs est empreinte de modernité ou si elle est tournée vers le passé. On va découvrir certaines bibliothèques en retard sur les publications de leur temps, remplies de livres datant du XVIIe siècle, soit en retard

d‟un siècle. Par opposition, d‟autres vont comprendre des ouvrages récents, seront donc qualifiés de modernes, dénotant l‟esprit curieux, ouverts sur les auteurs à la mode, sur le monde dans lequel leur propriétaire vive. On se doute que c‟est d‟une minorité dont il est question tant le clergé est un ordre social conformiste. Cela s‟explique par la soumission à Dieu, le respect de la hiérarchie, particulièrement celui à l‟égard du pape et de l‟évêque. Enfin, et surtout le passage de plus en plus fréquent dans les séminaires marque des générations de prêtres du sceau d‟une culture de plus en plus homogène, fondée sur des valeurs morales irréprochables et une conduite que l‟on peut qualifier d‟austère. On parle alors d‟un clergé nouveau composé de « bons prêtres » dans les diocèses du royaume de France mais aussi dans le duché de Savoie1.

Pourtant, s‟il existe une certaine homogénéité au sein de ce clergé, par la fréquentation du séminaire, l‟assistance aux conférences ecclésiastiques, la possession de livres prescrits par l‟évêque qui constituent une bibliothèque minimale à posséder, certains clercs se distinguent. En effet, ces derniers ont parfois un très grand nombre de livres, fruits d‟achats réguliers ou d‟un legs d‟un parent, d‟un oncle ou d‟un frère par exemple. Ils peuvent aussi se singulariser par des ouvrages ayant une certaine valeur, évaluée à l‟occasion d‟une mise aux enchères publiques. L‟estimation de la bibliothèque est alors faite par un libraire parfois, un confrère le plus souvent. Certains ecclésiastiques ont des bibliothèques versées dans une forme de théologie spécifique. Ce sont des bibliothèques de travail, placées dans une pièce à part du presbytère, un cabinet de lecture. La branche de la théologie choisie aide à caractériser la personnalité et la pastorale que l‟auteur envisage de transmettre à ses ouailles.

Un autre aspect apparaît à travers l‟étude des bibliothèques des ecclésiastiques savoyards : l‟appartenance de certains à un réseau de lecteurs. Les clercs des villes s‟échangent parfois leurs livres. Les chanoines récupèrent les bibliothèques de leurs collègues défunts. Ils empruntent les livres à la bibliothèque épiscopale ou à celle du séminaire. Dans certaines correspondances, les membres de cette élite urbaine et intellectuelle ainsi que des curés de campagne cultivés s‟échangent des conseils de lecture. Ils commandent leurs livres à des libraires de Genève, Annecy ou Chambéry. Ils disposent de nombreuses éditions de Paris ou Lyon. Des hommes d‟Église expérimentés conseillent encore des achats et des lectures d‟ouvrages à des étudiants partis faire leur théologie à Turin. Pendant la période étudiée, la bibliothèque d‟Annecy est fondée sur des legs faits par des particuliers laïcs et des ecclésiastiques partisans de permettre la lecture à davantage de public. Un échange d‟idées entre les élites laïques et ecclésiastiques se développent ainsi, de même qu‟il se répand lentement mais progressivement dans des sociétés savantes et académiques. Un ouvrage est donc un vecteur de connaissances transmises entre parents, collègues, professionnels du livre, hiérarchie, personnalités cultivées, paroissiens parfois. Le prêtre est ainsi bien un intermédiaire culturel situé à l‟interface du monde du réel et de l‟au-delà lorsqu‟il s‟agit de livres de religion par exemple.

Il faut bien dire que les livres détenus par les ecclésiastiques passent rarement entre les mains des simples paroissiens. L‟élévation du niveau intellectuel et de la culture des ecclésiastiques, y compris des curés de campagne, dont certains ont des bibliothèques bien fournies, contribue à accroître la distance qui existe avec leurs ouailles. En même temps, paradoxalement, le livre a pour fonction pour le prêtre de mieux comprendre ses paroissiens. L‟observation des titres possédés permet de deviner les préoccupations du desservant en matière de pastorale, de diffusion de la parole de Dieu. Le chargé d‟âmes cherche à mieux répondre au cours de la période aux interrogations des fidèles dans leur quête du salut puis à les aider à surmonter l‟épreuve révolutionnaire. Se pose la question de la perception des villageois éprouvée par le curé, tant il y a loin du fidèle idéal décrit dans certains livres au fidèle côtoyé au quotidien. Certains ouvrages sont donc plus théoriques que pratiques : à chaque desservant sa bibliothèque est adaptée à ses objectifs d‟exercice du ministère. Finalement, quelle tendance l‟emporte au sein du clergé savoyard : le rigorisme ou une certaine indulgence à l‟égard des fidèles. Même s‟il ne s‟agit pas là d‟étudier les pratiques religieuses des savoyards déjà analysées par ailleurs2.

1 Christian SORREL (s.d.r.), Dictionnaire du monde religieux de la France contemporaine. La

Savoie. t. 8, Paris, Beauchesne, 1996, 443 p.

2 Roger DEVOS, « Pratiques et mentalités religieuses dans la Savoie du XVIIIe siècle : la

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5

Dans une première partie, sera traité l‟enjeu de la circulation des livres et de la constitution des bibliothèques ecclésiastiques. Celles-ci sont retrouvées figées à la mort des hommes d‟Église alors qu‟elles se sont constituées progressivement par des achats ou à l‟occasion d‟un héritage d‟un parent lui-même clerc ou lors de la dispersion des ouvrages d‟un confrère décédé. Dans une seconde partie, les livres possédés par les membres du bas clergé seront étudiés. Ici, les très petites bibliothèques se distinguent de celles plus conséquentes détenues par des desservants cultivés habitant en ville ou à la tête d‟une paroisse nombreuse, même si la distinction entre curés des villes et curés des champs est réelle. Dans une dernière partie, les bibliothèques de l‟élite du clergé séculier, à savoir celles des chanoines, seront abordées pour vérifier si elles sont conséquentes et ouvertes sur la modernité, comme on pourrait s‟y attendre de la part d‟individus ayant fait de longues études et occupant des fonctions importantes au sein de l‟Église de la Savoie du XVIIIe siècle et de la première moitié du

XIXe siècle.

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PREMIÈRE

PARTIE :

LA

CIRCULATION DES LIVRES

D’ECCLÉSIASTIQUES

DÉPASSE

LE

MONDE

DU

CLERGÉ

CHAPITRE I : TRÈS PEU DE LIVRES

SONT POSSÉDÉS PAR LES FUTURS

CLERCS

AU

COURS

DE

LEUR

FORMATION.

1.

Peu d’allusions aux lectures sont faites

jusqu’au collège.

1.1. La mise en pension des enfants chez les

ecclésiastiques

Certains curés de village prennent en pension de jeunes gens. Le curé Coppier, près d‟Annecy, héberge pendant deux années un fils d‟une famille noble, arrivé dans son presbytère, dès l‟âge de six ans. Il lui apprend « quelques teintures » de belles-lettres et de géographie, soit quelques rudiments de matières classiques. Par contre, c‟est un fonds solide de religion qui est inculqué à l‟enfant1. Cela correspond à l‟objectif que les parents ont assigné

à l‟ecclésiastique.

L‟inverse est aussi vrai puisqu‟il arrive qu‟un neveu d‟un curé soit placé en pension chez un bourgeois. Ainsi, le curé Baussand d‟Arenthon reçoit en 1755 une lettre de maître Audé, notaire à La Roche-sur-Foron, au sujet de son neveu placé dans son étude et de fait dans sa

1 Jean NICOLAS, La Savoie au 18e siècle. Noblesse et bourgeoisie, Maloine, Paris, 1978, 2 t,

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famille1. Le temps est venu de fixer le prix de la pension et c‟est l‟occasion de rappeler les obligations réciproques des deux parties contractantes :

« Monsieur,

pour répondre a la lettre que vous m’avé fait l’honneur de m’ecrire dattée de cejourdhuy. J’ay celluy de vous dire que vous m’aurié fait, et a mon epouse un veritable plaisir de fixer la pention de vostre neveu, ne le voulant faire si vous trouvé que ce soit trop de quatorze livres par mois vous en rabattre ce qu’il vous plaira, il sera nourris a nostre table tout comme nos filles, on blanchira son linge, et on aura du vin, je luy montreray l’arithemetique, et il me remplira des contracts pour s’occuper, et se mettre au fait des affaires luy demandant cependant le secret de ce qu’il verra, et de ce qu’il entendra dire ché moy. Mon epouse vous presente ses respects, et nos filles leurs respectueuses obeissances, et ay l’honneur d’être tres respectueusement. de La Roche, ce 17e may 1755.

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur Audé G. ».

Ainsi, il apparaît clairement que le curé peut jouer de ses relations pour placer des membres de sa famille en apprentissage, qu‟il se soucie du devenir de ses neveux, de ses nièces. Une véritable solidarité familiale et intergénérationnelle existe, avec comme vecteur de promotion sociale, le fait d‟acquérir un certain bagage culturel.

Il existe de véritables dynasties cléricales, par exemple en Ile-de-France2. Un individu suscite des vocations dans sa famille au sens large. En Pays de Caux, le curé de Criquetot-L‟Esneval, le révérend Jean Thérouéime en poste de 1692 à 1731, attire près de lui comme vicaire, son neveu Justin, avant qu‟il ne devienne curé de Sausseuzemares. Il héberge également un autre neveu, nommé Pierre Le Febre, étudiant en philosophie à Rouen en 1697. Comme souvent, c‟est un de ses neveux, Étienne Roche, qui lui succède de 1731 à 1736. Un autre, Louis Chartier est affecté à la cure d‟Annet-sur-Marne, sans compter trois autres qui sont Nicolas-François Roche, Guillaume Géhenaut, Nicolas de Sacy, nommés respectivement à la cure de Bouillancy, dans le diocèse de Paris et dans le diocèse de Meaux. Au total, ce sont onze enfants, neveux et nièces, qui vont devenir membres du clergé séculier ou régulier. Bien sûr, cet exemple est extrême par son ampleur mais il se reproduit dans une moindre mesure un peu partout, que ce soit en Ile-de-France ou en Savoie.

Certains clercs tiennent aussi le rôle de précepteurs en France au XVIIIe siècle. Pourtant,

cette activité est condamnée par les évêques, comme celui de Cahors Henri-Guillaume Le Jay en 1685 : « Deffendons à tous les prêtres et ecclesiastiques de notre diocèse de demeurer à l’avenir dans les maisons particulières des laïques pour y exercer l’office et charge de précepteur ou autre sans notre permission expresse donnée par écrit ».

Mais les prélats ne sont pas forcément écoutés car, en 1772, le vicaire Audibert privilégie le poste de précepteur des enfants de madame Chambert, source de trois cents livres de gages, à celui de maître de la régence latine du village. À Escatalens, la première fonction rapporte encore plus pour le clerc enseignant les enfants de la famille Domingon à leur domicile, soit trois cent soixante livres, en 17833.

1 A.D.H.S. 43 J 1734-1736 Académie chablaisienne, RdBaussand, correspondance passive. 2 Jean-Marc MORICEAU, Les Fermiers de l’Ile-de-France, XV-XVIIIe siècle, Paris, Fayard,

1994, 1069 p., p. 676.

3 Guy ASTOUL, Les Chemins du savoir en Quercy et en Rouergue à l’époque moderne,

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1.2. Avant le collège, le passage dans un pensionnat

Mais il existe également des pensionnats, particulièrement dans les villes et les bourgs du duché. Ceux-ci sont présents le plus souvent lorsqu‟existe un collège. Les deux institutions se révèlent complémentaires puisque la première assure l‟hébergement et garde pour la classe les élèves les plus jeunes ou les moins capables, alors que la seconde accueille dans ses cours les enfants désireux de poursuivre des études d‟un bon niveau. À Rumilly, le cas de figure se présente avec le pensionnat établi par Monsieur Donzel, dont on sait juste qu‟il est natif et habitant de la ville d‟Annecy1. Voici les articles à respecter :

1

L’on ne recevra aucun enfant qui sera au dessus de quinze ans.

2

Messieurs les parents payeront a l’entree de leurs enfants au pensionnat, la somme

de soixante livres pour les trois premiers mois de la pension, ainsi à continuer et

plus, selon la cherté des vivres.

3 Les jeunes gens qui lui seront

confiés mettront en depot entre ses mains l’argent

qu’ils auront reçu de M

rs

leurs parents et il le leur distribuera chaque semaine

lorsqu’il le jugera a propos et qu’il sera content de leur conduite.

4 Ils ne sortiront jamais seuls de la maison lorsque la b

ienséance ou quelqu’autre

motif les obligera à faire des visites, ils seront toujours accompagnés et ne seront

jamais perdus de vûe, soit dans les recreations, soit dans les autres exercices.

5 Il leur est defendu de parler à aucun etranger sans en avoir obtenu la permission, ils

ne pourront sans permission recevoir ni ecrire des lettres.

6 On les fera approcher chaque mois les sacrements, et on les y conduira.

7

L’étude du samedi soir sera consacrée en partie à leur apprendre le catéchisme du

Diocèse. l’on instruira particulièrement tous les jours en Carême ceux qu’on

destinera a la premiere Communion.

8 Ils se leveront à six heures en hiver ; à cinq heures en été et ils s’habilleront

promptement, apres quoi ils feront la priere du Diocese en commun en presence

du maitre, ensuite on commencera la classe, à huit heures et demi ils dejeuneront,

apres cela ils reprenderont l’etude. A onze heures et demi, ils se mettront à table ,

pendant le repas ils se tiendront en silence, et on aura soin de les faire manger

proprement. Après le repas on leur permettra une demi heure de récréation

laquelle etant finie, ils se rendront à l’etude, qui durera jusqu’à ce que la classe

commence.

9 Après la classe, on leur laissera une demi heure pour gouter et se delasser, après

quoi ils se

rendront à l’etude.

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9

10

Ils souperont à sept heures, après le souper on leur permettra de se recréer jusqu’à

huit heures.

11 A huit heures ils feront la prière du Diocèse en commun. Laquelle étant finie, ils

iront coucher en silence chacun dans le lit qui lui est assigné.

12

Les jours de vacance ils se leveront à six heures. Lorsqu’ils seront habillés ils

feront la prière comme à l’ordinaire. On les mettra ensuite sur leur propre. on leur

donnera à dejeuner et on les conduira en bon ordre à la messe laquelle ils seront

deux heures.

13

Après la messe, ils se rendront a l’etude pour gouter et se delasser, après quoi ils se

rendront à l’etude.

14

La récréation sera prolongée les jours de congé jusqu’à une heure et ensuite ils

reprendront l’étude. A deux heures, on les conduira a vêpres, si c’est le dimanche

ou jour de fête, et puis à la promenade ou bien on leur procurera quelqu’autre

amusement, lorsque le tems ne permettra pas de sortir.

15

A cinq heures, l’etude recommencera à l’ordinaire, ou bien on leur fera faire

quelques lectures spirituelles.

16

Ceux qui seront capables d’aller au college, y seront accompagné par un precepteur

en bon ordre soit en allant, soit en revenant.

17 Reglement signé par le maître de pension Joseph Marie Duchêne en présence du

secrétaire de la ville de Rumilly.

Le règlement de 1775 est relativement simple. L‟impression qui prédomine est le peu de temps laissé libre aux enfants pour faire autre chose qu‟étudier. Dans un ensemble de seize articles, pas moins de sept font référence à des obligations religieuses des élèves, qu‟il s‟agisse de faire la prière du diocèse, de se rendre à la messe, d‟approcher les sacrements, de faire des lectures spirituelles, d‟apprendre le catéchisme du diocèse. La vie du pensionnaire est rythmée par la prière. Le maître de pension veille à donner une éducation avant tout religieuse aux jeunes garçons. Cela est d‟ailleurs spécifié dans l‟en-tête du règlement. On doit veiller à la piété et aux bonnes mœurs puisque figurent également les mots « politesse » et plus loin « bienséance ». La piété, l‟étude et la politesse sont les trois principaux fondements sur lesquels on instruit les élèves. La durée des cours est fort longue pour des enfants si jeunes. Le pensionnat se veut un lieu dans lequel les activités du corps comme de l‟esprit sont étroitement surveillées. La présence des adultes est continue. Elle transparaît à travers la répétition du pronom personnel « on » dans le texte. La discipline est sévère.

Inévitablement, ce règlement préfigure celui d‟un lieu qui va être le prolongement naturel du pensionnat pour certains élèves, à savoir le séminaire. Ce sont dans les pensionnats et dans les collèges que l‟Église va recruter les futurs ecclésiastiques des diocèses de Savoie.

1.3. Le collège petit séminaire d’Annecy

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10

collège et l‟octroi de bourses pour des étudiants ; des dissensions entre les différentes autorités tant royales que municipales ou diocésaines ; des divergences au sein du personnel enseignant où se côtoient des ecclésiastiques et des laïques ; des enjeux de société puisque les parents sont plus ou moins satisfaits des possibilités d‟études offertes à leurs enfants ; sans compter la dimension européenne prise par cette œuvre émanant d‟un bienfaiteur qui envisage dès le départ que le collège d‟Annecy soit complémentaire du collège d‟Avignon, de l‟université de Louvain en particulier en vue de permettre aux meilleurs élèves de la ville d‟Annecy et même des provinces de la Savoie de faire des études jusqu‟à obtenir différents doctorats. Bien entendu, l‟établissement n‟échappe pas aux soubresauts de l‟histoire tels la Révolution ou les changements successifs de régimes politiques. L‟action de l‟Église est ici capitale à la fois dans sa volonté de contrôler cette institution, d‟en nommer les professeurs, d‟en administrer les bâtiments, de veiller à la gestion des bourses, d‟influer le plus possible dans le choix des cours, d‟où découlent non seulement le recrutement des élèves, mais aussi nécessairement la question de la formation et du renouvellement du personnel ecclésiastique du diocèse. Si les jeunes gens ont réellement débuté leurs études au collège, c‟est le passage au petit séminaire qui entérine leur choix de se destiner à revêtir plus tard la soutane. C‟est dans ce lieu que la culture cléricale se forme avant d‟être approfondie au grand séminaire. En cela, le passage au petit séminaire, étape dans la formation des ecclésiastiques, mérite d‟être envisagée.

Pour comprendre la création du petit séminaire, il faut remonter le cours du temps jusqu‟à l‟établissement du collège. Dès l‟origine, le collège chappuisien est géré par une administration composée du doyen de l‟église collégiale de Notre-Dame, du prieur du couvent des Dominicains, de quatre syndics de la ville. On voit ici l‟importance du rôle de l‟Église. Dès 1614, ce sont les Barnabites qui sont choisis pour enseigner les élèves de la classe des abécédaires jusqu‟à celle de philosophie, ce qui n‟empêche pas des conflits et des procès concernant les bâtiments par exemple. En 1730, le souverain de Savoie retire l‟enseignement aux Barnabites. Un mémoire sur le collège datant de l‟extrême fin du XVIIIe siècle évoquant le nom des

instituteurs, le nombre des élèves, comporte une rubrique intitulée « Observations » particulièrement intéressante, même si elle traduit un parti-pris qui est vraisemblablement celui d‟un homme d‟Église, nostalgique d‟une époque où le collège était synonyme de discipline et d‟un enseignement de qualité, ce qui expliquait le nombre élevé d‟élèves1 :

« L’instruction pour atteindre un but salutaire et sujette à diverses reformes tant dans le mode que dans l’objet de l’enseignement ; on devrait appliquer les jeunes gens aux principes de la langue latine, aux connaissances les plus utiles à la société, et les former dans une étude qui les conduise à la vertu, et aux bonnes mœurs, au lieu de s’attacher à ces grands discours oratoires sans but, ni conclusion. La ville d’Annecy a environ £ 6000 de revenus provenant de la fondation d’Eustache Chappuis pour acquitter le traitement des instituteurs. Avant la revolution le collège chappuisien jouissait d’une grande consideration et étoit le 1er du mont

blanc et comptoit dans son seing annuellement 500 étudiants, dez son renouvellement qui a eu lieu en l’an 6, on y en comptoit déjà près de la moitié du nombre ordinaire, mais des principes revolutionnaires enseignés dans quelques cours en ont éloignés les habitants des campagnes, qui son imbus de l’opinion que les enfants y reçoivent une education contraire aux bonnes mœurs, à la soumission, et au respect qui sont dus aux parents, de sorte que on sait peu de choses des conditions de vie des séminaristes. Ce collêge bien loin de reprendre son ancien lustre, est dans le cas de tomber insensiblement, si le gouvernement ne prend des mesures efficaces pour y établir une discipline, un ordre et un enseignement, où l’on puisse

1 A.M.A. 1 R 4068 Nombre des élèves des différents professeurs, note et observations sur les

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acquerir des mœurs, et les sciences les plus analogues aux besoins de l’ordre social, ainsi qu’on est dans le cas de l’établir, et d’en reclamer dans peu l’autorisation aupres des autorités superieures, afin de servir le public qui depuis quelques années croupit dans l’ignorance, et procurer à cette ville une ressource, qui donnoit l’existence à beaucoup de familles ».

Vers l‟année 1815, il n‟y a plus que cent quatre-vingt six élèves au collège. Ce point de vue montre que l‟inscription des enfants au collège dépend en partie de la perception qu‟ont les parents de la qualité de l‟enseignement, donc des professeurs. Un paragraphe, intitulé « Progrès des étudiants », le confirme :

« D’après les examens, qui ont eu lieu à la fin de l’année, on s’est convaincu, qu’on a suffisamment cultivé dans chaque cours la mémoire des elèves, qui ont montré dans cette partie beaucoup d’émulation, et leurs progres auroient repondu à l’attente du public, si l’instruction étoit dirigée vers les connaissances les plus utiles dans l’ordre social ».

Il apparaît aussi que la Révolution française a considérablement bouleversé le paysage éducatif annécien. Heureusement, le fondateur avait pris soin de créer une administration du collège qui perdura pendant cette épreuve et s‟occupera de veiller au fonctionnement de cette institution. Elle récupéra même des bâtiments construits par les Barnabites et attenants au collège qui servaient de pensionnat pour les jeunes gens instruits dans l‟institution chappuisienne jusqu‟en 1817. C‟est alors que, par lettres patentes du 26 mai 1818, l‟évêque érigea dans les bâtiments du collège un petit séminaire et bénéficia des revenus de la fondation chappuisienne. Cette transformation impliquait un changement à la fois dans les objectifs et dans les contenus de la formation. Il semble que la commission provisoire composée du syndic et des curés des deux paroisses d‟Annecy n‟ait pas envisagé toutes les modifications qui allaient en découler. En premier lieu, le petit séminaire fut voué à former des jeunes gens qui se destinaient à l‟état ecclésiastique, ce qui était en contradiction avec les vues du fondateur. Les opposants prétendaient que ce changement de nom ne devait correspondre qu‟à une surveillance plus spéciale sur l‟éducation religieuse et les mœurs des jeunes gens. Ils s‟estimèrent dupés. En second lieu, la création d‟un petit séminaire bouleversa la nature du recrutement des élèves. Désormais, ne furent acceptés que les jeunes gens qui suivaient les cours de philosophie et de théologie, ce qui eut pour effet d‟exclure ceux des classes inférieures et bien sûr de mécontenter les parents qui avaient perdu « l‟avantage de placer leurs enfants dans cette maison pour y recevoir les premiers principes de la religion et des sciences, surtout ceux du premier age pour lesquels précisement elle auroit été plus utile et meme necessaire car ce n‟est pas lorsque la raison d‟un jeunhomme est deja formée, lorsqu‟il a deja contracté des habitudes fortement enracinées qu‟il peut être avantageux de le placer dans une maison d‟education c‟est dans le premier age qu‟il importe de donner une bonne direction aux sentiments et aux études d‟un jeune homme et de poser d‟une maniere solide les fondements des vertus et des sciences qui doivent le mettre a meme de remplir un jour ses devoirs dans la societé ».

Le petit séminaire constitue donc une rupture par rapport à l‟instruction donnée par les Barnabites qui enseignaient « la jeunesse en pieté et bonnes lettres en faisant eux meme le cours complet de philosophie et de réthorique et faisant enseigner par des personnes versées dans les langues latine et française les quatre classes inferieures et celle des abécédaires ». Pendant cette période, l‟offre éducative devient exclusive, se réduit, au lieu de proposer une « instruction elementaire et preparatoire a de plus hautes etudes des jeunes gens de toutes les classes suivant leur genie dans les differentes sciences et les divers etats de la societé ». Les nouveaux cours proposés mécontentent non seulement les parents mais aussi la municipalité d‟Annecy. Désormais, c‟est elle qui « est obligée de billancer annuellement une somme considerable sur les revenus communaux pour faire face aux traitements des Régents des classes de 4e, 5e et 6e, outre les sommes qu‟elle paye pour les traitements des professeurs de mathématique de dessin et de langue italienne »1.

1 A.M.A. 1 R 3601 Liste des personnels du collège avec indication de leurs lieux de naissance

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Un professeur de quatrième, appelé Claude Dubois, présenté comme clerc1 dans un tableau du personnel du collège, touche en 1816 un salaire de 516 francs et encore 1548 francs à la charge de la ville, rien que pour des enseignants des basses classes. Dans ce tableau, sur un total de onze maîtres, cinq sont des ecclésiastiques, avec à la tête du collège un préfet, qui enseigne aussi la théologie, qui est le chanoine Eustache Mugnier, natif d‟Annecy. En 1839, alors que l‟établissement est redevenu un collège royal mais que les professeurs des classes élémentaires sont toujours payés par la ville, deux prêtres natifs de Sévrier qui enseignent les classes de quatrième et cinquième touchent chacun 700 francs, comme leur collègue de sixième qui est un laïque, mais à la différence de M. Claude Laffin, un laïque qui ne touche que 3 francs par mois, soit un écolage modique payé par les parents des élèves de septième et primaires de la ville. Ainsi, pour certains ecclésiastiques, l‟enseignement leur permet de gagner leur vie, devient une profession que l‟on embrasse sitôt ses études achevées.

Certains séminaristes font le choix de faire carrière dans l‟enseignement, ce qui les amène à poursuivre de longues études, puis à postuler à des postes offerts dans les collèges du duché de Savoie. La Révolution a apporté son lot de désagréments pour certains professeurs en place. Bon nombre d‟ecclésiastiques ont été remplacés par les laïques. Voici la lettre émanant du district d‟Annecy envoyée au syndic de la ville2 du 23 may 1793, l‟an second de la

Republique française :

« Sur les requisitions du procureur syndic, le Directoire a arrêté qu’invitation sera faitte à la municipalité de proceder à la destitution de magnin antoine, de la place de professeur de rhetorique au college nationale de cette ville et de le remplacer par un citoyen laïc et reunissant les qualites requises, pour que le dit magnin puisse se rendre a la requisition du citoyen evêque et faire les fonctions du culte dans la commune où il s’établira provisoirement. Signé sur le registre Dunant fils president, Brunod procureur et contresigné Donat secrétaire ».

Obtenir un poste d‟enseignant dans un collège correspond souvent à un début dans la carrière ecclésiastique à une période considérée par les autorités épiscopales comme un moyen d‟approfondir ses connaissances pour le jeune prêtre, mais qui représente aussi une récompense et une promotion après des études brillantes. Le choix de l‟enseignant est donc l‟objet de beaucoup d‟attention de la part de l‟évêque. Une correspondance échangée entre celui-ci et le syndic, en 1836, montre tout l‟enjeu de cette désignation3 :

« Annecy, 2 février 1836.

Monsieur le syndic. Si je n’avais pas accedé d’abord au vœu que vous m’aviez exprimé de voir la classe de 4e du collège d’Annecy, occupée par un ecclésiastique, je n’en avois pas moins

apprécié les excellentes raisons que vous m’aviez alleguées pour me prouver tout l’avantage de cette mesure. Elle avoit fait une vive impression sur mon esprit, mais l’embarras où je me trouvois alors pour choisir un sujet dont la privation ne m’attira pas de trop fortes reclamations de la part du curé ou meme de la paroisse à qui je devrois l’enlever, arrêta pour quelque temps l’effet de la disposition où j’étois, et où je serai toujours d’obliger le conseil de ma ville episcopale, à qui je suis si absolument dévoué. Plus heureux aujourd’huy je peux disposer d’un prêtre distingué par sa piété et par ses talents, Mrl’abbé Birraux vicaire à Chaumont. Il y a dans

ce jeune ecclésiastique un ensemble de qualités précieuses qui le rendront très propre à

1 A.M.A. 1 R 3602 Etat des fonctionnaires du collège chappuisien d‟Annecy en activité durant

le premier trimestre de l‟année scolaire 1838-1839, 14 mars 1839.

2 A.M.A. 1 R 3679 Extrait du registre des délibérations du directoire du district d‟Annecy

demandant la destitution d‟Antoine Magnin, professeur de rhétorique (23 mai 1793).

3 A.M.A. 1 R 3660 Mgr Pierre-Joseph Rey, évêque d‟Annecy, informe le syndic qu‟il vient de

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réussir dans la nouvelle mission que je lui confierai aupres de notre interessante jeunesse. Le college d’Annecy sera de cette sorte dans tous les dégrès de l’enseignement fourni d’excellents sujets, et il justifiera toujours mieux l’honorable réputation qu’il s’est acquise, et qu’il merite incontestablement, Dieu aimera à bénir cet etablissement, et je m’estimerai heureux d’avoir contribué à ses succès. Agréer, Monsieur Le Syndic, l’assurance des sentiments d’estime, d’affection et de dévouement avec lesquels j’ai l’honneur d’être. Votre très humble et très obéissant serviteur.Rey Pierre-Joseph, Evêque d’Annecy ».

Ces bonnes relations entre ces deux personnalités s‟expliquent par le fait qu‟elles partagent des intérêts communs concernant le collège. C‟est d‟abord un lieu de formation ouvrant à des carrières aussi bien civiles qu‟ecclésiastiques d‟où l‟intérêt de favoriser la qualité des cours, donc des professeurs, dont certains sont nommés par les autorités épiscopales, tout en étant rémunérés par la ville. Il importe de choisir des maîtres ayant de l‟expérience et des capacités parfois exceptionnelles comme ici. Une autre lettre évoque le parcours du prêtre Birraux André qui « aime les enfants et sait s‟en faire respecter, a déjà enseigné pendant quatre ans dans différentes classes à Mélan et même pendant quelque temps la philosophie, a passé une année avec les jesuites à Chambery ; peut, si on veut, donner des leçons de grec ou des leçons d‟allemand, va soigner à merveille cette classe de quatrieme ; je m‟en rejouis à cause de nombreux enfants qui la composent, dont plusieurs sont des jeunes gens de bonne famille et d‟Annecy même »1. La bonne bourgeoisie urbaine annécienne est en effet le terreau social

privilégié du recrutement des clercs.

La transformation du collège en petit séminaire ne satisfait pas l‟intendant du Genevois, qui, alerté par des parents d‟élèves d‟Annecy, adresse une lettre au syndic en 1825 dans laquelle il souhaite qu‟un « etablissement soit ouvert à tous les jeunes gens dans quelque carrière que leur vocation les appelle »2. Reprenant une plainte émise par les parents, il écrit :

« Maintenant il n’existe dans cette ville aucun pensionnat ouvert aux jeunes gens tant de cette citté qu’etrangères, qui suivent les classes inférieures à celles d’humanités. Quel en sera le resultat ? Notre college cessera d’être fréquenté par les etrangers, la ville perdra les avantages qu’elle était appelée à en retirer, et les pères de famille qui habitent cette citté seront obligés d’éloigner d’eux leurs enfants et de les envoyer à l’étranger chercher les moyens d’instruction qui leur étaient assurés dans leur patrie et qui se trouvent perdus, pour avoir laissé dénaturé les fondations qui les garantissaient ».

Ailleurs, il est fait allusion à « l‟exportation de numeraire nuisible au pays comme aux individus »3. En fait, certains parents aisés ont inscrit leurs enfants dans un collège réputé du

Valais. Ces familles invoquent encore les effets néfastes en matière d‟éducation, des arguments de nature morale, puisque « cet éloignement interrompt et affaibli considerablement les affections et les liens qui doivent reunir tous les membres de la famille, il rend l‟enfant en quelque sorte etranger a ses parents, il met le pere de famille dans l‟impossibilité de remplir un de ses premiers devoirs, celui de veiller lui-même sur son enfant, s‟il vient a tomber malade, s‟il contracte de mauvaises habitudes si son education est negligée loin d‟un pere qui ne sera pas la pour sen apercevoir et souvent lon aura le regret de voir revenir un enfant dans la maison paternelle dans un etat desolant de deperissement soit au phisigue soit au moral. Il est inutile de sarreter plus longtemps a demontrer que les devoirs comme les affections du pere de

1 A.M.A. 1 R 3661 M. Bertrand Bernex, supérieur du petit séminaire informe le syndic de la

nomination de Birraux André (19 février 1836).

2 A.M.A. 1 R 23 Lettre de l‟intendant du Genevois au syndic d‟Annnecy, 19 novembre 1825. 3 A.M.A. 1 R 27 Consultation sur l‟abandon fait par l‟administration provisoire du college

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famille lui font une loi deloigner de lui ses enfants le moins quil lui est possible »1. Face à tous ces arguments et devant la procédure judiciaire qui en découla, il n‟est pas étonnant que les lettres patentes du 13 octobre 18322 signées par le roi Charles-Albert entérinent la dissolution

du petit séminaire et le rétablissement du « pensionnat tel qu‟il a existé jusqu‟en 1825, en y admettant des élèves de tout âge, au-dessus de 7ans, capables de suivre une des classes quelconques du college public de la ville et en adoptant les mêmes principes de direction et d‟instruction que l‟on suit dans les petits séminaires de Rumilly et la Roches ».

En 1821, ce petit séminaire d‟Annecy dont la direction est confiée à quatre ecclésiastiques abrite cent cinquante jeunes gens3. Il est difficile de connaître leurs conditions d‟hébergement, et plus encore d‟étude, en l‟absence de découverte de cahiers d‟élèves, ou même mieux de journaux intimes. Néanmoins, un rapport sur l‟état des bâtiments du petit séminaire d‟Annecy laisse entrevoir non seulement les conditions d‟accueil des jeunes gens mais encore combien est essentiel, à plusieurs niveaux, de faire des réparations et même d‟agrandir les bâtiments. De nombreuses salles sont à construire : un réfectoire, une salle pour les récréations, un parloir, une dépense attenante à la cuisine, une chambre tenant lieu d‟infirmerie, des latrines privées. D‟autres lieux sont à transformer comme le dortoir qui doit être « bien plus spacieux et mieux aéré et placé ailleurs et construit de manière à être garanti des insectes connus sous le nom de punaises »4. Voilà qui ne laisse pas présager des conditions sanitaires bien

acceptables. C‟est, par conséquent, le souci de l‟hygiène et de la santé des élèves qui motive cette lettre de réclamation. Ce sont ainsi « les médecins [qui] demandent des réparations et agrandissements pour prévenir les maladies qu‟occasionnent la corruption de l‟air et la chaleur trop concentrée dans les pièces excessivement petites pour de nombreux élèves ». L‟autre argument évoqué a trait au manque de place car « cette maison, où le nombre des jeunes gens qui y affluent, est trop petite de moitié ; les jeunes gens n‟y sont pas logés, ils y sont entassés en salle d‟étude, au réfectoire et ailleurs ». Pour insister, l‟auteur a d‟ailleurs souligné l‟adjectif « entassés ». C‟est qu‟il doit affronter les réclamations des parents dont « il faut faire cesser les plaintes » car ils espèrent depuis longtemps des réparations. Plus loin, est fait allusion au malaise des jeunes gens, et de façon à peine voilée, au fait qu‟ils risquent de se détourner des études ecclésiastiques. Cette situation catastrophique d‟un établissement géré par l‟Église est dénoncée par de grands personnages « de grand nom et de grand jugement » et porte du tort à la principale ville du diocèse d‟Annecy. On dénonce aussi le risque de voir des jeunes gens « se perdre par les rues. On met encore en avant l‟intérêt de les éduquer décemment, surtout ceux « arrivés à l‟âge critique où les passions feront irruption s‟ils ne sont accueillis dans les maisons où la Religion dompte les passions et inspire aux ames de solides principes pour toute la vie ». Par prolongement, on insiste sur la nécessité « de faire des dépenses pour régénérer, par l‟éducation de la jeunesse, la société ». Au passage, le supérieur du petit séminaire rappelle le rôle des évêques de Thiollaz et Rey, et redit que ce dernier a accepté d‟accueillir dans son établissement les élèves de tous les âges et de toutes les classes sociales. Le tableau dressé, même si l‟on peut penser qu‟il a été volontairement noirci par son auteur pour récupérer rapidement des fonds, laisse pantois devant les mauvaises conditions d‟accueil proposées aux futurs séminaristes.

Les parents des élèves qui étudient au petit séminaire doivent acquitter une pension. Un état des jeunes gens qui redoivent des pensions de 1836 montre que les élèves sont issus de toutes les régions de la Savoie du Nord, aussi bien du Chablais, des vallées de l‟Arve, des Aravis, des Usses, du Genevois que de l‟Albanais5

. L‟aire de recrutement est donc très étendue. Beaucoup d‟élèves sont issus de petits bourgs tels Cruseilles, Thônes, de villes comme Bonneville, de villages parfois petits comme Vaulx, Clermont. Tous les pôles du maillage du territoire semblent susceptibles de fournir des élèves. Comme souvent, l‟historien connaît mieux les débiteurs indélicats et qui suscitent par conséquent des procédures

1 A.M.A. 1 R 117 Projet de memoire pour être presenté avec les pieces a l‟apui a M. le

secretaire d‟etat pour les affaires internes relativement à l‟administration du college ensuite de la deliberation du Conseil de mai 1830.

2 A.M.A. 1 R 121 Lettres patentes du 13 octobre 1832. 3 A.M.A. 1 R 21

4 A.M.A. 1 R 3534 Bernard Bernex supérieur du petit-séminaire et préfet des études du collège

royal adresse à l‟administration chappuisienne un rapport sur l‟état matériel de l‟établissement et demande que les réparations nécessaires soient faites (21 mai 1838).

5 A.M.A. 1 R 2445. Etat des jeunes gens qui redoivent des pensions à l‟établissement du

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judiciaires. Même si la plupart des parents finissent par payer les frais des études de leur progéniture, les poursuites coûtent cher au collège qui a recours au service d‟un dénommé Roux, procureur à Bonneville dans les années 18301. On apprend par exemple que le père de

l‟élève Louis Chardon de Bogève doit trois années de pension en 1838 mais fait appel du jugement qui le condamne à payer, ce qui retarde le règlement, puisque « malgré diverses demandes on n‟a encore pu connaître la suite ». Le père d‟un élève appelé Aimé Thévenet de Clermont est débiteur de 625,35 francs en 1838 alors qu‟il « avait été assigné à St Julien et on fit surseoir ; il est mort et ses fils dont quelques uns sont mineurs et orphelins, demeurent à Bonneguête, l‟un est au seminaire, ils ont du recourir a l‟administration sur la menace faite de les poursuivre ». Plusieurs mois de pension n‟ont pas été réglés et la somme à payer est conséquente. Le séminariste évoqué semble se prénommer Jean. Après avoir été institué prêtre le 12 septembre 1843, il devient missionnaire de Saint François de Sales aux Indes2. Une simple annotation de la personne chargée de la comptabilité du collège fait découvrir la composition d‟une famille dont parfois plusieurs frères se destinent à la prêtrise, signe d‟un environnement, d‟une éducation donnée par les parents qui y prédisposent assurément. On peut imaginer les sacrifices et les difficultés rencontrés par certaines familles pour permettre l‟accès à l‟éducation de leurs enfants et deviner combien la voie sacerdotale représente un espoir de promotion et de reconnaissance sociale à travers la lettre du sieur Lachat adressée à l‟administration du petit séminaire d‟Annecy, le 4 juillet 18403 :

« Monsieur.

Persuadé que chaque élève de ce collège vous trouvera favorable à ses demandes lorsqu’elles ne seront point déraisonnables, je viens ce moment vous prier d’accéder à la mienne, touchant la rétribution que nous devons payer à cette ville. Nous sommes trois frères au petit-séminaire, la pension est déjà onéreuse pour nos parens, de plus deux ont déjà payé chacun dix francs à l’université de Turin, il reste le cadet qui est en sixième à s’acquitter de la dette de dix francs envers cette ville, nous vous prions en ce moment, consultant votre bonté de vouloir nous exempter pour cette année de cette dette, ou si vous croyez que cela ne puisse s’accorder en outre veuillez ne desirer de nous que cinq francs nous tacherons de les donner au plutôt, et comptez sur notre reconnaissance, et sur les sentiments respectueux qu’inspirent vos qualités et votre sage administration.

A vos fidèles et dévoués serviteurs. Hypolite, Jean et Jules Lachat ».

Cette lettre a certainement été écrite par l‟aîné des trois frères. Ils ont la chance de faire des études, ce qui n‟a pas été le cas de leurs parents vraisemblablement. Ils appartiennent à une famille nombreuse dont deux enfants étudient à l‟université de Turin en vue d‟obtenir un grade de docteur. La réussite scolaire est l‟objectif assigné par les parents et que les fils visent avec conviction certainement. Le retard de paiement est peu conséquent. Mais on devine qu‟il génère une certaine honte pour cette famille qui éprouve des difficultés à payer autant de frais de scolarité. La solidarité de la famille élargie a dû déjà venir combler certaines dépenses. Visiblement ces jeunes gens n‟ont pas bénéficié d‟une des bourses communales. Écrire une telle lettre pour demander un report de paiement et pour énoncer les raisons d‟une telle gêne doit être douloureux. Cet épisode n‟empêche pas par exemple Hippolyte Lachat de réussir de brillantes études de minéralogie et de géologie à l‟École des Mines de Liège d‟où il sort en 1856 le premier de sa promotion. Il devient alors Ingénieur des mines du gouvernement sarde et organise en 1857 à l‟Exposition de Turin une collection minéralogique complète de la Savoie

1 A.M.A. 1 R 2448. Etat des débiteurs du collège chappuisien que le procureur a été chargé de

poursuivre, 1839.

2 Charles-Marie REBORD, Dictionnaire du clergé séculier et régulier du diocèse de

Genève-Annecy dès 1535 à nos jours, t. 2, Dureuil, Bourg-en-Bresse, 1920, p. 738.

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très remarquée. Après 1860, la Savoie devenue française, il devient ingénieur ordinaire et revient s‟installer à Chambéry en 1885.

1.4. Les études au collège chappuisien d’Annecy

Certains ecclésiastiques laissent à la fin de leur vie des fonds servant à faciliter l‟accès aux études, souvent ecclésiastiques, de leurs neveux ou d‟enfants de leur paroisse. Devant un notaire annécien, le révérend Louis Chappuis, ancien curé de Mésigny, est le fondateur d‟une demi-bourse d‟étude au collège chappuisien offerte prioritairement aux « jeunes gens de la commune de Mésigny dont les pères y sont domiciliés depuis au moins vingt ans ; à défaut des uns et des autres, des jeunes gens de la ville d‟Annecy »1. En 1872, soit trente quatre ans

après sa fondation2, cette libéralité est encore en vigueur puisqu‟un avis est placardé pour

l‟annoncer en mairie à la fois à Annecy et à Mésigny3. Une telle longévité s‟explique par le

montant conséquent du legs qui rapporte 90 francs par année encore en 1869. On peut penser que ce curé, issu du peuple de la campagne, veut promouvoir un jeune ayant la vocation de servir Dieu et qui lui ressemble par ses origines sociales. Ce curé, Louis Chapuis, en poste à Mésigny, mérite d‟être évoqué. Il interpelle par l‟importance du capital qu‟il offre à l‟administration des fondations du collège chappuisien par son testament, le 22 mars 1852, passé devant le notaire Louis Tissot d‟Annecy4 : 14000 livres.

Cette somme est payable jusqu‟à concurrence de 6000 livres en numéraire et le reste en créances, détaillées avec précision dans le contrat passé par cet ecclésiastique « persistant dans ses généreuses intentions », comme le note l‟homme de loi.

L‟administration a donné son accord après sa réunion du 23 août 1851, ce qui montre qu‟elle avait été informée au préalable des souhaits du donateur. En quoi consistent-ils ? Plusieurs articles sont distingués dans la délibération prise. Le premier précise que les intérêts du capital sont destinés « à nourrir et au besoin entretenir au petit Séminaire actuellement établi près le College de la Ville d‟Annecy, deux Boursiers pour suivre les cours dudit collège ». L‟article second détermine le profil des bénéficiaires :

« Ces Boursiers seront nommés par l’administration des fondations du Collège, et seront choisis parmi les jeunes gens peu fortunés qui manifesteront la volonté d’entrer dans l’etat ecclésiastique, et qui seront capables d’entrer au moins en cinquième, seront préférés pour les dites Bourses en premier lieu, les parents paternels ou maternels du fondateur à défaut de ceux-ci, les jeunes gens de la commune de Mésigny depuis au moins vingt ans, et enfin à défaut des uns et des autres, les jeunes gens de la Ville d’Annecy ».

Il s‟agit là d‟une fondation au caractère exclusif destinée à favoriser les études spécifiquement ecclésiastiques. Deux types de transmission du patrimoine se complètent : l‟une verticale entre des membres de la famille du fondateur, signe d‟une solidarité intergénérationnelle, et l‟autre qui est horizontale ou professionnelle, visant à privilégier la reproduction de personnes d‟un même état, porteuses de la soutane. Cette aide financière accompagne toute la scolarité du bénéficiaire et s‟adresse avant tout à des élèves peu aisés, ainsi que le précise l‟article 3 :

« Chaque boursier jouira de la bourse pour tout le cours des études du collège, […] et devra demeurer durant l’année scholaire dans le petit séminaire, sous la direction et surveillance des supérieurs nommés par l’ordinaire, la fondation étant faite spécialement pour des jeunes gens peu fortunés qui aspirent a l’état ecclésiastique ».

1 A.M.A. 1 R 5404 Avis de bourses communales au collège chappuisien, 13 novembre 1872. 2 A.M.A. 1 R 2465 Etat E. Revenus du collège chappuisien (Rentes aux particuliers), 15 juin

1865.

3 A.M.A. 1 R 5413 Avis de la commune de Mésigny à propos de la bourse Chappuis, 24

novembre 1872.

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Les conditions d‟octroi de la bourse sont très détaillées et insistent encore sur un autre point qui a trait aux capacités intellectuelles des bénéficiaires. Il est écrit que « les boursiers nommés seront privés de la bourse et remplacés, si, par des motifs quelconques ils se font renvoyer du Petit-Séminaire ou du Collège ; ils pourront aussi en etre privés, dans le cas ou en fin de l‟année scholaire, ils seraient reconnus incapables de monter a la classe supérieure, la privation de la bourse sera prononcée irrémissiblement pour le boursier qui apres avoir eté déclaré vétéran, dans l‟une des classes, se trouverait dans la même circonstance pour une seconde année, ou qui avant d‟entrer dans la classe des humanités declarerait renoncer à l‟etat ecclesiastique ». La bourse d‟études est réellement accordée au mérite et son allocataire doit sans cesse montrer de bonnes dispositions car elle peut lui être retirée. Le donateur veille par les clauses de sa donation à susciter l‟émulation entre les éventuels postulants :

« Article 5. Avant d’entrer en humanités, chaque boursier sera soumis à un nouveau concours ; de nouveaux concurrents qui auront fait leur troisième, pourront et devront etre substitués à chaque boursier, s’ils leur sont notablement supérieurs en bonnes dispositions ou en merite ; s’il n’y a qu’une différence peu notable, ou qu’il y ait doute, ceux qui sont en possession des bourses les conserveront ; les nouveaux concurrents seront choisis et préférés selon l’ordre de substitution etabli plus haut pour les premiers appelés ».

Les bourses prévues sont au nombre de deux mais peuvent s‟avérer plus nombreuses si les intérêts du capital de la fondation augmentent suffisamment.

En contrepartie de sa générosité, le bienfaiteur a fixé une obligation de reconnaissance à l‟égard de sa mémoire :

« Article 9 : En correspectif de la jouissance des dites bourses, chaque boursier qui sera promu au sacerdoce, sera tenu d’acquitter par lui-même ou de faire acquitter cent messes basses pour le repos de l’ame du fondateur et à son intention ».

Le curé Chappuis souhaiterait ardemment encourager de futurs étudiants en théologie, en quelque sorte ses fils spirituels. Cela peut expliquer que certains villages constituent des pépinières de jeunes gens qui se tournent vers l‟Église. Intégrer cette institution devient alors possible grâce à cette générosité de confrères décédés ou avec l‟aide du desservant en poste, qui s‟avère précieuse dans la détection des talents et dans les conseils donnés aux futurs clercs. Tous ces facteurs se révèlent complémentaires et permettent à l‟Église de Savoie de repérer, encourager, former un personnel de plus en plus compétent au fil du temps. Une tradition d‟encouragement aux études des futurs séminaristes par des legs financiers ou de livres s‟inscrit donc dans la durée. De même, l‟Église tisse un véritable maillage d‟étudiants et de tuteurs en exercice, trop vieux pour exercer encore ou même décédés, mais dont la mémoire reste honorée.

Malgré ces conditions contraignantes, l‟administration chappuisienne, trop contente de bénéficier d‟un legs si conséquent, « déclare d‟une voix unanime adhérer et accepter l‟offre faite par Rd Chappuis »1. Celui-ci décède le 17 septembre 1872 à Annecy-le-Vieux. Durant vingt années, il a reçu la somme de 727 livres correspondant aux intérêts annuels de sa fondation2, de quoi passer une vie décente au hameau de Vignières, dans sa nouvelle commune de résidence. Avec le temps, les conditions d‟obtention de la bourse sont devenues plus sélectives. En effet, s‟il faut fournir des pièces habituelles comme un acte de naissance, un certificat de bonne conduite délivré par le chef d‟établissement où le candidat a commencé ses études, des pièces légales établissant la parenté et le domicile, il faut aussi produire « un extrait de la liste des admissibles, délivré par M. le Préfet, constatant le nombre de points obtenus par le candidat devant la Commission d‟examen instituée à cet effet ».

Le collège chappuisien dispose d‟une bibliothèque. Celle-ci s‟est constituée d‟une part grâce à des achats et d‟autre part au moyen de dons et de legs. Ces derniers sont souvent le fait d‟ecclésiastiques qui délaissent des livres ou de l‟argent pour en faire l‟achat. C‟est le cas du

1 A.D.H.S. Tabellion d‟Annecy 1852, vol. 4, fol. 289. Acte du 1er avril 1852, nore Tissot.

2 A.M.A. 1 R 2788 Mandat du trésorier de l‟administration chappuisienne adressé au révérend

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chanoine, Bernard Bernex d‟Annecy1. Il s‟agit d‟un homme de grande culture, qui a été docteur

en théologie de la Sapience, ce qui n‟est pas si courant. Cette université fondée par le pape Boniface VIII, en 1303, située à Rome, est fort prestigieuse. Revenu à Annecy, il devient en 1824 professeur de théologie au collège de la ville, avant de devenir le préfet de cet établissement en 1830, puis le supérieur du petit-séminaire en 1833. Un an plus tard, il est chanoine titulaire, puis censeur ecclésiastique en 1843, pour achever son ascension dans la carrière comme vicaire capitulaire au décès de Mgr Rendu en 1859. Il meurt le 23 novembre 1862 mais il a fait deux testaments : l‟un du 29 septembre 1851 devant le notaire Fontaine d‟Annecy et l‟autre enregistré le 24 novembre 1862, passé devant le notaire Pierre Duparc d‟Annecy2. Il déclare léguer à ses deux neveux, les révérends François et Pierre-Louis, enfants

de son frère défunt Jean Bernex, tout ce qu‟il délaisse de son patrimoine qui se trouve dans la province de Chablais dont il est natif. Peut-être a-t-il suscité ces vocations familiales ? Comme bien souvent lors du décès d‟un ecclésiastique, les exécuteurs testamentaires désignés par le défunt sont des frères ou neveux, eux aussi parfois clercs séculiers. Pierre-Louis Bernex ne va pas faire la même carrière que son oncle puisqu‟il ne va être que vicaire, successivement dans les paroisses de Villaz et aux Villards. Malgré les appuis offerts certainement par son oncle, il n‟en avait pas les talents, ses études le prouvent, et n‟a pu peut-être que bénéficier d‟un poste proche de lui, dans la périphérie d‟Annecy. En tout cas, son oncle ne l‟a pas oublié à sa mort. Son testament est intéressant par certains articles qui montrent qu‟il était très attaché à l‟enseignement et à la culture en général. L‟article 4 institue la congrégation des missions de saint François de Sales établie à Annecy comme héritier universel pour tous les biens non dévolus à ses neveux. En contrepartie, elle « remettra deux cent francs au Collège d‟Annecy pour achat de livres propres à la sanctification des jeunes gens, tels que entre autres, quelques Vies de Saints. On pourra vendre, pour se procurer ce capital, quelques uns de mes meubles, par exemple : mon sopha, ma table ronde, mon bureau, dit bonheur du jour et autres qui pourraient être jugés plus convenables ». Cette allusion laisse deviner un homme soucieux de l‟éducation de la jeunesse mais aussi de son cadre de vie qui ne semble pas dénué d‟un certain confort. Les procédures d‟acceptation de l‟héritage durent un certain temps et se concluent en 1867. La congrégation des missionnaires de saint François de Sales reçoit la somme de 9045 francs et 49 centimes qu‟elle place en rentes avec un intérêt de 3% et la ville d‟Annecy accepte le legs fait au collège3.

Retrouver le catalogue des livres de la bibliothèque du collège fait lors de l‟année scolaire 1871-1872 s‟avère extrêmement intéressant puisqu‟on peut supposer qu‟une bonne partie des livres étaient sur les étagères lorsque l‟établissement était un petit séminaire de 1817 à 18324.

M. Poitout a pris la direction du collège en 1871. Les livres sont distribués en cinq séries sous les titres suivants : 1° Religion ; 2° Philosophie ; 3° Littérature ; 4° Histoire et Géographie ; 5° Sciences mathématiques, physiques et naturelles. L‟inventaire correspond à quatorze doubles pages. Il est présenté sous la forme d‟un tableau, trois pages et demie concernent des ouvrages de religion. Une note mentionne qu‟ils sont placés dans les rayons du milieu de la bibliothèque.

Quels sont les livres utilisés par les élèves du collège chappuisien devenu ensuite petit séminaire ? On peut en avoir un aperçu en étudiant la bibliothèque mais aussi à travers une

Instruction pour la révision des livres datant de 1755, intitulée également Remarques sur la

manière d’enseigner dans les collèges5. Ce document est divisé en plusieurs paragraphes

intitulés : « Des livres contraires à la Religion ou aux bonnes mœurs ; Des livres contraires à la personne ou aux droits des princes, ou à la société civile ; Des livres qui concernent la médecine ».

1 Charles-Marie REBORD, ibidem, t.1, p. 59.

2 A.M.A. 1 R 2737. Extrait du testament du Rd Bernard Bernex comportant des dispositions

prises en faveur de la bibliothèque du collège chappuisien, 31 décembre 1864.

3 A.M.A. 1 R 2748. Copie de la décision de la Préfecture de la Haute-Savoie validant

l‟acceptation du legs du révérend Bernard Bernex.

4 A.M.A. 1 R 3095. Catalogue des livres se trouvant à la bibliothèque du collège au début de

l‟année scolaire 1871-1872.

5 A.D.H.S. 1 G 603 Remarques sur la manière d‟enseigner dans les collèges. Instruction pour

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