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Le modèle paysan polonais et ses trajectoire

IV. B.2.a Surfaces forestières

Les espaces forestiers représentent 29 % du territoire polonais, 17 % de ces espaces sont constitués par des forêts privées, détenues essentiellement par des exploitants agricoles. Ces forêts paysannes représentent une des caractéristiques de l’agriculture du Nord-Est de la Pologne, telle qu’elle peut être observées par exemple autour de la ville de Białystok, dans la haute vallée de la Narew, en limite du parc national de Biebrża ou dans le parc paysager de la forêt de Knyszyn.. Cette zone se caractérise en particulier par la puszcza (qui traduit l’idée de « grande forêt »ou « vieille forêt » respectable), dont la composition est estimée Proche de l’Etat Naturel. Cette situation encourage à prêter une attention particulière aux méthodes adoptées localement pour l’agriculture, en particulier dans l’environnement immédiat des parcs.

Photographie 3 : [K2]

Bois de chauffage fraîchement coupé - Photo Catherine Darrot

Photographie 4 : [K2] Rotation biennale : à gauche leur champ de seigle, à droite d’avoine. En arrière-plan la parcelle de forêt paysanne du voisin -

Photo Catherine Darrot

Dans la zone de Białystok, nous avons mené nos entretiens de thèse à Knyszyn (2004- 2005) et des entretiens exploratoires de DEA (2003) dans un rayon de 35 km autour de la ville. La synthèse des surfaces de forêt paysanne disponibles sur les exploitations est la suivante (tableau 6) :

Les surfaces forestières disponibles dans les exploitations sont inversement liées à la qualité moyenne des sols (tableau 7). Dès lors que les sols de qualité V ou VI disparaissent, aucune surface de forêt paysanne n’est implantée : les petites surfaces boisées correspondent alors aux feuillus sur pâtures humides ou en bordure de cours d’eau (avec une prédominance de

Ref. Exploit Surface exploitation (Ppté + location en ha)

Pâturage sur prairies (en ha)

Surface forêt (en

ha) % Forêt (en ha)

K1 18 4 22% K2 5,65 0 0% K3 20,47 0 0% K4 15,5 0,5 3% K5 43 18 42% K6 22,42 0,5 10,5 47% K7 27 0,5 0 0% K8 20 0,5 1 5% K9 15 2 13% K10 17,5 0,21 0 0% K11 22 6 27% K12 25,5 8,7 34% K13 12 1 8% K14 11 0 0% K15 20 1 5% DEA B1 14,6 0 0% DEA B2 9,3 1,3 14% DEA B3 5 1 20% DEA B4 5 2 40% DEAB5 45 9 20% DEA B7 27 1 4% DEA B10 17 7 41% Moyenne 19 3,36 18%

Qualité sols SAU disponible Forêt et bois

D1 III 14,5 0

D2 II à V 50 0,5 Zone humide (zh)

D3 III (qq V) 50 0,5 Forêt spontanée éloignée

D4 III à V 8,9 0

D5 II ou III 50 0

D6 II et III 8,54 0,17 Petite zone boisée

D7 III 11 0

D8 III 7,9 0,13 Bois (pas forêt)

K1 V – VI 11 4 Forêt paysanne mixte

K10 IV à VI 17,5 0,21 Forêt paysanne mixte

K11 IV à VI 22 6 Forêt paysanne mixte

K12 III à VI 25,2 8,7 Forêt paysanne mixte

K13 IV et V 11,83 0,93 Forêt paysanne mixte

K14 IV et V 11 0,5 Forêt paysanne mixte

K15 IV et V 20 1 Forêt paysanne mixte

K2 V 3,15 0

K3 IV à VI 20,47 0

K4 III (?) 15,5 0,5 Forêt paysanne mixte

K5 IV et V 43 18 Forêt paysanne mixte

K6 IV et V 22,42 3,09 Forêt paysanne mixte

K7 V et VI 27 5 Forêt paysanne mixte

K8 II à V 20 1 Forêt paysanne mixte

K9 IV 15 2 Forêt paysanne mixte

S1 II majoritaire 11,2 0 S2 II majoritaire 24,27 0 S3 II majoritaire 2,25 0 S4 II majoritaire 11 NR S5 II majoritaire 3 0 S6 II majoritaire 12 0 S7 II majoritaire 2,5 0 S8 II majoritaire 46 0 S9 II majoritaire 30 0 S10 II majoritaire 40 0 Z1 II à III 1,28 0 Z2 II à III 4,2 0 Z3 II à III 5,35 NR Z4 II à IV 20 0 Z5 III 5,12 0,11 Saules en zh

Z6 Bon sauf pt 1 0,3 zh en bordure cours d’eau

Z7 NR 15 0

Z8 II à III 6 0,5 zh en bordure cours d’eau

Moyenne 18 1

Les surfaces forestières plantées à Knyszyn sont conduites selon un mode propre aux forêts paysannes :

[K1] La forêt (qui fournit le bois) doit être renouvelée après 50 ans, sinon elle devient toute sèche

Cette forêt a été implantée sur d’anciens champs. Pour qu’elle soit bonne, il faut faire deux coupes (d’éclaircissement ?) avant que la troisième coupe soit vraiment intéressante. La forêt n’est vraiment intéressante qu’au bout de 150 ans, lorsqu’elle est ainsi plantée sur des champs labourés.

Le forestier de la zone, interrogé, rappelle pour sa part la loi qui interdit théoriquement les coupes d’exploitations avant 80 ans, quelque soit le mode de propriété de la forêt. Il souligne par ailleurs que les forêts paysannes sont conduites selon des modes empiriques qui diminuent leur productivité moyenne à l’hectare par rapport aux forêts d’Etat.

[K4]Nous prenons du bois de chauffage et du bois de construction dans la forêt. Par exemple, nous avons construit la grange, le garage. J’ai apporté le bois à la scierie, à un spécialiste.Pour cela, j’ai du chêne, du pin, du sapin. En automne (octobre), on abat les arbres, c’est mieux pour les utiliser. Il n’y a pas de taille spéciale, la taille se fait après la coupe. On ne fait pas attention au vent, à la lune, pour les abattages. On ne regarde que l’âge de l’arbre 50 ans, c’est bien. J’ai laissé pousser ma forêt, maintenant j’ai abattu : il faudra replanter. Notre forêt a 50-60 ans. Mes grand-parents ont abattu des arbres et replanté de nouveaux. Il n’y a pas eu de gros changements dans la surface forestière, pas de vente ou de don de bois.

[K6] On peut abattre seulement les arbres secs ou les malades, sinon il faut attendre qu’ils aient 80 ans. Pour les forêts privées, on fait comme on veut. Les gens ne respectent pas cette loi, on ne leur dit rien, car on sait bien que les agriculteurs doivent abattre des arbres s’ils ont besoin d’argent. Ensuite ils replantent des pins (comme avant), nous avons surtout de la forêt de pins.

[K15] Je ne connais pas cette loi. Elle ne s’applique pas ici.

Dans la majorité des cas (exception [K6]), aucun projet d’exploitation commercial n’est lié à ces surfaces forestières : dans le cas de [K12], les compétences pour évaluer volume et qualité faisaient d’ailleurs défaut, de l’avis même de l’exploitant, ainsi que la volonté : la vente de bois est assimilée à la fonction de forestier, pas à celle de paysan. Il n’en reste pas moins que ces forêts paysannes procurent nombre d’avantages à leurs propriétaires et forment une composante importante du système idéal-typique national pour valoriser les terres de faible valeur agronomique. L’utilité, l’attachement culturel, se mêlent aux aspects utilitaires.

[K4] Nous prenons du bois de chauffage et du bois de construction dans la forêt. Par exemple, nous avons construit la grange, le garage (c’est lui qui l’a autoconstruit). J’ai apporté le bois à la scierie, à un spécialiste. Nous cueillons des champignons (bolets, cèpes, armillaires, girolles), des myrtilles. Nous nous y promenons tous les jours, elle est à 3 km. Nous ramassons peu de ces produits, il y en a peu, nous ne faisons pas de conserves. Nous avons appris à reconnaître les champignons à l’école, dans les livres…

Les gens aiment la forêt ici.

[K3] Nous ramassons beaucoup de champignons. L’an dernier a donné une récolte record, l’année précédente la cueillette était interdite à cause de la sécheresse. Nous ramassons 3 sortes de champignons : bolets, cèpes, lactaires. Nous ne ramassons pas les framboises mais les tiges (infusions contre rhumes)

[K2] la dernière fois que nous avons ramassé des champignons par exemple, nous avons ramené 6 grands paniers. Nous avons trié les champignons pendant trois jours. (Citent au moins 15 espèces prélevées). J’ai appris à reconnaître les champignons avec le voisin quand j’étais enfant.

[K1] Dans ma forêt, les gens viennent cueillir des champignons et des framboises, l’accès est libre. Je n’ai pas prélevé de bois de construction depuis 10 ans : ce n’est pas du bon bois, juste pour le chauffage. Quand j’avais des pâturages, on allait chercher des piquets de clôture en forêt.

4 ha de forêt pour le bois de chauffage suffisent. Il en faut beaucoup pour moi, puis pour mon gendre qui a pris 30 m3 cette année.

Je ne prête pas attention au chauffage : on abat les arbres secs et encore pas tous. Finalement je garde cette forêt parce que je l’aime bien, j’aime m’y asseoir. Après ma retraite, à la longue, je ne sais pas ce qu’elle deviendra. Peut-être est-il possible de la transmettre à mon fils mais il faudrait qu’il ait des compétences agricoles, c’est la loi. Si elle devient la propriété d’un tiers, je n’aurai même plus la possibilité d’y entrer.

Les gens en général ont de la forêt car il n’y a pas d’autre possibilité d’usage de ces sols de mauvaise qualité. Quand mes parents étaient jeunes, ils ont essayé de fertiliser ces terres, en apportant du fumier, en plantant du lupin, des mélanges céréaliers… Mais cela n’a rien donné. La seule chose possible sur ces surfaces est la forêt. [K6] Nous laissons la cueillette des champignons (girolles) et des myrtilles en libre accès pour ceux qui veulent. Pour le bois, des gens se servent peut-être en cachette, il n’y a aucun accord officiel (mais il est établi que des gens viennent chercher du bois !!) Cela nous embête car c’est du vol. Il faudrait surveiller mais nous ne pouvons pas vraiment le faire. Nous ne prenons pas nos propres arbres pour la construction car ils ne sont pas très bons. Nous vendons notre propre bois et nous prenons des arbres des forêts d’état pour nos constructions.

Nous avons tout de même fait un chantier de reconstruction à partir de notre bois.

[K9] Cette forêt est un mélange de conifères et feuillus. Sapins, pins chênes, charme. Comment nous décidons de couper ? Quand il fait froid on va en forêt et on coupe ! On ne vend pas de bois. On coupe les arbres secs, pas droits, les beaux arbres sont gardés comme bois d’œuvre. (escaliers, bancs et tables pour la cour, planches…). Nous avons utilisé ce bois pour cacher les trous dans la charpente, améliorer l’étable et la grange.

[K12] Avant je vendais du bois mais les gens ne sont jamais contents, il y avait toujours trop ou pas assez de bois. Je prends mon bois de chauffage ici et dans d’autres forêts, mon bois de rénovation vient d’ici. Mon grand-père s’est occupé de planter la forêt, sur des sols de catégorie V et VI. D’ailleurs la famille s’est battue pour que la forêt ne soit pas implantée ici car il y a une petit bout de terre de catégorie III. La loi communiste a fait que les sols les plus pauvres devaient être plantés en forêt. Avant ici il y avait moins de forêt.

[K15] Le bois de construction est toujours le notre, il n’est jamais acheté. Je ne vends pas non plus de bois car chacun a une petite forêt. Pour l’entretien, je coupe les arbres secs et je laisse pousser les jeunes arbres. Je n’ai pas vraiment de contact avec le forestier, si j’ai besoin d’une autorisation il fait le document en disant que la forêt m’appartient.

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