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Quelques sujets de réflexion

européennes : le chAntier législAtif

VII. Quelques sujets de réflexion

Au moment de la rédaction de la présente contribution, l’examen du projet de révision de la LPCC par le Parlement vient de débuter et il est difficile de présager de son issue définitive.

L’analyse qui précède met en évidence que le processus de révision de la LPCC n’est pas une tâche aisée. Elle s’inscrit dans une perspective straté-gique qui doit intégrer plusieurs dimensions. Il s’agit d’un enjeu d’équilibre.

Ce défi se retrouve tant au niveau de chacun des objectifs-clés poursuivis par les autorités et l’industrie (protection des investisseurs, compétitivité de la place suisse de gestion collective au sens large – incluant les activités de gestion comme les placements collectifs eux-mêmes – et bonne réputa-tion de notre place financière), qu’au niveau du poids respectif à donner à ces différents objectifs.

Ainsi, ce processus a mis plus particulièrement en exergue les ques-tions de portée stratégique suivantes :

(i) Quels sont les véritables standards internationaux dans le domaine de la gestion collective ?

Alors que les législateurs de la plupart des pays sont engagés, à un rythme effréné, dans un processus de renforcement de la réglementa-tion, le Conseil fédéral s’est souvent référé dans son message du 2 mars 2012 à la nécessité d’adapter notre réglementation aux “standards internationaux”. Mais quels sont véritablement ces standards que le Conseil fédéral utilise comme boussole réglementaire ? La réglemen-tation de l’Union européenne, celle d’autres grands pays tels que les Etats-Unis, ou les recommandations d’organisations multilatérales comme l’IOSCO ? De ce point de vue, le projet du Conseil fédéral du 2 mars 2012 n’est guère cohérent puisque les standards semblent varier en fonction des sujets et des objectifs poursuivis. Or, si la conformité de la réglementation suisse à de véritables standards internationaux est un objectif parfaitement envisageable, et même louable, la sécurité du droit mériterait que l’on définisse précisément quels sont les standards internationaux dans le domaine de la gestion collective auxquels on se réfère.

(ii) Quels maintien et développement de la compétitivité de la place suisse de gestion collective ?

Aussi bien dans le projet mis en consultation le 6 juillet 2011 que dans le projet de loi du 2 mars 2012, le Conseil fédéral a souligné la nécessité de maintenir et de développer la compétitivité de la place suisse de ges-tion collective. Cet objectif figurait d’ailleurs déjà dans les dernières procédures de révision législative dans le domaine des placements col-lectifs. Or, curieusement, cet objectif semble, pour le Conseil fédéral, se limiter, dans la présente révision de la LPCC, à permettre aux ges-tionnaires établis en Suisse de pouvoir agir sur base de délégation d’un gestionnaire de l’UE dans le cadre de la gestion de placements collec-tifs situés au sein de l’UE. Certes, il s’agit d’un objectif important pour la place suisse de gestion collective, mais est-il véritablement suffisant pour maintenir et développer les compétences suisses en matière de gestion collective et de création de placements collectifs, à un moment où ce secteur revêt une importance cruciale au vu des difficultés que connaissent d’autres segments d’affaires de la place financière suisse ? Le projet du Conseil fédéral manque singulièrement de contenu, de souffle et de profondeur sur une thématique ayant autant d’impact en termes de places de travail en Suisse. Sans doute cette approche défi-ciente est-elle en bonne partie la conséquence d’un processus législatif conduit dans l’urgence et auquel les représentants de l’industrie n’ont été que très partiellement associés.

(iii) Quelle approche adopter en termes de protection des investisseurs, no-tamment à l’égard des investisseurs qualifiés ?

De manière parfaitement légitime, la protection des investisseurs se trouve au cœur du projet de révision de la LPCC. Une partie impor-tante des modifications concerne la protection des investisseurs quali-fiés, pour lesquels le droit suisse fixe en effet un cadre peu contraignant.

Cela dit, la question fondamentale que pose l’approche retenue est celle de savoir dans quelle mesure les modifications proposées (qu’il s’agisse en particulier de la nouvelle définition de la notion d’investisseur qua-lifié ou de l’arsenal des mesures envisagées en matière de distribution) apportent véritablement aux investisseurs concernés un surcroît de protection, alors même que ces exigences accrues auraient pour effet la réduction de l’offre disponible. Or, en période de marchés financiers

difficiles et volatils, un large choix de véhicules de placement est par-ticulièrement important pour des investisseurs tels que des caisses de pension qui peinent à atteindre les objectifs de rendement requis eu égard aux besoins de financement des retraites.

(iv) Quelle relation par rapport au droit de l’UE ?

La dernière question fondamentale que pose ce projet de révision, à l’instar de la très grande majorité des évolutions réglementaires en cours dans le secteur financier, est celle de la relation entre le droit suisse et le droit communautaire. En filigrane, il s’agit de l’indépen-dance (réelle ou perçue) de nos processus législatifs et de la capacité des intermédiaires financiers suisses d’accéder, sans subir d’entraves trop conséquentes, au marché intérieur de l’UE. Depuis le rejet en vota-tion populaire de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique euro-péen en décembre 1992, le législateur suisse hésite constamment entre indépendance et alignement de son cadre réglementaire sur celui de l’UE, les dernières évolutions tendant néanmoins vers un alignement accru. Au moment où l’UE souhaite renforcer son marché intérieur, harmoniser les règles communautaires et poser des barrières plus éle-vées pour les acteurs de pays tiers, la réflexion sur le positionnement de la réglementation suisse, dans le domaine financier, par rapport à la réglementation européenne, doit être menée dans une perspective non seulement technique, mais également économique – assurer la meilleure compétitivité possible à la place financière suisse et préserver les postes de travail qu’elle génère – et enfin politique, afin de prendre en compte les évolutions possibles du cadre institutionnel de nos rela-tions avec notre grand voisin européen.

On ne peut qu’espérer que nos parlementaires ne perdront pas de vue ces questions stratégiques au moment de traiter un sujet aussi technique que la révision de la LPCC !

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